CHOC DES CULTURES
DeTomaso n'est pas la marque la plus réputée lorsqu'on parle d'automobile italienne. Avec leur coeur Yankee et leur robe Ritale, les DeTomaso sont des automobiles atypiques, souvent boudées par les puristes, mais pourtant dotées d'un très fort caractère. Retour sur l'épisode le plus marquant d'une passion automobile comme on les aime tant : la DeTomaso Pantera...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Alejandro DeTomaso, né en Argentine, contracte très jeune le virus du sport automobile, certainement transmis par son père d'origine italienne. Rebelle et audacieux, il fait ses débuts de pilote en même temps qu'il développe son activité de résistance face au pouvoir politique en place. C'est cette dernière activité qui le conduira à s'exiler en Italie pour éviter la prison, à Modène précisément. Une ville qui ne pouvait évidemment pas laisser indifférent un passionné d'automobile... Les frères Maserati lui mettent le pied à l'étrier en l'engageant comme mécanicien sur ses voitures de course OSCA, puis comme pilote. DeTomaso se forge rapidement un palmarès respectable, puis rêve de construire ses propres voitures. Le 28 octobre 1959, la société DeTomaso Automobili voit le jour. Dans un premier temps, le pilote imagine des voitures de course dont il confie la mise au point à ses ingénieurs. Pressé d'arriver rapidement à ses objectifs, DeTomaso néglige pourtant la mise au point de ses voitures dont les bonnes performances n'ont de limite que leur fiabilité perfectible...
GENESE
En 1963, DeTomaso présente sa première voiture, la Vallelunga, construite autour d'un moteur 1L5 de Ford Cortina. Quelques années plus tard, DeTomaso tombe sous le charme bestial des AC Cobra et se prend à rêver de leur puissant V8 pour animer une nouvelle voiture. Après négociations avec Ford, le partenariat est scellé et la Mangusta voit le jour à Turin en 1966 avec un V8 4L7 américain. Pour l'anecdote, il faut savoir que la mangouste est l'animal le plus redouté par les... cobras ! Le sylmbole est clair.
En 1969, le rapprochement entre Ford et DeTomaso se concrétise plus que jamais et suite au rachat avorté de Ferrari, Ford qui était passé à l'offensive dans la Sarthe avec les fabuleuses GT40 souhaite écraser pour de bon la suprématie et l'insolence de Ferrari. Le géant américain rachète 80% des parts de DeTomaso et 100% du capital de Ghia précédemment acquis par la belle famille d'Alejandro.
PANTERA
Dessinée par Giorgetto Giugiaro et construite chez Ghia à raison de 400 exemplaires, la Mangusta est un coup d'essai qui malheureusement se transforme rapidement en fiasco. Malgré sa ligne spectaculaire, dans la lignée de la Lamborghini Miura, la Mangusta souffre d'une mise au point approximative. Suite aux critiques des premiers clients livrés, la voiture est finalement remaniée et apparaît sous une nouvelle forme et un nouveau nom en 1970 au salon de New York : la Pantera est née. A ses côtés le petit constructeur dévoile simultanément une berline luxueuse, la Deauville. DeTomaso veut en effet grandir vite, mais va commettre les mêmes erreurs que Lamborghini, autre rival direct de Ferrari, confondant vitesse et précipitation.
UN V8 MADE IN USA
Propulsée par un puissant V8 Cleveland 351 ci, la Pantera dispose alors de 270 ch pour figurer parmi les plus rapides GT du moment et notamment la Corvette aux USA. Conçue sur une coque autoporteuse en acier avec poutre centrale et carrosserie en acier, la Pantera n'est pourtant pas très légère. Le V8 Ford tout en fonte n'aide pas à gagner des kilos, mais les performances sont très intéressantes grâce au couple conséquent du V8 et à la bonne aérodynamique de la voiture haute (enfin basse...) de 1m10 seulement. Pas d'envolées lyriques comme un V12 Ferrari mais un grognement viril qui se transforme en rugissement dans les tours et qui prend aux tripes et fait vibrer tout votre corps ! Question sensations, on est servi.
RUDE CONCURRENCE
Compte tenu du prix attractif de la Pantera face à ses rivales de l'époque (10.000$ aux USA), c'est une bonne affaire sur le papier. Pour environ 80.000 FF en 1972, en France, on pouvait hésiter avec une Porsche 911 2.4 S, une Ferrari Dino V6 ou encore une Lamborghini Urraco. Pour trouver meilleur rapport prix/puissance, il n'y avait guère que la Corvette (C3) 5L7. Malheureusement, la "panthère" ne tient pas toutes ses promesses et les premières livraisons laissent apparaître quantité de problèmes de fiabilité (surchauffe moteur, climatisation en panne, corrosion...) qui laisseront un goût amer aux concessionnaires Lincoln/Mercury en charge de la distribution des DeTomaso aux USA.
PANTERA L
En 1972, une première tentative pour rectifier le tir aboutit à la Pantera L, ici présentée, complétée par la bestiale Pantera GTS dont le V8 atteint 350 ch. Le L pour Lusso (luxe) caractérise une présentation plus soignée et une nouvelle planche de bord. Mais cette mie à niveau englobe également un meilleur refroidissement du moteur et une climatisation revue ainsi qu'un traitement anti-corrosion plus efficace. La Pantera prend quelques kilos dans l'histoire mais gagne en qualité. Ces versions L se reconnaissent à leurs boucliers noirs à l'avant et l'arrière. On note également la présence de jantes en alliage Campagnolo et de pneus Goodyear Arriva d'époque, avec leurs inscriptions peintes en blanc. En 1974, seulement 4 ans après leur union, le divorce est prononcé avec Ford. Mais DeTomaso n'est pas homme à se laisser abattre, et son esprit de conquête le dirige vers des rachats de marques aussi emblématiques que Moto-Guzzi, Maserati et Innocenti. Parallèlement, la Pantera continuera d'évoluer jusqu'en 1995 !
LE MANS 1972
Pilote et passionné de sport automobile, DeTomaso ne peut s'empêcher d'engager sa Pantera en compétition. Mais le niveau très relevé laisse peu de chances de victoire à la Pantera GTS Groupe 4 qui termine 16ème. Forte de 470 ch et allégée à 1250 Kg, la Pantera Gr.4 accrochait près de 300 km/h dans les Hunaudières. DeTomaso se consolera avec une deuxième place du championnat du monde GT la même année.
ACHETER UNE
DE-TOMASO PANTERA L
Sur une production totale de 7210 exemplaires, seules 200 pantera auraient été importées en France pour quelques dizaines encore en circulation aujourd'hui, selon le club officiel. Une rareté qui transforme chaque rencontre avec la bête comme un souvenir impérissable. Avec sa ligne bestiale de supercar et les vocalises généreuses de son gros V8, la De Tomaso Pantera impressionne le quidam, même si son logo n'a pas le prestige d'un cheval cabré. Presque aussi exubérante qu'une Lamborghini Countach, la Pantera présente toutefois un budget d'utilisation et d'achat bien plus raisonnable. On peut ainsi compter environ 40.000 euros pour s'offrir un bel exemplaire de Pantera L de 1973. C'est pour ainsi dire quasiment la seule super sportive italienne des 70's qui soit d'ailleurs parfaitement viable pour un collectionneur qui aime rouler, sans avoir un portefeuille de millionnaire.
Bien sûr, il faudra être très vigilant à l'achat. La corrosion est le premier élément à inspecter scrupuleusement. Parmi ses gènes italiens, la Pantera a en effet conservé celui d'une grande sensibilité de sa structure à la rouille qui profite du moindre choc pour s'installer durablement. En revanche, la mécanique venue de chez l'oncle Sam est loin d'être aussi pointilleuse et fragile que celles des autres belles divas italiennes. Comme sur les Ford Mustang de la même époque, le circuit de refroidissement est le seul talon d'achile de ce gros V8 culbuté en fonte, par ailleurs indestructible. Son entretien pourra être confié à un spécialiste des vieilles américaines, qui ne sera alors pas dépaysé. L'accessibilité est même plutôt aisée pour la majorité des interventions. Issu des chaînes Ford et diffusé en grande quantité, le "Cleveland" est un moteur répandu et il est facile de trouver des pièces et des idées d'amélioration de son rendement et/ou de sa fiabilité. Pour peu que la boite mécanique ZF soit encore en état d'en supporter davantage, sa longévité pourra suivre celle du moteur. Toutefois, en cas de casse de la-dite boîte, sachez qu'une remise en état sera très coûteuse.
En dépit d'une faible diffusion des Pantera, de nombreux clubs et sites permettront à l'amateur de se voir éclairer dans ses choix et l'entretien de sa belle, d'avoir accès à une base très importante d'informations. Mais la majorité des voitures, des pièces et des professionnels étant aux USA, il vous faudra idéalement manier l'anglais avec aisance.
CHRONOLOGIE DETOMASO PANTERA
1970 : présentation du prototype Pantera au salon de New York.
1972 : premier restylage (Pantera L) et nouvelle Pantera GTS (300 ch DIN). Modèle de compétition Groupe 4 (500 ch) engagé aux 24H du Mans.
1974 : séparation de Ford et DeTomaso.
1981 : Pantera GT5 avec ailes rivetées en polyester.
1986 : Pantera GT5 S, V8 de 330 ch et carrosserie tout acier.
1991 : Second restylage par Marcello Gandini, la Pantera type 200 (ou Pantera II) inaugure un V8 Ford 302 ci de 305 ch DIN.
1995 : arrêt de la production de la DeTomaso Pantera. 7210 ex construits.
PRODUCTION DETOMASO PANTERA
TOTAL
: 7210 exemplaires
:: CONCLUSION
Qu'on se le dise, pour qui a pu goûté au charme unique des De Tomaso Pantera, il est bien difficile de ne pas succomber à la tentation d'en loger une dans son garage ! En effet, malgré sa mécanique de grande série d'une insolente simplicité technique, la Pantera présente un caractère entier qui n'a pas beaucoup à envier à des rivales plus prestigieuses. Face à des Ferrari ou des Lamborghini V8 elle s'avère être une alternative très pertinente si on intègre des éléments bassement financiers. Et de plus, avec une DeTomaso, on peut vraiment rouler ! Comble du bonheur, elle saura se montrer aussi docile et civilisée en conduite souple, que sauvage si on la chahute un peu...
L'Automobile Sportive remercie la société RM Auctions pour sa contribution à la réalisation de ce dossier. www.rmauctions.com |