L'ESPRIT DEMEURE
A la présentation de l'Europa S en 2006, il
était difficile de se prononcer sur l'intérêt de cette nouveauté
chez Lotus. Beaucoup y voyait avant tout une variation sur le thème des
Elise/Exige mais en plus chère et plus luxueusement présentée.
C'était réduire un peu vite le talent des techniciens de la marque
fondée par feu Colin Chapman. Depuis, il y a ceux qui l'ont essayée
et les autres. Dans le premier cas, les avis sont unanimes, tant la présence
de l'Europa S semble justifiée dans le catalogue Lotus. Certes moins "
GT " qu'une Esprit, elle conserve cependant cet esprit de famille qui fait
tant vibrer les amateurs de voitures de sport...
Texte : Gabriel LESSARD
Photos : Benjamin DAGUINOT
Le
coup de génie de Lotus fut assurément l'Elise au cours des années 90. Elle revenait aux fondamentaux de l'histoire de
Lotus avec un poids ultra léger (sous les 800 kilos !) et une mécanique
populaire (Rover) de 120 ch. Sa ligne craquante à souhait et son châssis
très sportif faisant le reste. Et, cerise sur le gâteau, une Elise
en 1996 coûtait moins de 26 000 euros neuve. Pincez-moi je rêve ?!
Depuis, la deuxième génération d'Elise poursuit sa carrière
avec une ligne plus mature, des évolutions mécaniques majeures (moteur
Toyota sur la " S ", moteur compressé
sur la SC
), et quelques surs aussi sportives
et même plus (Exige S, 2
Eleven
). Une gamme déjà complète qui enregistre
un joli succès commercial et qui a assuré la pérennité
de la marque. Pourtant, Lotus souhaitant élargir sa clientèle et
re-conquérir d'anciens clients qui étaient dans l'attente, présente
l'Europa S en 2006. En ressortant une appellation du passé, Lotus indique
ainsi clairement son souhait de mettre un troisième modèle à
part entière dans son offre. Avec sa structure dérivée de
l'Elise, l'Europa S mérite-t-elle pour autant
d'être là et surtout est-elle digne de son patronyme ?
DESIGN
Autant
l'avouer de suite, l'Europa S a laissé dubitatif les amateurs sur les
premières
photos. C'est surtout le traitement de sa poupe qui laissait alors sceptique.
Bien que l'appréciation du look d'une auto reste toujours subjectif et
donc à l'appréciation de chacun, l'augmentation de la taille du
coffre et l'allongement de la petite anglaise (+30 mm comparé à
l'Elise) lui donnait un air bizarre au départ. Pourtant le travail stylistique
opéré sur ce "popotin anglais" est plus subtil qu'il n'y parait. Pour alléger visuellement l'ensemble, les feux
arrière sont soulignés de deux grilles parallèles en dessous.
Bien vu ! Un petit becquet surplombe l'ensemble pour l'efficacité aérodynamique.
L'avant est plus conventionnel et moins agressif que sur ses surs de sang,
mais le dessin des optiques avant offre une touche d'originalité et l'Europa
S conserve toujours de larges aérations pour refroidir le bouilleur situé
derrière votre dos. Bien que plus longue, et se voulant plus cossue que
les Elise/Exige, l'Europa reste très basse avec 1,12 mètres de hauteur
! Ses jantes de 17 pouces offrent un dessin à cinq doubles branches mêlant
sportivité et élégance.
A BORD DE LA LOTUS EUROPA S
L'habitacle se veut plus cossu et
différent. L'accès à bord, certes avec quelques contorsions,
se veut plus civilisé puisque les caissons latéraux ont été
abaissés. Juste le temps de tomber dans les fins baquets qui sont bien
éloignés de ceux utilisés à la concurrence qui "
prétend " faire des voitures de sport. Totalement de cuir vêtus
et siglés "Europa", ils offrent un minimum de confort et un maintien
optimal. On retrouve l'univers des Elise, mais avec plus de soins dans la présentation
(cuir partout notamment) et surtout un équipement de série complet
: climatisation, radio
On reconnaît des commodos issus de la grande
série, tandis que le volant trois branches siglé Lotus dispose de
l'Airbag. Les contreforts de portes sont plus soignés et rembourrés.
Pédalier alu, pommeau de vitesse mixte cuir/alu ou bois/alu selon la finition
retenu rappelle l'âme de sportive qui l'anime sans compter que l'habitabilité
reste celle d'une voiture de sport et pas d'une GT au sens actuel du terme. La
positon de conduite reste bonne même si l'espace au pédalier est
assez réduit demandant au départ une certaine accoutumance. L'insonorisation
est correcte mais ne filtre pas le moteur
fort heureusement !
MOTEUR
Le deux litres disposé
transversalement en positon central arrière est une vieille connaissance.
Et pour cause, il s'agit du quatre cylindres Opel déjà vu dans le
Speedster Turbo justement ! Doté là aussi d'un turbocompresseur
(Borg Warner) soufflant à 0,7 bars avec un échangeur air/air, il
délivre la puissance de 200 ch à 5 400 tr/mn et un couple de 27,7
mkg à 5 000 tr/mn. A travers ces valeurs, même si elles sont supérieures
de peu, notamment en cartographie moteur à celles du Speedster Opel, on
retrouve bien ce caractère plus couple en bas que hystérie dans
les tours. Ce que l'on aurait pu reprocher au roadster Opel ne s'applique pas
à l'Europa S qui se veut plus GT. Et c'est vrai que volant en main les
chiffres bruts sont confirmés. Avec un simple filet de gaz, n'ayant pas
trop de poids à traîner, le deux litres turbo reprend de plus belle
et cela sans tomber un des six rapports de la boîte mécanique. Chrono
en main, l'Europa S fait honneur à son blason avec près de 250 km/h
en vitesse maxi, et surtout un kilomètre départ arrêté
en 26 secondes piles et un 0 à 100 km/h autour des 6 secondes. Mais plus
encore que ces chiffres, c'est dans la communication sportive que cette GT excelle
! Non pas que le moteur chante le bel canto, il grogne plutôt joyeusement
derrière vos oreilles, mais l'absence d'insonorisant castrateur, et le
poids léger de l'ensemble, permet de vivre au quotidien des sensations
qui semblent oubliées chez certaines rivales plus aseptisées. Alors
qu'il faut rouler à plus de 150 km/h chez la concurrence et disposer de
près de 100 ch de plus pour avoir les mêmes performances et sensations,
l'Europa S vous propose une version réactualisée des sportives d'autrefois,
la sécurité et facilité de conduite en plus. Si on devait
être un peu critique parmi tant d'éloges, on aurait aimé un
moteur plus actuel et performant plutôt que de récupérer du
beau " recyclage ", surtout à ce niveau de prix. Alors que l'Opel
GT profite de la dernière mouture à 264 ch et son injection directe
d'essence, on était en droit d'attendre le moteur de 240 ch de l'Astra
GTC OPC avec son punch étonnant, et tant pis si les propriétaires
d'Exige et d'Elise s'en offusquent !
SUR LA ROUTE
Le
raccourci semble si évident qu'il ne l'est pourtant pas ! Certes, la structure
en aluminium extrudé collé à l'époxy (68 kg seulement
!) est héritée des Elise et Exige, mais c'est plutôt du côté
de la marque au Blitz qu'il faut chercher. C'est la même que celle de l'Opel
Speedster dont l'empattement était 30 mm plus long avec des caissons latéraux
abaissés et renforcés. Le tout est habillé d'une peau en
plastique limitant ainsi le poids de cette Lotus à 995 kg. On est pas passé
loin de la tonne, mais l'honneur est sauf. D'autant plus sauf que son choix plus
"
bourgeois " la laisse cependant à 200 à 300 kilos d'écart
avec ses rivales directes (Cayman S, TT 3.2 V6) Toujours dotée de suspensions
triangulées avant et arrière, Lotus fait confiance à des
combinés ressorts/amortisseurs Eibach et Bilstein. Des barres anti-roulis
sont là en renfort. Pour les accrocs des filets de sécurité,
passez votre chemin, les ESP, ASR, CBC, EBD
sont pour les autres ! Ouf.
Cependant ce choix, aussi louable soit-il pour le sport est tout de même
contradictoire sur l'Europa, puisque d'une part on déplore l'absence d'autobloquant
même en option, et d'autre part l'Elise peut désormais recevoir un
ESP en option. Cherchez l'erreur c'est " l'ultra " qui peut opter pour
une ESP et la " GT " qui n'en aura pas ! Les pneus Bridgestone Potenza
RE040 sont très performants et adoptent des dimensions différentes
entre l'essieu avant et arrière, comme de coutume chez Lotus : AV 175/55
R 17 et AR 225/45 R 17. De face, l'Europa S semble chaussée de roues galettes,
mais rassurez-vous, le train avant reste incisif et précis lors des attaques
des trajectoires. La direction à crémaillère ne nécessite
pas d'assistance et reste directe avec 2,8 tours de volant et offre un bon rendu
de la route. Si sur route la suspension est assez conciliante, plus en tout cas
qu'avec une Elise, elle demeure celle d'une voiture de sport. La vivacité
est moins étincelante qu'une Elise, mais face à la concurrence,
l'Europa rend la route plus vivante. La prise de roulis reste faible, l'architecture
avec moteur central arrière profite à l'équilibre général
et le poids encore contenu est le bienvenu. Ce dernier permet aux freins d'être
à la fête, puisque des étriers AP 2 pistons " seulement
" à l'avant et Brembo 1 piston à l'arrière suffisent
à garantir un freinage qui fait référence aujourd'hui. "Light
is right" disait Colin Chapman, une maxime plus que jamais d'actualité.
Sur la route, la petite Lotus est en réalité une offre un peu seule
sur le marché puisque toutes ses rivales sont beaucoup plus lourdes et
beaucoup plus édulcorées. Un comparatif direct serait cruel faisant
passer l'Europa pour une voiture de course et les autres pour des coupés
cossus. Imaginez alors avec une Exige S !...
L'EUROPA A L'EPREUVE
DU CIRCUIT
Le circuit de Lurcy-Levis, au tracé varié, permet
de mettre en lumière beaucoup plus rapidement les capacités du châssis.
Au bout de deux tours sans trop forcer l'allure, l'absence d'autobloquant se fait
vite sentir et surtout les suspensions paraissent très souple. L'Europa
exige ainsi une conduite très fine qui n'apprécie pas trop la brutalité
dans les manières. Elle nous rappelle les attitudes de l'Esprit qui mariait
confort de suspension et efficacité. Au fil de l'augmentation du rythme
la puissance qui garanti certes des performances de premier plan, devient vite
juste sur la piste, surtout dans la longue ligne droite de Lurcy. C'est dans la
parabolique qui suit que l'on aurait apprécié le plus l'autobloquant.
Le freinage est lui sans reproche puissant, endurant et précis. La position
de conduite est bonne et le maintien latéral suffisant. Finalement il ne
lui manque pas grand-chose pour le sans faute sur circuit avec un autobloquant,
des suspensions un poil plus ferme (et encore c'est pas indispensable) et surtout
au moins 40 ch de plus. Il existe déjà le pack performance qui offre
un gain de 25 ch, mais cela reste encore juste, surtout avec les capacités
exceptionnelles du châssis. Les propriétaires de Speedster Opel Turbo,
pratiquants les sorties circuit avec assiduité n'hésitent pas parfois
à aller chercher les 300 ch avec un châssis optimisé, et,
à les voir évoluer, cela marche très fort. Alors pourquoi
pas en complément une Europa GT3 ou GTS ? L'actuelle Europa S pourrait
très bien devenir une version d'accès, et prévoir une version
d'Europa plus ultime pour les amateurs de sorties circuit ?...
:: CONCLUSION
Assez étonnement,
peu de nos confrères se sont fait l'écho de cette anglaise un peu
spéciale. Pourtant, l'Europa S n'est pas une Elise de luxe mais une vraie
Lotus à part entière qui propose sa propre vision pour l'épicurien
de la route. Avec ses performances de voiture de 300 ch, son capital sympathie
lié à son blason, et sa philosophie et conception (châssis
hérité du Speedster Opel Turbo, on a vu pire !), l'Europa S est
pleine de charme et se découvre à l'usage. Un achat qui peut surprendre
mais dont la cohérence est le résultat d'une passion souvent mûrement
réfléchie. Si on achète une Porsche ou Audi autant pour le
plaisir de conduite que pour le reflet de son ego autour de soi, la Lotus s'achète
pour son idée du voyage pour soi et non vis-à-vis des autres. Plus
intégriste que ses concurrentes directes, elle demande quelques sacrifices
pour un usage quotidien, à commencer par son accès à bord.
Mais les vrais passionnés ne s'y tromperont pas et possèdent ainsi
un morceau de choix du patrimoine automobile britannique. Avec 500 exemplaires
produits par an, elle sera en plus exclusive, son luxe à elle. A quand
une version plus ultime encore qui permet de voyager au long cours et aussi venir
taquiner ses surs plus turbulentes sur les pistes des sorties circuits ?...
L'Automobile Sportive tient à remercier chaleureusement et sans
retenue Vincent pour le prêt de sa Lotus Europa S flambant neuve ainsi que
pour sa confiance. Sans lui, ce dossier n'aurait pas été possible.
CE
QU'ILS EN ONT PENSE :
"Art de conduite. Nous imaginons difficilement
la gent féminine effectuer les contorsions pour s'insérer dans le
bcquet du pilote autrement qu'en short, jean ou combinaison
de course !
Cette sportive radicale à souhaits est accessible non pas en terme d'habitabilité
mais de pilotage. Dès lors, un autobloquant s'impose, au moins au tarif
des options, et les 240 ch du moteur OPC permettraient de mieux savourer encore
cet art de conduire. Si les heureux possesseurs d'Europa venaient à doper
en masse leur mécanique, Lotus nous a confié en secret que la maison-mère
ferait le nécessaire pour que ces passionnés ne s'adressent plus
ailleurs
En attendant, savourons-la déjà telle quelle !"
Echappement - octobre 2006 - Lotus Europa S - Louis Philippe Da Fonseca.
"Rationalisation
et économie obligent, c'est un châssis en aluminium dérivé
de celui de l'Elise qui a été repris, tandis que la carrosserie
a, elle, été totalement redessinée. Certes moins agressive,
l'Europa n'en demeure pas moins une vraie voiture de sport avec son pavillon qui
ne dépasse pas 1,12 mètres en hauteur, sa position de conduite au
ras du sol et semi-allongée et son habitacle assez exigu. Le soupçon
de confort est apporté par la présence de vitres électriques,
d'une climatisation, d'un ABS et même d'un autoradio. Pas de quoi faire
de l'Europa S une sportive bourgeoise, mais au moins profite-t-on d'une auto un
peu plus envisageable au quotidien."
L'Auto-Journal - HS spécial
Haut de gamme 2007 - Lotus Europa S - Collège d'auteurs. |