© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (10/10/2005)
RENDEZ-VOUS MANQUÉ !
La Lotus Elan type M100 s'annonçait comme la Lotus qui
allait permettre à la petite firme de Ketteringham Hall de
faire du volume et pérenniser la santé financière
de la marque. Parmi ses singularités, on note le passage
à la traction avant nécessité par l'utilisation
d'ensembles mécaniques issus de la série. C'est donc
en traction avant avec un moteur turbocompressé et une boîte
de vitesses Isuzu que la Lotus Elan sera présentée
au grand public. Un rendez-vous manqué finalement puisque
l'Elan n'atteindra jamais la notoriété de ses illustres
aînées et ne vendra pas les volumes escomptés.
Aujourd'hui, la Lotus Elise, plus conforme à l'esprit de
la marque a vite fait oublier ce petit cabriolet pétillant
et efficace qui mérite amplement que l'on s'attarde sur son
sort...
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
La Lotus
Elan a marqué toute une génération d'amateurs
de voitures sportives. Dans les années 60, Lotus était
la marque gérée avec génie par Colin Chapman.
Ses Formule 1 pilotées par Jim Clark et Graham Hill entre
autres, glanaient titres et victoires en Formule 1. Sa Lotus Seven
continuait d'enthousiasmer les amateurs de sorties circuit et de
compétition à faible coût, et la Lotus Elan connaissait une renommée sans précédent, tant
par ses clients, ses engagements en compétition et sa présence
dans la série TV culte " The Avengers (Chapeau Melon
et Bottes de Cuir) " au volant de Madame Peal. Mais à
partir de 1974, la Lotus Elan, emplâtrée et embourgeoisée
stoppe sa carrière. Pas de succession n'est alors encore
à l'ordre du jour. Colin Chapman n'étant pas lui-même
encore convaincu de la remplacer, sans parler de la Formule 1 qui
nécessite toutes les ressources de Ketteringham Hall. En
outre dès 1975, la Lotus
Esprit est commercialisée, indiquant ainsi les nouvelles
orientations de la marque en matière de voitures de tourisme.
C'est en 1980 que Mike Kimberley proposera à Colin Chapman
de concevoir une remplaçante à la Lotus Elan. Mais
le patron n'est pas totalement séduit par cette idée
et il faudra attendre l'année suivante pour que le projet
M90 démarre enfin avec l'aval de Chapman. Les solutions à
retenir restent toutefois changeantes avec un concept 2 places,
puis 2+2 places. La vie du projet de la future Lotus Elan conserve
sa marche chaotique, à l'image de la vie de Lotus. Avec le
rachat de Lotus par General Motors en 1986, le projet va pouvoir
avancer avec un cahier des charges inédit dicté par
le marché et la technique. Des études de marché
initiées sous l'égide de l'ancien actionnaire principal,
Wickers, ont démontré que les amateurs de véhicules
sportifs des années 80 ont finalement appris à conduire
vite sur des GTI pour la plupart qui sont des tractions avant. Les
propulsions, inconnues pour eux en matière de conduite, leur
font peur. Pour la partie technique, après voir recherché
un ensemble moteur-boîte issu de la grande série, dont
le coût restait intéressant, il s'est avéré
qu'il était très compliqué et coûteux
de le faire fonctionner avec une propulsion. La Lotus Elan type
M100 sera donc une traction avant, la première et à
ce jour la dernière de toute l'histoire de Lotus. A partir
de 1987 le premier prototype roulant peut rouler et fin 1989 la
Lotus Elan sera présentée officiellement au public.
Les espoirs de Lotus sont grands pour cette petite Lotus qui doit
générer des volumes de ventes et de production importants
(les objectifs annoncés sont de 3000 exemplaires par an !).
Las, ces prévisions seront irréalistes et la Lotus
Elan type M100 verra sa production et commercialisation stoppée
dès 1992, soit 2 ans après sa commercialisation effective
DESIGN
Plusieurs études étaient alors en concurrence pour
déterminer le style de la future Lotus Elan. Les derniers
en lice furent notamment le style interne de Lotus dirigé
par Peter Stevens (également auteur par la suite de nombreuses
autos devenues cultes : Jaguar
XJ220, McLaren
F1
) et Ital Design, dirigé par Giorgetto Giugiaro.
C'est la proposition interne qui sera finalement retenue. En raison
des choix techniques pour le châssis et la tenue de route,
les dimensions de la Lotus Elan sont peu communes. Ses porte-à-faux
très réduits avec un empattement relativement court
alors que l'auto reste large ont obligé les designers à
certains choix. Force est de reconnaître que Peter Stevens
s'en tire une fois de plus avec les honneurs car le résultat
est très flatteur. Et en outre, le résultat aérodynamique
est là avec seulement un Cx de 0,34 capote fermée
et 0,38 capote baissée. Même avec cette dernière
fermée, le style de la Lotus Elan SE type M100 reste toujours
aussi réussi, ce qui est rare pour les cabriolets. Les amateurs
avertis auront reconnu l'usage de certains éléments
communs à d'autres automobiles. Les feux arrière complet
sont ainsi ceux de l'Alpine
GTA, tandis que les feux avant seront partagés avec la
Venturi
300 Atlantique. La carrosserie est en fibre de verre et fabriquée
selon le procédé VARI (Vacuum Assisted Resin Injection)
qui permet de fabriquer en série de nombreuses coques avec
la meilleure finition et qualité. A l'intérieur, la
Lotus Elan SE type M100 est une stricte 2 places avec deux sièges
baquets. Les modèles équipés de la sellerie
cuir avec bandes de couleur sont plus gais. Sinon pour les autres,
on se croirait dans une voiture japonaise : plastiques noirs, intérieur
noir et compteurs
noirs ! Nous sommes loin des intérieurs
chaleureux des voitures anglaises, Lotus Esprit y compris. Le volant
trois branche autorise une bonne prise en main et la position de
conduite s'avère excellente. Est-ce l'influence de son nouveau
propriétaire (General Motors), mais le combiné d'instruments
reprend des compteurs en demi-lune, caractéristiques des
Opel
contemporaines. Globalement la finition intérieure résiste
bien aux outrages du temps mais manque un peu de gaieté.
En comparaison, une Lotus Elise est certes moins bien finie, mais
sa définition plus intégriste lui autorise cette désinvolture.
MOTEUR
Avec un cahier des charges des plus précis (coûts,
performances, fiabilité et compacité), c'est en 1987
que Lotus opte pour le quatre cylindres Isuzu. Si la marque japonaise
n'est pas très renommée en Europe, des participations
conséquentes de General Motors dans le capital du constructeur
japonais expliquent les raisons politiques de ce choix, et la compacité
du bloc japonais allié à de très bonnes performances
ont justifié techniquement cette solution. Il ne faut pas
oublier que la compacité du moteur était impérative
afin de ne pas retoucher le design de Peter Stevens, figé
un an plus tôt sans moteur définitif. Dans la gamme
Isuzu, on retrouvait ce bloc fonte à culasse en alu sur l'Isuzu
Impulse. Bien dans la lignée des productions japonaises,
ce moteur est coiffé de quatre soupapes par cylindres avec
deux arbres à cames en tête. D'une cylindrée
de 1588 cm3, il développe, grâce au turbocompresseur
IHI soufflant à 0,65 bars, 165 ch à 6600 tr/mn. Son
régime de rotation maximum est toutefois de 7200 tr/mn, prouvant
ainsi toute la sportivité de cette mécanique. Un système
d'overboost sur le turbocompresseur IHI permet même de souffler
à 0,8 bars pendant quelques instants si certaines conditions
le permettent (comme sur la Lotus Esprit Turbo SE). Le couple moteur
est suffisant avec 20,4 mkg à 4200 tr/mn. En bon moteur japonais,
son comportement est très lissé. Amateurs de turbo
à réponse à retardement, passez votre chemin.
Cela est toutefois idéal dans le cadre de la Lotus Elan SE
type M100 qui permet ainsi de transmettre progressivement la puissance
au sol sur ses roues
avant ! Les anglais ont travaillé
l'échappement conférant ainsi une tonalité
rauque bienvenue sur ce roadster anglais. La boîte de vitesses
est mécanique à 5 rapports et se singularise par une
commande un peu accrocheuse. Côté performances, une
bonne surprise avec 220 km/h en pointe, un 0 à 100 km/h abattu
en 7,2 secondes et le kilomètre départ arrêté
franchi en moins de 28 secondes. Finalement, avec les mécaniques
Toyota
équipant aujourd'hui les Lotus
Elise 111R et les Lotus
Exige, la Lotus Elan SE type M100 avait été précurseur
sur l'utilisation des mécaniques nippones dans les châssis
Lotus.
CHASSIS
Les liaisons au sol ont toujours été la spécialité
des Lotus. Toujours efficaces et en plus confortables, alliant ainsi
un formidable compromis. Les techniciens anglais allaient-ils rééditer
leur exploit sur une traction avant ? C'est bien en tout cas les
objectifs qui avaient été fixés par les dirigeants
de l'époque. C'est toujours sur un châssis poutre central
que sont fixées les suspensions. Le train avant, totalement
inédit, participe grandement à l'efficacité
de la tenue de route. Le triangle inférieur est articulé
sur un berceau auxiliaire tolérant une certaine élasticité
au niveau de l'ancrage arrière. Cela permet ainsi de filtrer
les répercussions subies par la roue avant tout en préservant
le guidage initial et la stabilité. Le train arrière
est composé de triangles inférieurs et leviers transversaux
supérieurs avec une barre antiroulis. Pour revenir au train
avant, son efficacité est telle (pas de remontée désagréable
dans la colonne de direction, un train avant rigide, un confort
préservé
) que la Lotus Elan SE type M100 fut
la première traction avant à inaugurer le pneu Michelin
MXX, pourtant très exigeant (comprenez très raide).
La Citroën XM V6 24 soupapes avait initialement été
prévue avec le Michelin MXX, mais a du se rabattre sur le
Michelin MXV2 plus tolérant. Les journalistes de l'époque
sont dithyrambiques sur la tenue de route de la Lotus Elan SE Type
M100. En la poussant dans ses retranchements, ils affirmaient alors
ne plus s'apercevoir être au volant d'une traction avant.
Nous aurions pu craindre un comportement très réactif
(type kart) en raison des dimensions et empattement réduits.
En réalité, là encore les ingénieurs
de Lotus ont réalisé un tour de force puisque la Lotus
Elan SE est progressive dans ses réactions et permet à
tous de la conduire vite. Avec son poids contenu, elle freine suffisamment
pour être efficace. Certes, la Lotus Elan SE type M100 ne
joue pas dans la même cours que sa cousine la Lotus Elise.
Mais comme roadster, surtout comparé aux autos de son époque,
elle est imbattable sur toutes les routes. La BMW
Z1 était alors trop lourde, la Mazda
MX-5 pas assez puissante et les autres roadsters pas encore
sortis.
EVOLUTION
La Lotus Elan a connu une vie cahotique.
Découvrez les autres modèles produits :
> Lotus Elan SE M100
>
Lotus Elan S2 M100
>
Lotus Elan M100 US
ACHETER UNE
LOTUS ELAN SE M100
Pas facile de trouver une Lotus Elan SE type M100 à vendre
dans les petites annonces. De temps à autre, quelques propriétaires
se risquent à s'en séparer. Mais force est de reconnaître
que non seulement la production des Lotus Elan SE type M100 a été
limitée, surtout en conduite à gauche, mais que le
nombre de propriétaires prêts à vendre leur
Elan sont rares. Trop heureux de posséder dans leur garage
un exemplaire rare et méconnu du catalogue Lotus, ils se
sentent quelque part les gardiens du temple. Les quelques transactions
qui ont lieu oscillent autour des 16 000 euros selon l'état
de l'auto. Certaines sont vendues en-dessous et on en trouve vers
13 000 euros, mais leur état est souvent déplorable.
Il faut avouer que les acheteurs sont peu nombreux en raison de
la méconnaissance de cette Lotus. Pourtant sa mécanique
japonaise est à la fois sportive et robuste, la présentation,
certes un peu triste (pas plus qu'une Mazda MX-5), est de bonne
facture et résiste bien à l'usure des ans. Le plus
gros problème en France pour les amateurs de Lotus reste
un réseau éparse qui ne couvre pas réellement
tout le territoire. Il faut donc accepter dans certaines régions,
effectuer plusieurs centaines de kilomètres pour réaliser
l'entretien de sa Lotus Elan SE type M100. La plupart des Lotus
Elan SE type M100 roulent beaucoup et il ne faut donc pas s'inquiéter
des kilométrages affichés, tant la mécanique
Isuzu est fiable. Une auto pleine de charme et méconnue,
plus efficace qu'une Mazda MX-5, moins chère et plus performante
qu'une BMW Z1 et surtout, une traction avant qui pourrait en remontrer
à bien des propulsions
PRODUCTION LOTUS ELAN M100
Elan SE M100 (1990-1992) : 3 855 exemplaires
TOTAL LOTUS / KIA ELAN M100 : 6374 exemplaires
:: CONCLUSION
La Lotus Elan SE type M100 est la grande méconnue du milieu
de la voiture de sport. Complètement éclipsée
aujourd'hui par la Lotus Elise qui, par son charisme, s'accapare
toutes les attentions et maintient une cote indûment élevée,
la Lotus Elan SE mérite pourtant amplement que l'on s'intéresse
à elle. Ses performances restent encore très actuelles,
la fiabilité de son bloc japonais peut donner des leçons
au bloc Rover qui équipe les Elise, et son look est tout
simplement craquant. Comble de son destin, Lotus en a réalisé
une des tractions avant les plus efficaces du marché à
tel point que l'on en oublie presque son mode de propulsion tant
elle distille plaisir et efficacité de pilotage. Un oiseau
rare à conserver pieusement dans son garage personnel...
Nous remercions vivement et chaleureusement le Lotus Club de
France qui nous a permis la réalisation de cet article.
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"L'Elan est une vraie sportive A la fois rigoureuse et confrotable,
elle fera date à n'en pas douter dans l'évolution
des tractions, par l'inédite neutralité de son train
avant. Une voiture à découvrir bientôt sur nos
routes, en espérant que la magie de cet échantillon
d'usine et de pré-série n'aura pas disparu sur les
exemplaires du commerce et sur des routes plus exigeantes."
SPORT AUTO - juin 1990- Lotus Elan SE M100. |