CRISE DE CROISSANCE
L'Islero a été le premier échec retentissant pour Lamborghini. Aussi, la Jarama doit rapidement être mise au point pour redresser les comptes. Malheureusement, ce sera encore un pas supplémentaire vers les difficultés financières qui vont faire partie intégrante de la vie du jeune constructeur italien...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Aux côtés des spectaculaires Espada et Miura dessinées par Bertone, la Lamborghini Islero n'avait pas su convaincre. A cela, s'ajoutèrent de gros problèmes de qualité de fabrication qui abrégèrent prématurément sa carrière. Pourtant, Lamborghini, en pleine crise de croissance, persiste pour ajouter un troisième modèle à sa gamme. Pour économiser du temps et de l'argent, la Jarama (un autre taureau Espagnol célèbre) utilise un châssis raccourci d'Espada. Marazzi est toujours en charge de réaliser la carrosserie. Bien que plus courte, la voiture reste un coupé 2+2, dont on imagine que l'habitabilité ne va pas en être favorisée. En conséquence, le moteur est implanté juste entre les roues avant, ce qui n'est pas idéal pour la répartition des masses. Pour compenser, maigrement, la batterie est renvoyée à l'arrière. Sous ce long capot, on retrouve le fameux V12 Bizzarrini, dans une cylindrée de 4L (3929 cm3). La puissance affichée est de 350 ch à 7500 tr/mn avec un taux de compression de 10.7:1 et 6 carburateurs Weber 40 DCOE. Les performances sont bien sûr, annoncées au meilleur niveau : 240 km/H en pointe et accélération de 0 à 100 km/H en 6,6 secondes. Marcello Gandini, le styliste génial de chez Bertone est loin de signer ici son plus beau travail, les lignes ne font guère l'unanimité. Les choses se gâtent lorsqu'il apparaît que Marazzi ne tient pas les critères de qualité exigés pour les panneaux de carrosserie. La Jarama est l'une des plus lourdes Lamborghini après l'Espada et le colossal LM002. Lancée en 1970 au salon de Genève, le style décalé de la Jarama divise fortement les avis. Se pourrait-il que Lamborghini commette deux fois de suite la même erreur, à deux ans d'intervalle ? Incontestablement, l'entreprise s'engage sur une voie délicate puisqu'après avoir dépensé de grosses sommes d'argent, ce deuxième modèle se montre être un semi-échec avec seulement 176 exemplaires vendus en deux ans... Style mitigé, ergonomie désastreuse, qualité de fabrication médiocre, la Jarama pèse lourd sur l'image de la marque. Comparée, à tord, aux deux réussites que sont l'Espada et la Miura, la Jarama ne convainc pas la presse et ne trouve pas son public.
JARAMA S, SEANCE DE RATTRAPAGE
Dès le salon de Genève 1972, Lamborghini tente de corriger le tir avec la Jarama S, version profondément revue. Tout d'abord, la voiture a perdu 100 kg et d'autre part le moteur est boosté à 365 ch avec un nouvel échappement et de nouveaux arbres à cames, et à la clé un gain en performances très net. La Lamborghini Jarama S retrouve le rang de superbe GT qui aurait toujours dû être le sien. Elle se distingue aussi par deux entrées d'air percées dans le capot et de nouveaux pare-chocs. A l'intérieur, une nouvelle planche de bord plus ergonomique est montée et des sièges plus fins augmentant l'espace aux jambes à l'arrière. Très demandée, vu le poids sur le train avant, la direction assistée est livrée de série. Une boîte automatique Chrysler Torqueflite est même proposée en option. On note également la construction d'une unique version à toit targa amovible. La Jarama S sera commercialisée jusqu'en 1976, pour un volume total de production de 150 exemplaires. Le début des années 70 sera fatal à la destinée de Lamborghini Automobili, qui ne se remettra pas des échecs consécutifs de l'Islero, la Jarama et l'Urraco et de la crise pétrolière. En 1974, Ferrucio, très touché par la tournure des évènements quitte l'aventure et revend ses parts à des investisseurs suisses. Le fier fabricant de tracteurs qui voulait se poser en rival de Ferrari avait pourtant commencé à construire sa légende, notamment avec la spectaculaire Miura, mais des erreurs de stratégie et une production trop aléatoire auront eu raison de sa passion et de son orgueil.
ACHETER UNE LAMBORGHINI JARAMA
Considérant la notoriété supérieure de la Miura et même de l'Espada à l'époque, peu de Jarama ont survécu, et celles qui existent encore sont très loin d'avoir toutes reçu l'entretien qu'elles méritent. Les exemplaires en excellent état, complets et authentiques sont d'autant plus recherchés aujourd'hui, à juste titre : c'est un coupé 2+2 luxueux, performant, à la carrosserie signée Gandini, et fabriqué par Lamborghini à l'apogée de sa renommée et de son savoir-faire technique. Ses cours sont très bas, comptez environ 50.000 euros, mais l'entretien est exigeant, tout autant qu'une remise en état... |