TVR TUSCAN (1999 - 2006)
NECKBREAKER
Le marketing est devenu ces dernières années le premier leitmotiv des constructeurs. La mode s’est ancrée définitivement dans l’automobile et par conséquent même les modèles de grande diffusion proposent des kits de personnalisation et des séries spéciales pour créer de l'exclusivité. Mais imaginez mieux… posséder un modèle hors du commun, par nature. Et pour couronner le tout, imaginez que ce bolide soit une terreur des années 2000... une anglaise... une... TVR Tuscan. Et en conduite à gauche tant qu'à faire ! A real Head turner...
Texte :
Maxime JOLY
Photos : Alexandre BESANÇON
C’est en 1998 qu’est présentée la TVR Tuscan au British Auto Show. Un nouveau modèle mais la recette de base du petit constructeur de Blackpool est inchangée. Prenez un châssis tubulaire, greffez-lui un gros moteur central avant et des trains roulants dignes de ce nom et saupoudrez le tout d’une carrosserie en composite. Comme vous souhaitez une recette de grand chef vous évitez tout adititif ou placébo superflu. Pas d’ABS, pas de direction assistée, pas d’anti-patinage, pas de boîte robotisée aux changements supersoniques… Chez TVR on considère que tout le package est de série, concentré dans le morceau de mou entre l'appui-tête et le cerceau. Par ailleurs, tout ce qu'on s'est refusé à ajouter se paye avec un poids limité à 1100 kg sur la balance, à la base d'un rapport "chevaux par tonne" spectaculaire !
PRESENTATION
TVR c’est avant tout un style unique. La Tuscan S n'y fait pas exception. Viril, animal, intriguant et avant tout hors norme, le physique de la bête demeure pour le moins intemporel. La carrosserie se compose de grands panneaux en fibre dépourvu de pare-choc. Le tout donne des lignes tirées, accompagnées de ce grand coup de serpe au niveau de la portière, caractéristique de la marque depuis la Griffith. Mais ne croyez pas que ce dessin soit le fruit de simples effets de style. Chaque forme et chaque ouverture génère de l’appui ou permet de mieux évacuer les calories du moteur.
HABITACLE
Rentrer dans une TVR c’est perdre tous ses repères. Déjà ouvrir la portière n’est pas chose commune. Exit la poignée, il faut appuyer sur le bouton subtilement positionné sous le rétro pour accéder à bord. L’artisan anglais a ici révélé tout son art. Ne cherchez pas le traditionnel plastique, il n’y en a pas. Le cockpit se pare uniquement de cuir, d’aluminium ou de moquette. Chaque bouton, commodo, tout est constitué d’alu brossé ou anodisé. Oublié le simple bouton basculant à double impulsion pour ouvrir votre vitre. Ici c’est un potentiomètre qu’il faut tourner. Même le pédalier non suspendu est à lui seul une pièce d’orfèvrerie… Les lignes du cockpit s’inspirent du physique de la bête Elles se tirent de part et d’autre, s’entrelacent de façon complexe. En face de vous trône juste derrière le volant un énorme compteur. On y a ancré en son centre un ordinateur de bord vous révélant toutes les données nécessaires : pression, température, eau, huile… et juste au dessus 3 leds : des shift lights ! Malheureusement, artisanat oblige, le meilleur côtoie le pire. Il faudra se contenter d’une moquette digne d’une cage d’escalier des 70’S. Certains assemblages sont approximatifs, sans parler des nombreux bruits parasites. Afin de s’éviter les foudres des puristes nous éviterons de parler de l’étanchéité…
CARACTERISTIQUES
TVR TUSCAN
MOTEUR
Type : 6 cylindres en ligne, 24 soupapes
Position : longitudinal AV
Alimentation : Injection électronique
Cylindrée (cm3) : 3996
Alésage x course (mm) : 96 x 92
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 395 à 7000
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 420 à 5250
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle (5)
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques ventilés (322/298)
Pneus Av-Ar : 225/35 - 235/40 ZR 18
POIDS
Données constructeur (kg) : 1100
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 2,8
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 260
1000 m DA : ND
0 à 96 km/h : 3"8
0 à 160 km/h : 8"1
CONSOMMATION
Moyenne (L/100 Km) : 11,4
PRIX NEUF (1999) : 50.000 £
COTE (2011) : 20.000 £
PUISSANCE FISCALE : NC
MOTEUR
Coté moteur les artisans anglo-saxons se contentent généralement d’un modèle de grande série plus ou moins remaniée à l’instar de la grande sœur Griffith. Mais en 1992, Peter Wheeler commence à sentir sérieusement les limites du très agricole V8 Rover tant au niveau puissance que pollution. Avec la participation de Al Meeling et John Ravencroft, il décide donc de créer un tout nouveau bloc maison. Ainsi naquit l’AJP8 (Initial de ses créateurs). Initialement c’est un V8 de 4.2L de cylindrée, ouvert à seulement 75°, à mi-chemin entre les V8 (90°) et les V12 (60°). Il sera découvert sous le capot de la Cerbera, bien qu'initialement prévu pour la Griffith, avec une puissance de 350 ch. Très vite sa cylindrée passe à 4.5 avec un carter sec, pour ensuite gagner 2 cylindres de chaque côté du V et faire naître l’improbable Speed 12 de 7.7L. A partir du V12, il devient relativement simple d'imaginer un 6 cylindres en ligne, plus économique à produire qu'un V8. Bmw a d'ailleurs parfaitement réussi l'opération inverse pour sa 850i.
Le Speed 12 se voit donc coupé en 2 pour devenir Speed 6. De 3.6L dans la Tamora et la Tuscan Mk1 standard, il passe à 4L dans la Tuscan S pour une puissance de 395 ch DIN (390 BHP). Ce L6 coûte donc moins cher à produire que le V8 mais pas n’est pas moins performant. La culasse est revue et passe de 2 à 4 soupapes. Sa lubrification par carter sec lui permet d’être positionné très bas avec une inclinaison de 30° vers la gauche dans la Tuscan. Mais tout n'est pas si simple qu'un jeu de Meccano. Le Speed 6 de TVR connaît une longue phase de fiabilisation. Budget restreint oblige, c’est le client qui finalisera les tests mettant à jour des soucis de lubrification des arbres à cames, pousseurs et soupapes. Les premières versions connaîtront bien des déboires. Heureusement des spécialistes comme Racing Green proposent rapidement de fructueuses expertises et modifications. La garantie passe à 3 ans, kilométrage illimité.
Un mot sur la préparation Red Rose : sur la base de Tuscan 4.0 360 BHP, TVR proposait sous forme d'option une puissance de 380 BHP. Dans la Tuscan S qui nous catapulte aujourd'hui, 406 purs sangs s’animent à la sortie de ce L6 à la respiration naturelle et à la sonorité diabolique. Pour arriver à telle prouesse, toutes considérations politiquement correctes ont été omises. Imaginez, au ralenti 93db sortent des 2 obus arrière servant d’échappements ! Les rejets de CO2 ? La vérité est ailleurs. Mais au volant, quel pied ! Le droit justement, qui d'une simple impulsion affole le tachymètre et propulse la Tuscan S dans un vacarme ahurissant. La sonorité très caractéristique est un mélange de 6 cylindres BMW croisé à un big bloc US : Bestiale ! Et dire que les britons avaient peur que TVR perde son âme en abandonnant son V8. La compacité du L6 en position longitudinale permettait par ailleurs de remanier la ligne d’échappement si nécessaire.
SUR LA ROUTE
Le châssis tubulaire de la Tuscan est le résultat de l’engagement en compétition de TVR. Comme pour la Tamora, il dérive de celui de la Cerbera avec un empattement raccourci. Ce dernier se constitue en fait de 2 cages de survie. L’une basée sur tout l’avant et l’autre autour du pilote. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Tuscan est un targa et non un cabriolet. Il fallait intégrer proprement l’arceau protégeant le pilote, à la manière d'une Lotus Elise. L'originalité de ce Targa, dont le cahier des charges prévoyait que le toit amovible puisse se ranger dans le coffre, est que sa lunette arrière est elle aussi amovible. Une fantaisie toute britannique à voir comme un moyen de renouer à l'envie avec les remous d'un authentique cabriolet. Coté trains roulants, la Tuscan connaîtra deux configurations. La première génération considérée comme trop piégeuse a vu la géométrie avant corrigée. La suspension est passée d’un combiné Harvey-Bailey à un duo Bilstein-Eibach ayant largement fait ses preuves. Dans tous les cas, ils peuvent être upgradé par des Nitrons encore bien supérieurs. Par ailleurs le ratio de démultiplication a laissé sa place à celui développé pour la Tamora afin d’accroitre la stabilité. A la fermeture de la portière on s’étonne du faible espace vital malgré la taille généreuse de l’engin. Callé entre l’immense console centrale (abritant la BV5 Borg-Wagner) et la portière, on se sent à l'étroit. Mais tout est à sa place, juste où il faut… ou pas. Contact, START, le STR8 6 s’ébroue dans un ronron de félin assoupi. On embraye et passe la 1ère. La dureté de la pédale et l’enclenchement du rapport vous font vite oublier la modernité. Si la position est excellente on s’étonne de la hauteur anormalement élevée du levier de vitesse.
A allure normale, la TVR montre déjà une certaine musculature. Chaussée large en 18", la caisse suit les aspérités de la route et fait tanguer sa proue. Il est assez déroutant de voir ce long capot en plastoc se tordre devant vous. Lorsque le rythme augmente votre vigilance croit exponentiellement. Le Speed 6 représente le rêve de la monstruosité. Un seul mot lui convient : dantesque. Il est assez coupleux pour cruiser tel un big block, ronronnant à régime stabilisé. Mais cette force tranquille qui croit à mesure qu'il s'éclaircit la voix ne donne qu’une envie : appuyer encore et encore, "if you get balls" ! Le tigre se réveil et bondit dans les tours. Une soudaine amnésie vous prend et même les dernières super productions de Modène vous paraissent d'un désolante docilité. La Tuscan est un jouet… mais un jouet qui fait mal et pardonne peu. Mieux vaut connaître un minimum le pilotage. Si la direction reste directe, le train avant éprouve une relative lourdeur à l’inscription. Chaque réaccélération doit se faire avec un œuf sous le pied sinon adieu l’adhérence. On tient le volant en sortant les griffes mais avec une main de velours pour corriger en permanence la trajectoire. Il faut être brusque et millimétré à la fois. Les rétrogradages doivent s’accompagner d’un indispensable talon-pointe afin de soulager les synchros de la boîte. Celle-ci reste toujours aussi dure à manier uen fois son huile à température et un « clong » caractéristique se produit à chaque verrouillage de rapport. Tout manque de dosage se paye cash. Si votre pied oppresse trop la pédale droite, vous obtenez un beau cirage du train arrière. Heureusement le DGL Hydratrak permet de garder le contrôle tant que vos réflexes suivent. Au bout de quelques virages à bon rythme votre cœur n’en peut plus. Vous êtes en sueur, pas réellement par absence de clim. Une pause s'impose mais très vite, l'envie de recommencer se manifeste. le Piège tuscan S s'est refrmé sur vous et vous êtes "addict" ! Du moins, tant que le réservoir contient du super.
EVOLUTION
En 2000 TVR présente sous forme de concept-car une version coupé de la Tuscan avec un toit fixe et des faces avant et arrière spécifiques. Comme la Ferrari F40 et la McLaren F1, toute sa carrosserie est réalisée en Carbone-Kevlar. Par la suite TVR s’appuya sur ce prototype pour développer un nouveau projet mené par Chris Runciman dont l'objectif était un retour à la compétition, en particulier aux 24h du Mans. L’aérodynamique de la carrosserie a été étudiée dans une soufflerie (une première pour TVR). Mais au final ce nouveau prototype fut détruit comme l’exigeait la loi à l’époque. Finalement produit en 2003 à seulement 6 exemplaires, ce coupé 2+2 baptisé Tuscan R est équipé du Speed 6 4.0 (T400) poussé à 400 BHP ou d'un inédit 4.2 (T440) de 440 BHP à 7600 tr/mn et 474 Nm à 6000 tr/mn développé par le département Motorsport. Avec ce moteur les places arrière sont remplacées par un double réservoir d'essence. Quant au poids il dépasse à peine la tonne. En 2003 la Tuscan S adopte les modifications moteur de la T400R pour afficher 400 BHP. Plus spectaculaire mais produite à un seul exemplaire officiel, une T440R rebaptisée Typhon est commercialisée en 2004, année du rachat de TVR par le jeune milliardaire russe Nikolay Smolensky, avec le moteur de la T400R gonflé par Vortech à 585 ch avec une suralimentation !
Pour le modèle de série, la seconde génération de la TVR Tuscan arrive aussi en 2004, dévoilée au salon de Birmingham le 22 mai. Elle se distingue par son avant à doubles optiques sous bulles et son arrière à feux verticaux intégrés dans un masque noir. A l'intérieur on note une nouvelle planche de bord avec instrumentation numérique ainsi que des sièges redessinés. Comme la génération précédente, la Tuscan 2 (ou Mk2) est proposée en deux versions, standard et S. Cette dernière se distingue par un spoiler arrière, des freins et des jantes majorés (18’’ au lieu de 17’’) et une suspension renforcée inspirée de la Sagaris. Livrée avec un équipement enrichi, la Tuscan S Mk2 reste sous la barre des 1200 kg. Si l'idée de coupé initiée par la Tuscan R reste sans suite en série, la Tuscan Mk2 inaugure en revanche une version cabriolet. Enfin, une 3ème génération de Tuscan est évoquée chez les fans mais elle est non-officielle. Elle concernerait les 26 exemplaires produits après le rachat de TVR et dotés de la planche de bord de la Tuscan Cabriolet ainsi que du Speed 6 4.0 de la Sagaris.
ACHETER UNE TVR TUSCAN
Les points critiques à vérifier avant achat d'une TVR Tuscan restent l’intégrité du châssis qui rouille facilement et surtout, le moteur. N’oubliez pas le dicton anglais : TVR, Trouble Very Regular. Avoir une des dernières générations ne représente donc en aucun cas un gage de fiabilité. Seules des preuves d’entretiens chez des spécialistes et un respect scrupuleux des règles d’hygiène mécanique pourront vous garantir une relative sérénité. Nous ne pouvons que vous conseiller de vous rapprocher des spécialistes si vous souhaitez garder l’esprit tranquille. Mais tout ceci représente la partie visible de l’iceberg. Car une Tuscan est rare sur le continent et convoitée, surtout si elle a été homologuée dans les règles. Elle sera encore plus rare si vous voulez une conduite à gauche. Produite de fin 1998 à 2006, année d'arrêt des activité de l'usine, la TVR Tuscan n'a jamais été importée officiellement en France mais a existé avec le volant à droite ou à gauche. Seulement 60 exemplaires parcourent le continent sur une production totale de 2590 exemplaires. Sinon il reste aux autres la possibilité de traverser la Manche et se contenter d’une RHD. Mais il faudra l’homologuer via une RTI (réception à titre isolé) auprès d'une DREAL, un vaste parcours du combattant, lourd temporellement et financièrement, sans garantie de réussite. Coté entretien ça se corse aussi. Pour le courant, il sera possible de le faire vous même. La faible quantité d’équipements et une communauté internet soudée vous permettront de régler la majeure partie des soucis. Coté gros œuvre il faudra lorgner en Belgique et surtout dans son pays natal, chez Racing Green ou STR8 6 par exemple.
TVR TUSCAN T400R
Parallèlement au modèle de série, la TVR Tuscan va connaître une petite carrière en compétition. On pourra ainsi voir la T400R en championnat GT anglais et FIA GT, aux 12h de Sebring, aux 1000 km de Spa, Silverstone ou Monza et même aux 24H du Mans en 2003, 2004 et 2005. En endurance, le 6 cylindres 4.0 délivrait 400 ch pour un poids de 1100 Kg. Malheureusement en 2003 aucune des deux T400R engagées aux couleurs de DeWalt/Guaranted Tough n'est à l'arrivée. L'année suivante, avec Synergy Motorsport/Helix, les résultats sont plus encourageants savec les 21è et 22è places au général. En 2005, on put voir (et entendre) une dernière foi la Tuscan au Mans avec Racesport Peninsula TVR, mais elle finira non classée.
CONCLUSION
:-) Look hors normes Habitacle plein de charme Moteur envoûtant Machine à sensations |
:-( Conduite virile, surtout sous la pluie ! Fiabilité "aléatoire"... Difficile à homologuer |
La TVR Tuscan S, c'est la garantie de rouler différent ! Un physique et une philosophie dignes des années glorieuses de TVR, une sportive qui se mérite tant par son coté intransigeant (fiabilité et comportement) que par son homologation délicate. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Si votre porte monnaie le permet, sans aucun doute. Cette TVR porte en ses gènes de la folie furieuse d’une époque révolue. La flamme est présente dans le cœur des passionnés mais éteinte sur les lignes de montage de Blackpool...
Tous nos remerciement à Enzo94 membre de notre forum et du TVR Car Club France pour sa précieuse relecture ainsi qu'à Sébastien, heureux propriétaire de cette splendide Tuscan S.
Vous avez aimé cet article ? Merci de le partager
Vouloir rouler en Tuscan, c’est comme entrer en Religion. Il faut être convaincu et accepter sans conditions Cette expérience mystique, pour le pire et parfois, Le meilleur.. Sublissime exercice de style, et incomparable prouesse Technique, de la part d’un petit constructeur, Il faut bien s’attendre à quelques déconvenues, sur le plan technique, souvent des broutilles, à moins que ça ne soit beaucoup plus grave..casse moteur ! Je suis passé à travers ces tracas, sur mes deux Tuscans, largement utilisées, sans précautions particulières.. Du bol ? Sans doute ! Bref, sur 6 tvr achètes et vraiment utilisées, la Tuscan reste le must absolu en terme de style, mais la plus utilisable au quotidien, est ma première Griffith LHD 4 lt, une des dernières construites, avec laquelle j’ai du parcourir entre 100000 et 150000 km, sans problèmes sérieux, et toujours avec un immense bonheur.. Les deux splendides 500 que j’ai eu ensuite, ne m’ont pas laissé autant de bons souvenirs..