© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (03/05/2007)
POUR
LA BONNE CAUSE !
Certaines autos connaissent des évolutions
au fil de la carrière, qui sont avant tout dictées par des contraintes
d'homologation. Deux autos rivales dans la fin des années 80, la BMW M3
E30 et la Mercedes 190 16 soupapes ont donc connu diverses évolutions peu
connues du grand public, à fortiori pour la berline sportive de Stuttgart.
D'ailleurs, en 1989, Mercedes-Benz dévoile la 190 2.5-16s Evo, une série
limitée à 500 exemplaires seulement, et dont, contrairement aux
apparences, la mécanique était fort différente à la
190 2.5-16s de série. Retour sur une auto que s'arrache une poignée
de connaisseurs avertis...
Texte : Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
Depuis 1984, Mercedes-Benz a étonné
tout le monde avec la commercialisation de la 190 2.3-16S.
Avec sa mécanique très sportive dont le haut moteur était
élaboré par Cosworth (185 ch et 230 km/h), elle se distinguait également
par un châssis exceptionnellement équilibré, efficace et en
prime joueur et plaisant. Rapidement elle fut la coqueluche des journalistes essayeurs,
même si on lui reprochait avant tout un équipement pneumatique pas
assez sportif (surtout en raison de flancs trop haut). Mais qu'est-ce qui avait
donc piqué Stuttgart pour faire une auto si peu conventionnelle ? L'homologation
en DTM pardi ! D'ailleurs, le rival de Munich était dans la même
situation avec sa BMW M3 E30, première du
nom. On n'ose décrire aux plus jeunes d'entre-vous les luttes entre l'étoile
et l'hélice sur les circuits allemands... Le règlement de la course
évolua, et tant BMW que Mercedes-Benz du
se résoudre à faire évoluer ses autos de série pour
l'homologation et rester dans la course au titre suprême. Une bonne occasion
pour une poignée d'amateurs (fortunés) éclairés et
avisés de se faire plaisir pour tous les jours. Ainsi naquit la Mercedes-Benz
190 2.5-16s Evo, qui contrairement à ce que son appellation pourrait laisser
supposer, n'a pas le même moteur que la 190 2.5-16s "standard". Attention, collector !
DESIGN
En partant
de la base de la Mercedes-Benz 190, les ingénieurs allemands ont apporté
une foule de modification sur la carrosserie. Ces multiples ajouts, qui pourraient
laisser penser de prime abord au néophyte à du tuning de mauvais
goût et peu discret, sont avant tout destinés à améliorer
l'aéro de l'auto et son refroidissement. "Aéro" ? sur
une voiture de série ? Mais justement, l'objectif avoué de cette
série limitée à 500 exemplaires seulement est de servir de
base à l'homologation en DTM allemand. Du coup, il fallait que la Mercedes
190 possède des appendices efficaces déjà homologués.
Ainsi le pare-chocs avant est désormais en trois parties avec un spoiler
avant plus prononcé. Pour laisser passer des jantes plus grosses et larges,
les élargisseurs d'ailes sont plus larges et enveloppant s'étendant
jusqu'au niveau de la bordure inférieure de la carrosserie. Le becquet
arrière, afin de générer plus d'appui a enflé en "gabarit"
sans atteindre pour autant l'excès de la 190
2.5-16s Evolution 2. Il est plus haut, plus large avec des fixations sur l'arête
extérieur de la malle à la différence des 2.5-16s standards.
Enfin, les garnitures sont collées sur les portes arrières et toutes
les autos étaient d'une couleur métallisée bleu-noir.
A BORD DE LA 190E 2.5-16 EVOLUTION
L'habitacle
est similaire en tout point à la version standard et est dotée de
la sellerie mixte cuir/tissu à carreaux. La banquette arrière n'accueille
toujours que deux passagers et sont de type baquets, tandis que le conducteur
pourra compter sur une batterie de compteurs et aussi du chronomètre !
L'ergonomie générale ne souffre pas la critique et on pestera toujours
sur ce trop grand volant. Sur le côté gauche du volant, on trouve
la commande de réglage de l'assiette qui est modulable. A noter que si
vous aviez trop chaud dans une Evo1, vous devrez vous contenter d'abaisser les
vitres, le climatiseur ne pouvant alors être choisi en option. Il n'y a
tout simplement plus la place d'en mettre un avec les nouveaux passages de roues
et les quelques modifications de structure !
MOTEUR
Si Mercedes
est reparti du moteur 102, la même famille qui équipe les autres
modèles 190 à 16 soupapes (2.3 et 2.5), les modifications sont tellement
nombreuses qu'il est nécessaire de s'attarder dans le détail. Afin
que la mécanique soit plus sportive et apte à des performances en
compétition, la plus grosse modification visible est l'augmentation de
l'alésage (cylindres) et la réduction de la course (vilebrequin).
Cela implique ainsi une cylindrée de 2463 cm3 contre 2 498 cm3 pour la
version standard. Le bloc moteur est donc modifié sur l'alésage
mais reçoit aussi de nouveaux éléments : gicleur de refroidissement
des pistons, joint de culasse modifié, carter d'huile à nervure
de guidage d'huile moins élevé, bague d'étanchéité
radiale arrière de vilebrequin avec lèvre d'étanchéité
en produit modifié. A noter qu'avec l'augmentation de diamètre des
cylindres, la fente de liquide de refroidissement entre les cylindres a disparu.
Tout l'équipage mobile est également revu, outre la réduction
du vilebrequin à course plus courte (huit contrepoids et tourillon de vilebrequin
plus larges, les modifications sont nombreuses là encore dans le but avoué
de l'optimisation en compétition : flasques plus épaisses, bielles
plus longues, chapeaux de tête de bielles avec douilles de serrage centrées
sur la bielle, vis de bielles à filetage M10x1,25 et classe de résistance
plus élevée, pistons plus courts et plus légers, avec alvéole,
volant moteur plus léger et avec bague intermédiaire en tant que
masse supplémentaire. Côté boîte on conserve la Getrag
à 5 rapports, avec la première en bas à gauche, qui, si elle
ne présente pas un maniement souple, verrouille bien les rapports et se
prête au jeu du double débrayage avec bonheur. Malgré toutes
ces modifications mécaniques qui éveillent la curiosité des
passionnés de voitures de sport, on ne peut être que déçu
face à la puissance inchangée affichée par rapport une "simple"
2.5-16s standard. Ses 205 ch à 6 750 tr/mn sont en effet bien faibles et
ne mettent que cruellement en relief la différence entre potentiel châssis
et performances moteur. Tout l'intérêt de cette mécanique
était de pouvoir recevoir des contraintes beaucoup plus fortes en compétition.
Soit, mais il était dommage que Mercedes ne soit pas allé un peu
plus loin sur le véhicule de série avec des performances équivalentes
aux modèles standards.
CHASSIS
Vous connaissiez la Mercedes
190 2.3 ou 2.5-16s ? Oubliez tout ou presque ! Côté suspensions,
les jambes amortissantes sont modifiées sur le train avant ainsi que le
pont arrière. Le train avant a reçu un soin particulier qui n'était
d'ailleurs pas du luxe car le seul défaut que l'on pouvait reprocher aux
Mercedes 190 2.3 ou 2.5-16s était, outre un équipement pneumatique
peu sportif, un train avant un peu faible. Ainsi les fusées d'essieu, les
moyeux des roues avant avec roulements et biellettes de commandes de fusées
sont renforcés et améliorés. Le pont arrière reçoit
lui une nouvelle démultiplication (i=3.27) afin de compenser le "frein"
aérodynamique supérieur ainsi que les jantes un peu plus grosses
par rapport à la série pour ne pas dégrader les performances.
Les bras de suspensions supérieurs arrière et les barres de traction
ont été renforcées. Côté roues, Mercedes a enfin
adopté une monte plus sportive et efficace ! Les jantes de 16" (contre
15" sur les autres) sont chaussées de pneus 225/50 ZR16. Cela change
des 205/55 VR 15... Il est à noter que les jantes sont en 8 de large pour
pouvoir abriter les freins "surdimensionnés" des SL600
R129. Cela permet d'avoir enfin un freinage plus performant et surtout endurant,
petit défaut remarqué pour les 190 16 soupapes de série en
usage circuit. Le freinage est complété de l'ABS. L'assiette de
la 19 2.5-16s Evo est réglable soit automatiquement en fonction de la vitesse,
soit manuellement à l'aide d'une commande sur la planche de bord. Sur les
chaussées en bon état, il est recommandé par l'usine de rouler
impérativement avec l'assiette la plus basse possible. Pour les amateurs
de l'ESP, la 190 2.5-16s en possède un, plutôt préhistorique,
baptisé ASD. C'est la seule incongruitésur cette auto ce système
que l'on aurait préféré remplacé par un vrai différentiel
autobloquant (ce qui était le cas des premières Mercedes 190 2.3-16s).
SUR CIRCUIT
Tout dabord jadore
la position de conduite à bord ! Létoile dominant la calandre
nous indique que nous sommes bien à bord dune Mercedes. Tout tombe
sous la main de manière très instinctive, linstrumentation
se montre complète : affichage de la température dhuile et
deau, pression dhuile, compte tours et Economètre quil
vaut mieux sabstenir de regarder... La clef de contact sur le plan du tableau
de bord face à soi donne un petit côté course : contact,
pompe, allumage ! vroum ! Le volant dorigine est grand et peu pratique
mais une fois changé, le moyeu de celui-ci à un gros avantage, être
dénué de tout commodo parasite qui pourraient venir gêner
le pilotage. La commande des phares est au tableau de bord, il ne reste donc quun
seul commodo, celui des essuie-glace. Voilà pour le tour du propriétaire
! Et cest parti pour
les premiers tours de roues sur circuit : La boite Getrag équipant toutes
les bonnes sportives allemandes de cette époque est incroyablement directive
et verrouille très bien. En vraie boîte de course, elle dispose dune
grille inversée, la 1ère en bas à gauche, ce qui a pour effet de
favoriser les passages de 3è en 2nde et de 2nde en 3ème par la force des
choses. Le moteur est relativement linéaire, et commence à donner
des sensations à partir de 5000 tr/min, lapanage de tous les multi-soupapes
de lépoque. Mais le 4 cylindres enchante par son grondement rageur et
on se surprend à très vite aller chatouiller le rupteur tellement
cette rage est agréable. Les reprises sont assez franches dès
linstant ou lon se situe au-dessus de la plage fatidique, mais gare
aux sous-régimes qui vous donneront, pour le coup, limpression dêtre
au ralenti ! La méthode que jutilise dans ces cas là consiste
à débrayer afin dobtenir un régime moteur suffisant
et de relâcher lembrayage pour entretenir la glisse en sortie de virage.
Voilà pour le moteur, maintenant penchons nous plus précisément
sur les gros points positifs de cette auto : Le châssis, les trains roulant
et le freinage ! Tout
dabord le châssis. En apportant à lEvo un
système de sphères hydrauliques permettant de faire le choix entre
3 positions de hauteur de caisse, Mercedes apporte à la 190E 2.5-16 un énorme
plus ! Pouvoir passer un trottoir ou un chemin sans arracher le bouclier avant,
cest déjà un atout non négligeable. (Prix de la pièce
à ce jour chez Mercedes : un peu plus de 5000 € ! Le kit complet à
été chiffré en rechange à plus de 18000 € !!
Autant dire quil est préférable den prendre soin et
de ne pas le casser). Mais en dehors du fait que les attributs de la belle ne
souffrirons pas grâce à ce système, il offre également
en position basse un comportement digne dune voiture de course. Les appuis
sont nets et francs, le roulis quasiment inexistant, et lon se prend à
jouer rapidement à placer la voiture sur le vibreur pour la voir sauter
et se replacer idéalement en sortie de courbe. La transmission grâce
à son pont autobloquant met encore plus en exergue ce comportement car
même si la voiture décroche, un léger contre-braquage et une
accélération remettent automatiquement lauto en ligne, prête
à sauter dans le prochain virage. Il est parfois difficile de juger du
comportement à cause de lASD, un ersatz dESP de lépoque
qui évite de laisser partir la voiture dans de grandes glissades à
allure soutenue. Toutefois malgré ce petit appendice électronique
parfois fort embêtant, le comportement joueur fait vite oublier ce petit
défaut. Le train roulant quand à lui
est des plus efficients et la monte dorigine en 15 pouces est portée
à 16 pouces ici, et lon peut sans aucun mal greffer des 17 pouces d'Evo2 afin
daccroître encore le grip de la voiture, ce qui en aucun cas ne limite
les capacités du châssis. Bien au contraire, cela aurait même
tendance à les révéler ! Enfin
le freinage, point faible des précédentes 190E 16s, bénéficie sur lEvolution des freins de la
500E (W124) et 600 SL (R129) de lépoque, avec de gros disques ventilés
avant avec leurs étriers double pistons démesurés offrant
un mordant et une endurance digne dune vraie sportive. La limite de lABS
se trouve du coup très loin et les freinages se font de plus en plus tard,
la voiture flotte légèrement lors de gros freinages bien appuyés,
mais elle reprend très vite ladhérence sur le train avant
et nous permet donc de rentrer avec précision dans la courbe.
ACHETER
UNE MERCEDES-BENZ 2.5-16 EVO I
La Mercedes
190 2.5-16s Evo est à la fois la grande inconnue et la quête du Graal.
Inconnue car lorsque l'on évoque l'Evo1 aux amateurs de voitures de sport,
ils confondent avec l'Evolution 2 et ses excès de carrosserie. Quant à
ceux qui la connaissent, ils savent pourquoi ils la recherchent mais doivent être
patients. En effet, avec seulement 500 exemplaires produits dont 30 étaient
réservées au marché français, cela peut vite devenir
long à en trouver une, en bon état de surcroît. Pour les prix
pratiqués, c'est le grand écart sur le marché ! Si certains
comme Nicolas Gachon en trouvent une à 7500 euros, d'autres les affichent
à 10 000 euros ou plus. Dans tous les cas, ce qui comptera véritablement
plus que le prix de vente, c'est l'état de la voiture. En effet, on est
en plein dans la pièce spécifique et chaque élément
à changer se chiffre à prix d'or ! Comme en témoignent les
18 000 euros environ qu'il vous faut débourser pour la totalité
du kit carrosserie.... Cela laisse en effet rêveur ! Sans compter le moteur
qui n'existe pas en échange standard et qui doit donc être reconditionné
en cas de casse mécanique. Heureusement de ce côté-là,
avec une "si faible" puissance de série, la mécanique,
à condition d'être entretenue en respectant les conditions d'usage
(laisser monter en température avant d'attaquer), peut vite atteindre des
kilométrages inavouables pour la plupart de ses concurrentes. Tous les
accessoires et périphériques, ainsi que l'habitacle vieillissent
admirablement bien au point de masquer le kilométrage réel de l'auto.
Il est donc primordial de ne choisir qu'une auto entretenue avec ses intervalles
de révisions respectés (tous les 15 000 km). Lors d'un achat, en
cas de doute, il est préférable de faire vérifier la chaîne
de distribution et notamment sa tension.
CHRONOLOGIE MERCEDES-BENZ 190 16S
1984 : Commercialisation de la première Mercedes 190 2.3-16s.
1989 : La Mercedes 190 2.3-16s évolue et passe à 2,5 litres (190 2.5-16s).
En
mars, préparation du réseau Mercedes-Benz pour accueillir la future
Evo.
Au salon de Francfort, Mercedes-Benz dévoile la nouvelle Mercedes
190 2.5-16s Evo.
1990 : Fin des livraisons des 190 2.5-16s Evo.
PRODUCTION
Mercedes-Benz 190 2.5-16S
Evo : 500 exemplaires (dont 30 vendues neuves en France).
:: CONCLUSION
Attention, voiture d'amateur plus qu'éclairé !! Soyons clairs :
si vous n'êtes pas prêts à assumer une auto dont la moindre
réparation pourra dépasser la valeur vénale de ladite auto,
passez votre chemin. Une très belle 190 2.3-16s ou 2.5-16s sera déjà
largement suffisante et dotée des mêmes performances en plus ! en
revanche, si vous trouvez l'Evolution 2 "too much", et que vous êtes
un accroc des Mercedes 190 16 soupapes en plus adepte des sorties circuits, ne
cherchez plus, l'Evo1 est pour vous. Enfin ne cherchez plus... si cherchez longtemps
car avec seulement 30 exemplaires vendus neufs en France en 1989, il va falloir
attendre qu'un propriétaire se désiste...
Nous remercions
vivement Nicolas, le propriétaire de cette très bel exemplaire qui
illustre cet essai sa participation à l'élaboration de ce dossier. Nous
remercions également "Freakguitar", membre du forum
de L'Automobile Sportive et qui a bien voulu mettre à notre disposition
les photos du très bel exemplaire qui illustre ce dossier.
CE
QU'ILS EN ONT PENSE :
"Les conditions très particulières
de cet essai ne nous ont pas permis de mesurer les performances exactes de la
2.5-16 Evolution. Dotée d'un rapport de pont plus court (3,27), mais tirant
de plus forts appuis et 20 kg supplémentaires par rapport à la version
de base, il est normal dès lors que la puissance reste identique et que
les performances le demeurent aussi. Sur le chapitre de l'équipement, on
remarquera l'impossibilité de monter un climatiseur, toute la place restante
étant occupée par les passages de roues élargies. Pour le
reste, elle demeure fidèle à son image avec un moteur manquant de
punch à bas régime et une boîte relativement lente dans les
rétrogradages, l'ensemble dégageant pourtant une impression de franchise
et de netteté dans le comportement même si, plus que jamais, cette
voiture nous semble sous-motorisée."
Automobile Sport et Prestige
- novembre 1989 - Mercedes-Benz 190 2.5-16s Evo - Philippe Hazan. |