LA GT DES FAMILLES
Depuis 1981, BMW dispose dans sa
gamme de la référence des berlines sportives : la série 5 M5. Un titre et un positionnement inauguré en 1981 ave cla première M5 e28 et que la génération e34 va confirmer à son tour à partir de 1988. Véritable
artilleuse, la BMW M5 est devenue l'égérie des amateurs
de berlines musclées grâce à son homogénéité
hors-pair. Comme le dit si bien le slogan de l'époque : l'esprit de la course dans une voiture de luxe
Texte:
Sébastien DUPUIS - Photos: D.R.
Avec sa M5 E28, apparue
en 1981, BMW lançait officiellement la marque du "M"
de Motorsport au sein de sa gamme courante en plaçant sous le capot le six cylindres en
lignes 3,5 litres du coupé
M1 développant 286 ch ! Séances "travers de porc"
assurées, et les amateurs de survirages s'en souviennent
encore. Mais dès le milieu des années 80, la caisse
des E28 apparait d'un autre âge.
Ainsi BMW se remet à l'ouvrage et à la planche à
dessin pour concevoir une des berlines les plus abouties du segment : la M5 e34.
PRESENTATION
Dès sa présentation, la BMW série 5 E34
affiche d'emblée sa différence avec sa devancière.
Elle a forci, pris du volume, et a progressé en habitabilité,
même si elle n'est pas devenu pour autant la référence
du marché dans ce domaine. Sur la M5, les boucliers avant et arrière sont notamment complétés de rajouts aérodynamiques spécifiques, tout en conservant une extrême sobriété pour une voiture de plus de 300 ch. De toute évidence, BMW n'a pas voulu rééditer l'aspect "tuning" de la M5 e28 et concocte une berline avant tout haut de gamme. Un positionnement confirmé par un tarif très élitiste d'environ 500.000 FF en 1991, soit 300.000 de plus qu'une 535i ! L'oeil averti remarquera néanmoins les bas de caisse plus enveloppants, la lame avant et le diffuseur arrière, de couleur grise avec l'option pack Nürburgring. Mais dans l'ensemble, la première mouture de M5 e34 reste très proche visuellement d'une "simple" 525i, et pour un peu ses jantes spécifiques avec cache central passeraient pour de vulgaires enjoliveurs en plastique, un comble ! De série, la M5 est en effet dotée de jantes alu 17 pouces "M system" en deux parties avec des ailettes créant un effet de turbine pour évacuer l'air chaud des disques de freins. A l'image de la série 7 e32 lancée à la même période, le dessin des feux arrière de la série 5 e34 en "L" est notamment innovant par rapports aux précédents modèles de la marque.
A BORD DE LA BMW M5 E34
A l'intérieur de la M5, on retrouve la même sobriété qui fait le style BMW depuis des lustres, avec un équipement de série relativement maigre et une liste d'options longue comme le bras, allant du plus superflu au plus sportif des accessoires (tels que les sièges baquets Recaro SR). Le poste de conduite du conducteur est un modèle
d'ergonomie avec les sièges sport en série et toujours la patte BMW et sa console centrale légèrement
tournée vers le conducteur. La M5 complète l'instrumentation avec des compteurs spécifiques, un petit logo Motorsport au centre et une jauge de température d'huile (bien plus utile que l'indicateur de consommation instantanée !). Selon les marchés, 5 volants différents ont pu être montés, avec ou sans airbag. Le plus courant, et le plus sportif, est le volant 3 branches "M-Technic II". Les seuls de portes et la sellerie reçoivent également leur "logotisation" en règle. La finition et la qualité de fabrication sont en revanche proche de ce qu'on a pu voir de mieux en la matière du côté de Munich (l'apogée étant atteinte avec la e39). A noter que le coffre est entièrement couvert de moquette et dispose d'un petit rangement supplémentaire dans l'aile gauche.
LE MOTEUR DE LA M5 E34
Pour sa nouvelle série 5 E34, BMW confie une nouvelle fois le soin à
sa filiale Motorsport de l'endiabler. Le fabuleux six en ligne M88 de la M1 évolue subtilement pour devenir S38 B36 en passant de 3L4 à 3L5. Car comme son nom ne l'indique pas, il cube réellement par arrondi 3,5 litres
et non 3,6, pour une cavalerie totale de 315 ch à 6900 tr/mn. Il conserve son alésage de 93.4 mm mais gagne 2 mm de course pour atteindre une capacité totale de 3535 cm3. Le vilebrequin, le volant moteur, et la culasse à 24 soupapes sont revus pour l'occasion. Un système de valve à l'admission contrôlé électroniquement module le volume d'air envoyé aux papillons d'admission pour optimiser le remplissage à bas et mi-régime. La gestion électronique Bosch Motronic et le catalyseur 3 voies en céramique (utilisé sur le V12 M70) se chargent de rendre le "straight six" conçu pour la compétition plus sobre et plus propre que jamais afin de répondre à toutes les normes internationales en vigueur à son lancement. Sur quelques marchés toutefois, la M5 sera livrée sans catalyseur. Bien que très civilisé et capable d'évoluer sans broncher sous les 2000 rotations par minute, on devine à la petite irrégularité de son ralenti que ce 6 en ligne là est un amateur averti de hauts régimes. Passé 3500 tr/mn, l'instrument à 6 pistons change de tessiture et se fait moins grave, plus métallique. Après 4000 tr/mn, c'est carrément l'orgie mécanique, mais attention, toujours avec classe et sans brutalité particulière. Une orgie BCBG en somme. La M5 montre alors enfin sa vraie nature entre 5000 et 7000 tr/mn. Dévergondée, c'est qu'elle cache bien son jeu la coquine, elle en redemande ! Une "précaution" d'usage que le manuel d'entretien ne manque d'ailleurs pas de souligner, des fois que vous auriez confondu le moteur votre M5 avec celui d'une paisible 520i ! On se remémore alors immanquablement les hurlements des M1 dans la ligne droite du Mans, un bonheur sans nom ! Expédié en 25"5, le 1000 m DA est révélateur du potentiel de cette limousine hors norme, bridée par la bonne conscience à 250 km/h. Mais compte tenu de l'étagement, un peu long, de la boîte, nul doute que la barre réelle se situe bien plus près du très évocateur "300" qui marque la fin des graduations. Et comme c'est exclusivement avec la boîte
de vitesses mécanique Getrag 280/5 à 5 rapports que le pilote
conduit cette fabuleuse auto, on se régale de rétrogradages inutiles, juste pour le plaisir d'exciter le marteau de notre tympan à l'abord d'un muret ou d'un pont. Avec prudence toutefois, car si le
châssis est un régal d'efficacité sur le sec, il faut se
montrer vigilant sur route dégradée ou humide...
SUR LA ROUTE
Le châssis de la M5, parfaitement équilibré au niveau des masses, diffère des autres série 5 sur plusieurs points. L'assiette est rabaissée de 20 mm, les ressorts sont plus fermes de 25%, les amortisseurs sont eux aussi plus fermes et reçoivent sur l'essieu arrière un correcteur d'assiette. Les barres anti-roulis son de plus gros diamètre (25 mm contre 23mm à l'avant et 18 mm contre 15 mm à l'arrière). La direction (à boîtier de recirculation de billes) est assistée et plus directe, le ratio passe de 16.2:1 à 15.6:1. Sa précision souffre un peu la comparaison face à une bonne crémaillère et l'option Servotronic (assistance variable avec la vitesse) ne comble pas cette lacune. La M5 e34 3.6 chausse des jantes M System I en deux parties, avec un effet de turbine pour extraire l'air chaud des freins, chaussées en 235/45 ZR 17. BMW propose en outre en option un pack baptisé "Nürburgring". Il comprend une direction à assistance variable, asservie à la vitesse, des barres anti-roulis majorées à l'arrière (19mm), des jantes plus larges (9x17") à l'arrière chaussées de pneus 255/40 ZR 17 ainsi qu'un bouton de contrôle de la suspension Adaptive M Suspension fournie, par Boge, pour bloquer le mode le plus ferme (Sport). Sur la route, la M5 e34 étonne par
ses performances exceptionnelles mais les 1700 kg ne se laissent pas oublier pour autant dès qu'il s'agit d'aborder du sineux façon spéciale de rallye. Un peu pataude à l'inscription, pas irréprochable côté freinage, il faut aussi
garder à l'esprit qu'une BMW M5 E34 dépourvue de toute assistance glisse facilement malgré l'autobloquant à 25% et peut survirer
très fort lors de conditions dégradées.
A ne pas mettre entre toutes les mains donc. Poussée impressionnante
mais parcours roulants à privilégier pour découvrir cette BMW M5 sous son meilleur profil.
Sur mauvaise route, le réglage de suspension le plus ferme (sélectionnable manuellement à partir de 1992) se montre vite fatiguant pour les lombaires et les passagers. Certes, nous ne sommes pas dans le cas de figure d'une petite GTI, agile et virevoltant sur parcours sinueux, mais cette M5 distille un agrément
toujours aussi intense et demeure efficace, à condition de savoir la tenir et d'accepter dans ce cas un confort diminué.
EVOLUTION
M5 E34 3.8
Dès 1992, BMW améliore sensiblement sa M5 pour contrer la sortie de la Mercedes 500E. Avec une ultime évolution du moteur S38 dont la cylindrée passe à 3,8 litres (S38 B38, photo ci-contre), la M5 s'octroie un gain de puissance de 25 ch et 40 Nm de couple. La présentation est sensiblement améliorée avec des jantes "M System II" dont la partie centrale abandonne les ailettes pour un dessin à 5 branches, partagé avec la 850 CSi, et en option des rétros "M, aérodynamiques". L'équipement est enrichi et il est également possible d'opter pour la version Touring de la série 5 proposée avec le moteur de la M5, histoire de lier pleinement l'utile à l'agréable.
Face au vieillissement accéléré par la concurrence de sa série 5 E34, y compris en interne avec la sortie de la M3 e36, BMW adopte en 1994 des jantes alu de 18 pouces à 5 double branches de type "M paralell" chaussées de pneus 245/40 ZR 18, une boîte 6 vitesses et des freins en deux parties de plus grand diamètre (345 contre 314 mm devant et 325 contre 299 mm derrière). Cette ultime évolution de la M5 se reconnaît en outre à sa calandre modifiée avec un double haricot et son encadrement élargis.
SERIES LIMITEES
A noter également quelques séries très limitées et non importées en France : la Cecotto (22 exemplaires), du nom du pilote de supertourisme vainqueur en M3 e30, et la Winkelhock (51 ex.), version allégée du nom du pilote en M3 e30 Schnitzer. Sur la base de la M5 e34 3L8, la remarquable "20 jahre Motorsport" célèbre les 20 ans de Motorsport. Produite à 20 exemplaires tous peints en rouge Mugello, elle reçoit des placages intérieurs en carbone, une sellerie spécifique, un soufflet de vitesse et un volant en Amaretta (Alcantara). Les intérieurs de jantes sont peints en noir. Plus anecdotique, la "Naghi edition" réservée à l'Arabie (15 exemplaires) ou la M5 Touring Elekta en Italie (20 ex.) produits par BMW Individual, ou encore la Final Edition pour le marché anglais (50 ex.).
BMW M5 E35
C'est un fait peu connu mais BMW Motorsport étudia sérieusement la possibilité de convertir la M5 en... cabriolet ! Ramenée à 2 portes, la carrosserie prenait alors une tooute autre allure et on peut s'en rendre compte grâce au (seul) prototype réalisébaptisé en interne E35. COnstruit sur la base d'une M5 3.6L, mais le pare-brise, les portes et les ailes arrière étaient évidemment spécifiques. Les sièges avant avec ceinture de sécurité intégrées étaient issus du coupé série 8 (E31). Avec les renforts indispensables de structure et la grande capote à commande électrique, le poids à vide augmentait d'une bonne centaine de kilos 100 kg. Le prototype devait être présenté au salon de Genève 1989 mais à la dernière minute la direction décida de ne pas donner son feu vert au projet et le prototype reste caché dans les réserves secrètes du Musée BMW...
ACHETER UNE BMW M5 E34 3.6 / 3.8
Avec la BMW M5 E34, nous
sommes typiquement face à ces "yougtimers", stars des années 80, oubliées ou non pour une poignée d'initiés, et faiblement diffusées en France. De ce fait, il est désormais difficile d'en trouver
avec des kilométrages raisonnables, tant elles ont roulé.
Ou alors, les compteurs anormalement bas peuvent masquer un bidouillage pas toujours visible à l'oeil nu, tant la qualité des matériaux et des finitions supporte les années sans faiblir. Souvent, les tarifs affichés sont très attractifs, à partir de 5-6000 euros pour une 3L6 et à peine plus pour les dernières M5 3L8, mais les historiques
s'estompent et se diluent avec le temps et les kilométrages qui enflent. Même si le bloc 3.6 ou 3.8 se montre très endurant, pour plus de certitude
il vaut mieux se concentrer sur des autos qui ont eu un maximum de 3-4
propriétaires et avec des dossiers de factures d'entretien complets,
et pas simplement des vidanges en centre auto vu le pedigree de la mécanique... On ne connaît essentiellement
que des faiblesses d'embrayage et des freins peu endurants. La consommation d'huile est elle aussi un peu élevée en temps normal (1L/1000 km maxi), ce sont là les restes de gènes issus de la course. Si le moteur commence à fumer bleu en revanche, prévoyez le remplacement des joints de queues de soupapes et vérifiez le niveau d'huile. Sur le 3.8L, cela peut accélérer des fragilités d'embiellage en cas de conduite musclée trop fréquente. Autre point noir, la suspension pilotée dont la remise en état coûte une petite fortune. L'avantage , et non des moindres, étant que le réseau BMW dispose encore de toutes les pièces de rechange, et pas forcément toutes hors de prix. Enfin, comptez un budget carburant conséquent, rarement moins de 15L/100 km, et vous comprendrez que malgré des tarifs attractifs la M5 e34 reste une voiture d'exception qui se mérite financièrement pour vous offrir l'extase mécanique.
CHRONOLOGIE BMW M5 E34
1988 : Commercialisation des nouvelles BMW série
5 code E34. La M5 conserve le 6 cylindres en ligne 3L5 porté à 315 ch.
1991 : Break série 5 commercialisé en version M5.
1992 : La cylindrée passe à 3,8 litres pour
340 ch. Nouvelles jantes et
équipement enrichi.
1994 : A l'été, la gamme série 5 est
très légèrement remaniée, et elle se
reconnaît avec les haricots élargis au centre de la
calandre. La M5 est désormais équipée de jantes
alu 18 pouces à 5 double branches, de grands disques de freins
avec gros étriers, ainsi qu'une boîte de vitesse à
6 rapports.
1995 : Fin de production en août de la M5 e34 (modèle US).
PRODUCTION BMW M5 E34
M5 3L6 (09/1988 - 03/1993) : 8344 exemplaires
M5 3L8 (12/1991 - 08/1995) : 3910 exemplaires
:: CONCLUSION
Dernière M5 à moteur 6 cylindres, et pas n'importe quel 6 en ligne, la
BMW M5 e34 marque l'entrée de la berline sportive dans une course à la puissance et à la sophistication effrénée. Un peu boudée en occasion pour son look démodé et son coût d'entretien élevé, elle s'offre sans retenue (ou presque) à qui veut la prendre pour ce qu'elle est : une Grand Tourisme familiale à 4 (ou 5) portes, aussi performante qu'une Ferrari et aussi facile à vivre qu'une Porsche. A acheter maintenant, avec les précautions d'usage, mais
attention car vous ne pourrez plus vous en passer !
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Le cur de
la " bête ", c'est son moteur : 3,5 l, 315 ch. Le
rapport poids/puissance est inférieur à 5 kg/ch !
Pour atteindre les 100 km/h, comptez 6", et 26" pour franchir
le kilomètre ! Qui dit mieux ? Mais tant qu'à faire
dans la démesure, pourquoi avoir limité la vitesse
de la voiture à 250 km/h ! Sécurité ?
Qui oserait le prétendre à ce niveau de performances
? Par définition, une voiture d'exception se doit d'être
exceptionnelle."
AUTO PLUS - HS 500 ESSAIS 1992 - BMW M5 3.5 315 ch.
"Hormis la E500 et feue la
Lotus Omega, on ne voit guère qui lui opposer, tant ses performances
sont diaboliques. Sans jamais donner l'impression de forcer, ni
même vous coller à votre siège, elle va terriblement
vite et se rue dans les courbes avec une belle santé. Son
comportement est époustouflant et il participe au plaisir
de conduite. La boîte bien étagée, le freinage
surpuissant, les sièges enveloppants, tout vous incite à
attaquer et l'équilibre général de l'auto est
ahurissant. Son comportement routier est d'abord sousvireur, puis
il s'inverse ensuite sous l'effet de l'accélération
ou d'un sol glissant. A vous de mesurer vos limites. En tout cas,
mieux vaut être fin pilote
"
OPTION AUTO - HS LE GUIDE DES SPORTIVES 95/96 - BMW M5 3.8 340
ch. |