JANNARELLY DESIGN-1 Roadster (2020 - )
Brute de décoffrage
Un retour à une pureté stylistique et mécanique qui résonne dans le coeur de tout passionné d'automobile, telle est la promesse de Jannarelly avec ce premier modèle baptisé Design-1. Inspiré des voitures de course des années 60, il s'inscrit dans une démarche "rétro-futuriste" totalement à contre-courant du chemin emprunté par l'industrie automobile...
Texte & photos : Sébastien DUPUIS
Lorsque les premières esquisses sont sorties, j'avoue m'être dit qu'il s'agirait d'un projet fantaisiste de plus parmi les multiples 3D qui fleurissent sur le net et ne passent jamais l'étape de la palette graphique. Et puis la voiture a finalement vu le jour, pour de vrai. Une poignée de clients ont même été livrés nous dit-on, le rêve est devenu réalité et le nom Jannarelly, en tant que marque automobile, a donc franchit un cap. Le petit constructeur prépare maintenant son avenir en développant un réseau. En France, c'est le distributeur J Automotive Development qui s'en charge depuis cette année. C'est d'ailleurs à l'occasion d'un passage en Normandie chez Sport & Classic Cars à Pont-L'Evèque, devenu revendeur officiel Jannarelly, que nous avons pu l'essayer.
L'autre fait d'armes de nos français (voir encadré plus bas) est d'avoir débauché, juste avant le confinement, Alexander Lee. Si ce nom ne vous dit rien, sachez que c'est l'ancien PDG de Singer Vehicle Design. A entendre le responsable commercial de Jannarelly France, les ambitions des créateurs sont quasiment sans limite, tout comme la motivation de la petite équipe qui gère le projet dans le plus pur esprit "start up". L'avenir nous dira ce qu'il en est face à la réalité impitoyable du marché mais une chose est sûre désormais, on a essayé une Jannarelly !
FRENCH TOUCH
Jannarelly a été créé conjointement par deux français, Anthony Jannarelly, designer qui s'est fait remarquer en concevant la Lykan pour W Motors, et Frédéric Juillot, ingénieur et concepteur de bateaux en matériaux composites. La rencontre des deux hommes aboutit très vite à un projet réunissant leur passion commune pour les belles voitures : le proto Design-1. L'idée est lancée et fait rapidement le buzz sur les medias et réseaux sociaux. Il n'y a avait plus qu'à concrétiser. Ce sera fait en 2015 avec la création de la marque Jannarelly, entreprise basée à Dubaï.
PRESENTATION
La Design-1 porte bien son nom. Une pépite de designer assurément, conçue par un passionné qui s'est tout d'abord fait plaisir en créant une très belle voiture. Inspirée par les monstres sacrés des années 50 et 60, Ferrari 250 Testa Rossa et Shelby Cobra en tête, le dessin mêle harmonieusement la grâce et la force. La face avant particulièrement évocatrice avec un long capot et une bouche, typique du dessin de l'époque, rappelle qu'il ne faut pas toujours se fier aux apparences. Car, comme sur la Ferrari 250 LM, c'est bien à l'arrière qu'est installé le moteur !
Cette ligne n'est simple qu'en apparence car l'aérodynamique profite des dernières techniques pour ajouter subtilement l'efficacité d'aujourd'hui à la beauté des lignes d'autrefois. Il en résulte une vraie sculpture à quatre roues. Les petites jantes, chaussées de gros boudins, sont aussi une énorme baffe aux adeptes du 22 pouces à flanc plat. De base, la carrosserie est réalisée en fibre de verre mais on peut aussi l'avoir en fibre de carbone, avec un gain de 50 kg à la clé. Terminons ce chapitre en précisant que 3 configurations de carrosserie sont proposées : la "Barquette", avec un simple saute-vent, le "Roadster", présenté ici, avec un vrai pare-brise et enfin le "Coupé-targa" dont le hard-top vient ajouter un peu de polyvalence.
HABITACLE
A bord, aucune concession n'est faite à la praticité et l'utilisation des coffres ou des portières ferait passer n'importe quelle Lotus pour un modèle d'ergonomie. Le coffre arrière contient à peine plus que mon sac photo et oblige à dégoupiller le frêle capot moteur pour y accéder. Je ne vous conseille pas d'y mettre vos surgelés en revenant du Drive... Le coffre avant est un peu plus accueillant. Quant à l'habitacle, il va droit à l'essentiel et ne comporte qu'un seul espace de rangement, sous l'accoudoir central. Après avoir compris que l'ouverture de portière se fait uniquement par l'intérieur (!), enjamber l'énorme longeron est une première épreuve qui ne laissera pénétrer à bord que les preux chevaliers animés par une foi inébranlable en la conduite automobile. L'accoudoir gauche bloque les mouvements du bras si on n'enfonce pas complètement le coude dans la portière. Les compteurs serrés comme des sardines derrière le volant de petit diamètre manquent cruellement de lisibilité, au contraire de la tringlerie de boîte en aluminium qui a choisi de s'exhiber intégralement. L'aluminium compose également un pédalier articulé au plancher, particulièrement rapproché. Enfin, le siège manque de recul si on dépasse les 1m80 et le volant ne se règle pas.
L'ergonomie du poste de pilotage est donc assez... particulière, vous l'aurez compris. On comprend dès lors que c'est au pilote de s'adapter à la voiture et non l'inverse. C'est en fait la philosophie de toute la voiture. Comme tout vrai roadster, la Design-1 Roadster ne comporte pas de vitres latérales mais le seul pare-brise s'est avéré très efficace contre les remous d'airs. Et puis ne cherchez pas la clim auto, le GPS ou le "Car Play". Ici on parle de sport et le simple démarrage du moteur via l'interrupteur à levier suffit à vous dépayser. Toutefois, il y a moyen de se rafraîchir un peu avec une clim manuelle optionnelle dont le panneau de commande se trouve relégué... sous la planche de bord. Peut-être parce que ce n'est encore qu'un coup d'essai pour cette jeune marque, la finition apparaît assez inégale, oscillant entre de très belle pièces (commande de boîte, sellerie) et des éléments un peu cheap (cache central du volant, instrumentation).
MOTEUR
Designer mais pas motoriste, Jannarelly n'a pas cherché à réinventer la roue pour animer son beau joujou. Ainsi c'est dans l'optique d'offrir un moteur puissant, fiable et mélodieux que son choix s'est porté vers un bloc déjà existant et éprouvé : le V6 3.5L Nissan des coupés 350Z. On le pensait disparu à jamais en 2009 avec la sortie du coupé 370Z mais ce cher VQ35DE a bel et bien été exhumé des tréfonds de l'automobile sportive ! Ayant quitté la scène avec 313 ch, le bloc Nissan est passé par la case "reprog" avant de prendre place, en position transversale arrière, sous le frêle capot de la Design-1. Officiellement, c'est maintenant 325 ch qui s'extirpent de ses entrailles à 6800 tr/mn, dans une sonorité diabolique et une forte odeur d'hydrocarbures. Pas besoin de passage à l'analyseur de gaz pour deviner qu'il tourne un peu riche et se passe de catalyseur sur cette version "démo". On nous laisse entendre qu'une conversion au bioéthanol, via un boitier flexfuel E85, lui permettrait de passer l'homologation RTI pour la commercialisation en France. Si elle est retenue, cette solution permettrait également de diviser par deux les émissions de CO2 homologuées pour le calcul du malus, de la façon la plus légale qui soit !
Mais revenons à des choses plus fantasmatiques. Le V6 Nissan prouve de nouveau qu'il méritait largement de tenir son rang parmi les meilleurs moteurs de sa génération. La poussée vigoureuse et linéaire depuis le bas du compte-tours incite tout d'abord à une conduite au couple, surtout compte tenu de la faible masse à déplacer. Réactif à la moindre sollicitation de la pédale, le V6 japonais répond présent à chaque appel et nous ramène à la belle époque des gros atmos. En 2020, on passera volontiers pour un vieux con en disant ça mais croyez-nous bien qu'une fois dans les tours, il n'y a plus besoin de mots pour expliquer la différence. La sonorité est à peine croyable. Oubliez tous les artifices qu'on nous inflige aujourd'hui pour faire "comme au bon vieux temps". Ici, c'est le bon vieux temps ! Lorsque le 3L5 se met à hurler juste derrière les oreilles pour prendre ses derniers milliers de tours, ce son là ne ment pas. Il vous prend directement aux tripes et ne les lâche plus jusqu'au rupteur. Composées du bruit d'échappement débridé (une ligne en titane est même disponible en option) et d'une admission "gros volume", les vocalises grimpent dans un registre et un niveau sonore qu'on ne rencontre plus qu'en compétition. Que c'est bruyant ! Mais que c'est jouissif aussi ! On nous rassure sur le fait que l'échappement d'homologation sera un peu plus modéré... mais non, ne changez rien !
L'autre atout choc de ce furieux roadster tient en sa commande de boîte "à l'ancienne", avec des débattement courts et une précision carrément addictive. Un vrai joystick, comprenez un manche à joie... Dans un "clac" très mécanique, le rapport supérieur s'engage avec fermeté et le tempo reprend crescendo jusqu'au prochain claquement. Avec cette musique de 6 cylindres enragé mené à la baguette, on replonge 40 ou 50 ans en arrière, au milieu des courses qui faisaient rêver nos pères et font encore rêver nos enfants lors d'évènements historiques. Cette musique là est une magie capable de transporter les âmes et aucun moteur électrique, aussi puissant soit-il, ne pourra jamais la remplacer...
SUR LA ROUTE
Une fois qu'on a compris dans quel registre se situe la Jannarelly, on peut se demander si la promesse de sensations d'un autre temps ne va pas de paire avec un rodéo incontrôlable. Il n'en est heureusement rien, en tout cas sur le sec. Les énormes gommes et le très bon équilibre du châssis permettent de profiter pleinement du potentiel mécanique en redécouvrant ce que le mot "engagement physique" signifie dans la conduite. Car en effet, même sans les températures estivales de notre essai, il y a de quoi rapidement transpirer derrière le volant pour adopter un rythme... sportif. Le mot est on ne peut plus approprié quand rien que de tourner le volant demande un effort physique ! Faut-il encore préciser que la direction n'est pas assistée, pas plus que les freins. Avant d'espérer faire corps avec la machine, il faut donc en appréhender les particularités et sérieusement muscler son jeu (de jambes et de bras) si l'objectif est d'aller briller sur circuit. Dans la production actuelle, il n'y a guère plus que Caterham à proposer ce genre conduite sans filtre que l'on pourra aisément qualifier de "virile" sans craindre de froisser une large majorité de la gente féminine.
Il ne faudra pas non plus se montrer douillet avec l'amortissement, bien que celui-ci soit réglable. Sans savoir exactement si les amortisseurs étaient réglés au plus dur sur notre modèle destiné aux "démos clients", on ne peut cacher que sa secoue sévèrement ! Pour autant, grâce à ses trains roulants perfectionnés, le Roadster Jannarelly parvient à ne pas trop s'écarter de sa voie sur mauvaise route abordée à vive allure. Dans pareil contexte, c'est la carrosserie qui semble demander grâce en manifestant de nombreuses vibrations et craquements. La légèreté de la construction se fait très nettement ressentir et même si cela n'inspire pas une confiance absolue, la conduite de pareil engin à bon rythme se révèle bien plus plaisante et addictive qu'on ne pourrait le craindre. Néanmoins, comme on ne va pas se mentir, enquiller une journée de petites routes en Jannarelly pourra s'avérer exténuant si vous n'y êtes pas préparé... Il résulte de la conduite de ce Roadster sans filtre un caractère sado-masochiste qui consiste à se faire du bien en se faisant mal... Mais n'est-ce pas fondamentalement le principe de toute activité sportive ?
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
JANNARELLY DESIGN-1 Roadster
MOTEURType : 6 cylindres en V à 60°, 24 soupapes à calage variable continu (CVTCS)
Position : transversal AR
Alimentation : Injection indirecte
Cylindrée (cm3) : 3498
Alésage x course (mm) : 95,5 x 81,4
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 325 à 6800
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 371 à 4800
TRANSMISSION
AR + autobloquant
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle (6)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés (350), étriers fixes 4 pistons - disques ventilés (330), étriers fixes 2 pistons
Pneus Av-Ar : 225/45 - 255/40 R 17 (Michelin PS4)
POIDS
Donnée constructeur (kg) : 950
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 2.9
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 220
1000 m DA :
0 - 100 km/h : 3"9
0 - 200 km/h :
CONSOMMATION
Moyenne cycle mixte (L/100 km) : N.C.
Moyenne de l'essai (L/100 km) : N.M.
CO2 (g/km) : N.C.
PRIX NEUF (09/2020) : 99 950€
PUISSANCE FISCALE (CV) : N.C.
CONCLUSION
Dans un monde automobile éternellement plus normalisé, assisté et contrôlé, la Jannarelly Design-1 offre une bouffée d'air frais inimaginable. Ce retour à l'authenticité et aux sensations brutes voulu par Jannarelly est de fait aussi miraculeux qu'insensé. Tout n'est pas parfait, loin s'en faut, mais ce roadster inflige une telle claque sur le plan des sensations qu'il est bien difficile de conserver une totale objectivité... Une expérience qui marque et une réponse cinglante à tout ce qui pourrait nous faire croire que l'automobile plaisir est en voie d'extinction. Reste le problème du prix...
Sensations brutes !
Sonorité grisante
Boîte excellente
Poids
Comportement équilibré
Futur collector
Finition perfectible
Ergonomie très particulière...
Aspects pratiques inexistants
Pas d'homologation européenne (RTI)
Tarif élevé (mais sans réelle concurrence)