© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (26/12/2012)
L'AUBERGE ESPAGNOLE
Depuis son intégration dans le groupe VW, SEAT est devenue une marque reconnue, présente dans la plupart des segments du marché avec une large gamme de modèles caractérisés par un design latin et une image sportive. Si la marque a aujourd'hui atteint une certaine maturité, les débuts de cette longue construction sont parfaitement incarnés par l'Ibiza SXI...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
L'histoire de la « Sociedad Española de Automóviles de Turismo » (SEAT) débute en 1948. Il n'est alors pas du tout question de sport, car après-guerre le parc automobile se trouve dans des conditions très précaires. Après plusieurs tentatives infructueuses, le projet SEAT, porté par le gouvernement et un conglomérat d'investisseurs privés aboutit officiellement à la création de la société le 9 mai 1950. Le constructeur italien Fiat possède 7 % des parts et apporte dans la corbeille de la mariée, le conseil technique et la licence de production de ses modèles. Traversant les décennies avec l'image pas toujours enviable de "Fiat rebadgées", les Seat, construites dans une nouvelle usine située dans la zone franche de Barcelone, demeurent relativement difficiles à vendre en dehors de leurs frontières. En 1976, Seat crée pourtant la surprise en lançant la 1200 Sport, sa première voiture totalement originale, inspirée par un projet de la défunte marque NSU et non dérivée d'un modèle Fiat. Cette 2 portes a été entièrement dessinée au centre technique de Martorell et se distingue par ses boucliers noirs (qui lui vaudront le surnom de « Bocanegra »). Mais les ventes de Seat demeurent à un niveau très bas et cela va conduire au retrait de Fiat en 1980 qui ne veut plus assumer l'endettement du constructeur.
Le gouvernement espagnol reprend alors seul à son compte la destinée de la marque et va jouer sa survie sur le succès d'un nouveau modèle, l'Ibiza. Parallèlement, en 1982 Volkswagen signe un partenariat industriel avec le gouvernement. Le géant allemand assistera Seat dans la vente de ses modèles hors de son marché d’origine tandis que certains modèles Audi et Volkswagen seront fabriqués dans les usines Seat en Espagne. La révélation de la première génération de la SEAT Ibiza au salon de l’automobile de Paris en 1984 va constituer le véritable tournant dans l'histoire de la marque. Avec son moteur allemand et son design italien, il n'en fallait pas plus pour que l'Ibiza devienne « la plus latine des allemandes ».
DESIGN
S'il y a une voiture qui identifie l'Espagne des années 80, dynamique, ambitieuse et prête à tous les changements, c'est bien la SEAT Ibiza. Renforcé par l'image festive et internationale de l'île méditerranéenne éponyme, son lancement en 1984 marque la véritable renaissance de la marque. Avec la SEAT Ibiza Mk1 (nom de code 021A), on reconnaît le coup de crayon du maître Giugiaro et de son bureau de style ItalDesign à qui l'on doit la VW Golf 1, succès s'il en est, ou encore la Lancia Delta. Il se dit d'ailleurs que l'Ibiza aurait en fait récupéré un dessin refusé par Volkswagen pour le remplacement de la Golf II. Larges surfaces vitrées, formes carrées et arrêtes vives, l'Ibiza s'inscrit pleinement dans la tendance initiée dans les années 70. Le succès est au rendez-vous, l'Ibiza représentant 65% des ventes du groupe et s'exportant comme aucune autre SEAT avant elle. Mais il manque encore une version sportive pour conquérir une nouvelle clientèle. En effet, tous les constructeurs ont à leur catalogue au moins une "GTI" ou assimilé pour profiter de l'élan initié par la Golf GTI. Cela tombe bien pour Seat, car c'est précisément la maison Volkswagen qui va apporter la solution ! En effet, en 1986 VW devient actionnaire majoritaire de Seat avec 51% des parts et injecte des capitaux pour doper les ventes. Les premiers fruits de cette union sont récoltés en 1988. Seat commercialise enfin la version sportive tant attendue de son Ibiza, la SXI. Privée sans surprise du nom "GTI", l'Ibiza baptisée "SXI" reçoit une présentation spécifique, sportive et élégante. Toutes vêtues de noir, de rouge ou de blanc, les Ibiza SXI se distinguent avec de nombreux éléments : feux additionnels dans le bouclier avant, logo à lettrage rouge "SXI" sur les montants de portes et le coffre, béquet sous la lunette arrière, jantes alliages de 14 pouces à fines branches chaussées en 165/65, bandes rouges tout autour de la caisse et pour finir la panoplie complète, des habillages de bas de caisse et des élargisseurs d'ailes en plastique. C'est un fait, l'Ibiza SXI a le look !
HABITACLE
Pénétrer dans l'habitacle de la Seat l'Ibiza SXI c'est effectuer un violent voyage spacio-temporel. Téléporté dans les années 80, on découvre avec émoi un environnement heureusement disparu ! Bon, vous me direz qu'à cette époque là, tout le monde était un peu logé à la même enseigne, entre plastique dur et plastique dur brillant. Mais quand même, chez Seat on avait réussi à faire pire ! Point d'orgue de cette ôde à la plasturgie, les gros boutons situés derrière le volant en guise de commodos, sans doute inspirés par la Citroën Visa. Malgré tout, les stylistes ont mis un point d'honneur à offrir une décoration et un équipement spécifiques à l'Ibiza SXI. Des sièges baquets recouverts de tissus gris souligné de bandes rouges et un nouveau volant à deux branches, supposé plus sportif bien que toujours incliné comme dans une estafette... Pour surveiller la bouillante mécanique auréolée Porsche, la planche de bord adopte un compte-tours dans le cadran de gauche et la température d'huile qui s'ajoute à la jauge à essence et la température d'eau dans celui de droite. Malgré sa vocation sportive, la SEAT Ibiza SXI soigne son client. Car dans sa grande générosité, le constructeur espagnol a rayé de son catalogue le mot option. Ainsi, tout est en série, ou n'est pas. Peinture métalisée, vitres électriques, custodes entrebaillantes, fermeture centralisée, banquette rabattable en deux parties, voilà pour le tour du propriétaire.
MOTEUR
Plus encore que son design attractif, le facteur clé du succès de l'Ibiza est sans aucun doute sa gamme de moteurs 4 cylindres en ligne 1.2L et 1.5L conçus par le bureau de consulting Porsche. En effet, la légende "System Porsche" marquée sur les culasses de l'Ibiza rendra à la marque espagnole chaque centime de la facture allemande (et au fournisseur, des royalties substantielles de 7 Deutsch Marks pour chaque voiture vendue). Malgré la conversion à cette injection bénéfique fournie par le spécialiste Bosch, l'Ibiza ne se trouve pas en posture d'attaquer les références de la catégorie des bombinettes que sont les Peugeot 205 GTI, Renault 5 GT Turbo, Ford Fiesta XR2 ou Fiat Uno turbo i.e. Non, avec son Ibiza SXI, Seat vise plus modestement les petites sportives de 100 ch. Ainsi, avec son 1461 cm3, l'Ibiza SXI fournit 100 ch à 5900 tr/mn et un couple de 128 Nm à 4700 tr/mn. Avec un taux de compression de 11:1, le petit quinze-cent Porsche se montre vif, tout en affichant une consommation très faible pour l'époque. La boîte manuelle à 5 rapports issue de chez Fiat mais revue par Porsche aussi reçoit un étagement plus court afin de renforcer le dynamisme. Les synchros des premiers rapports sont de type Borg Warner tandis que les derniers sont des Porsche. Mais les débattements imprécis et lents ne participent malheureusement pas franchement au plaisir de conduite. Au final, l'Ibiza SXI offre des performances dans la moyenne des autos de cette puissance : une vitesse maxi de 184 km/h, un 0 à 100 km/h en 10"8 et le kilomètre départ arrêté en 33 secondes. En fait, la Seat Ibiza apparaît un peu lourde pour faire de l'ombre aux ténors de la catégorie. Mais même si elle ne bouleverse pas le segment, l'Ibiza SXI parvient néanmoins à faire parler d'elle grâce à l'aura du nom Porsche qui orne son moteur ainsi qu'à un rapport prix/performances relativement imbattable. A noter, l'emplacement original de la roue de secours que les ingénieurs sont parvenus à loger dans le compartiment moteur !
CHASSIS
Mais voilà, le duo Peugeot 205 Rallye - Citroên AX Sport sorti à quelques mois d'intervalle va plus que donner du fil à retordre à la Seat Ibiza SXI. En reléguant son comportement d'un autre âge au rang de bricolage amateur, les françaises s'imposent sans difficulté dans tous les comparatifs. Reprenant le schéma de base des Seat Ronda, dérivé des antiques Fiat Ritmo (McPherson avec barre stabilisatrice à l'avant et bras oscillants avec amortisseurs à leviers et ressorts à lames à l'arrière), il faut rapidement se rendre à l'évidence que le comportement routier de l'Ibiza n'a pas de quoi satisfaire un pilotage sportif. En effet, la suspension arrière apparaît bien trop ferme par rapport à celle de l'avant, presque molle. Par ailleurs, la conception datée du train arrière autorise une géométrie abbérante en appui, avec un carrossage qui peut devenir positif et des pneus qui travaillent rarement dans les meilleures conditions ! La direction, non asssitée, est de plus trop démultipliée pour offrir un train avant aussi incisif que celui de la 205. En revanche, le freinage confié à deux disques ventilés à l'avant et de simples tambours à l'arrière est assez puissant et endurant. Porsche n'a pourtant rien à voir avec ce dernier... Enfin, peu sollicitées par le faible couple du moteur, les pneus parviennent à garantir une motricité très convenable.
EVOLUTION
Prenant rapidement conscience des lacunes de son modèle, Seat va revoir l'Ibiza à l'occasion d'un premier restylage en 1988. En priorité, la planche de bord est sérieusement remise au goût du jour et la face avant légèrement retouchée. Le second restylage, en mars 1991, est plus important visuellement. Maintenue au catalogue de l'Ibiza "New Style", la SXI suit le mouvement avec des faces avant et arrière inédites. Les feux arrières à bande fumée sont plus actuels mais l'Ibiza SXI rentre aussi dans le rang en perdant ses bandes rouges décoratives et ses jolies jantes. En 1993, Seat arrête la production de la première Ibiza sportive.
ACHETER UNE SEAT IBIZA SXI
Trouver une SEAT Ibiza SXI de nos jours n'est pas une mince affaire, surtout si vous visez les modèle d'avant restylage au look plus aguicheur. Oubliée des amateurs de youngtimers, l'Ibiza SXi continue à vivoter dans les tréfonds des petites annonces à des tarifs souvent inférieurs à 1.000 €. A ce prix, difficile d'espérer un modèle en parfait état et non atteint par la corrosion, principale maladie des Ibiza MkI. Difficile ne veut pas dire impossible. Si vous auvez succombé à cette bombinette typiquement latine, c'est que vous avez été pris d'une certaine tendresse face à ses principaux défauts autant que face à ses qualités. Côté moteur, le travail de Porsche est plutôt fidèle à la réputation de la maison et globalement la mécanique se montre endurante. Pour le reste, que ce soit les matériaux employés ou les éléments de trains roulants, tout est sujet à un vieillissement parfois très marqué. Mais grâce à cette rusticité de conception, les Ibiza SXI sont des voitures qui peuvent encore rouler quotidiennement de nos jours. Les versions restylées de 1991 à 1993 sont un peu plus soignées mais perdent la tenue sexy qui faisait de la SXI une... SXI.
:: CONCLUSION
Un design italien, un moteur revu en allemagne, il n'aura manqué qu'un châssis à la française pour faire de la Seat Ibiza SXI une petite sportive capable de marquer réellement son époque. En effet, outre son moteur signé Porsche aux performances convenables, on retient davantage une tenue de route totalement dépassée. Fort heureusement, sous l'impulsion des capitaux de VW, Seat aura par la suite l'occasion de redresser la barre pour affirmer son image sportive avec plus de crédibilité. Néanmoins, on pourra s'intéresser à cette Ibiza SXI en tant que première pierre de l'édifice et pour son statut de Youngtimer parmi les moins chers !
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Avis des propriétaires
Ma première voiture, en 2000, modèle de 1988, marquant le début d'une série de belles sportives. L'Ibiza SXI est de loin la plus mémorable, mais pas toujours en bien !
Moteur volontaire mais manquant quand même de puissance en haut, et de couple en bas, même pour l'époque, et peu aidé par une 5ème loooongue... (220+ compteur en descente, mais même pas 200 compteur sur le plat). Le bruit était très sympatique à l'intérieur comme à l'extérieur, d'origine.
La fiabilité moteur était assez extraordinaire dans la mesure ou je n'ai pas fait une seule vidange en 50000 km (1l d'huile au 1000 km...), en étant toujours à fond au rupteur, de jour comme de nuit.
Freinage effectivement assez puissant, mais la stabilité au freinage était catastrophique. On en vient au châssis...
Une véritable charette, ressorts à lames à l'arrière. En statique, carrossage négatif devant, positif derrière... TRES bizarre. ça se confirme à la conduite, heureusement que l'avant se vautre partout, la rendant plutôt sous-vireuse, un garde-fou pour un arrière préhistorique mais au détriment de toute efficacité.
La boîte est un modèle d'imprécision, avec des débattements lunaires. Une 5ème qui nécessite de prévenir le passager pour qu'il serre ses jambes à droite et verrouiller le rapport.
La finition, je préfère ne pas en parler. Ergonomie douteuse, j'ai cassé le commodo de klaxon avec le genou sur un fort freinage.
En revanche, elle était redoutable sur la neige, ou il était possible de passer en glisse de partout et avec facilité, ce qui m'a valu une certaine réputation à une époque... Malheureusement, (ou heureusement), à force de taper des murs de neige pour faire passer les appels contre-appels, le châssis a du subir un peu.
Elle a fini par se scinder en deux (littéralement !) au niveau du châssis (derrière le train avant), sur un gros freinage, par chance sans sortie de route.
25 ans plus tard j'en ai finalement une certaine nostalgie, ou peut-être est-ce la nostalgie de cette époque ou on pouvait encore faire des choses qui nous mèneraient droit en prison aujourd'hui. La belle époque des GTI pures.
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