TRIUMPH SPITFIRE (1962 - 1980)
ROADSTER SPIRIT
Véritable icône de la production automobile anglaise, la Triumph Spitfire a démocratisé le petit roadster populaire par de là les frontières et les continents. Irrésistiblement 60's, la petite Spit' reçoit le nom du plus prestigieux des avions de chasse de la Royal Air Force pour partir à la conquête de l'Europe et des USA...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : Bahman Cars
La Triumph Spitfire est née de la volonté du groupe Standard-Triumph de prendre une part plus importante du festin que représente le marché des voitures de sport aux USA. Jaguar, MG et Austin Healey et Triumph exportent en effet par cargos entiers leur production outre-atlantique mais ces modèles qui font rêver l'Europe sont aussi trop chers pour une majorité d'acheteurs. Aussi, lorsque l'Austin-Healey Sprite et la MG Midget inaugurent le créneau des roadsters populaires à la fin des années 50, le succès est immédiat. L'idée de Triumph d'exploiter la même recette en développant un petit roadster à bas coût ne met donc pas longtemps à germer pour donner une descendance à la vieillissante TR3.
PRESENTATION
C'est au designer italien Michelotti que revient la tâche d'imaginer le futur petit roadster de Triumph. En 1959, alors que le groupe Standard-Triumph est créé, un premier prototype est réalisé. Mais finalement, le projet est remisé dans un coin de l'usine car Triumph est alors en grandes difficultés financières. Lorsque Leyland Motors prend finalement le contrôle de Standard-Triumph en 1961, le projet avorté est rapidement remis en chantier pour donner naissance à la Spitfire 4 (pour 4 cylindres) dès le salon de Londres 1962.
Par rapport au prototype, le modèle de série diffère très légèrement, avec deux demi-pare-choc dans les angles à l'arrière au lieu d'un bloc entier. Sur un châssis raccourci de Herald, la Spitfire est construite avec une carrosserie en acier boulonnée. Immédiatement, elle séduit le public avec ses lignes dynamiques et fluides. Contrairement aux Sprite et Midget qui se contentent de déflecteurs latéraux, la Spitfire rompt avec la tradition du roadster classique en s'équipant de vitres latérales coulissantes. L'autre particularité de la Triumph Spitfire est d'offrir une partie avant d'un seul bloc (capot+ailes) permettant un accès très large au moteur. En ces temps là, il n'est en effet pas rare de devoir soulever le capot. par ailleurs, ce trait de style emprunté à la Jaguar type E confère un surplus de prestige à la Spitfire.
HABITACLE
L'intérieur de la Triumph Spitfire séduit également le public. Son originale planche de bord en tôle couleur carrosserie regroupe tous les cadrans et interrupteurs dans sa partie centrale. Cette petit astuce permet de réduire les coûts de production en n'ayant qu'un seul élément partagé pour les versions à volant à droite et à gauche. Indicateur de vitesse, compte-tours, thermomètre, jauge d'essence, témoins de grands phares, pression d'huile, allumage, et Indicateurs de direction. Le volant à deux branches en plastique est d'un diamètre déroutant (406 mm !) mais offre un réglage télescopique de 101 mm. La sellerie en simili ne fait pas illusion d'un haut de gamme bien longtemps et son revêtement a souvent donné lieu à de beaux souvenirs de brûlures aux cuisses ! L'équipement de série est restreint pour tenir un prix plancher. Ainsi le chauffage et le dégivrage sont en option de même que les... pare-soleil. Les roues en tôle avec enjoliveur chromé peuvent être remplacées en option par des jantes à rayons plus élégantes. Le petit roadster Triumph n'oublie pas les aspects pratiques pour autant et offre un grand coffre à bagages qui ferme avec serrure, une tablette pour paquets au-dessous du tableau de bord et un espace de rangement derrière les sièges. En option dès l'année suivante, le client peut agrémenter la Spitfire d'un hard-top détachable en acier (6 boulons) avec de grands vitrages et d'une overdrive de transmission Laycock de Normanville pour les 3ème et 4ème rapports.
CARACTERISTIQUES
TRIUMPH SPITFIRE Mk2 / Mk 3
MOTEUR
Type : 4 cylindres en ligne, 8 soupapes
Position : longitudinal AV
Alimentation : Carburateurs jumelés SU
Cylindrée (cm3) : 1147 / 1296
Alésage x course (mm) : 69,3 x 76 / 73,7 x 76
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 67 à 6000 / 75 à 6000
Puissance spécifique (ch/L): 58,4 / 57,9
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 91 à 3760 / 102 à 4000
Couple spécifique (Nm/L) : 79,3 / 78,7
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports): manuelle (4)
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques pleins (228) - tambours
Pneus Av-Ar : 5,20 x 13
POIDS
Données constructeur (kg) : 735 / 748
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 11 / 9,9
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 154 / 158
400 m DA : 18"5
1000 m DA : 34"5 / 33"5
0 à 100 km/h : 15"5 / 14"5
CONSOMMATION
Moyenne (L/100 Km) : 7,4
PRIX NEUF (1963) : 12.900 FF
COTE (2011) : 9.000 €
PUISSANCE FISCALE : 7 CV
MOTEUR
Extrapolé directement du 948 cm3 de la Triumph Herald , le petit 4 cylindres a été légèrement optimisé afin d'offrir des performances plus sportives. Dans sa première version dont l'alésage a été augmenté de 6 millimètres, le 1147 cm3 délivre ainsi 63 ch à 5750 tr/mn et 91 nm à 3500 tr/mn avec deux carburateurs SU et un taux de compression de 9:1. Les pistons sont en alliage d'aluminium, le vilebrequin à 3 paliers, les coussinets en Indium et les soupapes en tête commandées par tiges-poussoirs. La transmission de la berline est également conservée, avec 4 rapports + marche arrière. L'embrayage est hydraulique et permet une conduite assez agréable dans toutes les conditions.
La souplesse du petit moteur étonne, compte tenu de sa faible cylindrée. Il faut dire qu'avec seulement 735 kg à vide, la Triumph Spitfire jouit d'un rapport poids/puissance relativement intéressant. Certes, dans l'absolu ses performances n'ont aujourd'hui plus rien de sportives (1000m DA en 34"5...) mais les sensations non filtrées et la sonorité sympathique du petit moteur font rapidement oublier l'envie de poser un oeil sur le chronomètre. Par ailleurs, pour l'époque la consommation du roadster est très modérée et même si le prix du carburant n'est qu'un détail en ces temps bénis, cela permet une autonomie appréciable. La Triumph Spitfire n'est pas un foudre de guerre et il est inutile de trop faire grimper le compte tours, ce moteur n’est pas fait pour cela, mais elle est dans le coup face à ses rivales. La vitesse de pointe de 148 km/h ou le 0 à 100 km/h en 17"5 peuvent prêter à sourire mais son moteur simple et robuste fait le bonheur de nombreux conducteurs aujourd'hui encore. Cela dit, les évolutions mécaniques vont rapidement se succéder (voir EVOLUTION).
SUR LA ROUTE
La conception de la Triumph Spitfire relève de méthodes ancestrales. Conçue sur un authentique châssis et non une coque autoporteuse, elle s'appuie sur deux longerons en U avec traverses. Ce châssis en X a pour avantage un poids modéré et une rigidité satisfaisante. Dérivé de celui de la berline Herald, il est toutefois largement simplifié sur la Spitfire pour gagner en poids. On a ainsi supprimé ses cadres latéraux et raccourci l'empattement de 210 mm. Des renforts ont toutefois été placés dans les bas de caisse et les planchers qui participent grandement à la solidité de l'ensemble. Malheureusement, la Spitfire pêche par des trains roulants d'un autre âge. La suspension avant indépendante, avec des pivots triangulaires à bagues en caoutchouc, des ressorts hélicoïdaux commandés par amortisseurs hydrauliques télescopiques et une barre anti-roulis n'est pas à mettre en cause.
C'est à l'arrière que le bât blesse, avec des demi-essieux indépendants à axe oscillant, ressort transversal à lames et bras stabilisateurs. Ce type de géométrie subit d'importants changements de carrossage qui se traduisent par une tenue de route sensiblement "déroutante". En Spitfire, le tête à queue n'est en effet jamais loin de la sortie d'un virage ! Sur sol glissant ou mauvaise route, il faut redoubler de vigilance car ses réactions peuvent être carrément imprévisibles, sur un coup de freins ou ou une accélération vigoureuse. Côté freins justement, triumph a installé des disques de 228 mm de diamètre à l'avant et des tambour à l'arrière. Le circuit est assisté hydrauliquement et donne satisfaction. La direction à crémaillère n'est pas assistée mais reste légère tandis que le diamètre de braquage de 7,2 m permet de manoeuvrer dans un mouchoir de poche.
EVOLUTION
En décembre 1964, Triumph dévoile la première version modifiée de la Spitfire 4, commercialisée début 1965. La Mark II (ou Mk2), présentée ici dans sa belle livrée bleue d'origine, reste très similaire esthétiquement à celle qui devient du même coup la Mark I. La calandre s'orne désormais de barres horizontales plus épaisses et le moteur 1.1L reçoit un collecteur d'échappement à 4 tubulures et un collecteur d'admission réchauffé par eau. La puissance passe à 67 bhp à 6000 tr/mn. L'embrayage est également modifié et l'habitacle troque ses sièges pour des modèles plus enveloppants. La finition fait un léger progrès, de même que les performances : 150 km/h en pointe et un 0 à 96 km/h en 15"5. La Mk3 est introduite début 1967, c'est le premier changement majeur pour la Spitfire. En raison des nouvelles normes de sécurité, le pare-choc avant a été rehaussé et ceux de l'arrière perdent leur butoirs. Les clignotants et veilleuses ronds séparés sont remplacés par des éléments plus gros et modernes, complétés par un nouvel éclairage de plaque. L'intérieur est encore une fois amélioré avec une planche de bord en bois. La nouvelle capote repliable à arceaux intégrés remplacement avec bonheur la première toile qui avait des gros airs de "build it yourself" (faites-le vous-mêmes). Sous le capot, les changements sont également importants. par une nouvelle augmentation de son alésage (de 69.3 à 73.7 mm), le moteur passe à 1296 cm3. Avec ses deux carbus SU HS2, il délivre désormais 75 ch et 102 Nm à 4000 tr/mn. En accrochant les 158 km/h et le 0 à 100 en 14"5, cette version devient la plus puissante et la plus rapide des Spitfire. Elle le restera d'ailleurs. Aux Etats-unis, les lois fédérales vont progressivement conduire à une baisse de puissance dévastatrice pour la Spitfire. Dès 1969, le 1.3 US est rabaissé à 68 ch.
En novembre 1970 apparaît la Triumph Spitfire Mk IV, qui présente les changements les plus importants de la lignée. La face avant est lissée en supprimant la petite grille de calandre au-dessus du pare-choc tandis que le capot ne comporte plus de nervure centrale, ni de joints au sommet des ailes. L'arrière est plus profondément revu, dans l'esprit des Triumph Stag et 2000. Michelotti est toujours au crayon et confère à cette partie arrière le modernisme dont elle a besoin pour faire face aux nouvelles tendances des années 70. Elle adopte un arrière à pan coupé, un pare-choc d'une seule pièce et des feux monoblocs intégrant feux stop, feux de route, clignotants et témoin de marche arrière. Les pare-chocs sont malheureusement enlaidis par des butoirs en caoutchouc.
L'habitacle n'est pas en reste et reçoit une nouvelle planche de bord dont les compteurs sont placés derrière le volant. Initialement en plastique, pas très flatteur, elle reprendra finalement le bois en 1973. Le moteur 1.3 est conservé mais en raison des contraintes de pollution, sa puissance est sur le déclin. De 63 ch au lancement, elle tombe à 58 ch en 1971, puis à 48 ch en 1972 ! La vitesse de pointe n'est plus que de 130 km/h et la Triumph Spitfire fait réellement pâle figure. Même si son châssis a été revu sur la MkIV pour une une meilleure stabilité avec un montage souple de l'ancrage du ressort transversal qui réduit les variations de carrossage, cela ne suffit pas. Notons au passage que le dessin du hard-top est légèrement modifié ainsi que celui des vitres latérales.
Enfin, ultime version de la série, la Spitfire 1500 FH arrive en 1972, notamment pour compenser la baisse de puissance qui pénalise les ventes aux Etats-Unis. Avec 200 cm3 de plus, le roadster anglais reprend un peu du poil de la bête et fournit 71 ch à 5500 tr/mn. Triumph en profite pour allonger le rapport de pont et élargir la voie arrière qui gagne ainsi en stabilité. Très proche esthétiquement de la MkIV, la Spitfire 1500 se distingue avec la réapparition du bois satiné sur le tableau de bord. Malgré cela, à la fin des années 70, la Spitfire est complètement dépassée en performances face aux nouvelles "GTI". Sa commercialisation s'achève dans la quasi indifférence en 1980, après 18 ans de carrière.
TRIUMPH GT6
L'appellation Spitfire 4 avait laissé supposer la possibilité d'une Spitfire 6. Ce ne sera pas le cas mais la GT6 permettra aux amateurs de voitures de sport de trouver un modèle plus puissant, rappelant les Spitfire GT engagées aux 24 Heures du Mans de 1964 et 65. Mais contrairement aux apparences, ce sont les Spit' de course qui ont repris le toit fast back du projet GT6 et non l'inverse. En effet, c'est au cours de l'hiver 1962-1963 que Harry Webster, le directeur technique de Triumph demande au designer italien Giovanni Micheloti de réaliser un prototype de Spitfire coupé. Accueilli avec succès par les dirigeants de Coventry, il deviendra le premier prototype X691 qui servira de base au développement de la future Triumph GT6...
> Lire notre essai de la Triumph GT6
ACHETER UNE TRIUMPH SPITFIRE
Largement diffusée, la Triumph Spitfire a su conserver son statut de roadster populaire à travers le temps. 314.152 exemplaires produits, dont 75% à l'export et près de 140 000 rien que pour le marché américain, cela donne une bonne idée de sa popularité. Aujourd'hui prisée des collectionneurs mais s'échangeant à des prix très raisonnables, elle continue de faire le bonheur de ses propriétaires par sa simplicité d'utilisation et sa capacité à offrir des sensations en dépit de mécaniques peu puissantes.
Contrairement à la carrosserie, le châssis de la Spitfire est globalement assez bien protégé de la corrosion. A moins qu'il n'ait subi des chocs auxquels il se révèle très sensible. Vérifiez l’alignement des ouvrants. Passages de roues, capot, malle arrière et bac de batterie sont en revanche à surveiller de près, de même que les longerons et plancher. Autre ennemi connu de l'humidité : l'électricité ! Anglaise oblige, elle est parfois capricieuse, bien que le faisceau soit ici réduit à sa plus simple expression. tant mieux, cela facilite les recherches de pannes. Avant l’achat d’une Spitfire, il convient également d'inspecter l'état des trains avant et arrière dont les bagues s'usent assez rapidement. Un graissage régulier est indispensable faute de quoi cela entraîne l'usure rapide des pivots avant et des roulements de roues arrière. Pas d'inquiétude toutefois pour trouver des pièces de rechange, l'offre est suffisamment large et dynamique chez les spécialistes d'anglaises pour s'assurer encore de longues années au volant de la Triumph Spitfire. Un atout non négligeable, d'autant que les refabrications aidant, ces pièces sont généralement très bon marché. Vous pourrez vous renseigner auprès de l'Amicale TR6 pour connaître les bonnes adresses. La simplicité du moteur, qui accepte le SP98 même sans additif, et de la conception générale, finissent de réduire au maximum le budget utilisation, faisant de ce petit roadster Triumph un investissement plaisir très accessible. D'ailleurs, quelques amateurs roulent aujourd'hui quotidiennement dans leur Spitfire et prouvent donc que c'est possible. Et par les temps qui courent, ses performances modestes s'avèrent être un véritable atout pour la sauvegarde de son permis de conduire...
PRODUCTION TRIUMPH Spitfire
Spitfire
MK1 (10/1962-12/1964): 45.753 exemplaires
Spitfire MK 2 (12/1964-1/1967): 37.409 exemplaires
Spitfire MK 3 (1/1967-12/1970): 65.320 exemplaires
Spitfire MK IV (11/1970-12/1974): 70.021 exemplaires
Spitfire 1500 (12/1974-10/1979): 95 829 exemplaires
TOTAL : 314.152 exemplaires
CONCLUSION
:-) Ligne séduisante Cote raisonnable Consommation Entretien simple Pièces disponibles Sensations... |
:-( ... mais conduite parfois délicate ! Performances quelconques Equipement |
Malgré les sensations qu'elle distille, la Triumph Spitfire n'est pas du genre à affoler le chrono ! Peu importe, elle se déguste comme un bon vin, en prenant son temps et en savourant chacun de ses arômes. Séduisante anglaise, ancienne plus facile à vivre qu'on peut l'imaginer, elle ne demande qu'à vous emmener sur les routes à la découverte de beaux paysages et, à l'occasion, d'essayer de dompter son train arrière sauvage... Vous avez dit pas sportive ?
Tous nos remerciements à Alexandre et Bahman Cars pour les photos de cette superbe Triumph Spitfire Mk2.