EN SOUVENIR D'EOLE
Dans la mythologie grecque, Zeus donna au marin Eole la garde
des vents. Dans notre monde des sportives moderne, c'est à
Gérard Godfroy que Zeus confia cette mission afin de pouvoir
décliner la gamme Venturi sur un roadster très convaincant.
Et comme Gérard Godfroy est avant tout un designer de talent,
il ne s'est pas contenté de lui ôter le toit. Il a
conçu un original toit découvrable qui peut à
loisir se muer en targa, en T-Roof ou en roadster intégral.
Si en plus on vous dit que seulement 30 Venturi Transcup 221 ont
été produites, nous sommes dans le domaine du collector...
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
Chez le petit constructeur de voitures de sport, MVS, qui produit
les Venturi 200, c'est l'effervescence. L'usine est en effet convaincue
qu'il faut élargir la gamme pour pouvoir augmenter les volumes
de vente d'une part, et démontrer son dynamisme d'autre part.
Il faut bien garder à l'esprit que MVS, qui ne s'appelait
pas encore Venturi
(puisque nous sommes en 1987), court après une image qui
reste à bâtir. Les "petites" Venturi ne sont
alors considérées que par les fans d'automobiles de
sport françaises, mais globalement, la visibilité
de MVS est très réduite. Surtout comparée à
des ténors comme Porsche,
Ferrari,
Lotus
ou Maserati
qui opposent une image plus connue et diffusée et également
un palmarès en compétition. Alors en plus d'une version
plus puissante que MVS nous prépare, Gérard Godfroy
planche sur une version cabriolet. L'idée est d'autant plus
tentante que la structure même de la Venturi favorise une
rigidité torsionnelle élevée, à la différence
d'une structure monocoque porteuse, comme sur une Porsche
944 cabriolet qui nécessite de nombreux renforts grevant
ainsi le poids de l'auto. Pas de problèmes de torsion ou
peu donc à résoudre, mais où donc ranger la
capote avec ce moteur central
DESIGN
C'est donc Gérard Godfroy qui poursuit son uvre en
retravaillant la ligne du coupé
Cup 221 pour la transformer en cabriolet. Le plus gros problème
auquel est confronté le designer français n'est pas
de dessiner une belle ligne, mais surtout de trouver un logement
pour la capote et son mécanisme. L'architecture de la Venturi
et sa compacité empêchent en effet d'avoir la moindre
place pour ranger une capote classique en toile. En outre, Gérard
Godfroy souhaite faire quelque chose de différent et d'osé
pour marquer les esprits. Après avoir réfléchi
à plusieurs et de nombreuses fois, testé des idées,
le principe d'un toit démontable s'est imposé finalement
de lui-même. Son passé chez Heuliez (il fut en effet
l'auteur des lignes de l'Alpine
GTA) lui a certainement été profitable dans sa
recherche de toit pour la première Venturi décapotable.
La Venturi Transcup, c'est son appellation commerciale officielle
(l'usine parle de SPD 221), sera donc équipée d'un
astucieux toit démontable en trois parties. C'est un peu
les prémisses des toits repliables électriquement
vus plus tard sur les Mercedes
SLK, puis les Peugeot
206 CC et celles qui ont suivi. Le système imaginé
par Godfroy transforme donc la Venturi Transcup en véritable
caméléon avec quatre présentations possibles
: coupé, roadster, targa et T-Top. Les deux demi-toits se
rangent donc sous le capot avant (consulter le détail du
toit Transcup et son fonctionnement). Certes la manipulation est
un peu complexe et nécessite un temps certain, mais le résultat
esthétique est superbe ! Seul le profil des Transcup semble
un peu " cassé " par la ligne de custode et la
malle plate, mais sous tous les autres angles c'est le sans faute
! On retrouve toujours la ligne originelle dessinée par Gérard
Godfroy avec un zest de Corvette
C4 à l'avant, une ligne générale digne
de certaines transalpines souvent rouges et les recours aux pièces
de grande série sont nombreuses pour diminuer les coûts
: pare-brise de Renault Fuego, rétroviseurs de Citroën
CX, feux arrière de BMW
série 3 E21, essuie-glace avec moteur et mécanisme
de Mercedes
190
Les jantes Dial à 5 branches offrent toujours
leur dessin agressif et sportif, tandis que toute la caisse est
réalisée en polyester à l'exception de la grille
du capot moteur qui est métallique à cause de la chaleur.
A BORD DE LA VENTURI TRANSCUP
L'habitacle est dans la tradition Venturi : cuir et bois à
profusion, finition de haute qualité et artisanale. Quelques
fausses notes avec des comodos Peugeot pas très heureux,
un cendrier de Renault
25,
Mais ne soyons pas trop difficile surtout que ses rivales
contemporaines pratiquaient la même politique. Les sièges
baquets tendus de cuir, sont agréables et confortables mais
manquent de maintien en appui en courbe dès que le rythme
s'accélère. La position de conduite est en revanche
sans reproche. La Venturi Transcup est donc unique dans sa catégorie
et peu d'autos pouvaient alors rivaliser avec son élégance
naturelle, surtout avec le toit rangé. Pour en savoir plus :
Lire notre dossier technique sur le système
de toit Transcup
MOTEUR
Malgré toutes les critiques émises à son sujet,
le V6 PRV qui a déjà équipé de nombreuses
autos de sport et de prestige (Peugeot
504 CC, Alpine
A310, V6
GT, V6 Turbo, Le
Mans, Mille
Miles, De
Lorean
) a su largement évoluer depuis les années
70. Avec l'arrivée des Alpine V6 Turbo et des Renault 25
V6 Turbo, l'adoption de manetons décalés lui a donné
une régularité de marche plus en phase avec son architecture.
Prévu et conçu initialement en V8, mais amputé
de deux cylindres en raison de la crise pétrolière,
il avait conservé son angle de 90°, plutôt inhabituel
pour un V6. Avec sa cylindrée de 2,5 litres et son turbocompresseur
Garrett T3 lui soufflant à 0,85 bars, la puissance est de
210 ch à 5550 tr/mn contre 200 ch auparavant. Alors que l'Alpine
V6 Turbo Le Mans avait perdu 15 ch avec la pose du catalyseur, Venturi
s'en est sorti avec les honneurs. Il faut préciser, à
la décharge de l'Alpine, que la Venturi reprend le moteur
de la Renault 25 Turbo et est monté dans l'autre sens que
celui de l'Alpine V6 Turbo. Tous les arbres de transmissions ne
sont donc pas les mêmes. Résultat, Venturi a pu profiter
de l'évolution apportée à la Renault 25 V6
Turbo catalysée qui passa alors à 205 ch, ce que l'Alpine,
pour seulement 300 autos produites environ ne pouvait s'offrir pour
des raisons de coûts. Le couple de la Venturi Transcup 210
ch est de 29,5 mkg à 2500 tr/mn lui conférant ainsi
une souplesse moteur impressionnante. Véritable moteur turbocompressé
à la " sauce ancienne ", il offre donc deux visage
et sonne la charge dès que le turbo donne sa pleine mesure.
Les amateurs de sensations fortes seront ravis ! D'autant que le
turbo siffle fort dans le dos des occupants rendant vite les longs
trajets fatiguant à la longue. Une boîte de vitesses
mécanique à 5 rapports à commande par câbles
est installée et n'est pas un modèle de rapidité.
CHASSIS
C'est le point fort de la Venturi Transcup. Si au départ
il a toujours été question d'un châssis poutre
avec caissons sur lequel se greffe la "peau" en polyester,
les concepteurs de l'époque, Philippe Beloou en tête
ont initialement réadapté des trains roulants de modèles
déjà existants. Mais les résultats restaient
en deçà de leurs attentes. Le feu vert a été
donné pour dessiner des suspensions spécifiques aux
Venturi. Une bonne décision de la part des investisseurs
d'opter pour ce choix. Ces options techniques ont donc conféré
aux Venturi Coupés une rigidité torsionnelle excellente
permettant ainsi aux suspensions de travailler efficacement. Sur
la Transcup, les concepteurs ont certes du travailler sur la rigidification
du châssis, mais globalement les efforts à faire sont
restés mesurés. Pour preuve, le châssis a gagné
seulement 40 kilos supplémentaires de renforts contre 90
kilos sur une Porsche 944 cabriolet. Entre la rigidité du
châssis et les suspensions étudiées façon
compétition, la Venturi Transcup continue de faire honneur
à la marque côté comportement routier. L'auto
vire à plat et offre une précision d'horloger suisse
pour le reste. Les pneus Michelin MXX (AV 205/55 et AR 245/45) qui
équipaient les très belles jantes de 16 pouces d'origine
contribuent également à la tenue de route. Un vrai
kart
de 210 ch ! En plus, si sur les modèles 200 ch
la direction assistée avec assistance variable reprise de
celle de la Peugeot 505 V6 peut surprendre par des durcissement
momentanés, les versions 210 ch n'en sont plus dotées.
C'est donc un véritable plaisir d'apprécier la Venturi
Transcup sur des petites routes tortueuses où sa maniabilité
est appréciable. C'est d'autant plus son terrain de jeu de
prédilection qu'une fois décapoté ou en targa
(comprenez " lunette arrière levée ") les
remous d'air sont importants à haute vitesse. Les quatre
freins à disques ventilés sont largement et suffisamment
dimensionnés (280 x 22 mm) et autorisent des ralentissements
répétés et efficaces. L'ABS, disponible en
option, n'est même pas disponible pour l'amateur de conduite
de précision. Avec son moteur central, et son châssis
rigide et efficace, il est donc très dur de prendre la Transcup
en défaut. Tout au plus sur chaussée dégradée
constate-t-on des petits grincements au niveau du toit qui sont
surtout à mettre au crédit de ce type de système
que sur la rigidité même du châssis. Même
les coupés-cabriolets modernes puissants sont affectés
par ce type de désagrément. La Transcup, aujourd'hui
encore étale donc au grand jour son élégance
avec la manière, tant sa tenue de route est sportive et efficace.
ACHETER UNE
VENTURI TRANSCUP 221
Vous souhaitez acquérir une telle auto ? Il va alors falloir
vous montrer patient, car la Venturi Transcup, spécialement
en version 210 ch, est très rare car produite à seulement
11 exemplaires. Les actuels propriétaires de Transcup, comme
le modèle qui illustre notre dossier, les conservent pieusement
et sont les garants de l'élégance à la française
dans la lignée des Facel Vega, Monica et autres réalisations
haut de gamme françaises. Cher à sa sortie, le cabriolet
Transcup reste aujourd'hui victime de son exclusivité, et
il faut compter minimum 38 000 euros pour un modèle en très
bon état. Souvent, les Transcup affichent des kilométrages
raisonnables. Le V6 PRV est indestructible à condition d'être
entretenu logiquement et utilisé selon les règles
d'usage qui prévaut pour toute mécanique turbocompressée.
Les gros kilométrages ne lui font pas peur et se sont surtout
les périphériques qui déclareront forfait avant
en raison de la chaleur ambiante insupportable dans le compartiment
moteur. Il faut s'assurer que les durites en silicone ont été
remplacées par des durites en acier pour prévenir
les risques d'incendie. Mais normalement les modèles 210
ch ont tous été modifiés et sont peu concernés.
L'entretien reste simple avec vidange moteur régulière
et les courroies des accessoires tous les. N'importe quel garage
Renault passionné pourra réaliser l'entretien courant.
Toutefois, quelques spécialistes se proposent d'entretenir
votre Venturi avec connaissance et passion pour la marque : SL Automobiles
à Chartres, Grazy dans l'Oise et Extrême Limites à
Nantes de Tony Boulet. Seule l'accessibilité mécanique,
véritable point noir de l'auto, peuvent rebuter les plus
motivés. De nombreuses pièces sont communes avec la
grande série (comme la crémaillère de Renault
25 par exemple) et peuvent faciliter la recherche de pièces
comme les coûts. En revanche, il faut rester très vigilant
sur la vitre de la lunette arrière, car elle est désormais
introuvable et non disponible à l'usine chez Venturi à
Monaco car le fournisseur a fait faillite. Même le moule n'existe
plus ! A l'usine, les interlocuteurs restent disponibles pour les
références des pièces, mais les tarifs de ces
dernières sont élevés.
CHRONOLOGIE VENTURI TRANSCUP
1984 : En octobre au salon de Paris, Claude Poiraud et Gérard
Godfroy dévoile un coupé sportif, la Ventury.
1988 : 24 et 25 septembre, Gérard Godfroy dévoile
lors la 3e réunion du Club Venturi les dessins du cabriolets
avec les détails.
En octobre, au Mondial de Paris, Venturi dévoile en avant
première son cabriolet Transcup. L'exemplaire présenté
était de couleur framboise métallisée et dépourvu
de moteur.
1989 : Le cabriolet Transcup est livré à la
presse pour ses premiers essais.
1990 : Au salon de Genève, Venturi dévoile
son petit lifting de printemps sur toute sa gamme : bas de spoiler
avec lame intégrée, bas de caisse redessinés
C'est Gérard Godfroy qui est l'auteur de ce face-lift demandé
par Xavier de La Chapelle.
En octobre, au Mondial de Paris Venturi arbore un nouveau logo remplaçant
celui de " MVS " avec en emblème le gerfaut dans
le " V " de Venturi.
Toute la gamme peut recevoir l'ABS en option.
1991 : Fin juin, Venturi fournit aux organisateurs du Grand
Prix de l'Age d'or à Monthléry les voitures officielles
chargées d'encadrer chaque course. Des Transcup sont réquisitionnés.
En juillet, quelques modifications interviennent sur la gamme Venturi
dont les Transcup : interrupteurs de vitres à impulsion,
commandes de sièges électriques mieux positionnées,
un bac à rangement derrière les sièges, une
poignée de maintien pour le passager, un vide-poche à
la profondeur augmentée et un éclairage orangé
pour le cendrier et l'allume-cigare.
1992 : En février, nouvelle jauge à essence.
En mai, le sifflement du turbocompresseur est atténué
par le remplacement du tube d'admission en acier par un modèle
en silicone.
1995 : Le dernier exemplaire de Transcup est produit. Au
total, 30 Venturi Transcup 221 seront ainsi produits.
PRODUCTION VENTURI TRANSCUP
1990 : 19 exemplaires
1991 : 5 exemplaires
1992 : 3 exemplaires
1993 : 2 exemplaires
1995 : 1 exemplaires
TOTAL : 30 exemplaires (dont 19 en version 200 ch)
:: CONCLUSION
Star incontestée des amateurs de françaises de haut
rang, la Venturi Transcup ajoute à son élégance
naturelle des performances de haut niveau, un châssis toujours
indestructible et diablement efficace et un toit original et innovant.
Sa rareté ajoute encore à son caractère désirable
et ne fait que renforcer sa cote élevée. A n'en pas
douter, les Venturi Transcup resteront des valeurs sûres en
collection d'autant plus que leur entretien est facile et peu onéreux...
Nous tenons à remercier chaleureusement JP Boulonnois
pour son accueil, sa gentillesse et sa passion communicative. Son
érudition n'est plus à démontrer comme l'illustre
à merveille sa belle collection d'automobiles...
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Ce cabriolet est un strict 2 places, mais ses deux occupants
ont tout pour être satisfaits : cuir, bois précieux,
climatisation, sièges électriques. Le moteur V6 Turbo
est proposé en deux cylindrées, comme pour le coupé,
2,5 l (210 ch), et 2,8 l (260 ch). Les performances sont élevées,
et le comportement routier en rapport. Pourtant, contrairement au
coupé, on décèle parfois un petit manque de
rigidité dans les appuis en virage."
AUTO PLUS - HS 500 Essais 1992 - Venturi Transcup 210 ch (SPD
221).
"Les trains roulants, d'une netteté
de comportement impressionnantes, et son châssis multitubulaire,
d'une surprenante rigidité, constituent des " points
de supériorité " par rapport à une concurrence
assez limitée dans cette zone de prix. Par rapport au coupé,
il n'existe pratiquement aucune différence de tenue de route,
ce qui n'est pas le moindre des compliments. Le temps de réponse
du turbo, comme sur la 260 ch (qui n'existe plus en cabriolet) est
toujours trop important mais le couple impressionnant (29,5 mkg)
placé très bas permet des accélérations
fantastiques à partir de 3500 tr/mn. Il faut alors se dépêcher
de changer de vitesses pour ne pas toucher le limiteur de régime,
tellement l'aiguille du compte-tours monte vite !"
COUPES ET CABRIOLETS - 1992 - Venturi Transcup 210 ch (SPD 221). |