ALPINE A110 S (2019 - )
Tout en nuances
L'A110S vient chapeauter la jeune gamme Alpine en proposant une expérience de conduite plus sportive. Gagnant quarante chevaux et un châssis plus ferme, l'égérie française en profite pour viriliser subtilement sa présentation. L'A110 telle qu'elle aurait dû être ?
Texte & Photos : Sébastien DUPUIS
Après un départ en fanfare, la nouvelle Alpine A110 a été rapidement confrontée à de sérieuses difficultés. Tout d'abord, l'avenir même de son berceau historique Normand s'est trouvé au coeur de la tourmente au début de l'année 2020. Les passionnés, mais aussi et surtout les employés, ont eu très peur de voir ce fleuron national une fois de plus compromis par les erreurs stratégiques du groupe Renault. Car après avoir dépassé les prévisions de vente la première année, l'effet nouveauté de l'A110 est retombé tout aussi brutalement et le carnet de commande Alpine peine désormais à se remplir. Arrivé à mi-carrière, tout modèle de niche a besoin de nouveauté pour maintenir l'intérêt. Rien d'anormal à ça donc, sauf que pour Alpine la très grande dépendance au marché domestique a amplifié le phénomène.
La marque avait donc besoin d'une nouvelle impulsion et rapidement. L'A110S est arrivée dans ce but, complétant l'offre à destination principale des amateurs de circuit. La S n'a donc pas vocation à doubler les ventes d'A110 et il faudra sans doute un autre véhicule pour soutenir durablement la production et la trésorerie. L'arrivée de Luca de Meo a la tête de Renault a au moins permis de dégager l'horizon à court terme pour l'A110 mais aussi de regarder plus en amont pour ancrer durablement la marque au sommet du groupe Renault. Quitte à sacrifier tout le travail réalisé pour faire du blason Renault Sport ce qu'il est aujourd'hui... C'est dans ce contexte très particulier que nous avons pris en main la version la plus sportive de l'A110, avec le gros espoir de la voir gommer les critiques que nous avions émises à l'encontre de la Première Edition...
PRESENTATION
Avec ses éléments de style, l’A110S se distingue assez clairement du reste de la gamme A110. Les différences réelles sont pourtant peu nombreuses. De nouvelles jantes noires «GT Race » spécifiques hébergeant des étriers de frein orange, une hauteur de caisse abaissée de 4 mm et une peinture Gris Tonnerre mate - option exclusive à l’A110S (4800 €) - sont les principaux marqueurs de cette nouvelle identité. Elle s'accompagne d'un lettrage Alpine en chrome noir. Les clients de l’A110S pourront ajouter en option un toit en fibre de carbone (2400 €) apportant un gain de poids de 1,9 kg.
Cette tenue choisie pour la présentation presse confère à notre fluette berlinette un look digne d'une grosse AMG. Une évocation loin d'être anodine car le marché Allemand est justement celui sur lequel Alpine a eu le plus de mal à percer avec l'A110 normale. Le bastion Porsche est encore solidement défendu... A ces fins d'exportation, le drapeau national des montants de custodes laisse sa place à un logo à base de orange et de carbone dont l'évocation reste assez floue. Cette suppression trahit la difficulté persistante à capitaliser sur le "Made In France" dans de nombreux pays. Contrairement aux discours vantant le "french Art de vivre" que nous envie le monde entier, ce ne serait donc pas un argument commercial valable pour notre berlinette... Pourtant Bugatti ne s'en prive pas. Pour les clients patriotiques, le monogramme bleu-blanc-rouge peut toutefois retrouver sa place sans supplément.
HABITACLE
Il faut dire qu'à l'intérieur de l'A110, certaines mauvaises habitudes de Renault ont encore la vie dure, ouvrant la voie royale au cliché tenace d'une finition incapable d'égaler les références allemandes. Dans l'A110, le meilleur côtoie en effet le moins bon. Entre les plastiques durs des contre-portes et de la planche de bord, un "infotainment" daté et des pièces rapportées de modèles Renault, il est difficile de dresser un portrait idyllique de cet habitacle.
Et pourtant, la position de conduite est excellente, tout comme les magnifiques baquets Sabelt (ce n'est pas français...), ici de série. Le haut de planche de bord tapissé de cuir à surpiqures orange marque également des points tandis que la console centrale suspendue est une authentique pièce d'art. Alpine ajoute quelques touches de carbone sur les aérateurs mais le résultat final se montre un peu trop hétéroclite pour assumer totalement le statut premium revendiqué. L’équipement standard, assez généreux, comprend la climatisation, un système audio Focal, Alpine Telemetrics et des aides au stationnement avant et arrière.
MOTEUR
“L’objectif, était d’intensifier le caractère du moteur et la manière de délivrer la puissance.” Jean-Pascal Dauce, Ingénieur en chef Alpine, donne le ton concernant cette première évolution moteur de l'Alpine A110. Celle-ci n'a toutefois pas demandé beaucoup de travail puisqu'il s'agit tout simplement du moteur de la Megane 4 RS Trophy, adapté pour l'A110S. Avec une puissance en hausse de 40 ch, soit 292 chevaux à 6 400 tr/min, le gain proposé est tout de même plus que symbolique, sur le papier.
Bien que plus lourde, si on se passe des coûteuses options d'allègement, la nouvelle A110S affiche donc un rapport poids/puissance très désirable de 3,8 kg/ch. Pour autant, ce ne sont pas tant les chronos que les sensations qui sortent gagnantes de l'opération. En effet, le 1.8 L turbo affiche une courbe de puissance plus solide à haut régime et un limiteur décalé de 400 tr/mn. Extrèmement linéaire, le moteur de l'A110S gagne tout de même en agrément.
Si la puissance a toujours fait vendre, c'est d'autant plus vrai qu'elle cache ici une valeur de couple encore bridée par la boîte EDC 7 rapports. On dispose donc exactement du même couple que sur la version standard mais disponible jusqu'au régime de puissance maxi. Rapide et bien étagée sur les premiers rapports, ce qui contribue directement à l'impression de vivacité, on ne peut reprocher à la gestion de cette EDC que d'engager le rapport supérieur automatiquement, même en mode manuel, lorsqu'on arrive au rupteur. Pour ce qui est du plaisir de conduire, l'absence de boîte manuelle se fait toujours regretter.
Toujours assez quelconque, malgré des pétarades d'échappement en mode Sport (silencieux actif de série), la sonorité du 4 cylindres franco-japonais ne soulève toujours pas d'émotion particulière. Au bruit d'admission trop présent s'ajoute un sifflement d'aspirateur peu mélodieux quand on se maintient à haut régime. On se console avec un bilan CO2/consommation toujours très à l'avantage de la française quand les rivales plus lourdes et généreusement motorisées doivent trembler à la vue des malus prévus en 2021 et 2022...
SUR LA ROUTE
De la configuration de la suspension à la calibration du contrôle de la stabilité, de la géométrie des trains à la construction et à la composition des pneumatiques, le châssis de l’A110S a été retravaillé pour offrir une tenue de route plus incisive, notamment sur circuit. Les nouveaux ressorts hélicoïdaux sont plus raides de 50% et les amortisseurs ont été modifiés en conséquence, y compris les butées hydrauliques. Les barres anti-roulis - creuses pour minimiser le poids - sont plus fermes de 100%. La hauteur de caisse réduite de 4 mm, optimise encore le centre de gravité. Enfin, les nouvelles jantes s'accompagnent d'une monte spécifique en Michelin Pilot Sport 4 (gomme spécifique et dimensions supérieures).
Il en ressort que la conduite de l'A110S se montre immédiatement plus sportive dans sa définition, avec la sensation appréciable d'avoir une voiture plus incisive et solidement campée sur ses appuis. Un progrès qui a en plus le mérite de ne pas compromettre le côté ludique et agile qui constitue la marque de fabrique de la française. Dommage toutefois que la direction électrique reste très avare en remontées d'infos, on reste loin d'une Lotus Elise côté feeling. L'assistance électrique semble néanmoins plus consistante, bien que Renault Sport n'ait apporté aucun changement au système en lui-même. Toujours privée d'un véritable autobloquant, l'A110S peut compter sur ses freins pour optimiser la motricité en sortie de courbe via la fonction brake torque vectoring de l'ESP. La poussée vigoureuse du moteur est effectivement très bien maîtrisée.
L'entrée en virage réclame en revanche plus de doigté, sous peine de voir apparaître un sous-virage qui n'existe pas avec l'A110 de base. En cause un réglage de trains qui se prête davantage au freinage dégressif. Sur route, avec les aléas de la chaussées, on pourra se faire surprendre par un freinage trop tardif qui donne parfois l'impression de perdre le train avant. Côté freinage heureusement, rien à craindre. Les étriers Brembo et les disques bi-matière de 320 mm de série sur l’A110S assument parfaitement leur rôle. Le mordant très progressif de la pédale se prête bien lui aussi au freinage dégressif.
Avec cette évolution de l'A110, on pouvait craindre un net recul côté confort et pourtant, ce n'est pas le cas. Testée sur un réseau secondaire loin d'être irréprochable, l'A110S s'est même montrée plus confortable en conduite rapide en raison des mouvements de caisse réduits (cabrage, roulis et plongée) et d'un amorti de haut niveau sur chaussée dégradée.
ACHETER UNE ALPINE A110S
Est-ce que l'A110S n'est pas l'A110 telle qu'elle aurait dû être dès le départ ? Loin de vouloir créer une polémique, contentons-nous de dire que cette version renforce le caractère sportif de l'A110 et donc le plaisir de pilotage, avec une conduite à la fois plus dynamique et engageante. Bien que modeste, le gain en performances pures se complète d'un comportement enfin à même de satisfaire les amateurs de circuit. Le bilan est donc globalement positif. Toutefois, avec un prix de départ fixé à 67 900 €, l'écart de tarif avec la version de base est plutôt conséquent. Ceux qui se satisfaisaient déjà des 252 ch pourront estimer qu'il dépasse largement le coût de 4 bons amortisseurs et 4 bons pneus...
Pour faire un parallèle inévitable avec Porsche, une version intermédiaire avec le moteur de base et le châssis sport, à l'image du Porsche 718 Cayman T, serait un compromis intéressant. Contrairement à Porsche, pour ne citer que lui, Alpine ne joue toutefois pas la surenchère avec les options. En plus des éléments déjà évoqués, les autres options incluent des jantes forgées Fuchs (1008 €), un dossier en fibre de carbone pour les sièges Sabelt (1800 €), un système audio Premium (600€), des rétroviseurs chauffants et rabattables (504 €), une petite boîte de rangement siglée Alpine (504 €), un radar de recul avec caméra (450 €) et enfin des tapis de sol (120 €). Ainsi bardée d'options, notre petite française sait rester aussi plus légère que l'allemande sur la facture puisqu'on ne dépasse pas les 77000 €.
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
ALPINE A110 S
MOTEUR
Type : 4 cylindres en ligne, 16 soupapes à levée variable
Position : central AR
Alimentation : Injection directe + turbocompresseur monoscroll avec échangeur
Cylindrée (cm3) : 1798
Alésage x course (mm) : 79,7 x 90,1
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 292 à 6400
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 320 de 2000 à 6400
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports) : double embrayage EDC (7)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés (320), étriers fixes 4 pistons - disques pleins (320), étriers fixes 1 piston + ABS
Pneus Av-Ar : 215/40 - 245/40 R18 (Michelin Pilot Sport 4 DT1)
POIDS
A vide en ordre de marche (kg) : 1114
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 3,8
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 260
1000 m DA :
0 - 100 km/h : 4"4
CONSOMMATION
Moyenne cycle NEDC (L/100 km) : 6.5
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 9
CO2 (g/km) : 146
PRIX NEUF (10/2020) : 67.900 €
PUISSANCE FISCALE : 18 CV
CONCLUSION
La nouvelle Alpine A110S, bien que plus sportive que le modèle de base, se contente de jouer sur les nuances. Une alternative qui a le mérite d'exister mais ne sera sans doute pas suffisante pour relancer les ventes. Désormais représentée en F1, Alpine doit s'affranchir des compromis pour proposer autre chose. On attend toujours un targa mais pourquoi pas aussi une version radicale ? Le marché raffole des versions "collector", il faut en profiter avant qu'il ne soit trop tard pour s'autoriser ce genre de fantaisies...
Comportement plus efficace
Confort préservé
Position de conduite / sièges
Consommation / CO2
Poids
Performances excellentes...
... mais couple toujours bridé
Gain de poids en option
Surcoût important
Direction peu communicative
Manque de rangements