WESTERN
SPAGHETTI !
Par
une belle matinée de printemps sur le circuit de Marcoussis, le temps semble
s'être arrêté. La légère douceur bucolique combinée
au soleil ardent a fait fuire la rosée matinale des abors de la piste. Le ciel, pourtant si calme, se déchire
au loin pour laisser place à la charge de près de 1000 chevaux.
Le duel peut commencer. En bout de ligne droite la Ferrari F430, et la Lamborghini
Gallardo comptent bien en découdre. Deux philosophies qui s'opposent entre
propulsion "classique" et transmission intégrale. A n'en pas
douter, lorsque le taureau sonne la charge, le cheval se cabre pour notre plus
grand plaisir. Attention, duel au sommet avec en prime, l'avis de Romain Thiévin,
qui a jugé ces deux autos sur circuit avec chrono à l'appui. Lorsque
les chiffres objectifs prennent le pas sur la passion subjective
Textes
: Nicolas LISZEWSKI et photos : D.R.
Le
segment des GT prestigieuses s'est considérablement enrichi ces dernières
années avec l'éclosion de nouveaux modèles : Aston
Martin V8, Audi
R8 et Lamborghini
Gallardo
Du coup, les berlinette V8 Ferrari traditionnellement présentes dans ce segment de marché depuis l'apparition
de l'initiatrice, la Dino 206 puis 246 (qui avaient elles des V6 Dino, le V8 n'arrivera
que sur les 308), la saga Maserati
Biturbo (422, 428, 222, 228, Karif, Ghibli, Shamal puis 4200 GT et GT), la BMW M3 et la lignée des Porsche
911 sans oublier la Corvette sont
attaquées de toute part. Premier à avoir lancé les hostilité,
Lamborghini, sous la coupe d'Audi, nous a concocté une Gallardo de toute
beauté. Lors de sa commercialisation, son V10 de 500 ch faisait pâlir
la Ferrari 360 Modena, plus ancienne
de conception et dont le V8 de 400 ch avait du mal à suivre la cadence
imposée par cette "mini" Murciélago.
Une aubaine pour les amateurs de la firme de Sant'Agata Bolognese qui pouvaient
enfin passer commande d'une Lamborghini plus démocratique, et surtout plus
facile à vivre au quotidien qu'une Murciélago ou qu'une Diablo dont les gabarits et la conduite rendaient chaque sortie dans la circulation courante
chaotique et énigmatique. Ferrari, ayant déjà dans ses cartons
la remplaçante de la 360 Modena ne s'est pas laissé impressionné
outre mesure, et la commercialisation de la F430 a rapidement rassuré les
aficionados du cheval cabré. La Ferrari F430 est bien une berlinette V8
non seulement belle, mais terriblement sportive et efficace. Alors inévitablement
on ne peut s'empêcher d'opposer la Lamborghini Gallardo à la Ferrari
F430, comme dans la catégorie supérieure les duels d'anthologie
entre Miura et Daytona, entre Countach et BB512i puis Testarossa,
Diablo et 512 TR et depuis Murciélago
et F599 GTB Fiorano... Le match est donc descendu d'un cran chez les "juniors"
mais il demeure tout aussi passionnant et incertain... réponse dans ce
dossier !
LES CHIFFRES CLES
Lamborghini
Gallardo
V10
à 90° 5 litres
500 ch à 7800 tr/mn
510 Nm à 4500
tr/mn
2,05 kg/ch
101 ch/litres
309 km/h
jantes en 19 pouces
chang. rapports Boîte E-Gear : 170 ms |
Ferrari
F430
V8
à 90° 4,3 litres
490 ch à 8500 tr/mn
465 NMà 5250
tr/mn
2,8 kg/ch
114 ch/litres
315
km/h
jantes en 19 pouces
chang. Rapports Boîte F1 : 150 ms |
DIFFERENCES DE PHILOSOPHIES...
Dans
les deux cas, de nombreux choix techniques sont communs en raison du rapport efficacité/prix
de certains matériaux, à commencer par la structure alu des deux
autos ainsi que bon nombre d'éléments de suspension du même
métal. La Lamborghini se distingue en revanche côté châssis
avec des amortisseurs Koni FSD dont les lois d'amortissements varient automatiquement
selon la marche de l'auto, et adopte une transmission intégrale. Elle se
compose d'un différentiel autobloquant mécanique sur l'essieu arrière
avec viscocoupleur central et d'un différentiel avant libre, l'éventuel
patinage des roues antérieures étant limité par des interventions
contrôlées via les capteurs de l'ESP sur les freins concernés.
A vitesse stabilisée, le viscocoupleur préserve un tempérament
de propulsion grâce à une répartition à 70% du couple
vers l'arrière. Proportion qui peut passer jusqu'à 80% en cas de
forte accélération. La Ferrari F430 reste plus traditionnelle avec
les deux roues arrière motrices mais adopte un différentiel électronique
(E-Diff) gérant le contrôle de traction couplé à une
très percutante fonction "launch control", directement inspirée
de la F1.
Sous les capots, les différences
sont plus nettes bien que restant toutes deux atmosphériques. La Gallardo
a adopté un V10 présentant un angle inscrit de 90°. Ce moteur
développe 500 ch à 7 800 tr/min et 510 NM de couple à 4.500
tr/min dont 80% disponibles dès 1500 tr/min. Sur la F430, le V8 développe
490 ch à 8 500 tr/mn pour un couple maxi de 465 NMà 5 250 tr/mn.
Le V8 italien est livré avec la transmission séquentielle robotisée
F1 à six rapports, effectuant chaque changement en 150 milisecondes (170
pour la boîte E-Gear de la Lamborghini), seul intervalle de répit
imposé entre chaque montée vers le septième ciel mécanique
! Les performances officielles données par les constructeurs sont proches,
mais cela reste secondaire par rapport à l'objet de ce dossier et donc
non commenté.
PASSION QUAND TU NOUS TIENS
Difficile
dans ce type de comparatifs de ne pas laisser exprimer sa flamme et son coeur.
Alors nous l'avouons, ce petit paragraphe sera totalement subjectif et ne pourrait
à lui seul refléter un jugement sur ces deux GT italiennes. Mais
la passion automobile doit aussi être régit par des émotions,
et ces deux autos sont des accélérateurs d'émotions fortes.
Côté look, nous avouons un petit penchant pour la Lamborghini Gallardo.
Son aspect général plus lisse, plus net et plus ramassé nous
fait littéralement fondre. Même le dessin de ses jantes est subtil
et tient compte de la généalogie Lamborghini du passé. Pas
de doute, Luc Donkervolt a laissé exprimé tout son art, un art maîtrisé
et flamboyant. La Ferrari F430, dont le design est "sous-traité"
chez Pininfarina, est inspiré un peu de la Ferrari
Enzo et par conséquent dicté aussi par des nécessités
aérodynamique. D'ailleurs, à puissance équivalente, la Ferrari
semble plus efficace à haute vitesse où l'aérodynamique joue
un rôle essentiel avec 6 km/h de mieux. Donc un léger avantage côté
passion à l'extérieur pour la "Lambo" à nos yeux.
Dans l'habitacle, les différences sont aussi nettes et la Ferrari remporte
cette fois-ci notre faveur. Traité plus "sport", bien que d'une
finition moins luxueuse que la Lamborghini, la Ferrari est entièrement
dédiée au sport : gros compteur jaune au centre avec rappel du rapport
engagé, volant trois branche sport et altier, contenant en outre le bouton
de démarrage et le "manettino". Le combiné d'instruments
semble bien fade sur la Gallardo avec des lettrages quelconques lorsque la Ferrari
y met de la passion et du charme. De nombreux détails opèrent leur
travail de séduction à l'intérieur de la Ferrari tandis que
la Gallardo, presque trop parfaite et trop Audi oublie de nous faire consumer
de plaisir... Autre exemple, les palettes de la Ferrari sont en alu, tandis que
celles de la Gallardo pour la boîte E-Gear semblent issues de commodos Seat.
Et le son ? Les deux moteurs jouent chacun leurs registres : le V10 Lamborghini
sonne très grave jusqu'au bout et devient vite entêtant. Le V8 de
la F430 ouvre tout ses clapets pour sonner grave aussi mais vite virer à
l'aigu métallique dans les hautes rotations. Dans les deux cas, vos oreilles
sont aux anges !
TOP C'EST PARTI !
Afin
d'éviter les débats enflammés du café du commerce
à comparer des choux et des carottes, nous avons pris le problème
différemment. En effet, pour pouvoir comparer objectivement l'efficacité
de deux autos sur circuit, l'idéal est de le faire le même jour,
avec le même pilote, sur le même tracé. Le résultat
ne permettra pas d'établir un temps de référence dans l'absolu,
mais ce qui importe surtout c'est de voir laquelle est devant l'autre et l'écart
constaté. Précisons enfin que pour réaliser ce test, nous
avons fait appel à Romain
Thiévin, pilote expérimenté s'il en est avec ses 5 titres
de champion de France et son activité de cascadeur professionnel. Le tracé
retenu était celui d'Espace
Plus à Marcoussis et la météo du jour de l'essai était
ensoleillé, la température extérieure de 16° avec une
piste sèche. Dans les deux cas, les boîtes robotisées ne sont
pas les plus efficaces pour un départ en trombe, sachant que l'exercice
imposé aux autos était deux tours de circuit avec un départ
arrêté.
L'AVIS
DE ROMAIN THIEVIN, PILOTE*
LAMBORGHINI
GALLARDO
"Le châssis semble posé sur des rails.
Le moteur est très creux à bas régime mais dès 5000
tours/mn il devient étonnant et très performant ! Et son bruit,
très "gras" est à se damner. La pédale de freins
est molle, mais la décélération reste puissante"
Temps
chrono à Marcoussis (2 tours) : 1'23"76
FERRARI
F430
"Un train avant précis, un moteur et boîte
au top, la F430 reste difficile à maîtriser en glisse. On a l'impression
de conduire une auto de course, du style châssis tubulaire silhouette. Si
le freinage est très efficace il manque d'endurance (en gros au bout de
3 tours on perd 50% du freinage !)"
Temps
chrono à Marcoussis (2 tours) : 1'23"38
::
CONCLUSION
La Ferrari F430 est devant ! La surprise n'est pas totale
et on s'en doutait un peu. La conception même de la F430 est très
axée compétition et piste, alors que la Lamborghini par nature essaie
de ratisser plus large en cible client et n'oublie pas non plus son côté
"GT". L'amateur exigeant et désireux de rouler très vite
sur circuit en progressant toujours dans son pilotage et son niveau de maîtrise
devra orienter son choix vers la Ferrari. La Lamborghini est presque trop facile
(tout est relatif !) et permettra aux moins expérimentés d'aller
très vite sur circuit. Il y a fort à parier que sur piste humide,
la Ferrari F430, en bonne propulsion serait à la peine face à la
transmission intégrale de la Gallardo. En revanche, la Ferrari, surtout
sur de petits circuits imposera rapidement des freins céramiques pour résister
à l'échauffement tandis que la Lamborghini s'est montré plus
à l'aise sur ce point précis. Alors laquelle choisir ? Difficile
de trancher ! Côté Chrono sur le sec, la Ferrari est devant, c'est
clair, mais, avant de pouvoir ressentir avec subtilité et surtout avec
la même maîtrise que notre pilote, Romain Thiévin, cet handicap
des chiffres au volant de ces deux machines, c'est finalement plus l'usage que
vous en feriez qui tranchera : sorties circuit, la Ferrari n'en pas douter, un
usage plus mixte et la Lamborghini remporte la palme. Et puis zut ! Nous prendrons
la Gallardo pour tous les jours et la F430 pour les sorties circuits entre gentlemen
drivers avisés...
L'Automobile Sportive
tient à remercier vivement Romain Thiévin pour sa participation
à cet essai, son sérieux, son professionnalisme et son coup de volant.
*Romain
Thiévin possède 7 années de compétition automobile
derrière lui avec 5 titres de champion de France dans différentes
disciplines**. Il est également cascadeur professionnel avec l'Award de
la Meilleure Cascade Voiture à Los Angeles lors de la cérémonie
des Taurus World Stunt Awards, pour le film " La mémoire dans la peau"
doublure de Matt Damon. Il est également co-créateur, pilote et
cascadeur de l'émission FASTCLUB animée par Stéphane Rotenberg
sur W9, mais aussi gérant de la société Cascadevents
**Champion
de France 2001 Superproduction sur 306 FIA 2L, Champion 2001 Coupe de France 206
CC & Champion Junior, Champion 2000 Coupe de France 306 Super Production,
Champion 1999 Junior Coupe Mégane. |