© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (13/02/2012)
UNE HISTOIRE DE PILOTES
Après une carrière dans le rugby dans les années 50, Guy Ligier a commencé la compétition en sport mécanique sur moto en 1959 (champion de France en 59 et 60) puis passe à l'automobile en Formule Junior puis en rallye et en Formule 2 où il rencontre Jo Schlesser chez Ford France en 1964. Ils seront coéquipiers en F2 et endurance sur GT 40 et Cobra. En 1966, Ligier et Schlesser deviennent les importateurs exclusifs pour la France des produits Ford et Shelby. Cette même année comme d'autres pilotes ils décident de construire et courir sur leurs propres voitures. Ligier disputera son premier Grand Prix de F1 en 1966 sur Cooper-Maserati T81 et Schlesser en 1968 sur une Honda RA 302. Malheureusement celui-ci se tue à son premier Grand Prix à Rouen-les-Essarts lors du troisième tours.
Texte :
Aurélien RABBIA
Photos : D.R.
Guy Ligier se retire du sport automobile mais malgré la perte de son ami il se lance seul dans la construction de ses voitures qu'il baptise JS en hommage à Jo Schlesser. C'est dans une usine à Albrest près de Vichy que Ligier s'installe. En 1969 Ligier se lance dans la construction de cette nouvelle GT française et présente la JS1 au Salon de Paris. Cette JS1 est une voiture de compétition mise au point avec l'ingénieur Michel Têtu et le journaliste ingénieur Jean Bernadet. Sa carrosserie a été dessinée par Pietro Frua. Seul trois exemplaires seront fabriquées et recevront différentes motorisations Ford-Cosworth (1600 FVA, 1800 FVC et V6 2.4l Weslake). Afin de recevoir l'homologation en classe GT (500 exemplaires) et ne plus être obligé de courir en catégorie Prototype, Ligier décide d'en décliner une version de route, la JS2...
DESIGN
Cependant suite au retrait de Ford pour la fourniture de moteurs la production de la nouvelle Ligier JS2 sera reportée d'un an. Mais Ligier ne reste pas inactif et produit une barquette, la JS3, dotée du V8 Cosworth 3.0l. La JS2 sera finalement présentée au Salon de Paris en 1971 et les premières voitures seront livrées en novembre 1972 au prix 74000 Fr. Même si cette JS2 se veut être une GT elle s'habille d'une carrosserie en fibre de verre renforcée de résine synthétique pour faciliter sa fabrication en petite série. Le dessin est de l'italien Pietro Frua mais respectant le cahier des charges de Ligier, à savoir compacité et visibilité. La ligne se révèle assez ramassée car courte et basse. La JS2 est très tendue, contrairement à la JS1 l'avant est plus fin et sans calandre, intègrant un fin pare-choc en caoutchouc et une nouvelle prise d'air sur le capot. Les quatre optiques ronds sont sous bulles en plexiglas. L'arrière plus massif reprend les feux de 504 Coupé (comme la Sarap 701) pour les premiers modèles et l'inscription Ligier sur toute la largeur du coffre. Le tableau de bord est peut être le point faible de cette GT car trop tourné vers le fonctionnel et manquant de charme et d'une bonne finition. Cependant malgré des sièges baquets le confort est bon et la position de conduite idéale. En 1975 l'avant de la Ligier JS2 sera redessiné avec des phares cette fois-ci rétractables.
MOTEUR
En 1970, Ford refuse de fournir les son 2.6l de 165 ch pour la production en série afin de ne pas faire concurrence à sa future GT 70... qui ne sortira jamais! L'étude de la JS2 est mise de côté pour développer la barquette JS3. Devant le sérieux de Ligier, Raymond Ravenel, patron de Citroën, accepte de lui fournir le V6 et la boite de la future SM qui provient de chez Maserati récemment racheté. Ce rachat s'est effectué car Maserati s'est engagé à fournir un V6 à Citroën, bien que le spécialiste italien n'en avait encore jamais fait. C'est Giulio Alfieri, directeur technique de Maserati, qui va concevoir ce V6 type C114 pour la SM en quelques semaines seulement. Pour gagner du temps, il reprend un projet avorté de V8 imaginé pour Maserati, assez similaire à celui de l'Indy. L'architecture, amputée de deux cylindres, explique son angle d'ouverture à 90°, inhabituel sur un V6. Le premier prototype de V6 3.1l présenté sera ramené à 2.7l, pour des raisons fiscales françaises (super vignette au delà de 2.8l), par diminution de l'alésage d'un millimètre et de cinq pour la course. Ce V6 tout en fonte d'aluminium est très léger (140 kg) et très compact. La distribution se fait par chaîne qui se trouve entre deux cylindres (car au centre du moteur sur le V8) et par deux arbres à cames en tête sur chaque banc de cylindres. La culasse comporte seulement deux soupapes par cylindre (soupapes d'échappement refroidies au sodium) et dans des chambres de combustions hémisphériques. Seules le JS2 de compétitions recevront une culasse à quatre soupapes par cylindre. L'alimentation se fait par trois carburateurs double corps Weber de 42 mm ce qui lui permet de développer 170 ch à 5500 tr/min pour 230 Nm à 4000 tr/min. Cette puissance est transmise par la boite à cinq rapports de la SM à commande mécanique, à la fois douce et précise, apparue sur la DS 21 en 1971.
CHASSIS
Le châssis de la Ligier JS2, premièrement conçu pour la compétition, est composé d'une poutre central et de panneaux sandwich de tôle d'acier et de mousse polyuréthane. La technique fût brevetée par Ligier, s'inspirant de l'aéronautique. Ce châssis est prolongé par des extensions tubulaires. Seules les JS2 de compétition reprendront les châssis en aluminium (klegecel) des JS1. Par rapport à la JS1 le châssis sera rallongé de cinq centimètres. Le berceau arrière sera également redessiné par Michel Têtu afin de recevoir le V6 Maserati. Les quatre roues sont bien évidemment indépendantes et suspendues par des triangles superposés avec barres antiroulis. D'ailleurs chaque essieu reçoit un amortisseur de roulis (brevet Ligier), déjà apparu sur la deuxième JS1, permettant une très bonne maniabilité et une grande précision du comportement routier. Le freinage est à disques sur les quatre roues et assisté. Le poids annoncé à 860 kg sur la JS1 sera plutôt de 1030 kg sur le JS2 avec le châssis en acier.
EVOLUTION
Fin 1972, après un an de commercialisation, seulement 48 exemplaires de Ligier JS2 ont été vendus. En 1973, la JS2 reçoit pourtant une nouvelle version du moteur V6 Maserati. La JS2 reprend le nouveau V6 de la Merak dont la cylindrée a été portée à 3.0l par augmentation de l'alésage de 87 à 91,6 mm. Il développe maintenant 195 ch. Cette année environ 80 voitures seront commercialisées. En 1974 Ligier passe un accord avec Citroën et peut compter sur le réseau après-vente de Maserati et Citroën pour rassurés ses clients potentiels. Mais le marché des véhicules sportifs s'effondre en 1974 suite au premier choc pétrolier. Sur demande de Peugeot, Citroën abandonne l'assemblage de la SM et c'est Ligier qui prend le relais fin 1974 (114 exemplaires). Pour essayer de sauver sa GT Ligier sort une ultime évolution de la JS2 en 1975 dont l'avant est redessiné avec notamment des phares escamotables. Mais il est déjà trop tard pour relancer les ventes, et seulement sept JS2 "série 2" seront construites durant cette dernière année. Moins de 280 exemplaires auront été construits au total. Cette même année Citroën en grande difficulté financière à cause de multiples projet est racheté par Peugeot sous demande du gouvernement qui ne veut pas laisser cette chance à Fiat. Maserati passe sous la tutelle de GEPI (une société d'État italienne) puis se trouve vendue à De Tomaso en 1976. Ligier se retrouve sans moteur et abandonne définitivement la JS2.
LA LIGIER JS2 EN COMPETITION
Conçue autour d’un châssis en aluminium, la version compétition de la JS2 Ligier-Maserati est équipée d’une caisse allégée en plastique. La motorisation utilisée est un V6 Maserati de 3L de 270 ch. La première saison de la JS2 se solde par une succession d’abandons, exception faite de la victoire de Piot lors du Rallye de Bayonne. Michel Beaujon reprend le développement de la JS2, en 1973, suite au départ de Michel Têtu et Maserati fournit un V6 à carter sec de 330 ch. En 1974, Guy Chasseuil signe tout de même une victoire encourageante lors d'une course de 4 Heures au Mans. La consécration arrive au Tour de France Auto, avec les deux premières places des Ligier JS2 de G.Larrousse/JP.Nicolas/J.Rives et B. Darniche/J.Jaubert. En 1975 une Ligier à moteur Cosworth finit deuxième au général, c'est la dernière participation officielle de la marque.
CHRONOLOGIE LIGIER JS2
1969 : présentation de la JS1
1971 : présentation de la JS2
1973 : nouveau V6 3.0l de 195 ch
1974 : accords avec Citroën
1975 : dernière version et vente de Maserati par Citroën
:: CONCLUSION
Encore une fois, et malgré le soutien de Citroën, le choc pétrolier de 1974 a été une des causes principales de la fin d'un marque française d'automobile sportive. La difficulté d'atteindre les 500 exemplaires requis mis aussi un terme à la carrière en compétition de la JS2. Cette JS2 qui se voulait une GT manquait sûrement un peu de raffinement et son prix assez élevé la mettait en concurrence avec les Porsche RS 2,7l, Dino Ferrari 246 GTS. Plus chère que la SM de Citroën, elle laissa certainement passer sa chance. En 1975 Ligier arrête la production de voitures de route et se tourne vers la Formule 1 en récupérant le principal sponsor de Matra qui se retire alors de la compétition...
Nos plus vifs remerciements à nandrphotography, à Stijn Sioen et Christophe Ramonet de Flickr et au site auto-collection.virage-c.com et citroenet.org.uk pour les photographies.
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