BETE DE
COURSE !
Chez Ferrari, malgré un
palmarès prestigieux et un engagement permanent au plus haut
niveau de la compétition automobile, les modèles de
" série " sortis des chaînes de Maranello
sont avant tout prévus pour un usage tourisme pour tous les
jours ou week-ends. Bonne nouvelle, car désormais la compétition
fait irruption sur la route avec la dernière Challenge Stradale
Texte :
Gabriel LESSARD
Photos : D.R.
Avec le retour gagnant de Ferrari en
Formule 1 sous l'égide de Jean Todt et Michael Schumacher,
il était dommage que Ferrari n'en profite pas pour développer
quelques modèles " coursifiés " pour la
route. Après tout, Porsche et ses 911 a trouvé la
bonne formule depuis les 964 RS des années 90 et, depuis,
chaque générations a droit à sa version RS
ou GT suivant les millésimes. La Porsche 911 type 996 en
est même à sa deuxième variante de GT3 ! BMW
s'est également laissé prendre au jeu avec sa dernière
M3 E46. La M3 CSL est donc allégée, même si
l'engagement en compétition est réel mais pas dans
le cadre d'une formule monotype comme avec la Porsche Cup ou le
challenge Modena.
Ferrari a donc décidé de mettre
tout le monde d'accord avec sa dernière réalisation
basée sur la 360 Modena : la Ferrari Challenge Stradale.
Tout un programme ! Saluons à l'avance la démarche
de la firme de Modène pour avoir osé aller à
l'encontre de l'évolution automobile, et vider la Challenge
Stradale de tout équipement jugé superflu. Une sorte
de retour aux sources, aux valeurs essentielles qui composent le
plaisir de conduite. Les concepteurs de l'auto avaient en outre
un objectif : gagner 3 secondes sur un tour à Fiorano par
rapport à la Ferrari 360 Modena. C'est finalement 3,5 secondes
qui ont été gagnées
CIRCUIT OR NOT
Une Ferrari, à part quelques cas très isolés,
possède déjà à la base une ligne très
suggestive qui laisse à penser que peu d'automobiles pourront
les accrocher sur route ou sur circuit. Mais lorsque les magiciens
de Maranello se penchent sur la 360 Modena pour la transformer en
bête de course, le résultat est à la hauteur
des espérances. La caisse est encore rabaissée, chaussée
de jantes copieuses en diamètre, des prises d'air complémentaires
sont apparues et de nombreux éléments ont été
réalisés en carbone. Ainsi, les rétros extérieurs
et le tablier arrière insérant les feux ronds sont
réalisés dans cette noble matière qui présente
l'avantage d'une rigidité accrue et d'un poids allégé.
Des ailettes transversales ont été ajoutées
sur le diffuseur arrière pour augmenter de 50% la déportance
(force collant l'auto à la route). Pour une fois, le Cavallino
Rampante sur les flancs n'a pas été ajouté
par son propriétaire et est de série, prouvant ainsi
la vocation sportive de cette Challenge Stradale. Et fin du fin,
la bande blanche traversant toute la longueur de la caisse avec
au centre les trois couleurs de l'Italie sont du plus bel effet
et semblent nous replonger dans une époque révolue
ou les sponsors étaient alors absents des autos de compétition
et où les couleurs nationales prenaient le dessus. C'est
pourquoi les Bugatti, Talbot, Gordini étaient bleues de France,
les italiennes étaient rouges (Maserati, Ferrari
) et
les allemandes gris argent (Auto-Union, Mercedes
).
A BORD : AMBIANCE CIRCUIT !
L'habitacle de cette Ferrari Challenge Stradale est tout simplement
somptueux. Certes, les amateurs d'équipements haut de gamme
et finition luxueuse des GT en seront pour leurs frais. L'habitacle
a été dépouillé à l'extrême.
C'est d'ailleurs là que l'essentiel de la perte de poids
se situe avec un gain annoncé par l'usine de 94 kg sur les
110 kg gagnés au total. Seule la climatisation a été
conservée pour le confort du pilote, en revanche tout le
reste a disparu ou est relégué au tarif des options.
Le carbone et l'aluminium trustent l'ensemble de l'habitacle. Même
les excellents sièges baquets sont en carbone
Toutes
les principales commandes sont réunies sur la console centrale
avec notamment le bouton de Launch Control comme en Formule 1 !
Les compteurs sont de toute beauté et l'ensemble respire
la qualité, ce qui n'était pas forcément coutumier
chez Ferrari dans les années 80.
MOTEUR !
Parler d'un moteur Ferrari est toujours un exercice difficile
et délicat. Difficile en effet de ne pas tomber sur des termes
dithyrambiques tant sur la technologie et la précision d'orfèvre
que sur le son enthousiasmant des V8 de Maranello. Par rapport à
la 360 Modena, les ingénieurs motoristes sont partis du même
moteur, qu'ils ont conservé tel quel au niveau de ses cotes
et de son architectures, et ils ont sérieusement étudié
sa respiration. La nouvelle ligne d'échappement de la Ferrari
Challenge Stradale est équipée d'une valve à
ouverture programmée qui assure une certaine discrétion
lors des traversées des villes. Passé 4 000 tr/mn,
la valve s'ouvre en grand et modifie tant la respiration du V8 que
la sonorité. L'admission a été également
revue afin d'améliorer l'écoulement des flux avec
de nouveaux débitmètres d'air, et des collecteurs
et conduits retravaillés. Le rapport volumétrique
passe de 11 à 11,2 : 1 et le calage de la distribution a
été modifié. Le résultat d'un tel travail
n'est pas réellement impressionnant sur le papier puisque
seuls 25 ch ont été gagnés par rapport à
la Ferrari 360 Modena, tandis que le couple stagne toujours à
38 mkg
Si le rapport ch/litre record pour un moteur atmosphérique
est toujours détenu par la Honda S2000, la Ferrari Challenge
Stradale s'en rapproche avec tout de même 118 ch/l ! Ce V8
est complété à merveille par la boîte
F1.
SUR ROUTE
Quelle excitation ! Rien que l'idée de monter dans une
Ferrari est toujours une joie intense. Pendant plusieurs jours,
la pression monte. Serai-je à la hauteur de la belle ? C'est
tout l'univers Ferrari qui hante mes nuits à l'idée
d'essayer la Ferrari Challenge Stradale. Je m'imagine avec un vieux
casque avec des lunettes au volant d'un des bolides mythiques de
Maranello sur le circuit de Monaco. Même le grand Enzo, en
bon paternel sévère va me tancer pour mes contre-performances.
Mais c'est le grand jour et face à cette Challenge Stradale,
toutes mes craintes et mes angoisses s'effacent pour laisser la
place au recueillement. Bien que la bande blanche puisse surprendre
sur une auto de plus de 170 000 euros, après tout cela fait
son charme et annonce clairement la couleur. Bien calé dans
le siège baquet dessiné juste comme il faut, c'est
tout l'univers Ferrari fait de carbone et d'aluminium. Avoir le
Cavallino Rampante sur le volant donne un sentiment de bien être
teinté de fierté. Une simple pression sur le bouton
start et le V8 s'active. Au ralenti, la sonorité est déjà
très sympa, d'autant plus que toutes les plaques isolantes
ont disparues dans le cadre de l'allégement drastique. Les
vibrations du V8 secoue ma carcasse encore émue et dès
que je libère la Challenge Stradale, ces vocalises tonnent
dans mon estomac. Le temps de la laisser chauffer (on ne brutalise
pas ainsi une italienne de haute lignée) tant mécaniquement
que pour les freins en carbone et céramique, et je constate
la facilité de conduite à allure tranquille. Le temps
des Ferrari aux commandes dures, et aux mécaniques qui chauffent
à faible allure semble être révolu. Une Ferrari
ne se mérite plus, elle se déguste !
Arrivé
sur le circuit, l'auto est en température et moi aussi, tant
un circuit est intimidant, car sanctionnant immédiatement
par une figure de style non imposée toute erreur de pilotage.
Sur le plan des performances pures, la différence entre une
360 Modena et une Challenge Stradale relève de l'anecdote.
En revanche côté sensations et comportement routier,
la différence se fait évidente tant la Stradale semble
plus vive et freine plus fort. Mais il est difficile au départ
de se concentrer sur les qualités routières de la
Stradale, tant le son du V8 passé 4 000 tr/mn est tonifiant.
Imaginez une Ferrari des 24 Heures du Mans, avec un son de folie
dans la ligne droite devant les stands
C'est exactement cette
sensation que l'on ressent avec la Ferrari Challenge Stradale !
De vrais moments d'anthologie qui marqueront à jamais ma
mémoire de passionné d'automobile. Pourtant, avec
un peu d'expérience, nous sommes plus difficiles à
impressionner, mais difficile de rester de marbre devant le mythe
Ferrari.
Je tiens à remercier ici vivement et chaleureusement
Ferrari pour cette Challenge Stradale pour une raison bien particulière.
Je suis amoureux et passionné depuis des années déjà
des Ferrari 250 GT châssis court, qui permettaient alors aux
gentlemen drivers de venir par la route sur circuit pour courir
et repartir ensuite toujours par la route. Nostalgique de cette
période bénie, alors sans limitations de vitesse et
avec un trafic routier encore très clairsemé, j'ai
le sentiment à travers cette Ferrari Challenge Stradale de
revivre la saga magique des Ferrari 250 GT châssis court..
:: CONCLUSION
Vous trouvez la Challenge Stradale trop chère ? Peut-être,
mais sachez que c'est l'une des Ferrari les plus enthousiasmante
à mener sur circuit, et elle s'offre même le luxe de
pouvoir y aller par la route. Véritable hymne au plaisir
et au pilotage, la Challenge Stradale offre des sensations uniques,
que seules des autos comme la Porsche 911 GT3 peut tenter d'obtenir
pour un prix certes moins élevé. Toutefois nous parions
sur une cote élevée et maintenue de la Ferrari Challenge
Stradale dans les années qui viennent. Dites, à quand
une Enzo Challenge Stradale ?
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Grosso modo, pour le prix d'une Stradale, on pourrait
aussi s'offrir une BMW M3 pour aller au bureau en semaine et une
Porsche GT3 pour jouer le dimanche. Alors O.K., c'est cher. Cela
dit, elle tiendra sans doute pour longtemps une place de choix parmi
nos meilleurs souvenirs automobiles. Rien de rationnel là-dedans.
Ca tient uniquement à des sensations : l'incroyable sonorité
du V8, sa poussée continue, l'odeur du caoutchouc brûlé
qui remonte dans l'habitacle après quelques tours de circuit
Cette admirable réalisation technique offre aux épicuriens
de l'automobile la possibilité d'accéder à
des sensations jusqu'ici réservées aux vrais pilotes.
Et c'est sur un circuit qu'ils en profiteront le mieux, en toute
sécurité et de façon tout à fait "
citoyenne ". Contrairement à ce que l'on pourrait croire
à la simple lecture de ses chiffres de performances, la Stradale
est donc très politiquement correcte. Elle constitue un motif
d'espoir pour tous ceux qui désespèrent aujourd'hui
de pouvoir encore prendre un peu de plaisir au volant. Car ils peuvent
espérer que d'autres constructeurs appliquent bientôt
les mêmes recettes à des autos plus démocratiques."
LE MONITEUR AUTOMOBILE - 20 novembre 2003.
"Le V8 Ferrari promet le coup de
foudre au premier contact. Il n'y a pas de mots pour décrire
sa sonorité. Si vous avez déjà entendu une
360 Modena hurler, essayez d'imaginer quelque chose d'encore plus
fort, encore plus aérien
Oui, ça existe ! Mais
le bruit ne fait pas tout. Si vous en faites abstraction, vous vous
apercevrez que le tempérament de la Stradale est très
linéaire. L'italienne offre un sursaut de vigueur vers 4
200 tr/mn, mais son accélération reste uniforme. Et
la sensation de creux à bas régime se fait parfois
sentir."
SPORT AUTO - Décembre 2003. |