MASERATI KARIF (1988 - 1992)
FEMME DES ANNEES 80
A mi-chemin entre le Spyder et la Biturbo, la Karif est une variante de cette dernière. Sans concession pour son conducteur malgré son intérieur et son confort de limousine, cette Maserati est une pure italienne au sang chaud. A l’image de son nom et de ses deux turbos, elle souffle le chaud et le froid sans le moindre scrupule. Palpitations et sueurs froides en perspective...
Texte :
Maxime JOLY
Photos : Étienne ROVILLÉ
On a souvent posé la question « mais pourquoi avoir fait la Karif ? ». Et bien, il y eut plusieurs raisons à cela. La première fut de proposer une alternative aux coupés Biturbo en leur greffant l’empattement court du Spyder Zagato. La seconde était la volonté de De Tomaso de proposer une voiture quasi-unique sur le marché avec un look réellement original. On mentionne aussi le baroud d’honneur des ingénieurs Maserati, décidés à marquer leur temps en utilisant un savant cocktail des meilleurs éléments à leur disposition. On ne peut pas dire que Maserati ait échoué et le dessin de la Karif peut choquer les adeptes du « bio-design »; c’est carré, tendu et acéré. Mais il y a une autre raison derrière tout cela, une raison qui porte elle aussi le nom d’un vent, une raison appelée Shamal. Car oui, la supercar de Maserati qui fut dévoilée le 14 décembre 1989 récupérait la base de cette Karif. Avouez qu’il aurait été dommage de s’en priver…
PRESENTATION
Avec la Karif, Maserati revient à une tradition lancée depuis la Mistral et mise de côté à la sortie de la Biturbo : les noms de vent, le Karif (ou Kharif) soufflant sur le Golfe d’Aden. Ce coupé compact fut présenté au salon de Genève de 1988 et était immédiatement destiné à une production limitée. Au final, seuls 222 exemplaires sortirent des ateliers. Difficile de penser que cette quantité est due au hasard et qu’il n’y a pas derrière tout cela une référence à la Maserati du même nom, dont justement la Karif récupère bon nombre d’éléments.
Pour comprendre ce qu’est la Karif ce n’est pas compliqué, il suffit d’imaginer une coque renforcée de Spyder sur laquelle on aurait soudé un hard-top en acier. La ligne globale est celle de la 222 E avec deux doubles sorties d’échappement et les quatre phares carrés. A ce propos, sur certains exemplaires, les propriétaires ont préféré mettre les phares de la 2.24v phase 2 qui imitent ceux de la Shamal. Ce n’est pas d’origine mais cette touche de personnalisation peut avoir un intérêt insoupçonné. Ces phares lenticulaires ou poly-ellipsoïdaux ont un gros défaut : ils sont introuvables, contrairement aux carrés. Ce n’est pas très correct d’expliquer cela mais si vous trouvez une Karif avec ceux feux-là, repassez-la à l’origine et faites profiter les autres de votre découverte. La communauté des maseratistes vous remerciera ! Au prix fort en plus…
HABITACLE
Deux petites places sont disponibles à l’arrière lui permettant d’être homologuée en quatre places, mais la littérature commerciale Maserati la considère à juste titre comme une « berlinette ». L’intérieur de la 222 n’était pas une totale réussite et Maserati l’a bien compris en ne gardant que les bons côtés et en améliorant les autres. La Karif bénéficie ainsi de la climatisation automatique à affichage digital (en 1988 !) qui faisait partie des nouveautés de la remplaçante de la Biturbo Si. Les sièges mélangent le cuir et l’alcantara, qui sont également présents sur la planche de bord, les panneaux de portes, la console centrale et l’intégralité du (somptueux) ciel de toit. En plus de la classique montre, le côté chic ressort encore à travers le bois utilisé à profusion : inserts latéraux, volant, pommeau du levier de vitesse ou poignée du frein à main, tout respire le luxe bien au-delà du caractère sportif. En série était aussi livrée une petite lampe magnétique Maserati, bien pratique en cas de crevaison de nuit. Un accessoire devenu totalement collector lui aussi. La taille du coffre n’est pas une des qualités principales de la Biturbo mais grâce à l’arrière tronqué hérité du Spyder, la capacité de chargement est significativement augmentée. C’est toujours bon à prendre !
MOTEUR
Sous le capot ne fut retenu que le V6 2.8 AM473. Point de version 2 litres, pourtant indispensable à l’époque pour le marché italien, mais pas jugée nécessaire au vu de la production limitée envisagée. Apparu pour la première fois sur la 228, puis greffé sur la 222 E, il est toujours coiffé par 18 soupapes et suralimenté par deux petits turbos IHI.
Cette mécanique de 250 chevaux fait instantanément parler la poudre. Et encore, le constructeur dut se résoudre à ne pas pousser ce moteur à 285 ch et 44 m.kg, comme c’était le souhait au lancement du projet. La faute à un châssis qui exige alors du conducteur des capacités de pilotage non compatible à une utilisation sur route ouverte… Ces valeurs n’arrivèrent que sur le 2.8 24 soupapes qui vit le jour sur la 430 4v, avant d’être reconduites sur la 222 4v et la Ghibli II.
Par conséquent, les premiers chiffres annoncés sur les capacités de la Karif sont optimistes (Alejandro De Tomaso a d’abord été pilote, il a ensuite été un très bon vendeur), elle qui était vendue pour abattre le 0 à 100 en moins de 5 secondes notamment… Certaines Karif ont été catalysées selon leurs marchés (Suisse et Allemagne notamment), le pot catalytique qui réduit la puissance à 225 chevaux n’est donc pas obligatoire. Autre spécificité de ce modèle, pas de boîte automatique en option, la seule transmission disponible était l’indestructible ZF à cinq rapports avec grille inversée (première en bas à gauche).
SUR LA ROUTE
Chaud derrière ! Du fait de son empattement court (240 mm), le comportement routier typique des Biturbos est exacerbé dans la Karif. Mieux vaut la tenir et avoir le pied léger dans les virages. Avec un derrière aussi baladeur que celui d’une actrice porno, elle va vous en faire voir de toutes les couleurs si ce n’est pas vous qui décidez du cap à suivre ; une fois le mode d’emploi assimilé sa conduite est alors très gratifiante. L’avant bénéficie d’une nouvelle géométrie baptisée Mecannica Attiva : des leviers permettent aux bras de suspension inférieurs et aux biellettes de direction de rester totalement parallèles, ce qui donne une meilleure stabilité en courbe, et le carrossage des roues reste constant quelque soit leur angle de braquage.
Pour améliorer la tenue de route de ses véhicules, Maserati lança un différentiel à glissement limité appelé Ranger et installé pour la première fois sur la 430 présentée le 14 décembre 1987. Il tient son nom de la position en étoile des engrenages. Ici taré à 100%, il ne pardonne pas les erreurs de conduite ; une fois que l’arrière se met en dérive, la tentative de rattrapage vire à la manœuvre désespérée si elle n’a pas été anticipée. Et encore, ce n’est rien comparé à ce que c’est sur la pluie. Placez un oeuf sous l’accélérateur pour être sûr de ne pas être tenté de mettre les gaz, l’abondant couple venant copieusement solliciter les roues arrière. Le train arrière est constitué de demi-bras pivotants, montés avec des ressorts hélicoïdaux sur des amortisseurs hydrauliques. Le confort est tellement préservé à travers des suspensions plutôt souples qu’une importante prise de roulis ne peut être jugulée, mais comme elle favorise la motricité...
Dernier point d’avancée, le passage des jantes de 14 à 15 pouces, caractéristique qui ne profita même pas la à 222 italienne mais seulement à celles destinées à l’exportation. Cependant un problème récurrent de la Biturbo n’a pas été corrigé, celui de la répartition des masses avec 57% du poids sur l’avant, ce qui peut rendre le train avant un peu moins incisif par moments, compensé cedi dit par un arrière plutôt joueur. Tout n’est donc pas noir, avec en plus une rigidité en hausse comparativement à tous les autres modèles…
ACHETER UNE MASERATI KARIF
Produite à seulement 222 exemplaires dont 32 en conduite à droite, la Maserati Karif est une vraie rareté sur nos routes. A moins de tomber sur quelqu’un qui ne sait pas ce qu’il a ou une auto sans entretien, n’espérez pas trop trouver une Karif à moins de 20.000 €. A voir donc selon les frais à prévoir après l’achat. Etant donné sa faible diffusion, elle est plutôt plus épargnée que les autres Biturbos par les propriétaires peu attentionnés et sans le sou. Bien né, le 2.8 litres jouit d’une bonne fiabilité et il fournit un copieux couple permettant d’évoluer à bas régime, sans stress. Le seul défaut recensé - mais très rare - de ce bloc est la perte d’un siège de soupape. Evidemment, la robustesse du bloc ne dispense pas le propriétaire d’assurer un entretien et un suivi régulier sur une telle mécanique. Le classique est constitué de la courroie de distribution à faire tous les trois ans, de la vidange tous les 5.000 km ou bien encore du jeu aux soupapes et du changement de bougies tous les 30.000. La faiblesse de ces Maserati réside avant tout dans leur électricité parfois capricieuse. Toutefois, ce défaut est facile à corriger si on accepte de se pencher dessus (nettoyage des connections, utilisation de graisse conductrice et de relais neufs).
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
MASERATI KARIF
MOTEURType : 6 cylindres en V à 90°, 18 soupapes, 2 arbres à cames en tête
Position : longitudinal AV
Alimentation : Injection électronique Weber-Marelli + 2 turbocompresseurs IHI (1 bar) + 2 échangeurs air/air
Cylindrée (cm3) : 2790
Alésage x course (mm) : 94 x 67
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 250 à 5600
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 383 à 3600
TRANSMISSION
AR + différentiel autobloquant Ranger
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle ZF (5)
ROUES
Freins Av-Ar : disques ventilés - disques pleins
Pneus Av-Ar : 205/50 - 225/50 VR 15
POIDS
Données constructeur (kg) : 1281
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 5,1
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 255
1000 m DA : 25"5
0 à 100 km/h : 5"7
CONSOMMATION
Moyenne constatée : 15 L/100 Km
PRIX NEUF (1989) : 385.000 FF
COTE (2011) : 20.000 €
PUISSANCE FISCALE : 13 CV
CONCLUSION
:-) Moteur 2.8 Empattement court sportif Rigidité Ambiance Maserati Collector |
:-( Conduite pointue… …encore plus sous la pluie Ligne typée Entretien |
La Karif est une sportive très exigeante. Tel un animal sauvage, à défaut de pardonner le moindre excès de zèle, elle comble de bonheur ceux qui la domptent. Elle constitue donc un modèle particulièrement atypique qui mérite que l’on se penche sur son cas. Sous un format compact et discret vous disposez à la fois d’un intérieur opulent et d’un tempérament volcanique ; un excellent remède anti-morosité donc… Restent son look plus typé et sa cote plus élevée que les coupés Biturbo classiques du fait de son extrême rareté. Elle se mérite donc !
Nous remercions Frédérick pour la présentation de sa Karif, Pierre Nallet du Garage du Trident et le site maseratitude.com ainsi que Cédric et Etienne pour leurs photos.