IL CAVALINO
RAMPANTE !
Lorsque la F40 est développée
et présentée, elle rencontre un succès important
à travers le monde. Par la suite, tous les passionnés
savent qu'elle ne connaîtra pas de descendance
Mais
Luca di Montezemolo et le marché alors bouillonnant de Supercars
au début des années 80 vont en décider autrement.
La F50, véritable Formule 1 sur route va alors sortir de
l'anonymat pour fouler l'asphalte du commun des mortels
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
Après l'ouverture du bal par la Ferrari
F40, le marché des Supercars se met à bouillonner.
Tous les constructeurs d'automobiles sportives se doivent d'en proposer
une dans leur catalogue. Jaguar essaie alors péniblement
de sortir sa XJ220,
Buggati tente la renaissance avec la très performante EB110,
Lamborghini dévoile sa Diablo
La Ferrari F40 avait (et a toujours) cette saveur particulière
d'être la dernière Supercar développée
sous la direction d'Enzo Ferrari lui-même du temps de son
vivant. Cela n'enlèvera rien évidemment aux qualités
des modèles postérieurs, mais la paternité
d'Enzo Ferrari en personne apporte sa touche magique. Connue sous
le nom de code F130, la Ferrari F50 reprend la base technique de
la Ferrari 330 SP courant en IMSA en 1994. Ainsi, le moteur et le
châssis en matériaux composites seront directement
issus de la Ferrari de course.
DESIGN
Le style de cette F50 est l'uvre de Pininfarina. Au départ
il peut certes dérouter, tant il s'écarte des sentiers
battus par Ferrari et son compère italien. Si l'inspiration
générale provient du concept car Mythos, l'homogénéité
globale qui se dégage n'est toutefois pas aussi heureuse.
Pourquoi un tel choix ? Pour l'efficacité, tout simplement.
Pininfarina à la demande de Ferrari a travaillé sur
un design qui doit avant tout être efficace. L'aérodynamique
au service des performances et du châssis, quitte à
faire des concessions au style et à l'élégance.
Ainsi, ce dessin donne toute son importance aux diverses écopes
de refroidissement nécessaires au moteur, aux artifices amenant
de la portance supplémentaire et la diminution des remous
dans l'habitacle.
DES DESSOUS HIGH TECH !
Difficile de rester concis sur la technique et le développement
de la Ferrari F50 tant il y a à dire. La Ferrari F50 innove
sur sa structure monocoque entièrement réalisée
en matériaux composites (kevlar/carbone) qui est alors une
première mondiale, la Ferrari F40 ayant seulement des habillages
en carbone rapportés sur une charpente tubulaire. Ici, c'est
donc une structure identique à celle usitée en Formule
1, sachant que le moteur est également porteur. Il est donc
fixé à la structure monocoque et les éléments
de suspensions arrière sont directement fixés sur
lui. Cette structure permet à la Ferrari de ne concéder
que 102 kg pour la partie centrale seule, gage de légèreté
et donc de performances. Les éléments de suspension
avant et arrière adoptent le principe de larges triangles
transversaux aux articulations rigides. Chaque roue dispose d'un
combiné ressort/amortisseur in-board monté à
l'horizontal et actionné par un poussoir et un basculeur.
C'est assurément une logique de conception issue de la compétition
La suspension a été élaborée avec Bilstein
et adopte un pilotage électronique de l'amortissement pour
distiller malgré tout un peu de confort dans cet univers
d'efficacité. Le freinage, s'il est puissant et efficace
avec ses disques de gros diamètres (355 mm à l'AV
et 335 mm à l'AR) percés et ventilés montés
avec des étriers à quatre pistons, reste classique.
Le temps et la fiabilisation d'un système de freins en carbone
a eu raison d'une telle technologie sur la F50. Dommage
LA MACCHINA
Sous le capot arrière se trouve la pièce de choix
sur la Ferrari F50. Si sur la Ferrari 288 GTO et sur la Ferrari
F40, les hommes de Maranello avait eu recours au V8 turbocompressé,
alors bien dans l'ère du temps, la F50 accueille en son sein
un moteur beaucoup plus traditionnel en matière d'architecture
et adapté aux standards et à l'histoire de Ferrari.
Exit donc le turbo et le V8, et place à un V12 de 4,7 litres
atmosphérique de toute beauté, tant technique qu'en
matière de performance. Jugez plutôt, car avec ses
520 ch (contre 478 à la F40 !) son rapport puissance au litre
s'établit à 111 ch/litre, qui reste un record pour
un moteur atmosphérique. Ouvert à 65°, ce noble
V12 par ses cotes favorise les hauts régimes, gage de sportivité
exacerbée. A cette disposition, les ingénieurs motoristes
de Ferrari ont adjoint un embiellage spécifique, utilisant
des bielles en titanes. Le but avoué étant de diminuer
au maximum le poids des pièces mobiles afin de limiter les
phénomènes vibratoires et de favoriser les montées
en régime. Et pour donner des gros poumons à ce moteur
digne des plus beaux joyaux de la planète, quatre arbres
à cames en tête actionnent soixante soupapes, soit
cinq par cylindres. Les performances de ce V12 sont donc absolument
hors-normes avec un régime maxi situé à 8 600
tr/mn, et dès 5 000 tr/mn il dépasse déjà
les 300 ch
Inutile de préciser que la sonorité
de ce moteur permet à lui seul de se passer d'une radio.
La boîte de vitesse reste de facture classique à 6
rapports et ne dispose pas d'un système de passage semi-automatique
avec commandes au volant comme en Formule 1. Heureusement, la traditionnelle
grille de sélection des vitesse demeure fidèle aux
traditions.
ACHETER UNE FERRARI F50
Vendue à l'époque environ 2,5 millions de francs
(soit 381 000 €), il fallait alors montrer pattes blanches
pour en acquérir une neuve. En effet, il fallait déjà
par principe être au moins propriétaire d'une Ferrari
à moteur 12 cylindres pour en acheter une. Car si la Ferrari
F40 avait finalement été produite à plus d'exemplaires
que prévu, lors de la grosse spéculation à
la fin des années 80, la Ferrari F50 n'a été
produite qu'à 349 exemplaires et pas un de plus. Il avait
été calculé que la demande de clients décidés
à en acheter était d'environ 360 clients. En limitant
la production à un nombre inférieur à la demande,
Luca di Montezemolo a voulu ainsi garantir la cote dans le temps
des F50 et alimenter ainsi le mythe Ferrari. Mission remplie avec
brio tant le nombre de F50 à vendre sur le marché
de l'occasion des Supercars est quasi inexistant. Il faut en réalité
attendre qu'un heureux propriétaire accepte de s'en séparer
pour se porter candidat à l'achat avec d'autres passionnés
qui attendent leur tour également. Ainsi, en fonction des
transactions, il faut compter environ 390 000 € pour en acheter
une lorsqu'elle se présente si le nombre d'acheteur n'est
pas trop important. Il existe donc une cote de base, et ensuite,
suivant les périodes, c'est en fonction de l'offre et de
la demande. Ceux qui ont pu en prendre le volant n'oublieront certes
pas son efficacité démoniaque, sa sonorité
envoûtante propres aux moteurs de Maranello et ses performances
ahurissantes pour une auto de " production ". C'est l'une
des rares Formule 1 que l'on peut conduire sur route ouverte. Il
est donc fortement recommandé par les temps qui courent de
louer des circuits ou alors de faire un tour en Allemagne ou dans
le Nevada aux States là où la vitesse est pour l'instant
illimitée sur les autoroutes (soupirs
). Il est n'est
pas réellement nécessaire de prodiguer des conseils
d'achat pour ce genre d'autos tant elles sont en général
entretenues et choyées. Elles roulent également très
peu. Evidemment, sans historique, ce sont des autos à fuir
très vite, car les frais de remise en état sont absolument
hors de porté du commun des mortels. Paradoxalement, si la
F50 est une auto de course adaptée à la route, elle
n'a jamais connu les bagarres en peloton sur circuit. Il a été
développé une F50 GT qui devait courir en championnat
GT pour prendre la suite de la F40, mais finalement elle ne foulera
jamais un circuit dans le cadre d'une course officielle.
PRODUCTION FERRARI F50
TOTAL (1995-1997) : 349 exemplaires
Livraisons France 1996 : 22 exemplaires
:: CONCLUSION
Véritable star de la performance et du mythe Ferrari, la
F50 a beau avoir été conçue après l'ère
paternaliste d'Enzo Ferrari, elle n'en demeure pas moins une pièce
de choix avec un vrai retour aux valeurs établies de Maranello
: un V12 atmo (comme sur la génération 250 avec le
V12 Colombo), un design de Pininfarina et des performances d'une
autre sphère que celles des autos sportives, même réputées
en Allemagne ou en Angleterre. Un grand bravo à Ferrari pour
nous avoir fait rêver, et continuer à le faire. La
faible diffusion de ce monument automobile rend chacune de ses apparitions
publiques une attraction, même, un événement
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Sous la clé,
le bouton-poussoir du démarreur ; une simple pression suffit
à réveiller les douze cylindres situés juste
derrière mon dos. Je débraye -en m'attendant à
une pédale très ferme, mais ce n'est pas le cas- puis
pousse le sélecteur de vitesse. La première s'enclenche
dans un bruit métallique, caractéristique du claquement
de la tige sur le levier de sélection en aluminium -une tradition
Ferrari. Au centre du tableau, le rapport engagé s'affiche.
Coup d'il à Dario Benuzzi : son pouce levé me
donne le feu vert. A son large sourire, j'imagine ce qu'il pense,
lui connaît la F50 sur le bout de ses pneus."
AUTOMOBILE MAGAZINE - 1995 - FERRARI F50.
"On relâche doucement
l'embrayage et la machine s'ébroue D'instinct, on tire un
peu le premier rapport et à l'engagement du second, la F50
manifeste son mécontentement par un à-coup. Elle peut
se faire docile mais n'apprécie pas cette réserve
bien légitime. Elle veut jouer et vous invite immédiatement
à rentrer dans son jeu diabolique. Alors on presse un peu
plus la pédale de droite. Un rapide coup d'il sur le
compte-tours (pas très lisible d'une façon générale
cette instrumentation électronique
) vous précise
que le régime est déjà à plus de 7 000
tr/mn. [
] Il se complait dans ce jeu en hurlant en satisfaction
de cris stridents, ponctués très brièvement
par le changement précis des rapports."
SPORT AUTO - 1995 - FERRARI F50.
"A bord les sensations sont
immenses, inouïes même. La puissance est si généreuse
que l'on presse avec retenue la pédale d'accélérateur.
Le temps que tout l'organisme se fasse à la violence d'une
telle poussée. La F50 efface tout ce qui devenait vite fastidieux
avec la F40, une fois passé l'émotion des premiers
kilomètres."
AUTO CLUBS FERRARI - 1995 - FERRARI F50. |