© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (06/06/2012)
FRENCH TOUCH
La Maserati Bora est la première Maserati de série à moteur en position centrale arrière. Construite sous la période Citroëniste de la marque, elle comporte quelques particularités qui nous rappellent qu'une grande GT frappée des chevrons n'aurait pas été une chose si inconcevable dans les années 70. Malheureusement, la crise pétrolière va passer par là...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Les premières Grand Tourisme de Maserati datent de 1958. La 3500 GT marquait alors un tournant dans l'histoire de la marque jusqu'ici dévouée corps et âme à la compétition. Fort de ses nombreux succès en course et d'une image au moins égale à celle de Ferrari, Maserati se lance donc dans la production de voitures luxueuses et performantes, sur un classique schéma de propulsion à moteur avant. Mais au milieu des années 60, Lamborghini jette un pavé dans la marre avec sa Miura qui rompt avec les habitudes italiennes pour introduire le moteur central arrière, principe qui a déjà fait ses preuves en compétition. Ferrari emboîte le pas rapidement avec la 250 LM, puis la 365 GT/4 BB. C'est alors qu'intervient Citroën, à la recherche d'un moteur pour sa future SM. Le constructeur français prend le contrôle de Maserati en 1968 et charge Giulio Alfieri du développement d'un nouveau V6. A la fin de cette année, comptant sur les capacités financières de Citroën, Maserati met enfin à l'étude son coupé 2 places à moteur central arrière. Afin de rentabiliser au mieux l'investissement, il est décidé de le décliner en deux versions bien distinctes, l'une avec le V8 4.7 de la Ghibli, la Bora, l'autre avec le nouveau V6 de la SM, la Merak. La Bora est un vent du nord nord-est qui souffle sur la mer Adriatique. En hiver il est souvent violent...
PRESENTATION
La nouvelle GT de Maserati est dévoilée au salon de Genève 1971. Son développement a été confié à la responsabilité de Giulio Alfieri, lequel envoie son projet à Giorgetto Giugiaro pour le dessin de la carrosserie. Giugiaro vient de créer en 1966 son bureau de design indépendant, Ital Design, après avoir oeuvré comme responsable chez Ghia et signé plusieurs sportives marquantes, notamment pour le compte de Maserati. Après le succès de la Maserati Ghibli, Giugiaro ne veut pas décevoir et donne à la Maserati Bora une silhouette moderne, combinant élégance et agressivité, dans la lignée de ce qu'il a pu faire sur la DeTomaso Mangusta. Malgré les apparences, l'empattement de la Bora est plus long de 5 cm que sur la Ghibli, mais les porte-à faux ont été fortement réduits ce qui fait que la voiture mesure 14 cm de moins au total. La raison principale est que le gros V8 Maserati n'a pu être placé transversalement avec sa boîte de vitesses. Pour en extraire les calories on peut noter l'intégration de lamelles à côté des vitres latérales du capot moteur, lequel bascule d'un seul bloc pour dégager l'accès à la mécanique. La carrosserie est fabriquée à Modène par la société Padane et assemblée sur un châssis fait de tubes carrés et de panneaux soudés. Avec son habitacle entièrement revêtu de cuir, elle assure à ses occupants un réel confort même sur de très longs trajets. L'insonorisation a notamment été très soignée. Grâce à son appartenance au quai de Javel, la Maserati Bora va hériter de quelques technologies françaises qu'elle partage avec la Citroën SM dont son assistance hydraulique du freinage, toujours aussi peu facile à doser, le réglage du pédalier via un bouton sur la console ou encore la hauteur du siège conducteur et la commande des phares escamotables. Le volant est également réglable en hauteur, manuellement. La peu convaincante direction assistée Diravi sera heureusement laissée de côté.
MOTEUR
La Maserati Bora fait appel au robuste et éprouvé V8 de 4719 cm3 de la Ghibli. Il développe 310 ch à 6000 tr/mn. Avec ses 4 arbres à cames en tête entraînés par chaîne, son vilebrequin 5 paliers, ses pistons à course courte et sa culasse hémisphérique, ce V8 16 soupapes en aluminium né dans les années 50 dérive étroitement des moteurs utilisés par Maserati en compétition. Certes, le V8 Maserati de série n'atteint pas les régimes élevés des V12 rivaux mais il peut compter sur son couple copieux de 461 Nm à 4000 tr/mn et une fiabilité éprouvée à travers les Maserati Indy, Ghibli, Mexico et Quattroporte. Son seul défaut connu est un appétit marqué pour le super lorsqu'il faut gaver les 4 double corps Weber ! Comme en course, le moteur est très accessible et posé sur un châssis secondaire qui peut être déposé en quelques heures en cas de réparation importante. Ses performances de GT relayées par un comportement routier sûr et efficace ont fait de la Bora la GT la plus homogène de son temps. Ses concurrentes de l'époque sont la Ferrari 512 BB, la De Tomaso Pantera et la Lamborghini Miura. La boîte de vitesses ZF à 5 rapports, de type transaxle, permet d'emmener le bolide italien à 280 km/h, vitesse atteinte avec une certaine décontraction tant la tenue de route s'avère saine. Pourtant, Giugiaro n'avait pas fait d'étude en soufflerie à l'époque ! Précisons également que la Maserati Bora ne dispose pas de la suspension hydraulique Citroën mais de doubles triangles avec des combinés ressorts/amortisseurs. A ce titre, il s'agit de la première Maserati de série à roues totalement indépendantes. A propos de la Maserati Bora, le regretté Paul Frère écrivait que "son charme réside bien davantage dans son apparente facilité, avec ses performances élevées, que dans ses performances elles-mêmes". Difficile de le contredire, même si aujourd'hui elle passe beaucoup moins pour une GT docile qu'il y a 40 ans !
EVOLUTION
À partir de 1972, Maserati adjoint dans sa gamme la Maserati Merak, qui reprend la carrosserie de la Bora mais équipée du moteur V6 de la Citroën SM. La première grosse évolution pour la Bora intervient en 1974 lorsque Maserati va ajouter à son offre le V8 4,9 litres de 4930 cm3 développant 330 ch. En août 1975, Citroën, confronté lui-même à des difficultés financières, est contraint par Peugeot, son nouveau propriétaire, de mettre en liquidation Maserati. La GEPI, une société d'état destinée à recueillir les entreprises en difficulté, rachète 70% des parts, les 30% restants revenant à l'homme d'affaire et pilote argentin, Alejandro DeTomaso.
MASERATI BORA COMPETIZIONE
Une version course de la Bora est développée en 1973 par l'importateur français Thepenier. L'objectif d'un engagement en groupe 4 FIA, conduit à de nombreuses modifications. La plus visible est l'élargissement des ailes et le remplacement des phares escamotables par des projecteurs fixes sous vitre en plexiglas. Le V8 4,9 a été poussé à 435 ch, directement par l'usine Maserati, tandis que le poids est de 1100 kg, conformément au règlement. Les pilotes sont Jean-Pierre Jaussaud et François Migault. Le journaliste du magazine Virage (photo ci-dessus) aura l'occasion de tester ce monstre avant sa participation aux 24h du Mans. Malheureusement, l’A.C.O. n'accorde pas son homologation car maserati n'a pas produit les 500 exemplaires par an minimum requis. Suite au retrait de Citroën du capital de Maserati, le projet est stoppé net. On ne la reverra pas courir de façon officielle par la suite...
MASERATI BOOMERANG
A la fin de l'année 1971, au salon de Turin, Giugiaro présente un concept car basé sur la Bora: la Boomerang. Il s'agit du premier coup d’éclat international d'Italdesign. Tout d'abord simple maquette, c'est à Genève, en mars 1972, que la Boomerang est présentée roulante. La géométrie aiguisée de cet exercice de style, dans la lignée des concepts Carabo et Stratos 0 de Bertone, va rapidement s'imposer comme les fondement du style Giugiaro durant les années 70. Cette silhouette en coin, qui fera école, sera reprise par Giugiaro lui-même sur la Lotus Esprit S1 et dans une moindre mesure sur la BMW M1 et la DeLorean.
PRODUCTION MASERATI BORA
Bora 4.7 : 289 exemplaires
Bora 4.9 : 275 exemplaires
Total : 564 exemplaires
:: CONCLUSION
Premier coupé à moteur central arrière pour la marque au Trident, la Maserati Bora ne connaîtra pas le succès qu'elle aurait mérité en raison du manque de fiabilité des éléments Citroën qui viendront rapidement entacher la réputation de cette belle voiture. Par ailleurs, ses V8 fiables mais gloutons ne résisteront pas à la crise pétrolière...
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Avis des propriétaires
La Bora est une auto méconnue et hors norme. Loin des grands tourisme classiques à moteurs avants. Elle est faite comme un prototype, moteur longitudinal central. Très belle construction, Alfieri savait faire. Demandée par Citroen qui n'a donné que son système de freinage et heureusement pas la direction...Très efficace et bien plus sportive en tenue de route que la concurrence. Bien plus fiable aussi!. Finition Maserati audessus des autres. La conduire est extraordinaire, direction non assistée mais légère. Privilégier la 4.7l plus vive et surtout les Européennes, les Américaines sont défigurées par leurs pare-chocs et dégonflées par leur pompe à air.
A acheter 2024 avant que leur côte ne grimpe. Voir tous les avis sur la MASERATI BORA
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