LA SAGA CONTINUE
Alejandro de Tomaso avait surpris tout le monde avec la présentation
puis commercialisation de la Maserati Biturbo. Après le premier
étonnement, ce modèle atypique doté d'une très
forte personnalité mécanique par son petit V6 de deux
litres à double turbos permis à la firme au trident
de connaître une production sans égale. Initialement
réservé au marché italien, la motorisation
deux litres deviendra enfin disponible en France et sur d'autres
marchés avec la Maserati 222. Une énième évolution
de la Biturbo que le sorcier italo-argentin orchestre avec son mystère
coutumier et une logique qui ne semble pas exister. Qu'importe,
la Biturbo évolue et est disponible désormais pour
les amateurs français avec son exceptionnel rapport de plus
de 110 ch/l...
Texte : Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
Pfiou ! Pas simple de s'y retrouver dans la généalogie
des Biturbo, et surtout, la logique
de gamme et d'évolutions apportées chaque année
souvent pour Noël par de Tomaso n'est pas évidente à
suivre. Née en 1981 avec un V6 deux litres biturbo de 180
ch, la Biturbo, deviendra Biturbo II en évoluant, tandis
que la France pu enfin goûter à la fougue du V6 italien
mais avec une cylindrée de 2,5 litres. Avec l'arrivée
de la 222, c'est le V6 deux litres biturbo
qui est enfin disponible avec des évolutions par petites
touches à tous les étages, tant technique qu'esthétique.
Les combinaisons de carrosseries (berline, spyder, coupé
4 places, coupé 2 places), mécaniques (2 litres, 2,5
litres, 2,8 litres) semblent inépuisables et ont du bien
amuser les techniciens italiens en imaginant la tête du réseau
de distribution qui devait se remettre à la page chaque année.
Les imprimeurs des catalogues devaient être aux anges de recevoir
des commandes chaque année
A propos, pourquoi l'appellation
"222" ? Pour 2 portes, 2 litres et 2 ACT. A ne pas confondre
avec la 222E qui a elle le moteur... 2,5 litres ! Vous suivez ?
DESIGN
L'anti BMW série 3 voulue
par de Tomaso, est dotée
d'une carrosserie dont la discrétion est de mise. Une discrétion
inversement proportionnelle au caractère volcanique de sa
mécanique. Dans les grandes lignes, les proportions de la
222 étonnent aujourd'hui encore par sa faible hauteur (1
255 mm) et sa largeur conséquente (1 714 mm). Une ligne en
coin qui rappelle quelques réalisations de Giugiaro mais
qui sont à attribuer en réalité à son
compatriote Pirangelo Andreani. Mais pour la 222, c'est Marcello
Gandini qui a apporté quelques subtiles touches de modernité.
Les feux carrés de la proue sont toujours au programme depuis
le début de la saga Biturbo (adaptés ainsi d'office
à la législation américaine de l'époque),
mais la calandre s'est adoucie comme certains détails. Et
pour cause, elle a été reprise de la Maserati
228 (basée sur le châssis de la berline et orienté
plus confort), tout comme les rétroviseurs extérieurs
noirs mats. Le becquet arrière est hérité de
la Biturbo Si, tout comme l'habitacle intégralement repris.
Les boucliers avant et arrière ne changent pas et rappellent
toujours ceux inaugurer sur les Lancia Delta (uvre de Giugiaro
cette fois-ci). Avec ses petites jantes alu de 14 pouces de diamètres
la Maserati 222 semble posée aujourd'hui
sur des roulettes. Sous la malle arrière (et son seuil de
coffre haut) on retrouve les phares carrés anti-salissures
inspirés de ceux des Mercedes-Benz.
Bref, rien de nouveau sous le soleil de Modène avec des évolutions
de détails pour une ligne connue, mais rarement reconnue
dans la rue. Au volant de la 222, c'est la discrétion assurée
dans le trafic ! Heureusement le trident apposé sur les montant
de custode, et sur la calandre rapellent le pedigree de l'engin.
A BORD DE LA MASERATI 222
L'habitacle en met plein la vue avec ses parements de bois, son
velours cosy et l'équipement de série plutôt
riche pour l'époque. On notera outre les vitres électriques,
une climatisation électronique efficace. En revanche, pas
de direction assistée au programme ni d'ABS. La position
de conduite reste bonne avec une colonne de direction réglable
en hauteur et en profondeur. L'accès aux places arrière
n'est pas exceptionnel, mais la 222 se révèle adaptée
pour emmener quatre passagers si le besoin s'en faisait sentir.
Certes, ce n'est pas l'habitabilité d'une Maserati
228i, mais on est dans la bonne moyenne, à l'image des 325iS E30 chez BMW qui disposent d'un format et concept global similaire. La M3 italienne la Maserati 222 ? Presque !...
MOTEUR
Certainement
le point fort de l'auto et ce qui la rend attachante. Avec seulement
deux litres de cylindrée, les motoristes italiens en
tirent plus de 110 ch/litre. Une valeur peu courante dans les
années 80, même pour des mécaniques suralimentées.
Pour parvenir à leurs fins, ce V6 à 90° est
tout alu (bloc et culasse), coiffé
par deux arbres à cames en tête et 18 soupapes.
L'admission a été en effet optimisé avec
l'ajout d'une deuxième soupape pour chaque cylindre
(une petite et une grosse) pour jouer sur les turbulences
de gaz et les charges stratifiées. Pour ceux qui en
douteraient encore, ce V6 n'est pas commun avec feue la Citroën
SM, sa commande de distribution étant placée
à l'avant du moteur et a recours à des courroies
crantées pour l'entraînement. Les carburateurs
sont partis aux oubliettes pour céder la place à
une injection électronique Weber. La force de ce V6,
c'est évidemment son souffle autorisé par les
deux turbos japonais IHI (0,5 bars) refroidis par eau et aidés
par deux échangeurs air/air. Des améliorations
techniques qui vont dans le sens d'une meilleure fiabilité.
Le conducteur peut donc espérer compter sur les 220
ch à 6 250 tr/mn sous son pied droit et des reprises
percutantes grâce au couple de 26,7 mkg à 3 500
tr/mn. Dire que la 222 est performante est un euphémisme
Si la vitesse maxi est médiocre (226 km/h) en raison
d'une aérodynamique qui l'est tout autant, les accélérations
laissaient alors sur place bon nombre de sportives de renom
concurrentes contemporaines (M3
E30, 190 2.5-16s,
)
avec un kilomètre départ arrêté
en moins de 28" et un 400 mètre en 15"2.
Pas le temps d'amuser la galerie, d'autant qu'il faut passer
les rapports de la boîte 5 ZF manuellement avec décomposition
et force.
CHASSIS
Propulsion au caractère trempée est un qualificatif
qui convient à la Maserati 222 pour en parler avec autant
de passion que d'envie de ne pas la dénigrer. Il faut dire
que la conception de ses trains roulants reste étonnante
de non rigueur. L'essieu avant est composé de jambes élastiques
avec leviers transversaux et barres de torsions et stabilisatrice.
L'arrière est constitué quant à lui de triangles
obliques avec amortisseurs hydrauliques et ressorts hélicoïdaux.
Ajoutez à cela le différentiel autobloquant Torsen
qui intervient assez brutalement dans un ensemble assez souple et
vous obtenez une tenue de route assez étonnante pour ne pas
dire surprenante. Alors que Mercedes par exemple pour sa 190
2.3-16S la dote d'un correcteur d'assiette hydraulique et d'un
train arrière multibras dont l'efficacité sportive
est étonnante aujourd'hui encore, en préservant en
outre un confort de bon aloi, Maserati a joué les petites
économies. Sous-virage à l'attaque avant que l'arrière
ne décroche assez brutalement lorsque vous vous décidez
à sortir la grosse attaque, pas de doute, il va falloir se
cracher dans les mains et éviter tout excès d'optimisme.
Encore plus sur chaussée humide et/ou dégradée.
La direction à crémaillère trop démultipliée
(4 tours de butée à butée et un diamètre
de braquage de 11,7 mètres) et oscille entre le lourd à
l'arrêt et l'ultra léger à l'attaque ! Bref,
la tasse de thé de la Maserati 222 n'est pas l'attaque de
la dernière heure dans les petits virolos, mais plutôt
les grandes trajectoires à forte allure où le souffle
de son V6 fait merveille. Les quatre freins à disques sont
de série, mais pas d'ABS pour vous sauver de la distraction.
Les quatre roues de 14 pouces sont chaussées de pneus en
205/55 VR14. Le confort de la 222 est assez ferme limitant ainsi
le roulis de la caisse lors des phases d'appui. Véritable
GT plus que sportive, la 222 est presque conforme avec son concept.
C'est plus sa mécanique survoltée qui détonne
finalement dans cet ensemble plutôt typé sport-luxe
plutôt que sport pur et dur. La 222 était annoncée
pour un poids de 1 172 kilos (à manier avec précaution
tant Maserati était optimiste à l'époque) augurant
en outre un rapport poids/puissance remarquable de 5,32 kg/ch.
ACHETER UNE MASERATI 222
On a beau se répéter au fil des dossiers, et à
fortiori à propos des Maserati biturbo, l'acquisition d'une
voiture de cet acabit ne doit pas être fait à la légère.
Loin d'un caprice instantané lors de la consultation de votre
magazine de petites annonces, l'achat d'une Maserati 222 doit être
curieusement passionné raisonnablement ou comment exprimer
sa passion dans la raison. L'image qui colle à la peau des
Biturbo sur leur absence de fiabilité est avant tout le fruit
d'un passif de propriétaires peu soigneux et scrupuleux.
Si une Ferrari ou même une Porsche, de par leur notoriété
et leurs design souvent expressif, fait peur aux acheteurs désargentés
et/ou pas disposés à dépenser autant en entretien
qu'à l'achat, cet air discret des Maserati Biturbo les assimilant
presque à des petites BMW italiennes faussent le débat.
Beaucoup d'acheteurs se sont donc laissés avoir au cours
des années 90 en achetant des 222 mais ne les entretenant
pas comme des purs-sangs. Pourtant, elles sont à ranger dans
cette catégorie tant leur raffinement technique et leurs
performances recquierent une attention de tous les instants. Une
222 est cependant plus fiable que les précédentes
générations de Biturbo grâce aux multiples améliorations
au fil des millésimes. L'électricité est en
progrès (connectiques notamment) et l'injection a apporté
un réel plus au quotidien. En revanche, il faudra poursuivre
un entretien exigeant et incontournable, préalable à
toute tranquillité pour rouler : révision et vidange
tous les 10 000 km, courroies tous les 40 000 km ou 3 ans, huile
100% synthèse... Les pièces sont souvent chères
et avec des tarifs variables. Les turbos ne se refont pas et doivent
être changés lors d'une casse. Pour éviter cela,
il faut respecter les temps de chauffe et ne pas couper le moteur
avant 20 secondes à l'arrêt pour laisser les turbos
refroidir et rester lubrifiés. Boîtes et ponts ne doivent
pas faire de bruit, sinon ce sont des frais assurés. Tous
les accessoires doivent être présents et en état
de marche, sinon cela alourdit encore la facture... Côté
budget d'achat, la fourchette est assez large. Mieux cotée
qu'une Biturbo I, la 222 tourne entre 8 à 12 000 euros. Privilégiez
la fourchette haute, à condition que l'auto le mérite.
Analysez également le vendeur pour voir comment il traite
et conduit son auto.
CHRONOLOGIE MASERATI BITURBO
1981 : Le 14 décembre, Maserati présente officiellement
la nouvelle Maserati Biturbo. Moteur V6 Maserati biturbo de 2 litres
de 180 ch. Dessinée par le designer freelance Pierangelo
Andreani et assemblée à Milan sur les lignes d'Innocenti,
la Biturbo était un coupé 4 places à 3 volumes,
doté d'un intérieur particulièrement luxueux.
1982 : A partir d'avril, les premières ventes de Maserati
Biturbo démarrent en Italie.
1983 : En mars 2003, Maserati propose une Maserati Biturbo
2500 E (pour Export) avec cylindrée de 2500 cm3 et 185 ch.Maserati
commercialise une berline 425 avec empattement allongé et
quatre portes. Les organes mécaniques sont dérivés
du coupé Biturbo.
1985 : En juillet, Maserati remplace la Maserati Biturbo
par une Biturbo II avec quelques évolutions notables techniquement.
1987 : La Maserati 425 fut munie d'un système d'injection
qui améliorait le fonctionnement à froid et rendait
la réponse du moteur plus fluide; par ailleurs, les niveaux
de bruit étaient plus bas par rapport aux versions précédentes
à carburateurs.La Maserati 430 rejoignit la 425 dans la gamme
Biturbo
1988 : Au salon de Turin, Maserati dévoile et commercialise
la nouvelle 222 dotée du V6 biturbo de 2 litres de cylindrée
mais développant 220 ch.
1990 : Arrêt de la Maserati 222.
:: CONCLUSION
La Maserati 222 est une petite pépite connue uniquement des
amateurs éclairés de la marque au trident intéressés
de surcroît par la saga Biturbo. Accessible aujourd'hui pour
un budget raisonnable, seul l'entretien devra être suivi et
conséquent. Mais pour le prix d'une Twingo neuve vous avez
une auto au charisme mécanique étonnant, aujourd'hui
encore, délivrant des performances de haut niveau à
tous les étages. Présentation extérieure discrète,
mais intérieur baroque, équipement complet, la 222
vous rappelle ainsi que sa vocation initiale est plus d'être
une bourgeoise sportive et non une sportive bourgeoise. A condition
de l'acquérir dans cette optique, vous aurez alors une auto
peu commune et attachante. Et attention ! Evitez les excès
d'optimisme tant à l'achat que volant en main, car elle reste
une auto exigeante en tout point de vue. Vigilance donc
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Malheureusement, la 222 est nettement plus difficile à
manier que la Merak. C'est elle qui a 10 ans de retard en comportement
routier. Elle passe du sous virage au survirage sans crier gare
et paralyse son conducteur dès que la chaussée est
mouillée. Son train avant est moins précis, sa direction
plus démultipliée, (vs la Merak NDLR) dure à
l'arrêt, presque trop légère dès que
l'on roule. Evidemment, on peut trouver cela amusant dans la mesure
où les dérobades du train arrière sont progressives,
contrôlables et prévisibles. C'est un point de vue,
mais on a pas tous les jours envie de jouer au pilote. Surtout avec
une berline bourgeoise."
Auto Hebdo - 6 Février1989 - Maserati 222 - Jean-François
Marchet. |