© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (22/03/2010)
LA PLUS
REUSSIE ?
Lorsqu'une écurie de Formule
un multiple fois championne du monde des pilotes et constructeurs
décide de s'attaquer au marché des Supercars, et sans
contraintes budgétaires, on ne peut s'attendre à
une GT hors normes. Lorsqu'en plus la rigueur légendaire
et la main de fer de Ron Dennis l'initient
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R. & RM Auction
Chez McLaren, les succès en Formule
Un ne cessent de s'accumuler. Après le premier titre en 1974,
McLaren revient au sommet dans les années 80 d'abord avec
les moteurs Tag-Porsche turbocompressés, puis ensuite avec
des moteurs Honda turbocompressés pour débuter puis
atmosphériques 3,5 litres correspondant à la réglementation
en vigueur. Chez McLaren, sous la coupe de l'inflexible Ron Dennis,
tous les meilleurs acteurs sont réunis pour ces succès
annoncés : Pilotes de renom (Ayrton Senna, Niki Lauda, Alain
Prost), motoristes efficaces (Honda, Porsche et Ford), ingénieurs
talentueux (Gordon Murray
). Mais, ce dernier commence à
s'ennuyer et se lasser de tant de succès, qu'il avait alors
connu déjà chez Brabham du temps de Bernie Ecclestone
et Nelson Piquet. L'idée de concevoir une GT pour la route
germe alors chez McLaren. Quelque peu émoussé
par le succès en compétition, le board du groupe McLaren
(Mansour Ojjeh, Ron Dennis, Bob Hillman, Gordon Murray et Creighton
Brown) tente de donc trouver de nouveaux projets fédérateurs,
porteurs d'image et qui pourraient maintenir la motivations des
troupes. Comme d'autres auparavant, la décision est prise
de concevoir une GT qui pourra être immatriculée sur
route. Le chef de projet désigné est Gordon Murray
qui trouve là un terrain idéal pour exprimer sa créativité
et son talent sans contraintes réglementaires. En effet,
en compétition, il faut innover, mais en s'exprimant dans
le cadre d'un règlement. Ici, c'est la latitude totale. Pour
le design, c'est Peter Stevens qui est désigné. Ils
ont ainsi tous deux la chance unique de pouvoir partir d'une feuille
totalement vierge et sans contrainte. Comme pour de nombreuses supercars,
McLaren construit une usine sur mesure toute neuve à Woking
en face du siège de McLaren. Une société a
été également créée spécifiquement
en 1989 pour l'occasion : McLaren Cars Ltd.
CONCEPTION
Puisque étudiée
sans contraintes, la McLaren F1 fourmille de nombreuses idées
et innovations. Gordon Murray a exploité de très nombreuses
technologies et techniques utilisées en Formule Un. Ainsi,
l'ensemble monocoque châssis-carrosserie est intégralement
en composite. La structure se compose de 94 éléments
moulés, soit sous forme de sandwich carbone-Nida, soit en
simples panneaux de fibres de carbone, unidirectionnelles ou tissées,
selon les besoins. Ceux-ci ont été élaborés
à l'aide de programme informatique CAD à éléments
finis. La coque est encadrée par des solides longerons et
des massifs caissons latéraux enveloppant les sièges
des passagers. L'ensemble de cette structure est une véritable
cellule de survie à la manière d'une coque de Formule
un actuelle. A l'avant, une structure à déformation
a été ajoutée en cas de choc, et la direction
à crémaillère passe dans un tunnel en magnésium
sur lequel se fixent les attaches des suspensions. L'habitacle est
très particulier, avec 3 places de fronts, avec le conducteur
au centre avancé vers l'avant, et les deux passagers de chaque
côté en retrait. Cette disposition particulière
des sièges permet de réduire la largeur de la voiture
puisque les sièges se chevauchent très légèrement.
En outre, chaque passager bénéficie ainsi d'une longueur
aux jambes appréciable.
DESIGN
Peter Stevens l'avoue volontiers,
c'est l'aérodynamique qui a dicté sa loi pour le design
de la McLaren F1. Très tôt dans l'élaboration
de la voiture, les études en souffleries ont été
menées et ont été décisives dans le
dessin de Stevens. Pas moins de 1 130 séances en souffleries
ont été passées à étudier et
déterminer les appuis et lignes de la McLaren F1. Le résultat
est tout bonnement exceptionnel car sans aucun artifice aérodynamique,
la McLaren F1 peut rouler très vite et générer
de l'appui. En effet, tout le travail de l'équipe a consisté
à lutter contre la portance à grande vitesse, et aussi
à déterminer l'emplacement idéal pour le
centre de poussée, qui est le point où convergent
les forces aérodynamiques agissant sur le véhicule.
La McLaren F1 présente en outre la caractéristique
d'un empattement long avec des portes à faux très
raccourcis, notamment à l'arrière. Le comportement
de la McLaren F1 en sera ainsi que plus équilibré.
MOTEUR
Gordon Murray avait d'abord
demandé à Honda de fournir un moteur V12 correspondant
à ses desiderata, mais ses partenaires japonais avaient alors
décliné l'offre. Il se rapproche donc de BMW et de
Paul Roche, qu'il connaît bien pour avoir travaillé
avec lui du temps de sa période Brabham. Gordon Murray avait
alors des idées bien arrêtées sur le moteur
qu'il recherchait : un V12 atmosphérique puisqu'il n'affectionne
pas particulièrement les moteurs suralimentés. Cela
tombe bien car BMW abandonne alors son projet de M8 (une super série
8 dotée d'un V12 diabolique). BMW cède donc l'exclusivité
de ce V12 à McLaren Cars Ltd pour sa F1. Ce moteur est tout
simplement exceptionnel et présente des caractéristiques
formidables : 6 litres de cylindrée, plus de 600 ch et plus
de 66 mkg de couple ! La distribution à 4 ACT comprend un
système de variation continue du diagramme d'ouverture des
soupapes d'admission, et le système de gestion, qui fonctionne
à partir d'un ordinateur surpuissant, est conçu par
TAG Electronics, une filiale du groupe TAG McLaren. Le V12 BMW est
totalement intégré dans la conception de la McLaren
F1 puisqu'il est porteur comme en Formule un. Il est complété
par une boîte six vitesses transversale réalisée
sur mesure par la firme américaine Weismann avec des synchros
fabriqués par Getrag. La boîte est située sous
le moteur, comme sur les moteurs Boxer des Ferrari pour permettre
d'abaisser le centre de gravité de l'auto et donc optimiser
la tenue de route. Le différentiel et le pont sont décalés
sur un côté de telle sorte que la transmission du couple
aux roues ne s'effectue que 5 cm en arrière de la face postérieure
du moteur, avec des arbres de longueur égale. Cette configuration
fait d'ailleurs l'objet d'un brevet.
SUR LA ROUTE
Le poids réduit de
la McLaren F1 qui se maintient à la tonne, offre un rapport
poids/puissance record pour une auto de route de 1,87 ch par kg.
Le moteur V12 BMW de 6,1 litres et ses 610 ch offre une sonorité
nettement plus présente et virile que le V12 des série
7 et 8 contemporaines. Vivant et efficace, il propulse la McLaren
F1 à des vitesses inavouables (plus de 360 km/h !) et procure
des accélérations dantesques avec moins de 20 secondes
au kilomètre départ arrêté. Le travail
aérodynamique a porté ses fruits, même si à
vitesse très élevée, on décèle
un très léger louvoiement au niveau du train avant.
Les suspensions et la rigidité de la caisse donnent un comportement
routier très équilibré, sain et efficace. La
position de conduite centrale donne une vision de la route jusqu'ici
inconnue qui désarçonne au départ. Dotée
d'un véritable tempérament d'auto de course, la McLaren
F1 dispose en outre d'un freinage ultra-efficace qui résulte
du freinage généreusement dimensionné, du poids
contenu et des aérofreins qui se déploient lors de
la phase de freinage pour permettre aux quatre roues de conserver
toute l'accroche nécessaire au freinage. Un grand moment
d'émotion !
EVOLUTION
En 1992, au Grand Prix de
Monaco en mai, un petit groupe de privilégié peut
assister à la présentation de la McLaren F1. Mais
l'auto est en phase finale de développement. Le mulet (baptisé
affectueusement " Albert ") a tourné, et désormais
c'est avec une version définitive que les derniers tests
ont lieu. En janvier 1993, la McLaren F1 fait ses premiers tours
sur circuit, et dès 1994 la production démarre lentement.
Les premières livraisons interviennent, mais à 1 million
de dollar, dans un marché morose, les commandes se font rares.
McLaren rebondit alors comme de nombreux constructeurs de GT et
supercars sur le championnat GT nouvellement créé.
Ainsi, la McLaren F1, conçue au départ pour un "
usage routier ", est adaptée pour la compétition
et fait des merveilles sur les circuits européens. C'est
même la consécration en 1995 avec la victoire absolue
aux 24 Heures du Mans. Par la suite, des constructeurs comme Mercedes
et Porsche aligneront de fausses GT (CLK GTR et 911 GT1) exclusivement
conçues pour la course qui surclasseront la McLaren F1. En
1996, McLaren réagit en présentant la version LM de
sa F1.Totalement allégée, elle perd 80 kg, gagne quelques
chevaux et améliore très nettement ses performances.
Cinq autos seront produites toutes en livrée orange papaye.
Mais cette version spéciale, destinée à la
compétition n'est toujours pas suffisante pour lutter à
armes égales, et dès 1997, McLaren dévoile
sa F1 GT dont la carrosserie a été allongée
pour permettre des vitesses de pointe supérieures à
380 km/h. C'est le chant du signe de la généalogie
de la McLaren F1 qui aura rencontré un succès d'estime,
mais très relatif sur le plan commercial puisque les 300
exemplaires initialement prévus ne seront jamais produits.
ACHETER UNE MCLAREN F1
La McLaren F1 est une auto
exceptionnelle et très rare. Seuls quelques privilégiés
ont l'honneur d'en avoir une dans leur garage. Si on parlait au
départ d'une production de 300 autos, le marché peu
propice aux supercars à l'époque et un prix dissuasif
de 1 000 000 de dollars ont réduit les chances de succès.
C'est finalement les 24 Heures du Mans et les courses de GT qui
ont relancé la carrière de la McLaren F1 au milieu
des années 90. Certainement moins d'une centaine d'autos
ont été produites, dont la plupart pour la course.
Certaines personnalités comme Mr. Bean ont roulé en
McLaren F1. On recense deux ou trois autos détruites sur
route, sans parler des versions compétitions. Vous l'aurez
donc compris, même avec un portefeuille bien garni, cela ne
suffira pas. Il vous faudra vous armer de patience pour attendre
la venue de l'oiseau rare, scruter les ventes aux enchères prestigieuses et vous battre ensuite à coup
de centaines de milliers d'euros pour acquérir le rêve
de tout homme. En 2008, l'un des premiers exemplaires de 1994, très peu kilométré, a été vendu 2,5 millions d'euros, partant d'une mise à prix à 1,5 million ! Donner un prix pour une telle voiture d'exception est donc mission
impossible car la cote de cette rareté n'a eu de cesse de grimper jusqu'à doubler ces 10 dernières années, aidée par la folie boursière. Risquons-nous à donner maintenant un prix plancher de 1,5 millions d'euros, à condition que la sortie de la nouvelle McLaren MP4-12C ne redonne pas de l'intérêt aux spéculateurs pour la F1...
CHRONOLOGIE MCLAREN F1
1990 : Lancement du projet McLaren F1 avec Gordon Murray
à la tête du projet.
1992 : En mai, présentation officielle à Monaco
de la McLaren F1 à un petit groupe de privilégiés.
1993 : En janvier, premiers tours de roue sur circuit de
la McLaren F1.
1994 : Démarrage de la production.
1995 : La McLaren F1 remporte les 24H du Mans.
1996 : Présentation de la McLaren F1 LM, dans une
livrée orange (couleur papaye), totalement allégée
et V12 BMW amélioré ; 5 exemplaires produits.
1997 : Présentation de la McLaren F1 GT, dont la carrosserie
a été modifiée et allongée pour une
meilleure stabilité et une vitesse de pointe accrue (plus
de 380 km/h).
1998 : Arrêt de commercialisation et de production
de la McLaren F1.
PRODUCTION MCLAREN F1
F1 (1993-1998) : 69 exemplaires
F1 LM (1995-1996) : 6 exemplaires
F1 GTR (1995-1997) : 32 exemplaires (dont 9 F1 GTR "queues longues")
F1 GT (1997) : 3 exemplaires
:: CONCLUSION
Mercedes SLR, Porsche Carrera GT ou Ferrari Enzo, toutes tutoient
l'exceptionnel, mais devant une McLaren F1 vieille déjà
de quelques années, elles ne réussissent pas réellement
à la faire tomber dans l'oubli. Très rare, exceptionnelle
à plus d'un titre et surtout intégriste et sans compromis
dans sa conception, la McLaren F1 demeure à ce jour la perle
rare dans le monde des Supercars. La référence de son époque tout
simplement, à peine détrônée plus d'une décennie plus tard par la superlative Bugatti Veyron
CE QU'ILS
EN ONT PENSE :
"La McLaren F1 sera
vraisemblablement la plus performante des supercars. Elle sera peut-être
la meilleure. Assurément une auto extraordinaire. Extraordinaire,
comme son prix, fixé à
5 300 0000 F. Une somme
totalement surréaliste pour le commun des mortels que Murray
justifie cependant par la technologie développée,
les matériaux employés et, surtout, le nombre limité
d'exemplaires produits. Une usine étant spécialement
construite à cet effet, s'il faut effectivement l'amortir
sur les 300 voitures qui seront fabriquées au total, au rythme
de 50 par an, on comprend mieux ! Si vous êtes toujours intéressé,
le premier exemplaire sera livré en octobre 1993."
ACTION AUTO MOTO - HS Supercars 1992 - Mc Laren F1.
"[
] la LM qui dispose de
quarante chevaux de plus et 80 kg de moins grâce à la
suppression de l'installation hi-fi, du cuir, de la mousse des sièges,
de la moquette et de quelques accessoires. Avec 650 ch et 1 050 kg,
le rapport poids/puissance descend à une valeur absolument
inouïe : 1,61 kg/ch ! Du jamais vu sur la route en tout cas.
La puissance a été grignotée en appliquant les
mêmes recettes que sur les versions course. A un détail
près : les F1 GTR de compétition sont bridées
à l'admission comme l'exige le règlement. La LM, destinée
à un usage routier, se prive joyeusement de cette bride et
affiche sans hésitation un régime maxi de 8 500 tr/mn.
Là aussi, nouveau record, la F1 (610 ch) et la F1 GTR (620
ch) se contentant de 7 500 tr/mn. Bref, avec un tel potentiel, la
LM devrait décourager toute concurrence."
SPORT AUTO - 1996 - McLaren F1 LM. |