VIBRANT HOMMAGE
Enzo Ferrari a réussi à
inscrire son nom à travers le monde comme l'emblème
absolu de la voiture de sport, le rêve, le désir universel
d'un fantasme automobile. Souhaitant plus que tout construire les
meilleures voitures de sport, il consacra quatre décennies
à son usine et au sport automobile, liant étroitement
les deux activités. Pour rendre hommage au "Commendatore"
les ingénieurs de Ferrari ont conçu la supercar la
plus performante depuis l'emblématique Mc Laren F1. Comme
cette dernière, la Enzo fait largement recours aux technologies
employées en Formule 1. Plus performante mais moins sauvage
que la F40, la dernière oeuvre de Maranello est hommage au
fondateur de la marque et un véritable hymne à la
conduite sportive
Texte :
Anthony SINCLAIR
Photos : D.R.
Annoncée à Tokyo en avril 2002
sous le nom de projet "FX" puis exposée et présentée
au Mondial de l'Automobile de Paris en 2002, la Ferrari Enzo est
incontestablement la plus grande star automobile de ce début
de siècle. Dévoilée officiellement avec les
honneurs d'une autre grande star internationale, Mickaël Schumacher
lui-même, la Enzo a pulvérisé les records d'audience
autour du stand Ferrari. Pourtant, seuls 349 heureux et très
fortunés prétendants, soigneusement choisis parmis
les plus fidèles clients de la marque, auront pu passer commande
du dernier joyau de Maranello. Aujourd'hui, un an à peine
après sa sortie, point d'autre espoir pour nous autres, pauvres
mortels, que d'acquérir la Ferrari Enzo d'occasion ! Ou plus
simplement en prendre le volant pour quelques tours de circuit inoubliables...
PRESENTATION
Baptiser une automobile du nom du créateur de sa marque
est un défi commercial qui ne laisse aucun droit à
l'erreur, surtout lorsque celui-ci évoque le firmament de
la passion automobile ! Conscient de cet enjeu en terme d'image
et de réputation pour la firme de Maranello, les ingénieurs
se sont ici surpassés, comme jamais ils n'en n'avaient eu
l'occasion depuis la mort du Commendatore. Certes la Ferrari
F50 était admirable, mais elle n'avait pas réellement
réussi à s'imposer face à celle qui restait
depuis sa sortie considérée comme LA meilleure supercar
du monde : la McLaren
F1. A ce titre, la Enzo arrive comme pour mettre un terme au
passé. Véritable joyau de technologie, symbolisant
quatre années consécutives de victoires en championnat
du Monde de Formule 1, la dernière née de la Scuderia
impose le respect, à commencer par l'étalage de sa
fiche technique. Construite comme la F50 sur un plancher en fibre
de carbone et nid d'abeille d'aluminium, ultra léger et résistant
la Ferrari Enzo s’est donnée tous les moyens de parfaire un équilibre
proche de celui d'une monoplace de compétition. La suspension
arrière est directement ancrée sur le bloc V12 en
position centrale arrière. C'est au Designer Ken Okuyama,
oeuvrant pour la Carrozzeria Pininfarina, que l’on doit cette ligne
extraodinaire. Complexe et anguleuse tel un avion furtif, la Enzo
est en rupture totale avec le style du reste de la gamme Ferrari.
Plus puissante et rapide qu'une F40, elle révolutionne aussi
toutes les solutions aérodynamiques des modèles précédent en se
dispensant notamment d'un aileron gigantesque. Véritable
hymne à l’aérodynamisme, sa robe ne fait aucune concession
à de futiles considérations esthétiques et
la Ferrari Enzo semble capable de fendre l’air comme un missile.
Ici, la recherche de la performance prime sur tout autre critère
du cahier des charges. De part et d’autre de son nez on distingue,
les extracteurs d’air favorisent le refroidissement des gros freins
à disques en carbone. Les entrées d’air frontales optimisent
également l’appui au sol. Grâce à une étude
poussée en soufflerie, elle possède un appui à
géométrie variable une fois en mouvement, à l'avant,
à hauteur des roues, à l'arrière, juste derrière le capot moteur,
avec en plus un énorme déflecteur fixe placé sous l'arrière de la
voiture et un petit aileron qui se déploie progressivement
jusqu'à 300 Km/h. Enfin, le fond plat et le bouclier arrière
profilé permettent de plaquer la voiture au sol. Après
l'étonnement du premier regard, l'oeil s'habitue à
ses lignes et son style inimitable possède un certain attrait.
Ni vraiment laide, ni sublime ou émotionnelle, l'Enzo impressionne,
interloque et surtout active l'imaginaire. L'Enzo fait également
d'étonnantes concessions au confort de conduite. La plupart des
composantes mécaniques sont montées en position basse pour maintenir
le centre de gravité le plus bas possible, mais la nouvelle Ferrari
offre une garde au toit nettement plus confortable que la plupart
des coupés "exotiques" car son pare-brise est moins incliné, favorisant
ainsi la visibilité avant, surtout de nuit et par temps de pluie
malgré des montants imposants. Prendre place à bord de l'Enzo
est d'ailleurs très aisé. Il suffit de presser la
petite gâchette placée sur le ponton latéral avant de tirer sur
la portière qui s'ouvre en élytre. Il faut ensuite enjamber le large
ponton, pour glisser son pied dans l'habitacle. Une fois installé
dans le baquet Sparco rouge, que le propriétaire aura pu
choisir parmi 4 tailles différentes, le pilote se retrouve
littéralement assis sur le plancher. Une fois bouclé le harnais
à quatre points, on se surprend à glisser les pieds vers l'avant
et non pas simplement vers le bas pour atteindre les pédales. La
position de conduite est particulièrement ergonomique. Les sièges
offrent un maintien optimal jusqu'à hauteur des épaules et devant
le pilote se trouve, placé assez haut dans un axe quasi vertical,
un volant à trois branches gainé de cuir est ajustable en hauteur
et en profondeur. Sa forme est directement inspirées de la formule
1, à l'exception de l'airbag qui trahit les aptitudes routières
de la Enzo. Dans sa partie supérieure, 5 diodes s'allument au fil
des montées en régime, de 5500 à 8000 tr/min par pas de 500 tours.
Six boutons placés autour du coussin central permettent aussi de
modifier la gestion de la boîte et du contrôle de traction, d'engager
la marche arrière, de faire défiler les différentes "pages" d'information,
voire de relever l'avant de la voiture de trois centimètres si le
revêtement est moins parfait. Et si l'instrumentation est effectivement
des plus sophistiquées, sa présentation est très claire.
MOTEUR
Les éternels rivaux des circuits prolongent souvent la compétition
sur la route. Ainsi, la Ferrari Enzo qui détrône la
McLaren F1 au royaume des supercars se heurte directement au nouveau
bijou de Mc Laren : la Mercedes-Benz
SLR. Pour lui résister, la Ferrari est dotée d’un nouveau
V12 atmosphérique en aluminium ouvert à 65° développant
660 chevaux, soit une puissance spécifique de 108 ch/l. Le couple
maximum atteint quand à lui, 657 Nm à 5500 tours/mn ! Une
fois la clé tournée dans le contact, on lance cette
extraordinaire mécanique en tirant les deux palettes de sélection
vers soi avec le pied sur le frein, pour engager le point mort,
avant de presser un gros bouton rouge sur la console centrale: "start".
Si tôt le démarreur activé, le nouveau V12 s'éveille
assez discrètement, prouvant que le temps ou les 12 cylindres
Ferrari s'ébrouaient laborieusement est bien révolu. Au premier
coup de gaz, la réponse est instantanée et l'échappement
étagé distille une sonorité cristalline dont les crépitements retranscrivent
l'énorme potentiel de l'Enzo. Capable d'atteindre 350 km/h en pointe,
l'Enzo surprend aussi par sa capacité à évoluer
à des allures très raisonnables, en ville notament.
Ce V12 apparaît aussi civil à bas régime que le turbo Diesel d'une
bonne petite citadine. Proche de la compétition, la Ferrari
Enzo utilise en toute logique une boîte de vitesse à
6 rapports à commande séquentielle. Le système
judicieusement nommé F1, déjà connu et inauguré
sur la 360 Modena, est ici entièrement revu pour des passages
plus rapides. Deux grandes palettes désolidarisées du volant sont
disposées derrière celui-ci pour passer les rapports en 150 millisecondes
seulement. A droite, on les monte et à gauche on rétrograde selon
deux modes : sport (équivalent de normal chez Ferrari) ou
race disposant d'une fonction "launch control" comme en
course. . Celles-ci sont très précises et se révèlent faciles à
utiliser. Après quelques minutes seulement, l'accoutumance
au système parvient à nous faire oublier l'évident
archaisme d'une boîte à commande manuelle. En redescendant
les rapports, la gestion du moteur simule même un effet de
talon-pointe, du meilleur goût. Une fois que trois diodes
se sont allumées au volant, on presse la palette de droite et la
boîte passe sur le rapport supérieur avec une douceur incroyable.
La puissance moteur disponible est impressionnante, quel que soit
le régime ou l'allure. Avec ce formidable organe mécanique
et un rapport poids puissance exceptionnel (2,06 Kg/ch !) la Ferrari
Enzo atteint 100 km/h en 3"6 et effectue le 0 à 200 km/h en
9"5 soit 1 dixième de seconde de mieux qu'une McLaren F1. Sa
vitesse vitesse maximum dépasse les 350 km/h... Dario Benuzzi,
l'essayeur en chef de la maison, a permi de vérifier qu'il
s'agit ici sans conteste de la Ferrari de route la plus performante
de l'histoire, plus rapide même que beaucoup de voitures de course.
Avec Dario au volant, la Enzo a ainsi réussi à améliorer de 4"5
le chrono réalisé sur Fiorano par la dernière des super-Ferrari,
la F50. Respect.
SUR LA ROUTE
Parfaitement sanglé dans
le siège baquet, vous voilà prêt à partir pour quelques tours
de piste... Pied sur le frein, il faut tirer sur la palette de droite
pour enclencher le premier rapport. L'écran à cristaux
liquides vous indique alors le numéro du rapport engagé.
La jambe gauche est donc peu sollicitée, sauf pour caler sur le repose-pied .
Lorsqu'on a jamais eu un tel système en main, les premiers
kilomètres permettent essentiellement d'assimiler la sélection
des rapports. Finalement, on a l'impression d'avoir plus de temps
pour mieux conduire. On peut s'appliquer davantage au volant à lécher
les trajectoires, chose que l'équilibre du châssis
et la précision de la direction incitent vivement à
faire. Légère accélération, le V12 s'éclaircit
la voix au fil de la montée en régime. Sans jamais sembler forcer,
l'Enzo vous catapulte à des allures hautement répréhensibles.
La motricité est optimale, même à pleine charge
le nez de la voiture se soulève légèrement et les
roues arrière patinent discrètement. Il faut dire que Bridgestone
a développé des gommes spécifiques; d'impressionants
pneus de 345 mm de large à l'arrière chaussant de
superbes et légères jantes 19". Les temps de
passages entre les rapports se font plus rapidement qu'il ne le
serait humainement possible et comme on pouvait s'y attendre avec
une auto de 660 chevaux à moteur atmosphérique, la
poussée est très franche, instantanée, continueet
linéaire, sans à-coup, impressionnante. L'Enzo est
ultra efficace, mais jamais démonstrative. Chaque montée
jusqu'à la zone rouge est un pur moment de jouissance physique,
émotionnelle et musicale, composé de feulements aigus, entrecoupés
de petits crépitements à chaque passage de rapport. Pendant quelques
instants on oublie la réalité et l'on se prend à
rêver du pilotage d'une monoplace f1 à Monaco ! La
légèreté de l'ensemble n'a finalement d'égal
que sa stabilité exceptionnelle, même à grande vitesse.
Evidemment, malgré l'apprente facilité de conduite
qui caractérise l'Enzo, il ne faut pas oublier une seconde
la vigilance que requiert la conduite d'une telle machine. La direction
est un modèle du genre, précise, directe (2 tours de volant pour
passer d'une butée à l'autre) et exempte de toutes réactions parasites.
Le feeling est tel qu'on en oublierait qu'elle est assistée.
Que dire du comportement ? Selon Dario Benuzzi, pilote essayeur
de la marque, la Ferrari Enzo est en mesure de supporter une accélération
latérale de 1,4 G sur Fiorano. Et effectivement, on sent l'effet
de la force centrifuge sur son visage dans les sorties de courbes
rapides. A bord d'une voiture aussi performante, il faut en permanence
surveiller sa vitesse d'entrée en courbe. Si l'on y entre trop vite,
la voiture adopte un comportement légèrement sous-vireur avec un
train arrière soudé au bitume. On peut bien sûr provoquer le décrochage
de l'arrière, mais il faudra déconnecter totalement le contrôle
de traction pour entretenir une dérive digne de ce nom. Il convient
en effet, pour y parvenir, de déstabiliser le train arrière sous
l'effet de la puissance, ce que la voiture rechigne à accepter,
refusant les arabesques. L'efficacité maximale s'obtient précisément
en évitant toute dérive, sans avoir l'air d'y toucher. Enfin, ces
fameux disques de freins en carbone et leurs étriers à
6 pistons développés par Brembo, supposés inefficaces à froid, fonctionnent
parfaitement dès la première pression sur la pédale. La puissance
de freinage apparaît spectaculaire, mais pas facile à moduler. Les
freins de l'Enzo surpassent tout bonnement en efficacité ce qu'aucune
voiture de route a jamais été en mesure de proposer. Elle pourrait
d'ailleurs fort bien constituer l'un de ces événements marquants
de l'histoire du progrès automobile, comme le furent précédemment
l'introduction du turbocompresseur, des airbags ou des freins à
disques. Faisant quelques sacrifices au poids, l'Enzo Equipée d'éléments
de sécurité modernes comme d'un servo, de l'ABS (antiblocage)
et de l'EBD (répartiteur d'effort). Jamais l'aspect sécuritaire
du freinage n'a été mieux démontré.
PRODUCTION FERRARI ENZO
TOTAL (2002-2003) : 399 exemplaires
:: CONCLUSION
Les supercars se succèdent et repoussent toujours plus loin
les records. Nombreux sont les cosntructeurs qui ont tenté
de détrôner la McLaren F1 de son règne sur le royaume des
sportives d'exception. Mais c'est Ferrari seulement qui l'a fait
en concevant la nouvelle Enzo. Si elle n'est pas plus rapide que
l'anglaise en ligne droite, son comportement, son efficacité générale,
sa direction, ses freins et même son confort de conduite sont tous
d'un niveau supérieur. Ferrari a construit la nouvelle référence
parmi les voitures de rêve et lui a aussi donné le plus prestigieux
des prénoms.
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"L'Enzo, bien mieux, que moi trace ses trajectoires au
scalpel et il faut songer à reprendre sa respiration dans
les rares endroits tranquilles, tant l'apnée s'impose dans
les appuis négociés à une vitesse inimaginable.
Je me trouve soudain plus que parfait, comme si l'Enzo conjuguait
pour moi tout son savoir en ayant la délicatesse de ne pas
me le faire savoir."
AUTOMOBILES CLASSIQUES - JUIN 2003 - 20 ANS D'ESSAIS.
"Par rapport à la F40, les
sensations sont gommées. On a l'impression que "l'ancienne"
pousse plus que la nouvelle. [...] Techniquement évoluée,
l'Enzo est une machine infernale destinée à avaler
les kilomètres sur l'autoroute mais également capable
de se prendre pour une formule 1 carrossée sur un circuit.
Son confort de conduite pour une voiture de ce calibre est surprenant
et avant d'aller chercher les limites de sa voiture, le pilote devra
d'abord connaître ses propres limites."
CLASSIC & RACING - DECEMBRE 2004- F40/ENZO. |