JAGUAR F-TYPE R AWD (2014 - )
NIRVANA
Années après années, la Jaguar F-Type évolue. Pour suivre les pas de la Porsche 911 et afin de composer une gamme à part entière, elle s’engouffre dans la mode de la transmission intégrale, aussi bien pour le cabriolet que pour le coupé. Cette quête à la polyvalence s’est-elle faite au détriment de son caractère ?
Texte :
Maxime JOLY
Photos : Étienne ROVILLÉ
Depuis début 2015, plusieurs modifications ont été apportées à la famille F-Type avec notamment l’arrivée de la boîte manuelle et de l’AWD (All-Wheel Drive). Après ceux consacrés aux cabriolets V6 et V8S puis au coupé V6S, voici déjà notre quatrième essai dédiée à celle qui incarne le renouveau de Jaguar. Histoire de vous proposer un complément logique, c'est donc la nouvelle R Coupé que nous avons essayée...
PRESENTATION
Le coupé F-Type R manquait en effet à notre tableau de chasse, si bien que nous avons profité de la sortie de l’AWD pour faire d’une pierre deux coups. Pas la peine de revenir en détails sur le génial de coup de crayon signé Ian Callum, les photos d’Etienne valent mieux qu’un long discours. Une précision s’impose toutefois sur la F-Type R puisque les quatre sorties d’échappement se substituent à la double sortie centrale des V6 et V6S. Quant aux versions quatre roues motrices, elles se distinguent par la présence d’un capot réhaussé agrémenté d’ouïes d’aération de couleur carrosserie et l’insigne AWD à l’arrière de la voiture. Les jantes en alliage 20'' Gyrodyne finition argent sont montées de série sur la F-TYPE R AWD ce qui n’empêche pas Jaguar de proposer une large gamme de jantes en option, dont celles en alliage forgé Storm se caractérisant par une finition d'un noir brillant tourné à la pointe de diamant et facturées 9.770€. Sans surplus, le client a le choix entre des étriers de couleurs rouge ou jaune. Seul le coloris noir est payant.
Malgré un prix de départ de 113.660 euros, face à une Porsche 911 Carrera 4S ou même une 911 Turbo, le coupé anglais apparaît très bien placé en tarif. Cependant, comme chez Porsche, les nombreuses options et packs extérieurs à disposition peuvent faire très vite grimper la note. A 500 €, le Back pack extérieur comprend une finition noire brillante à divers endroits. Plus cher (plus de 2.000 €), il y a le pack Design Sport à la finition assortie à la carrosserie sur les appendices aérodynamiques du pare-chocs avant, les jupes latérales et le diffuseur de pare-chocs arrière. Mais le pack carbone (ouïes d’aération ou encore couvre-moteur en fibre de carbone) et de nombreuses options sont gracieusement offertes par le constructeur : siège enfant, chargeur de batterie et diverses autres choses.
HABITACLE
Il n'y a pas grand chose à rajouter sur l’habitacle par rapport à nos précédents essais des F-Type Roadster et Coupé, que nous vous invitons donc à lire au passage. Le coffre est vaste mais peu profond. La presentation intérieure est toujours d’excellente qualité, que ce soit en terme d’assemblage que de matériaux utilisés. Les sièges Performance griffés « R » sont exclusifs à la motorisation V8. A chacun son ambiance par le biais des packs d’équipements. Les systèmes audio Meridian 380 W et système audio Meridan 770 W à son surround sont presents dans le catalogue. A mon sens, le véritable autoradio se situe sous le capot avant tandis que les quatre enceintes aux allures de lance-roquettes vous envoient les decibels…
F-TYPE R CABRIOLET AWD
Le cabriolet F-Type n’avait auparavant pas droit à la R qui n’arriva qu’à la commercialisation du coupé. A la place, on trouvait la V8S de 495 chevaux. A présent, la gamme est uniformisée entre les deux variantes de la F-Type sans que cela ne nuise aux 575 chevaux de l’édition limitée Project 7…
MOTEUR
En appuyant sur le bouton Start, le V8 AJ133 déjà essayé dans la XKR-S se rappelle à notre bon souvenir. Première chose, s’assurer que l’échappement sport est activé. Le V8 compressé se met alors à rugir comme un lion à travers ses 4 sorties d'échappement. Pas besoin d’aller haut dans les tours pour profiter de la bande-son. Même sous 2.000 tr/min, quand le fauve ronronne, l'échappement crépite à la décélération. Le conducteur jubile. A chaque levier de pied, les pétarades des retours de gaz évoquent un feu d’artifice au 14 juillet. Il n’arrive pourtant qu’un peu plus tard lorsque sur route dégagée, je passe en mode manuel et enclenche le mode Dynamic. Le félin se mue à cet instant en animal préhistorique pour votre plus grand plaisir. Et pour celui des passants et des autres automobilistes qui n’ont d’yeux (et d’oreilles) que pour vous… à moins que ce ne soit pour cette jolie monture. Des pouces levés et des regards envieux, mais non jaloux, voilà qui tranche avec l'autophobie qu'on veut nous faire avaler dans les hautes sphères politico-médiatiques...
Plus que le 0 à 100 km/h abattu en 4,1 secondes, ce sont les reprises du V8 "supercharged" qui sont le plus ébouriffantes. Il faut dire qu’avec 680 Nm de couple, le huit cylindres de 550 chevaux a de la ressource à revendre et tire le tiercé dans l’ordre : sonorité, puissance et couple. Malgré un léger manque de caractère à haut régime, on se régale à chaque seconde car à l’inverse, sa souplesse d’utilisation est tout bonnement phénoménale. On comprend alors que la F-Type R qui aurait pu apparaître comme un excès superflu, comparativement aux déclinaisons V6, gravite dans une autre galaxie. La mise en orbite est spectaculaire.
Le cru 2015 se démarque de la mode actuelle par l’arrivée d’une boîte manuelle. Elle n’est toutefois pas disponible sur les modèles AWD ni sur les V8, propulsion ou non. Mais en disposant de la boîte automatique à huit rapports fournie par ZF (déjà essayée sur les Aston Vanquish II et BMW M135i), l’anglaise ne perd pas aux changes. En plus d’être une des plus rapides du marché, elle est en outre intelligente. En 8ème, il y a juste à écraser la pédale de droite pour retomber instantanément en 3ème et se retrouver collé au fond du siège ! En revanche, l’étagement opté par Jaguar favorise les émissions de CO2 dès le 4ème rapport. Cela arrive un peu tôt sur une boîte 8… On se console avec une consommation loin d’être délirante puisque la moyenne s’est établie à 15 litres sans que l’efficience énergétique n’ait été notre priorité. C’est d’autant plus vrai qu’il est de toute façon impossible de rester raisonnable et c’est bien là tout le problème…
F-TYPE V6 AWD
Si la R n’est pas dans votre budget mais que vous désirez absolument la transmission intégrale tout en étant prêts à débourser les 6.000 € réclamés par Jaguar, les V6 340 et V6 S 380 vous attendent au chaud chez le concessionnaire. Il est vrai que les performances sont plus que suffisantes et le V6 particulièrement sonore…
SUR LA ROUTE
Conduire une F-Type, c’est comme assister à un concert de métal dans la fosse : il y a du gros son, on prend des coups mais ça fait partie du show. En AWD, on profite de la bande-son depuis un gradin plus tranquille, moyennant un surcoût de 6.000 €. Avec ses 1730 kg à vide, notre coupé R AWD n’est pas léger au demeurant, malgré son châssis en aluminium. L’avantage de la R est que le surplus par rapport aux V6 n’est que de 56 kg. Pour la version AWD, le surpoids se monte à 80 kg. Au final, cela commence à faire une surcharge pondérale non négligeable si bien qu’on atteint quasiment le poids de l'ancienne XKR-S qui peut "théoriquement" accueillir deux passagers de plus (en réalité l’occupant de la banquette arrière a intérêt d'être contorsionniste). C’est également le poids de la Maserati GranTurismo Sport, certes vieillissante et moins puissante, mais vraiment accueillante et motorisée elle aussi par un V8 extraordinaire.
Mais face à ces propulsions délicates, la bourgeoisie anglaise ajoute une corde à son arc. La propulsion, elle connaît, et puisqu’elle se veut utilisable au quotidien, il a fallu s’atteler à ce qu’elle puisse rouler quelle que soit la météo. Dans ce contexte, la transmission aux quatre roues s’impose d’elle-même et ce n’est de toute façon pas une nouveauté pour ce constructeur qui a déjà utilisé cette solution par le passé. Malheureusement, les tentatives chez les concurrents ne sont pas toujours couronnées de succès : sous-virage et perte de sportivité en sont trop souvent les dommages collatéraux. Une F-Type se tient en laisse et on ne veut surtout pas lui attacher une camisole de force. Les premiers virages sont rassurants. Le coupé F-Type AWD conserve un tempérament de propulsion tout en bénéficiant d’une motricité à toute épreuve. La répartition du couple est gérée électroniquement en temps réel et peut varier de 100% sur l’arrière à 70% sur l’avant.
A l’instar de plus en plus de sportives, la F-Type dispose du Torque Vectoring, technologie qui ne nous a pas toujours convaincus par le passé. Dans le cas présent, il a fallu revoir notre jugement. Le sous-virage est limité et la précision du train avant semble même progresser par rapport à la V6S. Les suspensions avant raidies pour s’accommoder de la hausse de poids y sont peut-être aussi pour quelque chose. Attardons-nous un moment sur ce sujet en précisant que l’amortissement piloté est de série. Le mode Dynamic est palpable tant les suspensions se raffermissent. Utile en conduite nerveuse, mieux vaut repasser le désactiver si c’est le confort que vous recherchez. Par ailleurs, la physique finit par reprendre ses droits et sur route bosselée l'électronique ne fait pas de miracle en se montrant parfois dépassée à vive allure. Les sièges sont également excellents avec une assise et un maintien parfaits. Pour que le pilote ou le passager s'y sente encore mieux installé, un bouton permet d’augmenter ou de réduire l’étroitesse du baquet.
De série, les F-Type R (AWD ou non) sont équipées du système de freinage Super Performance Jaguar constitué de disques de 380 mm à l'avant et de 376 mm à l'arrière. C’est puissant et endurant, à tel point qu'on finit par oublier la masse conséquente et les vitesses atteintes aux points de freinage. Car le V8 suralimenté vous catapulte littéralement d'une courbe à l'autre, avec aisance et même brutalité. Mais si cela vous paraît insuffisant, pour le cas d'une utilisation sur circuit, vous pouvez toujours faire monter les coûteux freins en carbone céramique. Terminons ce chapitre sur une petite note négative toutefois, en regrettant que la nouvelle direction électrique perde en ressenti. Plus légère et artificielle par rapport à la direction hydraulique des millésimes antérieurs, elle n'en demeure pas moins aussi agréablement directe.
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
JAGUAR F-TYPE R AWD
MOTEURType : V8 à 90°, 32 soupapes
Position : longitudinal AV
Alimentation : injection directe Bosch + double distribution à calage variable (DIVCT) + compresseur double vortex de type Roots + échangeur air/eau
Cylindrée (cm3) : 5000
Alésage x course (mm) : 92,5 x 93
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 550 à 5500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 680 de 2500 à 5500
TRANSMISSION
AR + autobloquant DSC
Boîte de vitesses (rapports) : automatique (8)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés (380) - disques pleins (376) + ABS + ESP
Pneus Av-Ar : 255/35 - 295/30 ZR 20
POIDS
Donnée constructeur (kg) : 1730
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 3,1
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 300
400 m DA : 12"3
1000 m DA : 22"3
0 - 100 km/h : 4"1
CONSOMMATION
Moyenne cycle mixte (L/100 km) : 11.1
CO2 (g/km) : 269
PRIX NEUF (03/2015) : 113.660 €
PUISSANCE FISCALE : 47CV
CONCLUSION
:-) V8 puissant et coupleux Sonorité délirante Accélérations / reprises fracassantes Boîte rapide et intelligente Motricité Freinage Maintien des sièges Confortable Ligne à couper le souffle |
:-( Direction trop légère Etagement de la boîte Poids en hausse Visibilité arrière Incompatible avec le permis à points... |
En misant sur la transmission intégrale, la F-Type n’a rien perdu de sa verve ni de son caractère du fait de son extraordinaire ensemble moteur/boîte. Elle a même gagné en polyvalence et en facilité de conduite grâce à une motricité infaillible. Pour les claustrophobes, Jaguar s’est décidé à proposer cette version R en cabriolet. Après trois jours passés à son volant, il est tout aussi difficile de rendre les clés que de lui trouver de réels défauts...