MATCH
: TVR TUSCAN 1969 vs 1999
30 ANS EN TUSCAN
Quand on parle de la TVR Tuscan, on pense immédiatement à celle des années 2000. Pourtant il y a eu une première Tuscan, fin 60 - début 70, peu connue et aussi peu répandue. Nous avons réuni les 2 pour un comparatif, une rare (seulement 101 exemplaires) Tuscan V6 de 1969 et une Tuscan MK1 de 2000, de la même couleur…
Texte & Photos : Etienne ROVILLE
Malgré leurs 30 ans d'écart, ces deux Tuscan ont beaucoup de choses en commun, à commencer par leurs principes: légère, puissante et passionnante. Les deux sont équipées d'un gros 6 cylindres en position centrale avant, ont un poids contenu pour leur époque, une carrosserie en fibre de verre et reposent sur un châssis. Mais pour autant elles n'ont absolument pas le même caractère.
DESIGN
Visuellement, les deux Tuscan offrent un long capot, un habitacle très reculé et un design tout en courbe. Une légende urbaine dit d'ailleurs que le nom de Tuscan a été choisi en référence à la région de Toscane, en Italie, où il est très difficile de trouver une ligne droite, ce qui est le cas pour le design de ces TVR. Ce genre de design curviligne a l'avantage d'être moins noté dans le temps et donc de mieux vieillir. Au premier regard, qui dirait qu'une TVR Griffith a bientôt 20 ans? Il en ira de même pour la Tuscan. Une chose est sûre, les deux offrent un énorme capital sympathie.
Ce que l'on note de suite sur la Tuscan MK1 c'est l'absence de poignée de porte. Pour ouvrir la portière il faut appuyer sur un bouton se trouvant sous le rétroviseur, astucieux mais surprenant. Autre surprise, si, au premier abord, on pense que la Tuscan V6 est équipée d'un hayon facilitant l'accès à son grand coffre, on déchante rapidement en se rendant compte qu'il faut passer par l'habitacle, comme depuis longtemps chez TVR. Ça ne changera qu'à partir du milieu des années 1970 avec la Taimar. Pour continuer dans les surprises, nous surprenons beaucoup de monde aux stations essence quand nous mettons le tuyau de carburant dans le coffre. En effet, la trappe à essence se trouve dans ce dernier, facilitant la fabrication de la coque en fibre de verre de la carrosserie. Le coffre de la MK1 a fait de gros progrès vis à vis de son ainée avec un vrai coffre, accessible, d'une contenance permettant d'embarquer les affaires nécessaires à un long week-end. Ce même coffre est également conçu pour pouvoir y ranger en toute simplicité le toit en carbone de la voiture. En effet, si la Tuscan de 1969 se contentait d'un toit ouvrant (baptisé webasto), celle de 2000 est une targa, entendez par là que c'est un coupé auquel on peut enlever le toit. La Tuscan V6 est plus petite que la MK1, logique, mais l'impression est renforcée par des portes-à-faux quasi inexistants la rendant visuellement plus compacte. Comme elle est aussi moins large et plus haute, elle est moins impressionnante que sa descendance délurée. Le millésime de 2000 n'a vraiment aucune ligne droite, jusqu'à son grand capot en forme de vague dans lequel deux trous béants servent à évacuer la chaleur du moteur...
MOTEURS
... Et quel moteur !! Il s'agit du fameux 6 cylindres en ligne TVR à carter sec, appelé Speed 6, dérivé du V12 Speed 12 lui-même dérivé du V8 nommé AJP8. Le Speed 6 aura demandé du temps à TVR pour développer et fiabiliser ce moteur... ce qu'ils ne firent pas réellement, mais qui n'empêchera pas la voiture de se vendre. Bien des propriétaires vous disent : "Lorsque l'on achète une TVR, on sait qu'on aura des problèmes, notamment mécaniques, mais on l'achète quand même", arguant du fait que la voiture donne un plaisir incommensurable en échange. Mais quand TVR Power, et son patron Dom Trickett, propose de fiabiliser les moteurs, ils sont nombreux à faire la queue à Coventry. Ici nous avons donc pu voir ce que donnait réellement une Tuscan MK 1 équipée du Speed 6 de 4.3L TVR Power. Au-delà des simples chiffres (430ch au lieu de 365ch et 500Nm au lieu de 420Nm), ce qui impressionne c'est la remise à niveau complète du moteur. Culasse fragile, soupapes peu fiables, poussoirs à l'agonie ?? Terminé !! Les hommes de TVR Power effectuent un désassemblage du moteur et de la culasse, un resurfaçage du bloc moteur, un remplacement des guides de soupapes, un dégraissage de la culasse et du bloc moteur. Ils installent également pléthore de nouvelles pièces. Jugez plutôt : vilebrequin, bielles, cale de soupapes, roulements de vilebrequin, coussinets de vilebrequin et de tête de bielle, chaîne de distribution, rotor de pompe à huile, limiteur de pression, segments de piston, arbres à cames, soupapes, eprom, injecteurs plus gros et la liste n'est pas exhaustive. Vous pourrez même compter sur un démarreur plus costaud. TVR Power ne fait pas les choses à moitié et, de plus, prend soin de la sérénité de ses clients en garantissant le moteur pas moins de 3 ans et... kilométrage illimité, rien de moins !! Le tout pour un tarif tout à fait correct £8400…TTC.
A l'usage c'est bien simple, nous avons tout simplement l'impression de changer de voiture par rapport au 4.0L d'origine. La Tuscan, ainsi équipée, gagne en onctuosité à bas régime et permet de cruiser en 4eme ou en 5eme à faible allure. De plus, avantage non négligeable, la voiture ne surchauffe pas à très très faible allure... entendez par-là dans les bouchons, là où le Speed 6 "de base" demandait à être plus haut dans les tours, de jouer du levier de vitesse. Si vous avez besoin de doubler un tracteur assez rapidement, appuyez juste sur la pédale de droite... c'est fait. Mais si vous avez envie de vous amuser, rétrogradez d'une ou plusieurs vitesses et... ne mettez pas le pied au plancher sous peine de voir l'arrière passer devant. Le couple martyrise les pneumatiques, à tel point qu'une route sèche vous parait humide. Les 3.9 secondes annoncées pour passer de 0 à 100km/h semblent réalistes en théorie mais, dans la pratique, elles ne seront pas évidentes à réaliser tant le dosage est délicat. Entre un départ parfait et un cirage en règle du bitume la frontière est mince. Cela dit, les concours de feux rouges ne nous intéressent pas et nous préférons parler des reprises expéditives. En effet, cet incroyable moteur ne donne pas uniquement plus de couple à bas régime, il donne également plus de puissance à haut régime. Il n'y a pas besoin d'enfoncer la pédale de droite à fond pour propulser véhément les 1100 kg de la Tuscan vers l'horizon, dans un bruit assourdissant et en laissant tout de même quelques mètres de gomme sur la route et pourtant, nous n'avions même pas rétrogradé ! Ce moteur est véritablement incroyable, il gagne à tout niveau par rapport au 4.0L d'origine et si rouler en douceur lui semble naturel pour cruiser, il peut vite se montrer effrayant si l'on n'a aucune retenue. Semelles de plombs s'abstenir.
La première Tuscan de la lignée compte également 6 cylindres sous son capot, étant la première TVR équipée du V6 Essex 3012E que l'on retrouvera dans la TVR 3000M. Il cube 3.0L et développe 136ch et 24mkg, des valeurs respectables sans être aussi impressionnante que sa descendante, même replacées chacune dans leurs époques respectives. Il faut dire que la Tuscan V6 n'a pas pour vocation de chapeauter la gamme TVR. L’idée de proposer une TVR de milieu de gamme, entre la Vixen 4 cylindres 1.6 litres et la Tuscan V8 4.7 litres, est apparue évidente à Martin Lilley dès la sortie de la Vixen en 1967. Cependant, à l’époque, TVR n’était pas dans une situation financière suffisamment saine pour pouvoir mener le développement de cette voiture. A partir de l’année 1969, les choses changent et TVR annonce la sortie de la Tuscan V6. Cette TVR est d’ailleurs plus vue comme une montée en gamme de la Vixen que comme une version inférieure de la Tuscan. Même si la V6 partage le même nom que la V8, il se trouve que la Tuscan V6 adopte la même structure de numéro de châssis que la Vixen. Le nom de Tuscan a été privilégié pour le prestige qu’il représentait. Le principal problème de ce moteur c’est qu’il ne passait pas les normes de pollution américaines et Ford n’avait pas planifié de reprendre la conception de ce moteur pour lui faire passer avec succès les tests. C’est pourquoi TVR s ’est tourné vers Triumph et son 6 cylindres en ligne (de la TR6) en version américaine, donnant naissance ainsi à la Vixen 2500 qui sera remplacée par la 2500M en 1972. Adeptes des moteurs qui prennent des tours à n'en plus finir quitte à ne rien avoir à bas régime, vous serez déçus avec ce moteur qui offre tout l'inverse. Pas de fabuleuses envolées typiquement latines, on roule sur le couple et l'on peut cruiser sur le 4ème et dernier rapport sans problème. Pour autant, elle ne rechigne pas à monter dans les tours et surprendra, encore à l'heure actuelle, bien du monde. Avec son poids de 910 kg, elle demande moins de 7,5 secondes pour atteindre les 100 km/h depuis l'arrêt et dépasse les 200 km/h en vitesse de pointe. La boîte, à la commande ferme mais plutôt précise offre (en option) un overdrive sur les 3ème et 4ème rapports. Les reprises paraissent bien modestes lorsque l'on sort de la tonitruante Tuscan MK1 4.3, mais on ne s'y trompe pas, elles permettent de s'insérer dans la circulation en toute sécurité et de ne pas se faire punir par le premier diesel venu. De plus, par rapport à ce fameux diesel, vous aurez l'avantage de la sonorité, à ce jeu-là, TVR a toujours fait très fort et ce V6 ne déroge pas à la règle.
SUR LA ROUTE
Sur route, la TVR Tuscan V6 offre un premier plaisir, qui n'a rien à voir avec la conduite, c'est le plaisir visuel de son intérieur tout en cuir et en bois. Attention néanmoins avec le volant, justement en bois, qui pourrait vite vous glisser entre les mains en conduite dynamique. En effet, si la voiture permet de se balader à un rythme tranquille, dans un confort appréciable, elle offre le dynamisme que l'on attend d'une vraie voiture de sport. Reposant sur un châssis tubulaire, dit « John Thurner » du nom de l’ingénieur qui l’a conçu, transfuge de chez Rolls Royce. Au début des années 60 John Thruner reçoit la mission de concevoir un nouveau châssis pour les Grantura mk3 qui vont sortir, mais il faut attendre septembre 1961, et l'arrivée Brian Hopton et Keith Aitchison à la tête de TVR avec de l'argent frais, pour que le projet se concrétise. Ce nouveau châssis est prêt dans l'année 1962 et il équipe les 3 Grantura mk3 alignées au départ des 24h du Mans cette année-là. Une des grosses particularités de ce châssis est de recevoir une suspension arrière équipée de 2 amortisseurs par moyeu, dont un est combiné avec un ressort. Ces 2 amortisseurs sont répartis de chaque côté de l’arbre de transmission à la roue, celui avec le ressort étant derrière cet arbre. Lorsque Martin Lilley arrive à la tête de TVR, il décide de renouveler la gamme en sortant la Vixen avec ce même châssis. Evidement Lilley veut aussi sa « Griffith » pour la Vixen ce qui sera le cas avec la Tuscan V8, qui aura moins de succès que la Griffith. Il se trouve que la Tuscan V8 a eu plusieurs versions. Une de ces versions a été la « LWB » pour Large WheelBase qui, comme son nom l’indique, est une évolution du châssis « John Thruner » avec un empattement plus long. Il ne faut pas confondre la version « LWB » avec la version « WB ». La WB, pour Wide Body, est une autre version de la Tuscan V8, développée à partir de la version « LWB » et qui reçoit une carrosserie modifiée, plus large. C’est d’ailleurs cette carrosserie qui servira de base de développement pour la carrosserie de la série M. C’est ce châssis LWB qui a équipé toutes les Tuscan V6 et qui a aussi équipé les Vixen à partir de la S2, il a donc aussi les 4 amortisseurs à l’arrière. La Tuscan V6 se montre plutôt vive avec un train avant précis. Il est aisé de la placer en virage et, sur route, le freinage (à disque à l'avant) se montre tout à fait suffisant. Les jantes à rayons sont montées en 185/65 R15, ce qui permet de garder un bon confort tout en étant assez large pour avoir une bonne tenue de route. Le moteur, quant à lui, permet de sortir des courbes sans se soucier vraiment du rapport engagé grâce à son couple présent à bas régime. Il en résulte une conduite coulée très différente d'une transalpine mais pas forcément moins efficace.
Sa descendante ne joue pas du tout dans la même cour. On la verrait plutôt en descendante d'une Cobra 427: châssis tubulaire, gros moteur (moins que la Cobra quand même!), excessivement puissante et coupleuse. Mais l'analogie ne s'arrête pas là, la Tuscan ayant autant d'aide à la conduite que la Cobra... soit aucune. C'est que, d'après la marque, une TVR est une voiture de pilote, dépourvue d'aide tel que ABS, ESP et autres béquilles électroniques. Pas même de direction assistée ! Les mauvaises langues diront que c'était surtout pour diminuer le temps et les coûts de conception et ils n'auront pas tort, mais franchement, peu importe la raison, c'est ce qui fait le charme de la voiture, et même de la marque. C'est là que l'expérience vous emporte vraiment, dans la manière que la voiture a de vous faire sentir que le pilote c'est vous. Elle ne fait rien à votre place et ne comptez pas sur elle pour rattraper vos erreurs. Aussi apprend-on très vite l'humilité, mais bon sang que ça nous change des autos modernes aseptisées, ici vous devez dompter une bête sauvage ! Remettez les gaz trop tôt ou trop fort et sentez l'arrière tenter une dérobade, elle s'apprivoise et demande des notions de pilotage et des reflexes bien rôdés. Elle ne se donnera pas à vous comme une Lamborghini Gallardo, mais elle vous donnera un plaisir immense quand vous arriverez à placer l'arrière sur une légère glissade pour ensuite enrouler le virage et en ressortir catapulté par le Speed 6 qui donne de la force sans arrêt. C'est absolument grisant et la sonorité démoniaque rajoute à l'expérience, à mi-chemin entre un V8 big block américain et un L6 BMW. Mais attention aux excès de confiance, la punition n'est jamais loin. Derrière les jantes de 18" chaussées en 225/35 ZR18 à l'avant et 235/40 ZR18 à l'arrière se cachent de gros freins: disques ventilés de 322mm, étriers à quatre pistons à l'avant et disques ventilés de 298mm à un piston à l'arrière. Le freinage est puissant et endurant tout en étant progressif, ce qui aide à placer la voiture sur les freinages. Il ne faut néanmoins pas lésiner sur la pédale du milieu tout en gardant de la marge, absence d'ABS oblige. Sur route humide, on fait simple : on reste au garage. Si on n'a pas le choix, la Tuscan MK1 demande une attention de tous les instants, un pied très léger et savoir mettre de côté sa fierté. Il vaut mieux se faire doubler par une 205 (même pas GTi...) que par l'arrière de sa propre voiture...
Malgré toutes ses péripéties, TVR a toujours gardé sa recette de départ, à savoir une voiture légère, puissante et ludique. Les deux Tuscan du jour nous le prouvent, chacune à leur façon. Mais, dans les deux cas, le plaisir pris au volant est toujours bien présent et vous fait prendre conscience que le plaisir automobile ne passe pas forcément par une boîte de vitesse à double embrayage emmenant minimum 500 ch et son lot d'aides à la conduite plus ou moins déconnectables.
Remerciements aux propriétaires, Dany et Philippe, ainsi qu'à Alexandre pour son aide et le club TVR.
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