© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (26/06/2012)
GRAINE DE STAR
Lancia est repris par le groupe Fiat en 1969. A cette période, la marque est chargée de développer deux coupés à moteur central arrière. Le premier est resté connu sous le nom de X1/9, le second vous est présenté ici…
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Pour le remplacement de ses spider 850 et 124 Sport, Fiat planche sur l'étude de modèles à moteur central arrière, solution alors inédite à Turin.
Tandis que la Fiat X1/9 est dessinée par Bertone, Pininfarina reçoit la conception et la réalisation de la Fiat X1/8 qui doit être équipée d'un puissant V6 3.0L. Un premier prototype est prêt en juillet 1970, puis un second en 1971. Au cours de l'année 1972, le projet X1/8 est renommé X1/20 suite à un changement d'orientation de Fiat. Face à la crise pétrolière, le coupé sera finalement équipé du 4 cylindres Fiat. Un nouveau prototype est construit
en juin 1973 sur lequel apparaît le fameux museau en plastique noir, puis en juin 1973 c'est au tour du toit ouvrant panoramique de faire son apparition. Le prototype final de la X1/20 est achevé en mai 1974, la voiture doit alors être exposée au salon de Turin de la même année.
Fiat souhaite trouver une descendante en Rallye à la fabuleuse Stratos, mais pour obtenir son passeport en Groupe 4, le nouveau modèle devra être beaucoup plus proche d'une voiture de série. Pour des raisons de coûts, un maximum d'éléments mécaniques devra être puisé dans la banque d'organes du groupe Fiat. Au Giro d'Italia Automobilistico (Tour d'Italie) 1974, Abarth engage une voiture de course dérivée du prototype X1/20 avec un V6 3.0L et baptisée Abarth Pininfarina SE 30. En raison de plusieurs retards, la X1/20 de série définitive n'est prête que pour le salon de Genève 1975. A la surprise générale, le nouveau coupé n'est finalement pas badgée Fiat mais dévoilé sous le nom de « Lancia Beta Montecarlo », probablement pour capitaliser sur ses succès au rallye de Monte-Carlo, dont celui de la Lancia Stratos victorieuse la même année.
DESIGN
La Beta est la première Lancia de l’ère Fiat, la dernière vraie Lancia conçue
en dehors de la tutelle Fiat étant la Fulvia. La gamme Beta se trouve ainsi complétée par un modèle sportif avec le coupé Montecarlo dont on espère qu'il profitera directement de l'image bâtie sur les nombreux succès en compétition de Lancia. Ce nouveau modèle est importé en France à partir de mai 1976. Dessinée par le carrossier Pininfarina, la Lancia Beta Montecarlo affiche un style moderne qui n'est pas sans rappeler un autre coupé à moteur arrière du maître italien: la Ferrari Berlinetta Boxer. On peut aussi remarquer que le coup de crayon de Giugiaro pour la DeLorean sortie la même année n'est pas très éloigné et ces lignes "en coins" restent très typiques des années 70-80. Les éléments en plastique sont également plus que jamais à la mode au milieu des années 70, les chromes étant jugés passéistes. C'est pourquoi on n'en trouve aucun sur la Montecarlo, excepté sur l'entourage de la traditionnelle calandre Lancia.
Des bandes adhésives sur les flancs se chargent d'assurer la continuité entre l'imposante face noire et le bouclier arrière. Dès son lancement, la Beta Montecarlo est proposée avec le toit souple repliable breveté par Pininfarina. Cette version est appelée Montecarlo Spider. Basse (1,19 m) et élancée, la Lancia Beta Montecarlo affiche un Cx pourtant relativement médiocre de 0,39, malgré quelques efforts évidents tels qu'un pare-brise collé affleurant à la carrosserie.
La 1ère série de la Lancia Beta Montecarlo, produite jusqu'en 1978 se reconnaît à ses roues en alliage de 13 pouces, à ses dérives arrière pleines, ainsi qu’à son petit rétroviseur extérieur profilé.
HABITACLE
Pouvant accueillir généreusement 2 personnes, l'habitacle de la Lancia Beta Montecarlo est aussi moderne que sa carrosserie. Sujette à la contrainte budgétaire imposée par Fiat, la présentation n'est toutefois pas aussi cossue que sur les Lancia plus anciennes. La planche de bord, de même couleur que la sellerie (marron, bleu ou rouge !), est certes rembourrée, mais les plastiques durs et le dessin général ont pris un sérieux coup de vieux. Les sièges sont un autre témoin de cette modernité obsolète avec un dessin en trois parties délicieusement daté par leur revêtement en skaï. La position de conduite allongée s'avère plutôt agréable à l'usage même si on regrette que les sièges ne soient pas réglables en inclinaison. L'instrumentation, assez complète, fait bloc devant le conducteur dans un ensemble tracé à l'équerre tandis que le volant à deux branches n'apparaît pas spécialement sportif. Le pédalier avec l’accélérateur placé très bas est également peu convaincant.
Le tachymètre gradué jusqu’à 250 km/h se charge de rétablir l'optimisme du pilote...
MOTEUR
Bénéficiant en avant-première du nouveau 4 cylindres en ligne 2 litres « double arbre » conçu par l'ingénieur Lampredi pour Fiat, la Lancia Beta Montecarlo possède un moteur puissant (et sonore !) alimenté par un carburateur Weber double corps inversé, délivrant 120 ch à 6000 tr/mn. Sur les différentes versions de la Lancia Beta, il bénéficie de réglages spécifiques. Le bloc en fonte est coiffé d'une culasse en aluminium et les arbres à cames sont commandés par courroie crantée. Comme sur les autres Beta, sauf qu'il est placé en position centrale arrière bien entendu, le moteur est incliné de 20° vers l’arrière. Pour autre originalité, le 2.0 de la Montecarlo est accouplé à une boîte-pont à 5 rapports qui transmet la puissance par l'intermédiaire d'un demi-arbre creux vers la roue arrière droite et d'un demi arbre plein vers la roue opposée. A l'usage elle apparaît précise et bien étagée mais ne permet pas d'accrocher plus de 195 km/H, bien loin des promesses du compteur ! Pour transfigurer les performances de l'auto et lui permettre de résister à la nouvelle vague des petites sportives compactes initiée par la VW Golf 1 GTI, il aurait fallu que Lancia se risque à monter le moteur Volumex des Beta HPE. Mais on ne refait pas l'histoire avec des "si". En conséquence, il faut se satisfaire de chronos satifaisants mais relativement modestes, à l'image du 1000m D.A au-dessus des 30 secondes.
CHASSIS
N'innovant pas particulièrement en matière de structure ou de liaisons au sol, la Lancia Beta Montecarlo est construite sur une carrosserie monocoque autoportante et équipée d’une suspension à quatre roues indépendantes. Le train avant est de type MacPherson, avec un levier transversal inférieur oblique, une barre de poussée et une barre anti-roulis, le train arrière, de type Mac Pherson lui aussi, reçoit un levier triangulaire transversal inférieur, un bras transversal auxiliaire et une barre anti-roulis.
La direction à crémaillère est relativement précise et directe, pour peu que les silentblocs soient encore en bon état. Sa légèreté, moins d'une tonne, fait de la Montecarlo un coupé vif et maniable, très à l'aise sur les petites routes sinueuses où l'on se plaît à cravacher le double arbre italien. La suspension reste confortable et la Lancia prend peu de roulis. Il n'en faut pas beaucoup plus pour se prendre au jeu d'une conduite dynamique, si ce n'est lorsqu'il faut ralentir ses élans... En effet, le freinage s'avère être le véritable point noir du coupé Lancia. Assuré par quatre disques, seul ceux de l'avant sont assistés sur la 1ère série et le manque de mordant est assez flagrant.
EVOLUTION
En 1978, un an après l'arrêt prématuré de la Lancia Scorpion, la production de la Beta Montecarlo est temporairement suspendue. Afin d'écouler des stocks encombrants, elle reste cependant au catalogue jusqu'au salon de Genève 1980, date à laquelle est présentée la 2ème série. Rebaptisée simplement "Lancia Montecarlo" via un monogramme sérigraphié sur la nouvelle bande en aluminium placée juste au-dessus du pare-chocs arrière , elle n'évolue pas significativement sur le plan mécanique et se contente essentiellement de retouches de style. Notons quand même que la Montecarlo série 2 est équipée d'une pompe à essence mécanique et d'un allumage électronique, avec une valeur de couple légèrement supérieure. La Lancia Montecarlo de 2ème série se distingue esthétiquement à ses
dérives arrière vitrées avec des arcs-boutants qui font la jonction entre la poupe et le toit de chaque côté du capot moteur, comme sur la Maserati Merak.
Les jantes un peu plus grandes (14" en 185/65 au lieu de 13" en 185/70) permettent le montage de disques majorés eux aussi (251 mm au lieu de 227) mais toujours dépourvus d'une véritable assistance. La calandre a été redessinée en deux parties avec un bandeau chromé au centre pour s'accorder avec celle des Delta et des berlines Beta.
Les clignotants dans le bouclier avant sont orange, le rétroviseur plus gros est déplacé de la porte à la vitre pour offrir un réglage intérieur.
La présentation intérieure change elle aussi légèrement par rapport à la 1ère série. La planche de bord n'est plus coordonnées à la sellerie mais noire, une troisième branche centrale a poussé sur le volant et les sièges, enfin réglables en inclinaison, troquent le simili-cuir pour du vrai tissu. Symbolisant à elle seule le changement de décennie, la montre à aiguilles est remplacée par une montre digitale. Le sursaut commercial de la Lancia Montecarlo n'est que de courte durée et la production s'arrête définitivement fin 1981, le modèle restant au catalogue jusqu'en... 1984 ! Seuls 5794 coupés Lancia Montecarlo seront produits, auxquels il convient d'ajouter les 1801 exemplaires de la Scorpion américaine.
ACHETER UNE LANCIA BETA Montecarlo
La première des difficultés ne sera pas tant de réunir le budget que de parvenir à trouver un exemplaire digne d'intérêt. Devenue relativement rare dans les petites annonces, la Lancia Montecarlo a progressivement sombré dans l'oubli, le plus souvent faute de soins appropriés. En effet, maintenir en bonne santé ce vestige des premières années de Lancia-Fiat n'est pas une mince affaire. Si le moteur de la Beta Montecarlo est réputé très solide et peut dépasser les 300.000 km avec un entretien scrupuleux (vidanges tous les 5.000, courroie tous les 80.000 km), le principal ennemi de la belle italienne sera comme souvent durant ces années-là... la corrosion. Bas de porte, bas de caisse, baie de pare-brise, tourelles de suspension, bac à batterie, etc. même la Montecarlo 2ème série y a droit à coup sûr. Tout aussi certains, les problèmes électriques font partie du folklore turinois mais s'avèrent moins dévastateurs.
Les pièces mécaniques, communes à plusieurs modèles du groupe Fiat, se trouvent encore assez facilement à des prix abordables. En revanche, si vous devez trouvez des pièces spécifiques comme les boucliers ou l'intérieur, c'est une autre affaire...
D'où l'intérêt de privilégier une voiture complète, chose qui se négocie généralement entre 10 et 15.000 € pour les plus beaux exemplaires.
LANCIA SCORPION
Version destinée exclusivement aux USA, la Lancia Scorpion est une Beta Montecarlo Spider adaptée aux normes de sécurité américaines. Devenue célèbre comme seconde héroïne motorisée du film "La Coccinelle à Monte-Carlo", elle se reconnaît immédiatement à ses pare-chocs à soufflets plus volumineux avec rappels de clignotants et ses phares ronds, ou encore à sa grille d’aération supplémentaire sur le capot moteur. La Lancia Scorpion bénéficie d’un intérieur cuir et de l’air conditionné en série. Mais comme bien souvent, les américains doivent se satisfaire d'un moteur "dégonflé" et son 1800 cm3 n'a que 81 ch à offrir... Démarrée fin 1975, sa production cesse dès 1977, faute de rentabilité.
LANCIA MONTECARLO TURBO
Si le succès commercial très décevant de la Beta Montecarlo a plombé une nouvelle fois les comptes de Lancia, l'aventure aura au moins permise un retour sur les circuits. En effet, Cesare Fiorio, patron du service course Lancia, remarque que la Montecarlo se prête très bien à la réglementation Groupe 5 qui vient d'être adoptée pour le Championnat du Monde des Marques. Cette catégorie «Silhouette», réservée aux voitures de production spéciales, permet de larges modifications et peut se montrer très favorable à la Beta Montecarlo et son moteur central. Après validation par la direction de Fiat, parallèlement au programme Rallye mené par Abarth, le projet débute dès le mois d'août 1978. Le facteur 1.4 appliqué à la cylindrée des moteurs turbo permet à Lancia de sortir près de 370 ch du moteur de la Beta Montecarlo ! Modifié pour rester tout juste sous la barre des 1426 cm3, il ne reste plus grand chose du bloc d'origine, à la faveur d'un règlement très ouvert. Le 13 décembre 1978, la Lancia Beta Montecarlo Turbo Groupe 5 est dévoilée à la presse. Malgré un abandon malheureux lors de sa première apparition en mai 1979 aux 6 Heures de Silverstone, avec les pilotes Riccardo Patrese et Walter Rohrl, Lancia remportera dès cette première saison 79 le titre de Champion du Monde des Marques en moins de 2 litres. 3 variantes du moteur seront réalisées, 1425, 1429 et 1773 cm3, avec des puissances allant jusqu'à près de 500 ch. En 1980 et 1981, Lancia est sacré Champion du monde d'Endurance en moins de 2 litres. 1982 marque la dernière saison de course pour la Montecarlo turbo et Lancia va se consacrer pleinement à son retour en rallye avec la 037 qui conserve la cellule centrale de la Montecarlo.
PRODUCTION LANCIA BETA MONTECARLO
Beta Montecarlo série 1 (10/1974 - 02/1978): 3835 exemplaires
Montecarlo série 2 (01/1980 - 09/1981): 1940 exemplaires
Scorpion (11/1975 - 01/1977): 1801 exemplaires
Lancia Montecarlo turbo (1979 - 1982): 11 exemplaires
Lancia Rally 037 (12/1980 - 01/1984): 220 exemplaires
TOTAL Lancia Montecarlo : 5794 exemplaires
:: CONCLUSION
La Lancia Beta Montecarlo c'est tout d'abord une ligne. Signée Pininfarina, elle reste un classique des années 70. C'est aussi une des rares Lancia à moteur central arrière et l'un des derniers modèles dont la base n'est pas partagée avec Fiat. Ajoutons le palmarès en compétition de la Montecarlo Turbo et de son dérivé lointain, la 037 Rally, et vous comprendrez que ce modèle est appelé à devenir un collector relativement prisé. Si elle n'est pas une sportive impressionnante par ses performances, la Lancia Montecarlo reste une voiture rare et attachante. |