IRRESISTIBLE !
Symbole d'une époque et d'une génération,
la Ferrari Testarossa était une voiture bien née et
pour beaucoup, difficilement perfectible. C'était sans compter
sur le talent des motoristes de Maranello et le coup de crayon génial
du centre de style Pininfarina qui lui ont redonné une nouvelle
vie sous le patronyme de Ferrari 512 TR...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
L'histoire la Ferrari
Testarossa prend ses origines en 1971 avec la présentation
au salon de Genève de la berlinette Ferrari 365 GTB4 qui
fut alors la première de l'histoire de la marque dotée
d'un moteur 12 cylindres à plat. Elle fut produite de 1972
à 1976 avant de laisser sa place à la fameuse Berlinetta
Boxer, la 512 BB, puis BB 512i avec l'apparition de l'injection
électronique en 1981. En 1984, l'histoire du flat 12 prend
un nouvel envol avec la sortie de la Ferrari Testarossa, reprenant
la célèbre appellation de la 250 Testa Rossa de 1958,
baptisée ainsi en référence aux couvres-culasses
rouges de son V12. Présentée le 2 janvier 1992 en
avant-première mondiale du salon automobile de Los Angeles,
la Ferrari 512 TR est donc l'aboutissement d'une splendide lignée
et fait encore aujourd'hui honneur au patrimoine de la marque. Les
objectifs du projets étaient simples : meilleures performances
et tenue de route, ainsi que mise en conformité avec les
normes de pollution et de sécurité les plus strictes.
DESIGN
Malgré de nombreux éléments communs à
la Testarossa, notamment de carrosserie, la Ferrari 512 TR est presque
à considérer comme une nouvelle voiture. Les "restylages"
sont tellement rares et profonds à Maranello, qu'ils justifient
d'ailleurs presque toujours un changement de nom de baptême,
qui reprend assez subtilement le célèbre nombre 512
et TR pour Testa Rossa bien sûr. Quand on a un tel patrimoine
de marque, il serait stupide de ne pas en profiter ! Malgré
un carnet de commande mondial à saturation, les ingénieurs
sous les ordres de Luca Cordera Di Montezemolo, le nouveau président
de Ferrari, n'ont pas chaumé après la mort du Commendatore
Enzo Ferrari. Toutefois, lorsqu'on met cote à cote la Ferrari
Testarossa et la 512 TR, le lien de parenté, inévitable,
ne retranscrit pas à sa juste valeur tout le travail accompli.
Mais à vrai dire, on aurait mal imaginé une évolution
radicale d'une ligne aussi unique et sculpturale que celle de la
Testarossa, qui avait d'ailleurs reçu plusieurs prix de design
à sa sortie dont le "Car Design of the Year". Ce
qui frappe au premier coup d'oeil est sans doute l'augmentation
de la taille des jantes. La 512 TR passe du 16" au 18",
une première mondiale sur une voiture de série ! Pour
le reste, le travail des quelques légères retouches
stylistiques a porté sur l'aérodynamique et l'adaptation
aux évolutions techniques du châssis et du moteur.
Les ailes et le capot avant sont strictement identiques, seul le
bouclier entièrement peint et intégrant les phares
comme sur la Ferrari 348
est nouveau. Les feux escamotables, partie intégrante du
mythe, sont eux aussi toujours là. A l'arrière, changements
minimes également, Pininfarina, assurant la production du
modèle dans son usine de San Giogio Canavese, ayant simplement
travaillé à diminuer le Cz à l'arrière
grâce à un extracteur positionné sous les sorties
d'échappement, entraînant une légère
portance qui rééquilibre la voiture. Rappelons que
la Testarossa se distinguait justement par son absence de portance
aérodynamique à l'arrière (Cz nul), ce
qui lui permettait de se dispenser de la présence d'un aileron
disgracieux. Le capot moteur intègre aussi désormais
la grille de refroidissement qui n'est plus une pièce rajoutée.
Les modifications esthétiques sont donc mineures et tant
mieux car la 512 TR conserve cette beauté faite d'une sportivité
impressionnante et délicate à la fois, dont le coup
de crayon vieux de 7 ans en a fait un objet d'art autant qu'une
automobile d'exception, dépassant ainsi les simples modes.
INTERIEUR
L'habitacle est lui aussi revu et conforme à ce que l'on
attend d'une Ferrari. Sportif et chic, sans superflu. L'affreuse
console centrale a disparue mais les manomètres sont toujours
là. Le dessin des contre-portes et de la planche de bord
a été simplifié. Les compteurs frappés
du petit cheval cabré sont nouveaux : vitesse maxi 320 km/h,
régime moteur 10 x 1000 tr/mn. La simple vue de ces chiffres
fait déjà tourner la tête de tout amateur de
voitures de sport. Point positif, les sièges sont plus enveloppants
et plus bas, bien mieux en phase avec le potentiel de la machine.
La position de conduite est excellente. Certes, ce n'est pas la
qualité "à l'allemande" dont toute l'industrie
automobile tente de s'approcher depuis la fin des années
80. A ce prix, certains détails de finition, laissant nettement
transparaître tout l'artisanat dont la construction a fait
l'objet, sembleraient indignes s'il n'y avait au centre du volant
ce petit cheval noir sur fond jaune. Car faut-il rappeler que nous
sommes là à bord d'une quasi voiture de course qui
répond avant tout à la recherche des performances,
et qui n'est civilisée que dans la seule limite de satisfaire
aux critères minimum de confort et de prestige de ses acheteurs.
Pour cela, la Ferrari 512 TR possède en série une
climatisation, des vitres et rétroviseurs électriques,
un volant réglable en hauteur et un habillage de cuir intégral
qui rattrape pour beaucoup une finition et des plastiques très
moyens. Non, sur ce point une Ferrari n'est pas une Porsche, mais
il faut reconnaître que tout cela a pourtant bien du charme
et de la personnalité, ce qui n'est pas le cas de ses concurrentes
directes, allemandes ou japonaises. Et puis, une Ferrari c'est aussi,
et surtout... un moteur !
MOTEUR
Et quel moteur ! Le 12 cylindres à plat n'est pas avare en
sensations, autant pour le palpitant que pour les tympans. Un régal
de tous les instants, du ralenti au rupteur, du feulement grave
et rauque au hurlement aigu et métallique. Du pur bonheur
!!! Conservant l'architecture du bloc à deux carters-cylindres
assemblés verticalement, le moteur de la Ferrari 512 TR se
distingue par son faible encombrement en hauteur, renforcé
par le graissage à carter sec, qui permet d'abaisser le centre
de gravité de la voiture. Inconvénient, la largeur
de cette disposition définit un arrière plus large
que sur les autres voitures de sport. Mais Pininfarina a réussi
à transformer cet inconvénient en avantage, offrant
à la Testarossa une allure phénoménale. Les
cotes d'alésage et de course du Boxer 12 ne changent pas,
ainsi que le vilebrequin et les bielles, la cylindrée demeure
donc de 4,9 L. En revanche, les pistons sont nouveaux, en raison
des soupapes d'admission plus grosses et de l'augmentation du rapport
volumétrique (10:1 contre 9,3:1). Les chemises de type humide
ne sont plus en acier mais en alliage d'aluminium traité
au Nikasil, technique très coûteuse employée
de longue date par Porsche en compétition. L'ensemble du
circuit de refroidissement a été revu dans le but
d'optimiser la dépollution avec un double radiateur d'eau
en cuivre et un radiateur d'huile fait de tubes d'aluminium qui
se dispense désormais de ventilateur. Le travail sur l'admission
a lui aussi fait l'objet d'une grande attention. Conduits plus longs
et plus droits près de la culasse et admission dynamique
créée sur les filtres à air ainsi qu'un collecteur
d'échappement redessiné pour réduire la contre-pression
due au catalyseur métallique. Les lois de distribution sont
spécifiques ainsi que les poussoirs et ressorts de soupapes
renforcés. L'injection Bosch K/KE Jetronic laisse place à
une gestion intégrale Motronic 2.7 et à une injection
séquentielle multipoint. La puissance passe ainsi de 380
ch sur la Testarossa catalysée à 428 chevaux, obtenus
dans un festival sonore à 6 750 tr/mn. Le couple passe quand
à lui à 51 Mkg à 5 500 tr/mn. Pour faire face
à la demande en carburant, 2 pompes à essence immergées
alimentent chacune leur rangée de cylindres ! Dans les faits,
le caractère du moteur est assez différent, le nouveau
12 cylindres étant plus disponible et mieux rempli à
tous les régimes tout en conservant sa formidable spontanéité.
Les transmissions des Ferrari ont longtemps réclamé
poigne et force dans le mollet, la 512 TR ne fait pas exception
mais tente un effort en matière de confort. Pour cela, les
ingénieurs ont remplacé l'embrayage bi-disque de la
Testarossa par un monodisque de plus grand diamètre (et sans
amiante) présentant une moins grande inertie au passage des
rapports. Le différentiel arrière autobloquant ZF
passe à 45% en tarage et la démultiplication est un
peu réduite pour compenser l'augmentation de la taille des
roues. En performances pures, la 512 TR fait un bond en vitesse
maxi et dépasse désormais allègrement les 300
km/h, 313 mesurés par l'usine. On gagne également
près d'une seconde sur le 0 à 100 et 2" sur le
1000 m, c'est énorme. Vous vous en doutez, rares sont les
terrains de jeu qui permettent d'exploiter l'incroyable force qui
anime la 512 TR, et c'est bien ça qui est le plus frustrant...
CHASSIS
Si l'on reste assez loin d'une Lamborghini
Diablo de l'époque en performances pures, la Ferrari
512 TR se montre, elle, parfaitement utilisable sur tous les types
de parcours. La souplesse du moteur conjuguée à la
facilité de conduite permettent à quiconque, ou presque,
de se sentir rapidement à l'aise. Les voitures à moteur
central se font souvent remarquer par leur direction pouvant paraître
excessivement légère et imprécise. Ce n'est
pas le cas de la Ferrari 512 TR. Possédant un très
bon rappel, pas trop brutal, la direction non assistée présente
un rapport de démultiplication plus direct encore, soit 3,25
tours de volant de butée à butée. On constate
aussi un abaissement du centre de gravité sur la 512 TR,
qui est la résultante du positionnement plus bas de 30 mm
du moteur, obtenu par la modification du châssis multi-tubulaire
en acier spécial et de section ovale comme sur la F40. Ferrari
a en effet délaissé l'assemblage boulonné du
support moteur au profit d'un ensemble soudé plus fiable
et plus rigide de 12% en torsion et 25% en flexion. L'augmentation
de poids n'est que de 12 Kg, ce qui est minime face au gain obtenu
en solidité sur l'ensemble de la structure. Les triangles
rigidifiés et de nouvelles géométries ont apporté
plus de précision encore dans la tenue de route. Un gain
accentué par la réduction des masses non suspendues,
moyeux, roulements, amortisseurs et ressorts. Point faible de la
Testarossa, le freinage de la Ferrari 512 TR a lui aussi été
significativement renforcé. Disques mieux ventilés,
plus grands et plus larges, réalisés dans un acier
spécial issu de la compétition, étriers plus
puissants, lancée à 200 Km/h, la 512 TR s'arrête
20 m plus tôt que sa devancière. La pédale est
dure mais facilement dosable et le pilote reste le seul maître
en l'absence d'ABS. Livrée avec des Pirelli PZERO de dimensions
généreuses, l'adhérence de la 512TR se montre
invraisemblable, tout comme sa stabilité. Un grand circuit
comme celui de Fiorano permet d'entrevoir le fabuleux potentiel
d'une telle voiture de sport, n'ayant pas grand chose en commun
avec le reste de la production...
CHRONOLOGIE FERRARI 512 TR
1984 : Présentation de la Ferrari Testarossa à
Paris
1987 : Léger restylage, repositionnement des rétroviseurs
1991 : Arrêt de la production de la Testarossa en novembre
1992 : Le 2 janvier, présentation à Los Angeles
de Ferrari 512 TR
1994 : Remplacement de la 512 TR par la 512 M
1996 : Arrêt du modèle.
PRODUCTION FERRARI 512 TR
Total : 2280 exemplaires
:: CONCLUSION
Moteur fantastique, à la sonorité envoûtante,
ligne sublime, comportement exemplaire, la Ferrari 512 TR n'est
pas la sportive la plus extrême de sa génération
mais elle est sans doute la plus homogène. Aujourd'hui, un
tel achat relève de la collection mais n'exclut toutefois
pas un véritable plaisir d'usage, un confort décent
et une certaine fiabilité. Un rêve de gosse qui peut
devenir enfin accessible à certains, ou demeurer un fantasme
absolu pour tous les autres...
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Des performances hors du commun, une thématique musicale
inégalable, le plaisir de commander une mécanique
docile dans toutes ses fonctions, la Ferrari 512 TR représente
le plaisir de conduire à l'état pur. Une alchimie
complexe reposant avant tout sur une conception technique rigoureuse
qui, seule, autorise le passage de 428 chevaux à la route
d'une manière efficace. La 512 TR tient la route, freine
et accélère au superlatif. Tout cela pour dire qu'il
ne s'agit pas que d'une voiture de collection..."
AUTOMOBILES SPORTIVES ET DE PRESTIGE - JANVIER 1992 - SPECIAL
FERRARI. |