MASERATI SHAMAL (1990 - 1996)
VENT DE FOLIE !
Depuis la fin des années 50, l’histoire de Maserati est indissociable du V8. Pourtant, la Biturbo lancée en 1982 est toujours restée fidèle au V6, certes turbocompressé. Alejandro de Tomaso, désireux d’offrir à son trident une supercar digne de ce nom, présenta non pas un mais deux modèles : la Shamal et la Chubasco. Toutes deux motorisée par un inédit V8 bi-turbo, seule la Shamal passa le stade de la production en série. Vendue à un prix extravagant, elle ne connut pas le succès, de quoi en faire aujourd’hui un collector de plus en plus prisé…
Texte :
Maxime JOLY
Photos : Bahman Cars
Le projet Shamal fut présenté le 14 décembre 1989. Un an plus tard, De Tomaso réinvita la presse mondiale pour les essais de la Shamal et de la Racing. En bonus, il resta fidèle à son habitude de présenter un nouveau modèle à la date anniversaire de la marque. Il ne s’agissait alors que d’un concept, baptisé Chubasco, dessiné par Marcello Gandini et motorisé par un V8 logé cette fois en position centrale arrière. Ce drôle d’engin est visible au Musée Panini, à côté d’autres raretés telle que la Simun. Rongé par les problèmes financiers, De Tomaso qui venait de céder 49% de Maserati à Fiat dut se résoudre à écarter un des deux projets. Il se dit que c’est Ferrari, fer de lance du groupe Fiat, qui vit d’un mauvais œil la commercialisation d’une supercar de 400 ch chez l’ancien ennemi de Modène…
PRESENTATION
Depuis la Mistral, les Maserati prennent régulièrement le nom d’un vent. Ce fut le cas par exemple des Ghibli, Bora et Khamsin. Dans la période de la Biturbo, cette tradition fut laissée de côté puisque seule la Karif reprit ce flambeau. Karif, justement, qui à sa sortie avait été vendue par l’équipe de Modène comme étant la supercar Maserati tant attendue. Pour y parvenir, les italiens n’hésitèrent pas à gonfler la puissance moteur et trafiquer les chiffres de performances. Sans succès. Pour redorer le blason de sa Biturbo et donner du crédit à son projet de supercar, De Tomaso avait besoin d’un designer réputé et incontesté. Ca tombe bien, Marcello Gandini, le père de nombreux chefs d’œuvre telle que la Lamborghini Countach, mais aussi de la Citroën BX, travaille avec Maserati depuis 1987. Il y signe la nouvelle face avant de la Biturbo, initiée par la 430 puis reprise par la 222 ainsi que sur tout le reste des modèles jusqu’à la 2.24v phase 1. La retouche était minime et le travail consista simplement en une remise à jour, sans toucher au dessin de Pierangelo Andreani.
Pour la Shamal, l’exercice fut plus délicat. Contrairement à la Chubasco où il eut carte blanche pour laisser libre court à son imagination débordante, il dût à la fois utiliser une base existante et proposer un œuvre inédite. Pour un maximum de sportivité, on lui demanda de partir sur l’empattement raccourci des Karif et Spyder. Il commença par métamorphoser totalement l’avant en supprimant les quatre phares carrés et en les remplaçant par des feux lenticulaires. Cette nouvelle signature stylistique fut déclinée plus tard sur les Racing, 2.24v phase 2, 222 4v, Spyder III et 430 4v. Enfin, la Shamal inaugure les nouvelles jantes OZ de 16". Les fans de la Diablo auront remarqué que les deux supercars italiennes partagent comme point commun la présence de feux longue portée, en plus des classiques anti-brouillards. A l’arrière, les feux sont les mêmes que sur les précédentes Biturbos, à la différence qu’ils sont ici fumés. Gandini réussit à donner du muscle en collant des ailes élargies, des bas de caisse épais et sa touche finale consista à supprimer l’aileron au profit d’une proéminente malle arrière favorisant l’aérodynamique. Notons aussi un spoiler à l’avant au niveau des essuie-glaces. Autant d’éléments qui furent repris quelques années plus tard sur la Ghibli II, à l’exception de l’arche. Avec la Shamal, on est bien loin de l’élégance italienne et on frôle carrément le tuning. Mais c’est aussi ce qui fait son charme. On adore ou on déteste…
HABITACLE
Du fait de l’empattement court, les places arrière interdisent tout espoir pour un adulte de s’y installer. Mais dans le fond, pas de bouleversement dans l’habitacle de la Shamal. On retrouve l’ambiance initiée par la Biturbo Si black et que l’on retrouve à présent sur toute la gamme. Seules nouveautés, le bois laisse place à de l’imitation carbone, comme dans la Racing et l’alcantara sur les sièges disparaît au profit d’une sellerie cuir complète. Le compteur fait peau neuve mais ne corrige pas le défaut des précédents : la température d’huile est toujours désespérément absente ! Les autres éléments tels que la climatisation automatique et la montre sont toujours présents. A 626.640 F en prix neuf en 1991, Maserati a pris le choix du suréquipement à défaut de celui de la radicalité. Des tarifs qui représentaient pas loin du double de ceux des Karif et 228, alors les coupés les plus chers au catalogue. De Tomaso qui fondait de grands espoirs dans la Shamal déchanta rapidement. A l’époque, les supercars hors de prix ne se vendaient pas au rythme où elles le sont aujourd’hui. Seuls 369 exemplaires trouvèrent preneurs, et cela jusqu’en 1996 où Maserati fut obligé de descendre le prix à 533.700 F. Il faut dire qu’en terme de performances, une Ghibli 2.8 offrait autant pour beaucoup moins cher et la 3200 GT était déjà dans les cartons…
MOTEUR
Malgré un nombre important de déclinaisons, toutes les Biturbos avaient un même point en commun, celui d’être motorisé par un V6 bi-turbo. V6 qui tirait une origine lointaine d’un V8. La Shamal fut donc une sorte de retour aux sources même si dans les faits les deux V8 n’ont absolument plus rien commun. Pour la Shamal, les ingénieurs Maserati restèrent sur une cylindrée « downsizée ». Ils partirent du récent 2 litres 24 soupapes à quatre arbres de la 2.24v pour obtenir un V8 carré à 32 soupapes de 3.217 cm3. Le bloc complet alu est conservé et il est toujours naturellement épaulé par deux turbos IHI (un par banc de cylindre). Un angle de 20° est formé entre les soupapes d’admission et d’échappement tandis que les paliers de vilebrequin sont coulés d’une seule pièce. Ce V8 est le seul de l’histoire de Maserati à avoir un vilebrequin à plat. Même les Quattroporte IV et 3200 qui utilisent ce moteur n’ont pas pareille particularité. Depuis quelques temps déjà, on retrouve sur les Biturbos un allumage captif et un injection électronique.
Prévue pour environ 400 ch sur la Chubasco, la puissance fut limitée à 325 ch sur la Shamal. Il s’agit alors de la première Biturbo à passer le cap fatidique de 300 ch. Si la Racing, présentée en même temps que la Shamal, s’en approche avec 283 ch, les modèles export tels que les 222 SE et SR se voient descendre à 225 ch… Le V8 - catalysé - distille un couple plus que généreux avec un peu plus de 430 Nm disponibles sur les seules roues arrière. Avec 25 mkg disponibles dès 1.500 tr/min, les maîtres mots du V8 sont souplesse, générosité et reprises fracassantes. Les performances sont de haut niveau avec 5,3 secondes pour atteindre les 100 km/h, 25,6 secondes pour le effectuer kilomètre départ-arrêté et 270 km/h de vitesse de pointe. La transmission est assurée par la toute nouvelle boîte 6 d’origine Getrag, déjà vue sur la BMW 850i.
SUR LA ROUTE
La Maserati Biturbo a longtemps été critiquée pour sa tenue de route. Il faut dire que les premières versions ne disposaient pas d’autobloquant et le Sensitork monté plus tard ne lui convenait pas excessivement bien. Il fallut attendre le 430 et l’excellent pont Ranger pour juguler correctement ces moteurs forts en couple en transférant la totalité du couple à la roue qui a le plus d’adhérence. Béquille ô combien salvatrice sur le mouillé ! Certains essayeurs de l’époque se plaignaient que cela accentuait le côté survireur de l’auto. La 430 inaugura aussi de nouveaux trains roulants. Les roues à quatre trous furent remplacées par des roues à cinq trous et un nouveau train avant revu fut monté. La Shamal alla plus loin en se dotant d’un arrière renforcé à double triangulation tubulaire, ajouté à une rigidification accrue de la caisse. Pour une meilleure stabilité, les voies ont été portées à 1,51 m à l'avant et 1,55 m à l'arrière.
Le poids annoncé de 1.415 kg avec fluides et conducteur ne semble pas tellement optimiste si l’on en croit les différents contrôles techniques. Les Biturbos n’étaient pas basés sur une configuration en Transaxle ce qui avait pour incidence de charger l’avant. C’est encore plus le cas pour le V8 qui, en ordre de marche, accuse une répartition de 59/41 entre l’avant et l’arrière. La batterie est installée dans le coffre, comme sur la Ghibli II. De cette répartition découle une tendance au sous-virage, phénomène toujours accentué sur les vieux moteurs turbo « on/off ». Pour juguler ce problème, il faut être au-dessus de 3.000 tr/min. Survirage en cas de coups de raquette de l’autobloquant, sous-virage en bas du compte-tours, la Shamal est exigeante. Mais pas inconduisible. Elle demande simplement que soient appliquées rigoureusement les règles de base de la conduite. Si vous lui manquez de respect, il est probable qu’elle ait le dernier mot. Si, au contraire, vous la menez comme il le faut, elle vous le rendra bien. Si vous avez le pied trop lourd sur l’accélérateur, la motricité peut rapidement être à l’agonie. Encore plus sur le mouillé où il vaut mieux rouler sur des œufs. C’est l’ambiguïté de ces voitures, le double visage qui permet de rouler au couple bien sagement dans un confort de limousine ou de passer l’instant d’après dans une frénésie à la moindre erreur de pilotage.
La transition est toute trouvée pour évoquer le défaut de la voiture, son amortissement piloté signé Koni. Lancé sur la 2.24v, il fut ensuite décliné sur toute la gamme. Typé trop souple pour une conduite sportive, il privilégie le confort, même en position 4. Finissons sur plusieurs notes plus positives. Le freinage assuré par des disques ventilés à l’avant est puissant. L’absence d’ABS n’est finalement pas problématique. La direction assistée parfaitement calibrée et l’excellente boîte manuelle parachèvent le travail…
ACHETER UNE MASERATI SHAMAL
L’entretien de la Maserati Shamal est globalement identique à celui des autres Biturbos équivalentes, à ceci près que le V8 a plus de bougies - rapides à changer et peu coûteuses - et que la pompe à eau (de la 3200 GT) coûte plus cher. Le temps d’intervention pour le remplacement de la courroie de distribution est toujours de 5-6 heures. Il ne faut pas donc en faire toute une montagne…
Avec une cote de 40.000 €, le coût d’entretien est logiquement moins problématique que sur une Biturbo à 5.000 €. De plus, il n’est pas forcément plus élevé que chez la concurrence de puissance équivalente. La mécanique n’est pas aussi compliquée à entretenir que ce qu’on veut bien dire et n’importe quel mécano sérieux et habitué aux beaux moteurs s’en sortira. Les interventions coûteuses sont le jeu aux soupapes, le remplacement des chaînes entre les arbres à came qui intervient tous les 80.000 km et l’embrayage. Pour assurer une bonne longévité du V8, la vidange annuelle ou tous les 5.000 km avec de l’huile à 100% de synthèse est primordiale. Temps de chauffe et de coupure du moteur sont à respecter scrupuleusement dans l’optique de ne pas ruiner les turbos. Pour finir, attention aux pièces spécifiques de la carrosserie, potentiellement compliquées à trouver.
Bien qu’elle ne soit pas la plus rare de la lignée Biturbo, une Maserati Shamal est difficile à dénicher. Il y a quelques exemples en conduite à droite mais, surtout, la plus grande concentration est au Japon ! Plusieurs modèles semblent en vente à l’étranger mais ce sont souvent des fausses annonces. Dernière mauvaise nouvelle, une des rares françaises vient de partir pour les Etats-Unis… Sachez que Maserati vend son certificat de conformité entre 500 et 900 € TTC et que pour être délivré, Maserati réclame que la voiture soit dans sa peinture d’origine. Attention aussi que le moteur ne soit pas un AM578 de Quattroporte IV ou un AM585 de 3200 GT, auquel cas le COC serait également refusé ! Avec des prix qui varient entre 30 et 40.000 €, la cote de la Shamal est déjà supérieure à celle de la 3200 GT, tout en étant appelée à grimper très prochainement. Ne tardez donc pas trop…
PRODUCTION MASERATI SHAMAL
TOTAL (1990-1992) : 369 exemplaires
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
MASERATI SHAMAL
MOTEURType : 8 cylindres en V à 90°, 32 soupapes, 2x2 arbre à cames en tête
Position : longitudinal AV
Alimentation : Injection électronique Marelli-Weber IAW + 2 turbocompresseurs IHI (ND bars) + 2 échangeurs air/air
Cylindrée (cm3) : 3217
Alésage x course (mm) : 80 x 80
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 325 à 6000
Couple maxi (mkg à tr/mn) : 44 à 2 800
TRANSMISSION
AR + différentiel autobloquant Maserati "Ranger"
Boîte de vitesses (rapports): manuelle (6) Getrag
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés - disques pleins
Pneus Av-Ar : 225/45 ZR16 - 245/45 ZR16 (Michelin MXX)
POIDS
Données constructeur (kg) : 1417
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 4,36
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 270
400 m DA : 14"2
1 000 m DA : 26"1
0 à 100 km/h : 6"6
0 à 180 km/h : 22"0
CONSOMMATION
Moyenne (L/100 Km) : 11,5
PRIX NEUF (1990) : 626 640 FF
COTE (2014) : 40.000 €
18 CV FISCAUX
CONCLUSION
:-) V8 dans une Biturbo ! Châssis court Caisse rigidifiée Performances Boîte 6 Freinage Intérieur Cote en hausse |
:-( Design caricatural Motricité Amortissement trop souple Peu d’exemplaires en vente Entretien Pièces spécifiques Places arrière symboliques |
La Maserati Shamal est sauvage comme le vent dont elle porte le nom. Combinant V8 bi-turbo et empattement court, elle représente une offre unique dans l’histoire de Maserati. Disposant aussi d’un intérieur de bonne facture, seul l’extérieur particulièrement ostentatoire peut être un frein à son achat. Les spéculateurs ne s’étant pas encore penchés sur son cas, elle est sous-estimée sur le marché de l’occasion. De ce fait, sa cote est promise à exploser dans les années à venir…
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Les moteurs d'origine étaient fragiles car le villebrequin ne resistait pas longtemps au couple développé. De ce fait les moteurs de quatroporte évoluzionne V8 de 336 Cv au lieu de 326 peuvent remplacer agréablement le moteur d'origine,car ils sont identiques et leur villebrequin est renforcé ! une meilleure fiabilité avec plus de puissance n'est ce pas mieux, que l'origine et les problèmes ? Par ailleurs, il est à noter que le moteur peut s'extraire par glissement avant,la face avant de l'auto se démontant entièrement. La courroie de distribution se change aisément pour 185 Euros si on le fait soi même !