BMW XM Label (2023 - )
Le poids de l'héritage...
Pour fêter dignement ses 50 ans, BMW M GmbH s'est offert un gros plaisir : créer un tout nouveau modèle exclusif, le premier depuis la légendaire M1 ! Mais au moment de choisir entre une supercar et un SUV, les prévisions de ventes ont semble-t-il eu le dernier mot et la création du X///M a laissée perplexes bien des fans de la marque à l'hélice...
Texte & Photos : Sébastien DUPUIS
Alors que tout commença avec le coupé 3.0 CSL (E9) en 1971 pour les besoins de la course, les activités de la filiale Motorsport (renommée M en 1993) ont rapidement évolué vers toujours plus d'implication au sein des modèles de production BMW, que ce soit avec les versions M ou M Performance ou encore les nombreux accessoires et packs d'options. En 50 années d’existence, BMW M a lancé de nombreux modèles qui sont pour certains devenus des classiques, des légendes, voire des icônes.
Devenu au fil du temps une énorme machine à cash, les modèles estampillés BMW M dépassent désormais les 130 000 ventes par an. Mais au-delà du succès industriel, la signature tricolore du label sportif de Munich, apparue en 1978 avec la M1, est surtout devenue un fantastique générateur de marge pour le constructeur allemand qui propose désormais du "Pack M" sur tous les modèles et motorisations de la gamme BMW, du plus petit diesel de la Série 1 à la prestigieuse Série 7.
Alors pour marquer un anniversaire aussi symbolique que ce demi-siècle, BMW M a fait les choses en grand avec non pas un mais deux modèles inédits ! D'abord, la M4 CSL, une version très spéciale dérivée du coupé M4 et limitée à 50 unités, dont seulement deux pour la France, puis, s'adressant à un public bien plus large, son premier modèle exclusif depuis l'iconique M1 : le X///M. Oui, le XM, car on parle d'un SUV. Ou plus exactement, un Sport Activity Vehicule (SAV). Un format parfaitement dans l'ère du temps, quitte à renier certains vieux principes de sportivité. Le résultat est un concentré de technologie qui promet d'offrir l'inimitable "atmosphère M" à des clients en manque de différenciation. Faute de disponibilité du XM standard au moment de notre essai, BMW France nous a gentiment proposé de rouler "surclassé" avec la variante "Label", offrant près d'une centaine de chevaux supplémentaires...
PRESENTATION
Point culminant de l'offensive des modèles de la filiale M durant l'année anniversaire 2022, la BMW G09 (alias XM) est donc la première "M" qui ne dérive pas d'un modèle BMW depuis l'iconique M1. Le modèle de série fait suite au Concept XM présenté en novembre 2021 auquel il reste très fidèle sur le plan du style. La production a démarré à l'usine BMW Group Spartanburg aux États-Unis en décembre 2022 pour une arrivée en concession au printemps 2023. Quelques mois seulement après le lancement, BMW M présentait une version phare de sa nouvelle voiture : le XM Label Red. Plus puissante, plus exclusive, plus exubérante encore, cette version totalement décomplexée a été présentée en première mondiale au salon international de l'automobile Auto Shanghai en avril 2023, soulignant le fait que la Chine est l'un des marchés prioritaires pour la BMW XM Label Red, avec les États-Unis et le Moyen-Orient.
Le XM c'est d'abord un SUV qui veut qu'on le remarque. Il veut surprendre, voire choquer. Avec son design "extravagant" comme le décrit BMW lui-même, le XM assume en tout cas pleinement sa mission pour créer une nouvelle interprétation du concept de super-sportive. Si quelques détails de style rappellent bien l'illustre coupé M1 à moteur central, force est d'admettre que la filiation ne saute vraiment pas aux yeux tant ces deux visions divergent sur ce que doit être une voiture de sport. Le design extérieur du XM est une déclaration brutale d'exclusivité, de prestige et de puissance, caractérisant le changement de millénaire qui sépare les deux voitures. Ses dimensions hors normes, ses lignes massives taillées à la hache et son style caricatural n'ont clairement pas vocation à faire dans la finesse et l'élégance ! Même s'il s'agit évidemment d'une stratégie soigneusement réfléchie, BMW lorgant sur les clients du Lamborghini Urus notamment, on ne peut s'empêcher de se demander comment les designers ont pu accoucher d'une telle surcharge visuelle sans vendre un peu leur âme au diable...
Les projecteurs divisés en deux et la monstrueuse double calandre digne d'un poids lourd, renforcée par l'effet de contraste de la partie noire façon "Boca Negra", vont encore plus loin que n'importe quelle autre production BMW jusqu'ici. Et pourtant, depuis le premier X5 en version M, nous avons été progressivement habitués à la surenchère en matière de SUV sportif... Mais entre le groin hypertrophié des séries 4, l'iconoclaste iX et la dernière Série 7, y avait-il besoin d'en rajouter à ce point ? Sur le XM, l'empilement d'artifices de style atteint clairement l'overdose. Entre le cerclage doré et l'éclairage continu des naseaux et la "bande d'accentuation" sur les côtés - de couleur or sur la version standard, elle passe à un rouge clinquant sur la version Label (qui n'est donc pas "la belle"...) - on a un peu l'impression d'avoir affaire à une version revisitée du van de l'Agence tous risques plus qu'à une voiture haut de gamme. Ajoutons que, de 21 pouces en série, les jantes passent ici à 22 ou même 23 pouces en option sur la version Label ! Pour clore le débat du "tous les mauvais goûts sont dans la nature", précisons tout de même que l'entourage rouge de la calandre et du diffuseur vu sur les photos de lancement du modèle sont réservés à l'édition limitée Label Red (500 exemplaires) peinte couleur Frozen Carbonschwarz métallisé. Et puisqu'on parle coloris, sachez enfin que la version "Label" est la seule à pouvoir se parer de la teinte "M Brooklyngrau" visible sur notre modèle d'essai.
HABITACLE
Le style "expressif" du design extérieur se retrouve à l'intérieur de la BMW XM. Du fait du gabarit hors normes de l'engin, la sensation d'espace est heureusement généreuse. De même, les matériaux utilisés ont été choisis avec soin même si au final, on ne s'éloigne pas tant que ça de ce qu'offre aujourd'hui un simple X5 M. Qu'on soit technophile ou pas, il faut s'y faire et comme dans tous les modèles récents de Munich, la grande dalle incurvée a remplacé les traditionnels blocs compteurs.
Pour celui qui privilégie encore la conduite à bord de ce cocon de luxe et de technologie, c'est surtout le volant qui retient l'attention. Outre sa forme, encore étonnamment ronde, pour la première fois, le bouton M Hybrid permet de sélectionner le mode de fonctionnement souhaité pour le système de propulsion. Le conducteur peut choisir entre les modes HYBRID, ELECTRIC et eCONTROL. Le bouton Setup permet également d'accéder directement aux paramètres de configuration du système de propulsion, du châssis, de la direction, du système de freinage, de la M xDrive et du niveau de récupération de l'énergie de freinage. Un autre bouton permet de sélectionner le mode M.
Si la planche de bord a finalement peut-être un peu trop un air de déjà vu, le pavillon de toit lui est incontestablement l'élément le plus différenciant du XM avec sa structure prismatique tridimensionnelle et son éclairage composé de 100 LED. Aussi spectaculaire qu'inutile quand on a les yeux fixés sur la route mais en revanche, les passagers arrière du XM auront tout loisir de l'admirer. Cet espace arrière très accueillant propose d'ailleurs une expérience qui n'a plus grand chose à voir avec le sport avec son aménagement en fauteuils séparés façon "salon Lounge", avec dossiers chauffants intégraux et même de petits coussins spécialement conçus pour offrir un confort digne des meilleurs canapés !
Pour ce qui concerne l'équipement, même si on est encore loin du niveau de raffinement et de personnalisation proposés dans le segment du luxe, comme chez Rolls-Royce, BMW M propose une liste incroyable d'options haut de gamme qui permttront de faire grimper l'addition et de ne pas passer pour un pingre auprès des copains.
MOTEUR
Le groupe motopropulseur M Hybrid du BMW XM est inédit et spécifique à ce nouveau modèle, du moins jusqu'à son implantation sous le capot de la nouvelle M5. Basé sur le désormais bien connu V8 4.4l Bi-turbo d'une puissance de 585 ch à 5600 tr/mn pour un couple maxi de 750 Nm disponible sur une plage de régime allant de 1 800 à 5 400 tr/min, il y associe un moteur électrique intégré à la transmission d'une puissance maximale de 197 ch / 280 Nm portant la puissance combinée du système à 748 ch et 1 000 Nm sur le BMW XM Label. En effet, sur la version standard, il faut se contenter de 653 ch même s'il n'est pas absolument certain que vous vous rendiez compte de la différence sur route ouverte... Toutefois, avec une puissance supplémentaire de 95 ch et un couple système qui gagne 200 Nm, cette version Label surpasse l'offre standard du segment des grands SUV et c'est probablement tout ce qui comptait.
L'intéraction entre le moteur thermique et le moteur électrique intégrée directement dans la boîte de vitesses à 8 rapports promet une expérience digne du badge M en matière de performances. Elle se traduit par un 0 à 100 km/h catapulté en 3,8 secondes quant la version standard réclame 4,3 secondes. Les accélérations se montrent effectivement musclées et les montées en régime ne s'essouflent pas jusqu'au régime maximum. La vitesse maxi, limitée à seulement 250 km/h comme le veut la bienséance allemande, peut toutefois atteindre 290 km/h sur les voitures dotées du pack Expérience M optionnel. Heureusement, même à cette allure, on vous verra arriver de loin dans le rétro avec un tel gabarit !
Toutefois, ce que les chiffres bruts ne traduisent pas, c'est l'aspect émotionnel pour le moins décevant que procure cet ensemble à la conduite. Tout d'abord, on regrette assez vite que le timbre du V8 ne prenne pas plus aux tripes du fait d'une sonorité qui semble très artificielle de l'intérieur. Ajoutons à ce propos que la puissance délivrée par le moteur électrique est également accompagnée d'une bande sonore propre, sous la forme des BMW IconicSounds Electric développés par le compositeur de musique de film Hans Zimmer.
Mais plus gênant peut-être, nous avons pu constater une certaine latence du groupe motopropulseur hybride lors de certaines sollicitations en relance ou au rétrogradage. Ce qui pourrait passer au premier abord pour un simple "turbo lag" à l'ancienne, trahit plus probablement la gestion électronique et mécanique complexe de la transmission. Alors que d'ordinaire nous n'avions que des éloges envers la boîte automatique ZF 8, il se pourrait donc que sa conversion à l'électrique pénalise sensiblement l'agrément. Quoi qu'il en soit, compte du poids aberrant de l'ensemble, on ne peut pas s'empêcher de penser que même le meilleur hybride ne présente pas de réel avantage au niveau performances ou agrément face à des modèles purement électriques comme la Tesla Model S Plaid.
Alors bien sûr, oui, il reste la satisfaction de pouvoir encore faire gronder le V8 sans avoir à payer de malus du fait d'émissions de CO2 homologuées à seulement 35-39 g/km. Ce tour de magie correspond à une consommation moyenne risible de 1,7 litre aux 100 kilomètres permise par le mode ELECTRIC. Celui-ci permet en effet de rouler jusqu'à 140 km/h sans démarrer le V8, donc sans émettre aucun gaz d'échappement, avec une autonomie théorique de 83 kilomètres maximum (pas à cette vitesse...). Mieux encore, en étant au-dessus du seuil de 50 km, le XM se permet même l'affront d'échapper au malus au poids en France. En arriver à faire une voiture de 2,7 T et échapper au malus au poids, n'est-ce pas ironique ?... Le moteur électrique tire son énergie d'une batterie lithium-ion haute tension intégrée dans le châssis d'une capacité nette de 25,7 kWh. Le chargeur intégré pour courant alternatif accepte jusqu'à 7,4 kW de puissance ce qui permet de récupérer 100 % de la batterie en 4 heures 15 sur une prise adaptée. En ce qui concerne notre essai, durant lequel le V8 a bien été mis à contribution (!), il ressort une consommation beaucoup plus "réaliste" de 11.5 l/100 km qui, tout bien considéré, s'avère quand même assez remarquable...
SUR LA ROUTE
Il est évident que l'utilisation visée par cette nouvelle vitrine du savoir-faire de la division M n'a plus rien à voir avec celle qui avait abouti à la création de la M1. Néanmoins, la conception du XM s'impose comme une démonstration technique éclatante dans l'exercice de contourner les lois... de la physique. Ainsi, l'essieu avant à double triangulation et l'essieu arrière à cinq bras sont amortis par une suspension active "SelectDrive M Pro" comprenant des amortisseurs à commande électronique et un système de stabilisation active du roulis (Active Roll Control) piloté par des moteurs électriques 48V. L'efficacité de ce système est, comme la Citroën Xantia Activa l'avait prouvé avec beaucoup d'avance, totalement bluffante. De surcroît sur un véhicule aussi haut et aussi lourd ! Le SUV XM est également le premier modèle BMW M à être équipé des 4 roues directrices (Integral Active Steering) qui font partie de la dotation de série. Enfin, il faudra accorder toute sa confiance au freinage régénératif M Sport comprenant des étriers fixes à 6 piston fixe à l'avant et des étriers flottants monopiston à l'arrière pour stopper les plus de 2,7 tonnes de l'engin lancé à pleine allure... Le système électronique de bord permet deux réglages de sensation à la pédale.
La puissance colossale générée par le duo de moteurs est transmise aux quatre roues via un système intégralement piloté par électronique (M xDrive), dont la configuration de base orientée vers l'arrière, particulièrement perceptible en mode "4WD Sport" (activé via le menu M Setup), reste typée BMW. Le différentiel M Sport ajouté sur l'essieu arrière est également entièrement variable et permet de répartir le couple entre les roues gauche et droite en fonction des besoins et de l'adhérence. Le mode "4WD Sand" désactive quant à lui le DSC (contrôle dynamique de la stabilité) pour la conduite sur terrain meuble ou glissnt, comme des dunes par exemple.
L'interconnexion de tous les systèmes du groupe motopropulseur et du châssis aboutit à une tenue de route parfaitement maîtrisée et même absolument surnaturelle compte tenu des paramètres physiques mis en jeu. Même sur route sinueuse, on peine à croire la facilité avec laquelle il est possible de mener ce mastodonte. Une vraie sportive... au gabarit près ! En effet, entre la position de conduite haut perché et les dimensions de la bête, l'expérience se situe quelque part entre la supercar et... le camping-car. Outre le côté dérangeant de se retrouver à mordre sur la voie d'en face pour être à l'aise sur un réseau secondaire parfois trop étroit, la direction extrêmement filtrée et très assistée ne permet pas vraiment de sentir les roues avant. Un peu comme avec un mauvais livre entre les mains, on survole la route plus qu'on ne la dévore. Inutile d'espérer faire corps avec la machine ici car, bien que précis, le train avant a décidé de tout garder pour lui et de ne rien dire au volant. Dommage pour les sensations, même s'il est vrai de toute façon qu'avec un tel poids c'est surtout l'électronique qui permet que tout se passe bien...
D'ailleurs, bien dans son époque, le BMW XM peut également compter sur le plus grand choix de systèmes d'aide à la conduite - de série ou en option - du marché. Entre le Drive Assist (avertisseur de risque de collision avant, avertisseur d'angle mort, Speed Limit info (Indication des limitations de vitesse et des interdictions de dépassement et avertisseur de trafic transversal arrière, le Park Assist Plus ou encore l'assistant de marche arrière « Auto Reverse », tout est fait pour assister le "pilote"...
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
BMW XM Label
MOTEURType : V8 32 soupapes + moteur électrique synchrone
Position : longitudinal AV
Alimentation : Injection directe + 2 turbos
Cylindrée (cm3) : 4395
Alésage x course (mm) : 88.3 x 89
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 748 de 5600 à 6500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 1000 de 1800 à 5400
TRANSMISSION
AR + autobloquant avec Torque Vectoring (PTV)
Boîte de vitesses (rapports) : automatique M Steptronic (8)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés (350), étriers fixes 6 pistons - disques ventilés (330), étriers flottants 1 piston
Pneus Av-Ar : 275/45 R21 110Y XL / 315/40 R21 115Y XL
POIDS
A vide constructeur (kg) : 2720
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 3.6
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 250
1000 m DA :
0 - 100 km/h : 3"8
0 - 200 km/h :
CONSOMMATION
Moyenne WLTP (L/100 km) : 1.7-2.0
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 11.5
CO2 (g/km) : 37-45
PRIX NEUF (05/2024) : 205 000 €
PUISSANCE FISCALE : 34 CV
CONCLUSION
Si la M1 était née pour la compétition, le X///M lui est clairement le fruit du service marketing. C'est qu'en 50 ans, la philosophie et les objectifs du département Motorsport ont beaucoup évolué. En signant de sa griffe un SUV exclusif, BMW M conforte une ligne commerciale claire. Mais, si sur le plan technique la démonstration est effectivement impressionnante, on regrette que l'âme qui faisait les grandes BMW M (le plaisir de conduire) devienne plus une invocation spirituelle au volant d'un 4x4 de luxe surpuissant mais très aseptisé...
Performances de supercar
Tenue de route surnaturelle
Confort préservé
Consommation
Aucun malus...
... mais prix de supercar !
Poids / gabarit démesurés
Design caricatural
Agrément moteur/boîte décevant
Direction / sensations aseptisées