TOYOTA SUPRA GR (2019 - )
Métissage
Après 17 ans d’absence, la Toyota Supra revient sur le devant de la scène. Mais cette fois-ci, le géant Japonais a croisé les gènes de sa sportive pour en assurer la survie sur un marché de plus en plus hostile. Au risque d'y perdre son âme ?
Texte : Maxime JOLY
Photos : D.R.
Cette nouvelle Supra "MkV", ou plus exactement GR Supra, n'en finit pas d'animer le débat de ses origines sur les réseaux sociaux. En 2019, à la veille de l’entrée en vigueur de lourdes amendes sur les émissions de CO2, du "tout SUV" et du greenwashing intensif sur la voiture électrique, certains semblent ne pas avoir compris qu'il faut pourtant se réjouir que non pas un, mais deux constructeurs se lancent dans une automobile déjà considérée comme d’un autre temps...
Les croisements génétiques n'ont rien d'exceptionnels dans un monde automobile qui doit faire face à des coûts de développement toujours plus importants. Mais la pratique était encore peu courante pour un géant comme Toyota jusqu'à son association, à la fin des années 2000, avec Subaru (dont il détient une part du capital) pour concevoir le projet de « petit » coupé sportif, la "Toyobaru" alias GT86. Mais sans doute que cette union insulaire passait mieux dans les esprits que le flirt à venir avec un rival européen. Car il se trouve qu'en 2012, Toyota officialisa la signature d'un nouveau partenariat, avec BMW...
Pendant près de deux ans, on n'entendit plus parler de cet accord autrement que par des rumeurs, jusqu'à ce que les deux constructeurs confirment s'être entendus sur une architecture commune pour une nouvelle voiture de sport. Le possible retour de la Supra commença alors à s'esquisser mais ce n'est qu’en octobre 2015 que Tetsuya Tada confirma cette renaissance tant attendue des fans. Il leur aura fallu attendre quatre années de plus et la présentation du modèle définitif au salon de Detroit 2019 pour mettre fin aux interminables spyshots et teasers. Mais pas au buzz ni à la polémique...
SUPRA : L’HISTOIRE !
C’est avec la 2000-GT que tout commence. Puis, la Supra (A40/A50) voit le jour en 1979. Elle est à ce stade réservée aux marchés américain et japonais, et se décline à partir d’un modèle de grande série : la Celica. Les fondamentaux resteront les mêmes jusqu’à aujourd’hui en recevant un moteur avant de six cylindres en ligne dont la puissance est transmise aux roues arrière. La Celica Supra Mk2 poursuit la ligné et est enfin proposée sur notre territoire. Ce n’est cependant qu’à partir de la troisième génération de Supra que le modèle prend son entière indépendance. L’Europe a alors droit aux déclinaisons atmo et turbo. La Supra acquiert définitivement ses lettres de noblesse avec la mythique Mk4. Son moteur d’anthologie à double turbo séquentiel capable d’encaisser des préparations dépassant les 1000 chevaux en a fait sa renommée.
PRESENTATION
Toyota fait partie de ces rares constructeurs à pouvoir faire le grand écart entre une placide Prius hybride et un coupé sportif clairement orienté vers le plaisir. Après l'enthousiasmante mais (très) éphémère Yaris GRMN, Gazoo Racing signe ici son premier modèle de série qui ne dérive pas d'un véhicule existant. L’inscription GR est là pour rappeler cette paternité. Une belle promotion pour cette structure, filiale de Toyota Motorsport née en 2017 à l'occasion du retour en WRC. Ce projet commun avec BMW aboutit à deux véhicules, produits dans la même usine à Graz en Autriche, ayant pour but de proposer deux expériences différentes contrairement au duo GT86/BRZ. En jouant la dualité plutôt que la rivalité, on se retrouve donc avec d’un côté, un roadster chez BMW et, de l’autre, un coupé chez Toyota. L’avenir nous dira si d’autres déclinaisons naitront de cette collaboration mais en l'état, l'offre est pertinente.
Les codes stylistiques de cette nouvelle Supra reprennent énormément au concept FT-1 présenté en 2014, à la différence que ce dernier était basé sur un gabarit plus long que ne l’est la Supra et affichait donc des lignes plus élancées. La Supra y puise des lignes sculptées et musclées, un long capot qui recule l'habitacle vers l'essieu arrière et un empattement court. Les responsables du projet justifient ces proportions par une formule mathématique garantissant le meilleur équilibre entre une agilité et stabilité. Ce "nombre d'or" est en fait le rapport entre la longueur de l’empattement et la largeur de voie, celui-ci devant idéalement être compris entre 1.5 et 1.6. La Supra obtient le score prometteur de 1.55. Esthétiquement, elle divise cependant les opinions. Mais s’il est difficile de la trouver réellement jolie, il faut bien admettre qu’elle en impose sur la route. Cerise sur le gâteau, la Japonaise attire la sympathie des passants ! Bien qu'on ne l'ait vue essentiellement qu'en rouge (Prominence Red), jaune (Lightning Yellow) et gris foncé durant notre essai, au total sept coloris de carrosserie sont proposés.
HABITACLE
L’habitacle de la nouvelle GR Supra est, en comparaison de sa ligne, beaucoup plus conventionnel. Pour résumer et en grossissant à peine le trait, en dehors de la planche de bord tout est emprunté à BMW et plus précisément à la Série 3 F30. On reconnaît l’écran 8,8 pouces, les commandes piano, le volant et même le levier de vitesse typique de la marque allemande.
Pour le côté positif de cette mutualisation des ressources, on appréciera la finition et l'équipement nettement supérieurs au GT86. La Supra intègre en effet chez nous d'office un équipement de série ultra complet et bien dans l'ère du temps : climatisation automatique bizone, régulateur de vitesse adaptatif, radar anti-collision, accès et démarrage sans clé, tableau de bord à affichage digital, phares adaptatifs, les feux arrière et les feux de jour à Leds. Très pratique également, une caméra de recul complète la panoplie.
A bord, il y a quand même une autre différence fondamentale avec les Supra d’antan : le nombre de places. Adieu la configuration 2+2, avec son gabarit hyper compact cette dernière génération est une stricte 2 places. Enfin, la contenance du coffre est de 290 litres seulement.
GR SUPRA A90 EDITION
Dotée d'une peinture exclusive "Mate Storm Grey", de jantes en alliage noir mat de 19 pouces et d'une sellerie en cuir rouge, l'édition A90 célèbre l'héritage Supra et se limite à 90 exemplaires en Europe. Cette A90 Edition a été proposée exclusivement aux premiers clients européens ayant déjà effectué une réservation et écoulée en en quelques minutes seulement...
MOTEUR
Le partage des compétences aboutit à ce que BMW installe son dernier 6 en ligne (B58B30M1 plus précisément) sous le capot de la Supra. Ça tombe bien pour Toyota qui trouve par la même un parfait alibi à son partenariat avec le motoriste bavarois. Ce 2 998 cm3 est déjà connu dans la gamme BMW puisqu’il remplace le N55 et dérive directement du trois cylindres B38. Par rapport au N55, il gagne 19 cm3 grâce à une modification de ses cotes. L’alésage est réduit de 2 mm tandis que la course s’allonge de 5 mm. On s'éloigne d'un autre nombre d'or cher à Toyota, l'alésage et la course de 86 mm, mais le travail des motoristes allemands n'en est pas moins remarquable.
Grâce à une multitude de raffinements technologiques, les valeurs officielles de la fiche technique font état d’une puissance de 340 ch, constante entre 5000 et 6500 tr/mn et d’un couple de 500 Nm, fourni dès 1600 tr/mn et jusqu'à 4500 tours. Le ressenti au volant et le 0 à 100 km/h abattu en seulement 4,3 secondes laissent supposer que ces valeurs officielles fournies par Toyota cachent la vérité. Les petits curieux qui ont emmené les premiers exemplaires de Supra sur banc de puissance ont en effet eu la surprise de constater que le résultat était étonnament proche de ce qu'offre, sur le papier, le Z4 M40i américain. Soit environ 380 ch... Serait-ce un clin d'oeil au Gentleman's Agreement japonais des années 90 ? Dans tous les cas, on reste bien en-deçà des Nissan GT-R et Honda NSX II. Mais encore une fois, Toyota a préféré mettre en avant le plaisir de conduire que la performance pure et la demande déjà exprimée pour cette nouvelle Supra tend à prouver que la course à l’armement n’est pas une fatalité !
Dès le démarrage, le L6 hurle sa joie de vivre. Le son est plutôt sympathique, on a connu des moteurs turbocompressés, même nobles, moins sonores. Sans pour autant s’avérer être grisant ou inoubliable, cette sonorité particulière a le mérite d’envahir l’habitacle et de changer des 4 pattes que l’on a à la pelle. Le timbre du L6 est même plus agréable que celui du flat 6 suralimenté des 911 type 991.2. En revanche, pour le caractère, il rentre dans le rang, en dépit d’une zone rouge fixée à 7 000 tr/min. Ce n’est pas franchement la peine de dépasser les 6 000 tours avant de changer de rapport. Mais ce 3.0L compense par un bel agrément prodigué par son couple disponible très tôt. A la conduite, on a l’impression de conduire une très grosse cylindrée atmosphérique.
Quant à la transmission, seule la boîte automatique ZF à huit rapports est proposée sur la Supra GR. Une décision logique face aux souhaits de la clientèle, notamment américaine, de ce type de produit aujourd’hui. Avec elle, nous sommes en terrain connu. Rapide, elle est bien gérée en mode Normal. En mode Sport, c’est plus fatigant car elle monte inutilement dans les tours. Mieux vaut passer en mode Individual pour tout paramétrer à sa guise. Certes bien aidé par l’allongement des rapports, le niveau d’émissions est tout de même remarquablement bien placé avec « seulement » 170 g/km. Ceci achève un second paragraphe très typé BMW mais en piochant un L6 et une bonne boîte auto, on se rend vite compte que le rapprochement de Toyota avec les allemands n’y a rien d’infamant et encore moins désagréable !
SUR LA ROUTE
Si la Supra repose sur une plateforme propulsion conjointe à BMW, Toyota a réadapté plusieurs éléments à ses envies, à commencer par les suspensions. N’ayant pas encore essayé le Z4, nous nous fions au discours des confrères qui sont unanimes pour affirmer que le toucher de route de la Supra est supérieur. En amont, les préceptes d’une bonne sportive ont été respectés. La répartition des masses est de 50/50, le centre de gravité est plus bas que sur la GT86 et la rigidité promet d’être excellente si l’on en croit le marketing de Toyota qui nous explique qu’il est supérieur à celui de la Lexus LF-A. Très bien pour le « blabla », il est temps de la juger en action !
L’installation à bord est aisée. Rien à redire sur la position de conduite, bien pensée. Immédiatement, la direction apparait comme étant bien calibrée et demeure agréable en mains, y compris en mode Normal. Notre première journée d’essai s’est articulée autour d’un long tracé parcourant les petites et sympathiques routes du Perche nous conduisant vers le circuit du Mans. La première agréable surprise est l’impression de vitesse. Certes, la machine a ce qu’il faut où il faut et met son conducteur hors la loi à la moindre accélération, mais elle diffuse plus de sensations qu’une grosse berline allemande ou italienne. Sur un terrain a priori pas fait pour ses 1500 kilos, la Japonaise démontre une agilité hors pair. Nous serions tentés de dire que c’est une GT86 avec un moteur…
Le différentiel actif avec fonction torque vectoring travaille également bien. On prend instantanément du plaisir et attend avec gourmandise le prochain virage. Quel pied ! Le comportement est sain, la prise en mains facile. Le train avant est aiguisé de sorte à ne laisser passer aucun début de soupçon de sous-virage.
La différence d’amortissement de la suspension adaptative entre les deux modes de paramétrage n’est toutefois pas flagrante. En dehors d’un billard, mieux vaut s’en tenir au mode Normal même si on reste encore trop sur quelque chose de caricatural sur routes abîmées. Le ressenti est proche de ce qu’on trouve sur une petite sportive un peu radicale comme la Peugeot 208 GTi 30th. Sur une voiture à vocation un peu plus GT comme la Supra, on apprécierait avoir un peu plus de souplesse, même s'il fallait ajouter un mode confort pour cela.
ACHETER UNE TOYOTA GR SUPRA
Les premiers clients seront livrés cet été, en sachant que l’Europe n’a obtenu que 900 exemplaires pour l’année 2019. La France n’en récupère que 50, dont 25 sont réservés aux Gazoo Centers (les concessions agréées) afin qu’elles aient chacune une Supra en modèle de démonstration. En ce qui concerne 2020, il y aura un nouveau quota, porté à 150 véhicules. Autant dire qu'il n'y en aura peut-être pas pour tout le monde...
Les tarifs de la Toyota GR Supra débutent à 65 900 € avec la seule finition propsoée en France. Pour 2 000 € de plus, vous ajouterez la sellerie cuir, le système JBL à 12 haut-parleurs et l’affichage tête haute et le chargeur à induction avec le Pack Premium. Le malus écologique est pour l’heure de 4890 € ce qui reste plutôt raisonnable pour ce niveau de performances. Ca ne durera sans doute pas lorsque le calcul des émissions sera intégralement basé sur WLTP !
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
TOYOTA SUPRA GR
MOTEURType : 6 cylindres en ligne, 24 soupapes à calage et levée variable
Position : longitudinal AV
Alimentation : Injection directe + turbo twinscroll (1,25 bars) + échangeur
Cylindrée (cm3) : 2998
Alésage x course (mm) : 82 x 94,6
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 340 de 5000 à 6500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 500 de 1600 à 4500
TRANSMISSION
AR + autobloquant avec Torque Vectoring (PTV)
Boîte de vitesses (rapports) : automatique (8)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés (348), étriers fixes 4 pistons - disques ventilés (345), étriers flottants 1 piston
Pneus Av-Ar : 255/35 ZR 19 96Y - 275/35 ZR 19 100Y (Michelin Pilot Super Sport)
POIDS
Donnée constructeur (kg) : 1495
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 4.4
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 250
1000 m DA :
0 - 100 km/h : 4"3
0 - 200 km/h : 13"2
CONSOMMATION
Moyenne cycle mixte (L/100 km) : 7.5
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 12
CO2 (g/km) : 170
PRIX NEUF (06/2019) : 65 900 €
PUISSANCE FISCALE : 34 CV
CONCLUSION
Agile, performante et sonore, la cinquième génération de la Toyota Supra fait honneur à ses aïeules. Du fait d’une faible allocation en France – et même en Europe, elle restera exclusive et sera probablement la dernière à jouir d’un moteur 100% thermique. Si vous êtes intéressé, mieux vaut ne pas trop traîner pour le faire savoir…
Plaisir de conduite
Comportement routier
Direction
Agrèment/sonorité du L6
Performances
Attire la sympathie
Amortissement caricatural
Stricte deux places
Trop "BMW" ?