ESSAI NON TRANSFORME
La noble firme Zagato, fondée en 1919, s'est toujours
distinguée par des design novateurs et avant-guardistes.
Et comme toutes les firmes qui défrichent le terrain, la
réussite n'est pas toujours au bout du crayon. Aussi, lorsque
Nissan passe un accord avec Zagato pour concevoir le premier modèle
de la firme Autech qui doit proposer des voitures de designers,
la Zagato Autech Stelvio est présentée avec un design
pour le moins particulier et personnel. A 700 000 Francs l'unité
à l'époque, il fallait avoir un amour inconsidéré
pour Zagato et Nissan...
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
C'est en 1919 qu'Ugo Zagato
a fondé la firme portant son nom. Tout au long de sa vie,
notre italien a toujours porté haut et fort les couleurs
de son officine. Depuis sa création, de nombreuses réalisations
exceptionnelles par leur beauté et leur efficacité
aérodynamiques. Alfa
Romeo, Aston
Martin, Lancia
et d'autres constructeurs ont pu garnir officiellement ou officieusement
dans leurs catalogues les réalisations du maître italien.
Dans les réalisations les plus marquantes dans l'esprit du
public, on retiendra l'Alfa Romeo Zagato TZ2, l'Alfa Romeo Giulietta
SZ puis Giulia Junior Z ou encore l'Aston Martin DB4 GTZ. Mais au-delà
des simples études de design, Zagato est un constructeur
à part entière puisqu'il produit également
les modèles qu'il propose dans ses ateliers. En 1968, ce
sont Gianni et Elio Zagato qui prennent la succession d'Ugo alors
disparu. Ils poursuivent le développement de la firme et
ouvrent même une antenne au Japon (Zagato Japan Co. Ltd) et
va collaborer étroitement avec la firme Nissan. Nous sommes
alors à la fin des années 80, et Zagato a déjà
conçu et produit avec succès les Aston Martin Vantage
Zagato en coupé et en version Volante, le Spyder
Maserati Biturbo et l'Alfa Romeo ES30 qui deviendra l'Alfa
Romeo SZ. C'est également le moment que choisi Nissan
pour explorer un segment de marché disparu : celui des autos
exclusives et personnelles. Et pour ne pas faire de confusion avec
la marque Nissan,
les dirigeants japonais vont créer une nouvelle marque :
Autech. C'est donc par cette première collaboration que Zagato
et Autech vont livrer au public et amateurs le résultat de
leur première étude : la Zagato Autech Stelvia. Présentée
en mars 1989 au salon de Genève, les réactions du
public son mitigées tant son physique étonne et dérange
DESIGN
Les premières esquisses et maquettes ont été
montrées et soumises à validation auprès de
Shinichiro Sakurai, président d'Autech. Dès les premiers
dessins, les designers ont privilégié l'exploration,
non pas de formes nouvelles, mais surtout d'intégration de
détails encore jamais vu à ce jour. La ligne générale
de la Zagato Autech Stelvio est donc des plus classiques avec une
forme des carrosserie coupé 3 volumes. Premier détail
nouveau pour l'époque, une ligne de caisse au niveau des
vitres latérales plus basse obligeant ainsi les designers
à quelques effets de style pour faire remonter la ligne de
caisse à la même hauteur que la malle de coffre. D'une
manière générale, les surfaces vitrées
importantes favorisent une grande clarté dans l'habitacle.
Les flancs de la voiture sont très marqués avec une
nervure qui court tout du long. En revanche, la proue de la Zagato
Autech Stelvio est des plus déroutante avec pèle mêle
: des phares plutôt classiques de dessin, une calandre curieuse
en forme de " U " inversé et surtout un renflement
dans le capot qui part des phares et s'élargit vers l'extérieur.
Un peu comme si on avait greffé un morceau de capot avant
d'une autre automobile plus large. Il faut se mettre côté
conducteur pour comprendre que ces ailes avant retravaillées
intègrent les rétroviseurs et des prises d'air moteur
! Original à défaut d'être jugé élégant.
Sur les flancs arrière, là encore, quelques prises
d'air ont été aménagées. L'arrière
est finalement très simple comparé au reste de l'auto
et un peu de la même veine que la poupe de l'Alfa Romeo SZ.
Les feux arrière forment un large bandeau qui s'étale
sur toute la largeur de la caisse et est uniformément noir.
Dernier détail amusant et encore surprenant, les jantes au
dessin très particulier puisqu'elles sont comme des flasques
de roues. Seul un petit " Z " est au centre de la roue
et sur chaque roue une prise d'air est la seule aération.
On croirait voire des enjoliveurs de Citroën BX TGE ! Mais
nous ne sommes pas dans la même gamme de prix
L'habitacle
offre une finition toute tendue de cuir crème (tout du moins
sur le premier exemplaire dévoilé) et présente
une qualité de réalisation intéressante et
de qualité. Toutefois, il serait intéressant de pouvoir
constater si la finition résiste à l'usure du temps
avec honneur, au moins mieux que dans les Alfa Romeo SZ.
Une
peau sculptée à la main !!
La Zagato Autech Stelvio présente
la particularité d'avoir été scupltée
à la main... ou plutôt au marteau ! Des
ouvriers, que l'on pourrait qualifier d'artistes, tant
leur savoir-faire est grand, partent donc d'une feuille
d'aluminium. Puis ils la forment au marteau pour la
sculpter et lui donner la forme requise. Dans l'industrie,
ce sont des immenses presses qui forment les tôles,
pour la Zagato Autech Stelvio ce sont des magiciens
qui les façonnent avec passion et talent ! Ce
procédé n'est pas nouveau puisqu'il était
déjà utilisé sur la technique "Superleggera"
du carrossier Touring. Aston Martin fut notamment un
gros utilisateur de cette technique puisqu'il faudra
attendre l'Aston Martinb DB7 pour que la production
s'industrialise plus. Mais les grosses Aston Martin
V8 et Vantage ont poursuivi ce processus de fabrication.
Bien entendu, au-delà de la beauté du
geste, en cas d'accident, les coûts de remise
en état sont très chers et très
peu de carrossiers ont suffisamment d'expérience
et de savoir-faire pour réparer ce type de carrosserie...
MOTEUR
Pour motoriser son coupé exceptionnel et rare à plus
d'un titre, Autech et Zagato ont repris en fait la base mécanique
d'un des coupés les plus performants dans le catalogue Nissan
: la Nissan
300 ZX ou encore appelée Fairlady au Japon. C'est donc
le V6 3 litres turbo mais qui développe dans cette variante
spécifique 290 ch et 41 mkg de couple. Voilà donc
des valeurs supérieures au coupé japonais, mais qui
semble logique compte tenu de la différence de tarif et d'exclusivité
entre les deux modèles (une Zagato Autech Stelvio valait
alors plus de 2 fois un coupé Nissan 300 ZX). Seule différence
avec le coupé Nissan 300 ZX, c'est la monte obligatoire d'une
boîte automatique à 4 rapports sur le coupé
Zagato Autech Stelvio. Nous ne possédons pas de chiffres
de performances, malgré nos différentes recherches
dans la presse de l'époque, mais il y a fort à parier
qu'il ne faut pas s'attendre à des performances époustouflantes
: une boîte automatique, un poids de 1 540 kg (malgré
une carrosserie tout alu !) et 290 ch semblent en effet un peu juste
pour afficher des performances canon. Mais il faut bien se rappeler
que la Zagato Autech Stelvio n'était alors pas conçu
pour affoler les chronos mais pour être une auto de designer.
De ce point de vue là, l'objectif est atteint !
CHASSIS
Avec sa coque autoporteuse, la Zagato Autech Stelvio affiche des
dessous très classiques. Il en va de même pour ses
suspensions avec des solutions retenues éprouvées
comme des roues indépendantes avec ressorts hélicoïdaux.
Les quatre freins à disques sont ventilés et secondés
par un ABS. La direction est à crémaillère
assistée. Mais le plus remarquable sur la Zagato Autech Stelvio,
est sa coque et sa carrosserie totalement en aluminium. Les carrossiers-formeurs
partent de la cellule centrale réalisée en aluminium
puis sculptent et forment à la main chaque panneau de carrosserie
comme au bon vieux temps des carrosseries " Superleggera "
qui avaient été utilisées sur les Aston-Martin
DB4, Aston-Martin
DB5 et DB6 par Touring, et également sur certaines Ferrari.
Rien que pour ce procédé, la Zagato Autech Stelvio
vaut le détour et mérite d'avoir existé, car
cela nous rappelle que l'automobile, au sens noble du terme, peut
être considéré comme un art à part. Un
véritable coup de chapeau donc aux hommes qui ont su et savent
encore façonner de leurs mains des formes de carrosserie
à l'heure ou la standardisation et les machines ont pris
le dessus. Nous ne pourrons en revanche émettre le moindre
avis ou sentiment sur le comportement routier de la Zagato Autech
Stelvio, puisque malheureusement, nous n'avons pas eut encore la
chance d'en croiser une, et encore moins d'en conduire une. Si un
propriétaire souhaite se manifester, il sera le bienvenu...
ACHETER UNE
ZAGATO AUTECH Stelvio
Nous ne sommes pas le premier avril et pourtant ce paragraphe pourrait
bien y ressembler. Avec 203 exemplaires produits seulement et vendus
exclusivement à des collectionneurs et/ou amateurs japonais,
il ne faut pas espérer en croiser une sur nos routes hexagonales.
Alors en trouver une dans les petites annonces de vos magazines
favoris
pas d'espoir. Il faudra attendre les grandes ventes
aux enchères internationales pour tenter d'en capturer une,
mais à quel prix ? Impossible de déterminer une cote
pour une auto qui a tout de même été vendue
à plus de 700 000 francs (soit 106 714 euros) en 1989 ! Si
la mécanique d'origine Nissan pourra être entretenue
encore sans trop de difficultés et affiche certainement une
fiabilité digne de la réputation de la marque japonaise.
Le plus gros problème pourrait venir des éventuels
accessoires spécifiques qui viendraient à tomber "
en carafe " ou encore des pièces de carrosserie en aluminium
et formées à la main. Le recours à des carrossiers
experts sera alors certainement indispensable
Acheter une
Zagato Autech Stelvia relève non seulement d'une abnégation
et d'une admiration sans limite pour le carrossier italien, mais
en plus, il vous faudra accepter de rouler avec que sur circuit
fermé, cette auto n'ayant jamais été homologuée
en France à notre connaissance
PRODUCTION Zagato Autech Stelvio : 203 exemplaires
:: CONCLUSION
Cela peut ressembler à un gag ou à un simple concept
car, mais la Zagato Autech Stelvio a bel et bien existée,
même si elle n'a été produite à la main
qu'à 203 exemplaires seulement. Vendue à l'époque
une somme folle, avec des arguments mécaniques pas avérés
ou tout du moins mal exploités, elle demeure aujourd'hui
encore une bizarrerie de la production automobile internationale.
Les modèles existants passent des jours heureux chez des
propriétaires passionnés des productions de Zagato,
très prisé au pays du Soleil Levant... |