L'ELECTRO-CHOC
Nous vivons un moment très particulier
de l'histoire de l'industrie automobile : les petits constructeurs
ont quasiment disparu, et après de nombreuses fusions, quelques groupes
seulement se disputent un marché mondial. Pour se développer et séduire
une clientèle plus large, ces constructeurs se voient contraints de
simplifier leurs schémas industriels afin de sortir très vite et fréquemment
de nouveaux modèles dans une production de masse. Dans ce contexte,
la démarche de Venturi se veut avant-gardiste. Elle paraît
surtout extrêmement osée...
Texte :
Anthony SINCLAIR
Photos : D.R.
En 1984, la première Venturi,
née du génie créatif de Claude Poiraud et Gérard
Godfroy, était présentée au Salon de Paris
(Voir Historique MVS-Venturi). Elle avait
pour objectif d'être la seule voiture française de
Grand Tourisme, mais en restant légère, 850 kg pour
une cylindrée de 2 litres. En 2002, soit dix huit ans plus
tard, c'est du même cahier des charges qu'est né la
Venturi Fétish. Après une faillite en 1999 où
l'on croyait scellé définitivement le sort et l'avenir
de la marque, le 4 Juillet 2001 Gildo Pallanca Pastor prend en main
la destinée de la marque française Venturi, une des
toutes derniers constructeurs automobiles indépendants au
monde. Mais qui est ce personnage sorti de nulle part et jusqu'alors
inconnu du monde automobile ? Petit-fils et richissimme héritier
du plus important promoteur immobilier de Monaco, Gildo Pallanca
Pastor est un homme d'affaires qui a débuté sa carrière
dans l'immobilier. Passionné d'automobile, Gildo fonde le
Monaco Racing Team, qui se positionne en 2000 pour le rachat de
la marque et des actifs du constructeur français Venturi.
Le 4 juillet 2001, Venturi change officiellement de mains et l'équipe
se lance dans une entreprise d'envergure : créer une nouvelle
voiture de sport, française de surcroît. Fétish
sera donc une inédite "Grand Tourisme légère",
affirmée en terme de design. Sur cette plate-forme, des versions
compétition-client correspondant aux nouveaux règlements
N-GT 2 litres et GT FIA sont sérieusement envisagées,
ainsi que des versions "Gentlemen Drivers Trophy". Pour
Venturi, il n'était plus question d'être la Ferrari ou la Porsche
française. Le concept car annonçait un nouveau positionnement plus
"grand publique" avec un prix aux alentours de 35.000 € et une production
de 500 voitures/an. On en rêvait déjà. Assemblée à la main et sur
commande, la Fétish électrique est finalement disponible à la vente
au tarif suréaliste de 540.000 € TTC !!! Quelle douche froide !
Mais que vaut réellement cette innovation roulante ?...
DESIGN
Dans l'univers de l'automobile, comme dans tout autre
domaine, certains rêves restent prisonniers de l'imaginaire,
et puis d'autres, pas les moins fous, peuvent prendre forme dans
la réalité d'aujourd'hui. C'est précisément
l'un de ces rêves que je vis avec Gildo et son équipe
depuis le printemps 2001, époque à laquelle je fus
embarqué dans cette aventure. Désir secret, la réalisation
d'un projet automobile (qui plus est sportive) est un grand moment
dans la carrière d'un designer. Objet-culte, objet-symbole
de notre temps, l'automobile a toujours symbolisé et parfois
subi les mouvements sociaux, technologiques et culturels. Le rêve
qui m'anime aujourd'hui fait partie de ces aventures humaines qui
laissent une empreinte.>> Ces propos sont ceux du jeune et
talentueux designer Franco-Serbe de la Fétish, Sacha Lakic.
Particulièrement remarqué dans le monde du 2 roues
(Bimota Mantra, Scooter MBK, ou encore moto Voxan), il n'a ni matériau
privilégié ni couleur favorite et utilise de multiples
techniques pour appliquer ses idées. C'est cette vision à
360 degrés du monde de la création qui confère
à la Fétish un style unique qui ne s'inscrit dans
aucune tendance. Du prototype initial, Venturi a conservé
l'esprit général, effectuant seulement quelques mises
en conformité avec les règles d'homologation. La fétish
a son propre style, un peu décalé, décrivant
une logique de non agressivité. Si les automobiles ont un
sexe, Fétish est clairement féminine. Sa robe en fibres
de carbone, est faite de lignes tendues et de rondeurs, ses formes
charnelles et sensuelles invitent au contact visuel et tactile...
Sportivité, Elégance, Sensualité, sont les
3 mots qui définissent son design. Le logo-calandre suggère
le passé et annonce le futur de la marque. Le V de Venturi
apparaît sur la calandre de la Fétish, se présentant
comme un symbole de modernité. Venturi n'en perd pas pour
autant son blason qui, frappé du célèbre Gerfaut,
héritage du passé de la marque, orne le capot avant.
On admire la ligne de flanc partant du phare et traçant une
courbe jusqu'à l'axe de roue arrière qui partage en
coloris deux tons la carrosserie. La Fetish incarne totalement l'esprit
de légèreté et de dépouillement d'une
Lotus Elise. Les superbes portes
en élytre s'ouvrent aisément.
HABITACLE
A l'intérieur,
le plexiglas, la fibre de carbone et l'aluminium côtoient
le néoprène des sièges baquets. Tout comme
dans le Renault Spider, l'habitacle
est "water-proof". La planche de bord ne dérouterait
pas quant à elle à bord d'une Citroën. Les compteurs
numériques et la console centrale sur laquelle le levier
de vitesses a laissé place à 3 boutons (AV, AR et
neutre) sont très déroutants. Les manomètres
de pression et de température d'huile plus fréquemment
rencontrés sont ici remplacés par un lecteur cd-mp3
avec GPS et un subwoofer au milieu du tableau de bord, les seuls
luxes à bord de cette GT peu ordinaire. Euh... vous avez
dit bizarre ? Ne cherchons pas le chauffage, il y a juste un dégivrage
du pare-brise, ce dernier offrant d'ailleurs une superbe visibilité
panoramique. Au sol, deux pédales seulement, une grosse et
une petite, comme dans les Cadillac. Au volant, pas de palettes
pour monter les rapports non plus, à aucun moment le pilote
n'influe sur le rapport, le tout étant confié à
une transmission à variateur. C'est sûr, ça
nous change. Mais est-ce vraiment mieux ? Il ne nous reste plus
qu'à mettre le robot mixeur en route pour en juger...
MOTEUR
Le partenariat tant recherché avec un constructeur français
pour la fourniture des moteurs n'a finalement pas pu se faire. C'est
dommage. La Fetish n'aura donc pas le moteur 2 litres de la Renault
Clio RS, ni celui de la Peugeot
206 RC et il a fallut revoir toute la stratégie. Après
une période de silence inquiétante, laissant le champ
libre aux rumeurs et même imaginer l'abandon pur et simple
du projet Fetish, Venturi fait de nouveau les gros titres des médias
en dévoilant à l'occasion du salon de l'automobile
de Paris en Septembre 2004 le retour de la Fétish. Ouf !
On n'a pas encore une fois tué Venturi ! Mais la fétish
revient avec une motorisation inédite et pour le moins innattendue
: un moteur électrique ! La première voiture de sport
électrique de l'Histoire est née. Anticipant sur l'inévitable
flambée des cours du pétrole accompagnant sa rarification,
elle démontre qu'il est possible de fabriquer aujourd'hui
ce que les grands constructeurs automobiles ne proposeront que dans
10 ou 20 ans. Sous la responsabilité technique de Gérard
Ducarouge, Ingénieur en chef du projet, Fétish a été
entièrement pensée pour être un véhicule
électrique sans compromis, utilisant les meilleures technologies
disponibles, quels qu'en soient leurs prix. "Convaincus par
l'enthousiasme du public pour notre démarche, il nous fallait
alors passer du concept-car à la voiture définitive
: faire la voiture de sport des 20 années à venir
", tel a été le mot d'ordre de Gildo pour la
présentation de la Fétish de production, dévoilée
à l'occasion du 20ème anniversaire de la marque au
gerfaut. Puissance maxi de 180 KW, couple moteur linéaire
et disponible à 100% au démarrage, moteur atteignant
14.000 tr/mn, frein moteur réglable (le système s'en
sert pour récupérer de l'énergie), jamais nous
n'aurions imaginé découvrir une telle voiture de sport
! Car cette voiture à piles offre des performances qui n'ont
rien de virtuel et bousculent toutes les idées reçues
! Alors que le public pense qu'un véhicule électrique
est un déplaçoir lymphatique et sans saveur, elle
présente des accélérations remarquables et
une vitesse de pointe de 170 Km/h ! En accélérant
de 0 à 100 Km/h en moins de 5 secondes, elle fait la démonstration
que sa propulsion électrique supplante nombre de véhicules
thermiques de plus de 300 CV. A ce titre, la Venturi Fétish
est belle est bien une vraie voiture de sport. Autre idée
reçue qui tombe, l'autonomie de cette sportive qui ne consomme
aucun carburant est par ailleurs tout à fait comparable à
celle d'une automobile normale, ou d'une grosse sportive gourmande
en carburant. A bord de la Fétish on peut parcourir à
vitesse légale environ 350 Km et une recharge rapide (sous
80 Amp) de 10 mn correspond à 16 Km, ce qui couvre largement
les déplacements urbains quotidiens. Le plein complet pourra
être fait à la maison (sous 16 A) en 16 heures, ce
qui vous coûtera environ 1 euro ! Avant Fétish et ses
100 batteries Lithium-Ion (comme celles des portables), il n'était
pas possible de stocker autant d'énergie dans une automobile
: à puissance équivalente, il aurait fallut alors
plus d'1 tonne de batteries supplémentaires ! Toutefois,
avant d'amortir le surcoût à l'achat, même par
rapport à une sportive à essence aux performances
incomparables (comme une Porsche
Carrera GT), il vous faudra effectuer un certain nombre de kilomètres
(mieux vaut ne pas faire le calcul !)...
SUR LA ROUTE
L'architecture générale de la Venturi Fétish
est comparable à celle d'une voiture de course, avec un moteur
en position centrale arrière adossé à un châssis
monocoque sandwich carbone et nid d'abeille d'aluminium. La répartition
du poids est de 40% sur l'avant et 60% sur l'arrière. La
liaison au sol est pour sa part une évolution de celle de
la Venturi Atlantique 300, réputée pour sa tenue de
route exemplaire. Le véhicule atteint la légèreté
record de 750 Kg à vide et de 1100 Kg avec batteries. C'est
en effet la batterie, et non plus le moteur, qui est au centre de
la valeur technologique du véhicule et de ses performances.
Conduire la Venturi Fétish est une expérience entièrement
nouvelle, celle de la conduite d'une voiture du futur ! Elle se
démarre à la clé, comme une bonne vieille auto
du 20ème siècle, mais ensuite ni bruit ni vibration.
C'est stupéfiant. On se croit dans l'un de ces films de science
fiction, comme "Demolition Man" où les voitures
du futur ne volent pas mais avancent sur des pneus (énormes
pour l'occasion : 225/40 R 18 et 265/30 R 19) sans faire un autre
bruit que celui du caoutchouc sur le bitûme. C'est reposant
mais bonjour tristesse. Adieu échappement qui crépite
et ralenti qui ratatouille, rupteur qui claque et pistons qui rugissent
! La Fétish est loin de tout ce remue-ménage inutile
mais ô combien plaisant. A son volant, on suit les virages,
sans stress, mais avec toujours la même envie de tracer de
belles trajectoires. La direction est précise et non assistée,
c'est l'idéal sur une vraie voiture de sport de ce poids.
L'ouverture sur l'environnement extérieur de ce roadster
bi-places et sans vitres latérales est un autre atout pour
une voiture "à sensations". Les accélération
sont instantanées, vives et énergiques grâce
au couple constant du moteur électrique. Une partie du plaisir
de conduire est donc toujours intacte, tout comme à bord
d'un Diesel d'ailleurs, l'absence d'odeurs en plus. Mais est-ce
suffisant ? Est-ce bien cela la vision de notre futur automobile
? Sur le plan émotionnel, ça laisse comme un vide...
:: CONCLUSION
La question qui vient alors à notre esprit est plus
terre à terre que la vision futuriste de Venturi. En effet,
à quoi sert Fétish, aujourd'hui ? C'est pour l'image nous
dit-on. Et qui voudrait vraiment acheter ça ? 25 personnes,
au mieux, à travers le monde. Fétish est donc née pour démontrer
qu'il existe une alternative au moteur à explosion, qu'il existera
une vie après la mort de l'automobile actuelle... (mais certainement
pas à ce prix !) Cette alternative avant-gardiste respecte
en bonne partie les codes de l'automobile-passion tout autant que
le monde qui nous entoure. Voiture-concept, la nouvelle Venturi
ne s'adresse en effet qu'à un profil très précis d'acheteurs, visionnaires
richissimes, qui souhaitent s'identifier à l'exclusivité
de cette automobile et s'offrir un voyage dans le futur...
Ce qu'ils en ont pensé:
"La conduite de la Fétish s'apparente à celle
d'une barquette de piste. Dommage que le timbre du moteur électrique
fasse penser à un aspirateur."
DRIVEN - Automne 2004 - ESSAI VENTURI FETISH
"Venturi a beaucoup à faire
pour qu'une Fetish aboutie soit présentée au Mondial
de Paris 2006. Les premiers clients seront livrés en 2008.
La Fetish n'est que le fruit de l'ambition de Gildo Pastor. Et il
annonce déjà une GT3 pour la fin de l'année"
EVO - Septembre 2005 - WARM UP VENTURI FETISH |