© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (08/05/2006)
PRINCESSE
ERIKA
Après des années d'autos de conception très
classique et dotées d'un palmarès en compétition éloquent,
Ford opère un virage à 180° pour avancer dans le modernisme
: traction avant, roues arrières indépendantes, et moteur transversal
coiffé d'une culasse en alliage. Bien qu'un temps il fut envisagé
d'appeler cette Ford "Erika", c'est finalement le nom déjà
connu et utilisé d'Escort qui fut retenu. Les sportifs n'ont pas été
oubliés avec des versions XR3 qui allaient tenter le putch contre la Golf
GTI, alors référence de son segment et véritable phénomène
de mode...
Texte : Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
Dans les années 70, l'heure est venue pour Ford d'unifier
ses productions qui diffèrent selon les continents. En plus, l'Escort MkII
ne rencontre pas le succès escompté, malgré une longue série
de victoires en compétition aux quatre coins du monde. Mais malgré cette
renommée, la Ford Escort MkII, lancée en 1975, pêchait sur
de nombreux points face à la concurrence directe en raison d'un archaïsme
(ou conservatisme) technique : propulsion arrière, essieu rigide, moteurs
en fonte
Ainsi, le projet Erika doit accoucher de la première "
World Car " de Ford, comprenez voiture à vocation mondiale qui pourra être
vendue sur tous
les continents. Un temps le nom de code Erika devait être le nom officiel
de la future compacte mondiale de Ford, mais la renommée du nom "
Escort " d'une part et les hésitations allemandes sur ce prénom
de femme amèneront à la décision qu'on connaît. La future compacte
de Ford sera donc bien la 3ème génération d'Escort. C'est le 26 septembre
1980 que Ford dévoile cette nouvelle compacte révolutionnaire
pour le constructeur américain ! Car si en effet la concurrence est passée
depuis longtemps déjà à la traction avant et aux roues arrières
indépendante, c'est une vraie révolution pour un constructeur qui
possède dans sa gamme encore les terriblement conservatrices Taunus et
Granada ! Les sportifs vont être comblés puisque une variante sportive,
l'Escort XR3, sera disponible dès le départ au catalogue de l'Escort.
Mais cela suffit-il
pour tenter de déloger la très établie VW
Golf GTI ?
PRESENTATION
La Ford Escort
MkIII a soigné son physique pour mieux séduire les masses. Des lignes
tendues et aérodynamiques à même de séduire tous les
continents ont été dessinées par les designers de la firme
à l'ovale bleu. Sa carrosserie est plus compacte et son Cx de 0,37 prouve
s'il en est le soin apporté à l'aérodynamisme. Si l'Escort
conventionnelle sera déclinée en 3, 4 et 5 portes berline et break
(la version 4 portes à malle classique sera appelée Orion), la Ford
Escort XR3 n'est disponible qu'en 3 portes. Les feux arrières striés
sont la marque de fabrique des Escort MkIII non face liftées (les phases
2 à partir de 1986 auront des blocs optique arrière totalement lisses).
Le style global est très marqué par les années 80. Comprenez
par-là que tout est très carré, génération
Rubic Magic Cube oblige ! En toute bonne GTI des années 80 qui se respecte, tous les artifices de la voiture de sport
sont présents. Un gros becquet arrière en plastique noir mat surplombe
la poupe de l'XR3, des jantes alu de 14 pouces au style " téléphone
", un peu comme sur les Porsche 911 et 944 des années 80, sont montées
de série et suprême détail, les rétroviseurs extérieurs
sont habillés par des coques peintes ton caisse.
HABITACLE
L'habitacle accuse le
poids des ans en design et ergonomie. Un bon point en revanche pour les sensations,
la position de conduite est très basse. Une sensation que l'on ne connaît
plus aujourd'hui avec les compactes qui offrent une position de conduite rehaussée
pour donner une sensation (fausse !) de sécurité accrue. Les sièges
sont confortables mais manquent de maintient latéraux. Dommage car l'assise
est bien conçue. Face au conducteur (ou doit-on dire l'apprenti pilote
?) le volant à deux branches en " V " inversé est positionné
assez haut. Pour la planche de bord, c'est plastique à gogo, mais l'assemblage
est plutôt soigné et résiste bien à l'usure du temps.
Si à l'extérieur la Ford Escort XR3 se pare de quelques atours de
GTI, l'habitacle reste assez triste et discret. Pas d'instrumentation pléthorique,
pas de moquettes voyantes, et les selleries des sièges ne sont pas très
gaies. La console centrale de la planche de bord est très dépouillée.
A noter les formes très carrées et surtout le bloc de commandes
de chauffage et ventilation curieusement disposé à la droite du
combiné d'instrument. En option (cela sera de série sur les XR3i
phase 1) on pouvait opter pour les feux additionnels rapportés sur la calandre.
MOTEUR
Les lettres CVH (Compound Valve angle Hémisphérique) désignent
un type de moteur à combustion interne 4 cylindres produit par Ford au
cours des années 80 et les années 90. Le moteur CVH (culasse en
alliage d'aluminium, angle des soupapes en V, chambre de combustion hémisphérique)
a été présenté par Ford en 1980 avec la Ford Escort
troisième génération. Il fût plus tard employé
sur la Sierra, la Fiesta deuxième génération et en 1983 sur
la Ford Orion. Des moteurs ont été construits dans l'usine de Dearborn
pour le marché d'Amérique du nord, ainsi que dans la nouvelle usine
de Bridgend au Pays de Gales pour le marché européen. La conception
du moteur remonte à 1974. Ce moteur est unique en termes de positionnement
de ses soupapes montées avec un angle en " V " pour obtenir une
chambre de combustion hémisphérique sans employer un double arbre
à cames en tête beaucoup plus onéreux. Il comporte également
des poussoirs hydrauliques, une première pour un moteur Ford européen. Durant toute sa vie de production (20 ans), le CVH a eu une réputation
pour être robuste mais bruyant à vitesse élevée. L'huile
de graissage provoque d'important dépôt et encrasse le moteur si
le programme d'entretient n'a pas été respecté. La courroie
de distribution casse fréquemment au environ de 100 000 à 150 000
kilomètres (encore si l'entretient n'a pas été respecté).
Sur l'Escort XR3, en cylindrée 1600, il développe 96 ch DIN à
6000 tr/mn et 13,5 mkg de couple à 4000 tr/mn. On sent l'influence de l'Angleterre
dans sa conception, car il est relativement coupleux et disponible à bas
régime (comparé à une Peugeot
205 GTI 1.6 contemporaine au moteur plus pointu) et grogne et se montre
bruyant dans les tours. Il fait preuve néanmoins d'une bonne volonté.
Comparé aux autres CVH de la gamme Escort Mk3, celui de la XR3 est dopé
par un arbre à cames spécial, un carburateur Weber double corps
et une courbe d'allumage spécifique. Cet ensemble mécanique, complété
d'une boîte de vitesses à quatre rapports, autorisent de bonnes performances
à la XR3 avec 182 km/h en vitesse maxi et un kilomètre départ
arrêté franchi en 32 secondes environ.
CHASSIS
La Ford Escort
Mk3 innove sur plus d'un sujet puisque le châssis tente de se mettre à
jour des standards du segment de l'époque. La propulsion est abandonnée
au profit de la traction avant. Fini le survirage et bonjour sous virage. Pour
glisser, faudra user du frein à main désormais ! Mais Ford ne s'est
pas arrêté en si bon chemin. Les roues arrières sont enfin
indépendantes montées sur ressorts hélicoïdaux avec
des triangles de suspension et des tirants longitudinaux. Si sur le papier, on
pourrait parler d'avancée technique, le résultat est plutôt
mitigé en raison d'un confort de roulement très ferme et d'une efficacité
moyenne comparé à l'homogénéité d'une Golf
GTI ou d'une 205 GTI. Cela sans compter le train avant qui est pas très
vaillant et aurait mérité des éléments plus largement
dimensionnés et résistants. La direction à crémaillère
se montre dure lors des manuvres et il faut la manuvre avec poigne
lors des enchaînements rapides. Les autres GTI de la même époque
étaient affublées du même mal car souvent dépourvue
d'assistance de direction. A l'avant des freins à disques ventilés
sont montés d'office tandis que de classiques tambours en fonte sont installés
à l'arrière. Les jantes alu sont de série, on l'a énoncé
plus haut et sont chaussées en 185/60 HR 14. Globalement la Ford Escort
XR3 reste une auto vivante et rigolote à conduire. Mais son manque de rigueur
peut désarçonner. Et l'état des silentblocs de barres stabilisatrices
et des amortisseurs est souvent déterminant dans le bon comportement des
XR3.
ACHETER UNE FORD ESCORT XR3
Les Ford Escort XR3 sont l'archétype des GTI des années
80, ou autrement dit des youngtimers. On les trouve aujourd'hui à des prix ridiculement bas, parfois même
à moins de 500 euros, comme le modèle qui illustre ce dossier. Comme toutes les voiture de cet âge, la rouille est
le point faible : baie de pare-brise, passages de roue arrière et logement
de la batterie sont souvent attaqués. Autre point faible, les silentblocs.
Outre le fait qu'avec l'age le caoutchouc devient poreux et cassant, ils sont
de toutes façons inadaptés à un usage sportif (la fameuse
tenue de route " aléatoire " des Ford). Ils seront donc avantageusement
remplacés par des silentblocs polyuréthane. Autre faiblesse rencontrée,
le tableau de bord sont très sensibles au soleil et sont la plupart du
temps complètement fissurés. Evidemment, un tableau de bord en état
neuf s'ajoute à la longue liste des pièces introuvables... Pour
le reste c'est plutôt bien fini et l'intérieur bien que très
austère, vieilli très bien, notamment la sellerie. Les coûts
d'entretien reste très bas, à condition de tout faire soit même
et de chiner partout pour trouver des pièces au meilleur prix. Pour la
nourrir il faut du Super 98 avec l'additif idoine en comptant 10L/100 (merci le
double corps !) Et pour les pièces il est très facile de trouver
à peu près tout ce qu'on veut en Angleterre ou sur Ebay à
peu de frais. Ca va des tôles rapportées pour remplacer un élément
trop attaqué par la rouille, aux petits boutons de commande du tableau
de bord. En revanche, si vous vous présentez dans le réseau Ford
français, les tarifs des pièces donnent le vertige. A noter tout
de même que les Escort post 83 ont toutes les mêmes amortisseurs alors
que celles pré-83 ont des amortisseurs avec une tête sans coupelle
donc légèrement différents... et sont très difficiles
à trouver. Auto sans histoire ? Oui mais à condition d'en trouver
une en bon état, car le moindre frais de remise en état va dépasser
très largement la cote de l'auto.
CHRONOLOGIE FORD ESCORT XR3
1980 : En septembre, Ford dévoile sa nouvelle Escort. Version
sportive XR3 avec moteur 1,6 litres
de 96 ch à carburateur.
1982 : En octobre, Ford monte l'injection
Bosch K-Jetronic (XR3i 105 ch DIN).
Elle reçoit des longues portées sur le pare-chocs avant (option
sur la XR3) et une boîte 5 vitesses.
1983 : En septembre au salon de Francfort ; Ford dévoile sa variante cabriolet
de son Escort également disponible en XR3i.
1985 : La version
XR3 à carburateur est supprimée du catalogue. La XR3i en profite pour récupérer de nouvelles jantes alu.
1986 : En janvier, restylage intérieur et extérieur
sur la gamme Escort. ABS en option.
1990 : Ford commercialise
sa nouvelle Escort MV.
:: CONCLUSION
Digne représentante d'une époque aujourd'hui dédiée
au confort et à l'aseptisation des autos, l'Escort XR3 distille son lot
de sensations avec un peu de bruit et un comportement vivant. Dommage que peu
de modèles soient en état concours et que son châssis soit
toujours aussi peu rigoureux (et cela ne s'arrange pas sans entretien en vieillissant
!). Mais en revanche les recettes de Ford dans les années 80 font toujours
recette : présentation pimpante, esprit et ambiance performances et une
fiabilité très correcte...
Nous tenons à remercier
chaleureusement Jean-Philippe et sa compagne qui ont accepté de se prêter
au jeu des séances photos statiques et dynamiques un 23 décembre
!
CE QU'ILS EN ONT
PENSE :
"Plantée sur des suspensions extrêmement fermes,
la XR3 fait indéniablement preuve d'une bonne efficacité, tout au
moins pour une traction avant. Si la qualité du revêtement se dégrade,
il n'en demeure pas moins que la motricité en fait rapidement autant, et
que, surtout sur route mouillée, les accélérations doivent
être dosées, un pied droit trop lourd provoquant immanquablement
des pertes d'adhérence capables de donner naissance à des "
tout droit " plus ou moins indésirables."
L'AUTO-JOURNAL
- 1981 - Ford Escort XR3. |