© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (25/01/2009)
L'ETOILE NOIRE !
Avant d'être intégré totalement au giron
de Mercedes-Benz, AMG n'a cessé de faire des étincelles
avec ses voitures préparées par ses soins. Mais loin
de tout bricolage, AMG a su mettre tout son talent à l'uvre
pour magnifier encore plus les productions frappées de l'étoile
de Stuttgart. Dernier chef d'uvre, une berline et un coupé
W124 qui reçoit un nouveau V8 de 6 litres en guise de cur
développant 385 ch. Kit carrosserie intimidant, mais sobre,
suspension à amortissement piloté, finition de haut
niveau et prix tournant à l'époque autour du million
de francs. Assommant ? En effet, c'est son nom, " the Hammer
", ou le marteau...
Texte :
Gabriel LESSARD
Photos : D.R.
Si aujourd'hui, dans l'esprit du public français amateur
de voitures de sport "AMG" est
la branche sportive officielle de Mercedes-Benz,
au cours des années 80 sa notoriété n'était
pas si évidente en France. Et pour cause, à Affalterbach,
siège d'AMG,
l'indépendance était de rigueur, n'excluant pas toutefois
une collaboration étroite et bienveillante avec l'usine officielle
de Stuttgart, et ses productions spécifiques n'étaient
pas homologuées en France, et par conséquent pas importées.
Nos amis d'outre-Rhin, ou même dans d'autres pays avaient
en revanche la joie de pouvoir payer le prix fort pour s'offrir
une AMG. L'existence d'AMG se justifiait alors d'autant plus que
les variantes sportives étaient absentes ou presque dans
le catalogue officiel du constructeur à l'étoile (hormis
les 190E 2.3-16s). Pour avoir une Mercedes
sportive, AMG se posait ainsi comme alternative incontournable.
Avant l'intégration officiel d'AMG en 1990 dans le groupe
Daimler-Benz, la gamme AMG sera toutefois
disponible pendant une courte période dans l'hexagone à
partir de 1988 par l'intermédiaire de l'importateur Sonauto,
également importateur alors de Chrysler
et Porsche notamment. Une juste
présence en France qui faisait enfin le pendant d'Alpina
importé déjà depuis plusieurs années
en France par le Garage du Bac
à Chennevière (dans le Val de Marne) alors propriété
de la famille Giroix, dont le fils Fabien courait en compétition.
Après avoir adapté un 6 en ligne Mercedes-Benz type
M104 en version 3,2 litres de 245 ch sur les petites 190E
(W201) mais aussi sur les berlines série 200/300 (W124),
AMG passe à la vitesse supérieur. Fidèle à
sa devise du " plus c'est gros, plus c'est performant ",
les techniciens allemands vont opter pour le V8 de 5,6 litres des
berlines 560 SEL et coupés 560
SEC. Mais évidemment, pas question de le laisser tel
quel, donc un réalésage et des modifications vont
porter la cylindrée à près de 6 litres, et
la puissance à 385 ch. Ce "big block" sera ainsi
placé au chausse-pied sous le capot des berlines et des coupés
W124. Le coupé
300 CE, développant 188 ch d'ordinaire, voit ainsi sa
puissance doubler, et son tarif multiplié par quatre en tournant
alors autour du million de francs. Des prestations et un tarif équivalent
à ceux des Ferrari Testarossa
ou Lamborghini Countach.
Sauf qu'ici, quatre personnes peuvent embarquer à bord de
cette fusée pour visiter l'Etoile Noire. Que la force soit
avec vous
MERCEDES 300E AMG 5.6 HAMMER
En 1986, AMG réalise la Mercedes 300 E 5.6 AMG.
Reprenant le V8 du coupé 560 SEC, les motoristes d'Affalterbach
ont coiffé le gros V8 d'une culasse à 4 soupapes
par cylindre. Affichant une puissance de 265 kW (360 ch) pour
un couple de 510 Nm, le nouveau modèle atteint sa vitesse
maximale à 300 km/h.
Pour la première fois, un véhicule réussit
à marier un tempérament très athlétique
à la convivialité typiquement Mercedes, tellement
appréciable au quotidien. En Amérique, les admirateurs
du nouveau bolide AMG le surnomme affectueusement " The
Hammer ". Seul bémol, une suspension d'une fermeté
qui frise l'inconfort. Bémol qui sera effacé avec
la version 6.0.
DESIGN
Outre des moteurs améliorés, AMG, comme ses confrères
et concurrents tuners, s'est fait une spécialité pour
habiller les carrosseries des Mercedes-Benz. Le "Hammer"
n'échappe donc pas à un habillage complet. Si le soin
du look est évident pour AMG, l'efficacité est aussi
un critère important pour ne pas freiner la performance de
ses motoristes. En version large, la pire configuration pour le
Cx, il se situe autour de 0,31, tandis que la berline 300E
6.0 AMG "Hammer" avec des volets mobiles à
commandes électroniques situés devant le radiateur
tombe la performance à un Cx de 0,25 ! Le kit complet est
donc composé d'un spoiler avant et arrière, de base
de caisse ainsi que d'un becquet de coffre aérodynamique
épais et significatif bien dans le ton des années
80. On notera que les chromes sont tous noirs, calandre comprise
et que tous les étoiles officielles Mercedes-Benz ont disparu.
Et pour cause, sur la carte grise, le
Hammer est une AMG et non plus une Mercedes-Benz. Les deux gros
anti-brouillards et l'assiette ultra-basse (jusqu'à -11,2
cm) de cette AMG exceptionnelle accroissent l'impression d'agressivité,
sans compter avec la teinte noire, voile des jantes de 17 pouces
compris. Sous le bouclier arrière, une sortie d'échappement
chromée double sortie laisse échapper les vocalises
du gros V8. Extérieurement, le logo AMG stylisé est
apposé au centre en bas du spoiler avant, sur la malle arrière
à gauche, et enfin sur les flancs derrière le passage
de roue avant.
A BORD DE LA 300 CE AMG
L'habitacle est repris de celui des 300 CE d'origine,
mais en le magnifiant. La partie planche de bord est identique mais
ultra-complète de tout ce qui est d'ordinaire en option à
Stuttgart. Seul le combiné d'instruments diffère avec
des logotypes AMG sur les fonds de compteurs, tandis que le volant
(enfin d'un diamètre raisonnable !) est maison. La plus grosse
différence est constitué par les sièges Recaro
ergonomiques en cuir à réglages électriques.
Pour le reste, tout est là avec la clim, une hi-fi très
haut de gamme pour l'époque, vitres électriques, direction,
assistée
Bref, une AMG doit être selon ses concepteurs
une parfaite synthèse du sport et du luxe. La 300
CE 6.0 AMG n'échappe pas à cette règle,
bien au contraire. Le prix était également en rapport
que peut de personnes pouvaient se permettre. A titre de comparaison
pour un coupé AMG the "Hammer", on pouvait acquérir
deux coupés 560 SEC pourtant déjà pas donnés
à l'époque
Cette offre AMG était alors
un cas unique sur le marché et répondait à
l'attente d'une niche de clients exigeants et regardants sur les
aspects pratiques et les performances. Avec des performances de
supercar, il avait en effet une qualité de prestations et
une polyvalence que la concurrence n'offrait pas. Seule Alpina avec
sa B7 Turbo disponible en coupé
(basés sur la série 6) et en berline (basé
sur la série 5) pouvait offrir quelque chose d'approchant,
mais moins performant (330 ch) et aérodynamique en raison
des carrosseries BMW alors vieillissantes.
MOTEUR
Chez AMG, on aime bien voir grand et gros pour obtenir une performance
de premier plan. Ainsi, plutôt que d'opter pour un raffinement
technique très évolué pour favoriser les rotations
et la performance vers le haut, c'est plutôt la logique américaine
qui est retenue, avec une technique européenne toutefois.
Pas question donc de trouver des culbuteurs ou des culasses simplistes.
Ici, le V8 d'origine des berlines Classe S et coupés 560
SEC W126, est réalésé à près
de 6 litres et coiffé sur chaque rangée de culasses
à 16 soupapes. Soit un total de 32 soupapes pour l'ensemble,
et une alimentation gérée par une injection mécanique
K-Jetronic. Alors qu'un coupé 560 SEC développe 300
ch à 5 000 tr/mn avec le V8 officiel, le coupé The
Hammer développe désormais 385 ch à 5 700 tr/mn.
Le couple a énormément progressé pour atteindre
58 mkg dont 50 disponibles dès 2 000 tr/mn. Souplesse garantie
! Pas de puissance au litre étonnant avec seulement 65 ch/litre,
mais le couple autorise des reprises et une allonge tonitruantes.
En complément, AMG est resté fidèle à
la boîte automatique à 4 rapports qui équipe
les Classe S, jugeant leur résistance suffisante. Pas de
boîte mécanique disponible, comme à chaque fois
chez AMG. La sonorité de cette mécanique est terrifiante
et grave, loin des envolées lyriques des mécaniques
produites en Italie ou chez Motorsport à Münich. Les
performances sont tout simplement d'un autre monde, digne des meilleures
supercars du moment, et aujourd'hui encore, peu d'autos sont capables
d'aller taquiner un coupé
300 CE AMG 6.0. Jugez plutôt : une vitesse de pointe de
300 km/h en carrosserie étroite (290 km/h en version large)
et un kilomètre départ arrêté autour
des 24 secondes. Pour les reprises, la boîte auto vous garanti
évidemment une fulgurance de ses kick-downs. A noter que
la gestion de boîte a été retravaillée
pour l'occasion par AMG pour être plus rapide. La consommation
est assez goulue, normal vu la cylindrée, avec une moyenne
de 20 litres au cent. Après tout, quand on aime
CHASSIS
Pas question d'aller chercher des performances de si haute volée
sans revoir de fond en comble la partie liaison au sol. Sur la partie
avec ailes larges, les voies vont même progresser jusqu'à
6,4 cm à l'avant et 7,6 cm à l'arrière. Pour
aider à " motricer ", un autobloquant taré
à 25% issu des Classe S est monté de série.
Le Torsen présent sur les autres AMG est remisé au
placard faute de doute sur sa fiabilité dans le temps avec
les coups de butoirs du couple. La première mouture du "
Hammer " avec le moteur 5,6 litres, avait été
très critiquée pour la dureté de ses suspensions.
Sur la version 6 litres, on conserve les principes d'origine (notamment
l'excellent train arrière multi-bras d'origine Mercedes-Benz),
mais une nouveauté de taille vient changer la donne : une
toute nouvelle suspension à contrôle d'assiette et
amortissement piloté. Doté de plusieurs modes de dureté
et de hauteur de garde au sol de 9,7 cm lorsque le véhicule
roule à partir de 140 km/h et plus, et jusqu'à 13,7
cm au maxi. Si un pilotage automatique est régulé
par le système en fonction de la vitesse et des accélérations
transversales (position la plus dur lorsque la centrale enregistre
plus de 0,5 G en transversal), un réglage manuel est possible
pour obtenir le plus dur et plus bas lors des phases d'arsouilles,
même à basse vitesse selon la sinuosité de la
route. Côté lien direct avec la route, les grosses
jantes AMG 17 pouces en trois parties sont chaussées de larges
et bas pneus Michelin MXX. Pour ralentir un tel marteau, les freins
ont été majorés dans les ateliers d'Affalterbach
avec de nouveaux disques ventilés de 300 mm à l'avant
et 278 mm à l'arrière. L'ABS est de série,
en revanche l'adoption d'étriers flottants a de quoi laisser
perplexe. Surtout si l'on compare avec une autre machine exceptionnelle,
la Ruf CTR1 qui elle adopte carrément
les freins des Porsche 962 de groupe C ! Si nous n'avons pas eu
le loisir de devenir marteaux en conduisant un tel engin, on se
basera sur les impressions de José Rosinski dans Sport Auto
en 1989. Ses conclusions étaient éloquentes sur la
tenue de route d'un tel bolide. Malgré un poids de près
de 1,7 tonnes, et une telle puissance, la 300 CE AMG 6.0 se révélait
étonnamment facile à mener vite, souffrant tout au
juste de son poids et d'un sous-virage un peu trop prononcé
à l'attaque. Et surtout le niveau de confort a énormément
progressé.
ACHETER UNE
MERCEDES-BENZ 300 CE AMG
Construite au rythme d'un exemplaire par mois, dont la plupart de
la production est partie aux Moyen Orient et en Amérique,
il faudra vous armer de patience pour en trouver une et pas hésiter
à traverser les océans pour en acquérir une.
Certes quelques exemplaires ont été vendus en Allemagne
et dans quelques pays européens. Mais la quête devra
être patiente et longue. Inutile de préciser qu'une
telle auto ne doit être achetée d'occasion qu'en état
concours, les frais de remise en état devenant vite exorbitants
du fait de l'exclusivité de l'engin. N'imaginez pas en outre
arriver l'air de rien dans le réseau officiel Mercedes-Benz
avec " the Hammer ". Les AMG avant l'ère officielle
ne figurent pas dans les manuels ateliers de la marque à
l'étoile, ni même les références de pièces.
A moins de tomber sur des mécaniciens et des magasiniers
PDR passionnés, faut pas rêver. Bonne nouvelle, les
AMG sont globalement très fiables, en raison notamment d'un
choix délibéré de performance par la fiabilité.
Il conviendra de surveiller les trains roulants (bras, rotules,
arbres de transmission,
), la boîte et son convertisseur
de couple qui souffrent énormément tant du poids que
du couple. La vidange de la boîte et le remplacement des filtres
doivent donc être privilégiés régulièrement
tous les 80 000 km. Révision à suivre tous les 10
000 km impérativement. Le remplacement des pneumatiques est
assez coûteux, et récurrent si vous avez le pied droit
un peu lourd. Difficile d'établir une cote précise,
tant les transactions sont rarissimes. Acheter une telle auto entre
80 et 100 000 euros ne semble pas délurant, vu les prestations
de l'engin. Après tout, rouler à quatre dans un salon
roulant capable de tenir tête à une Ferrari Testarossa,
cela n'a-t-il pas de prix ?...
CHRONOLOGIE MERCEDES-BENZ 300 CE AMG
1971 : naissance de la Mercedes 300 SEL 6.3 AMG d'une puissance de 206
kW (280 ch) pour un couple maxi de 542 Nm. Le modèle signé
AMG présente un train de roulement optimisé et un
système de freinage plus performant que la version de série.
1986 : Réalisation de la Mercedes 300 E 5.6 AMG dotée
d'un moteur huit cylindres de 5,6 litres recourant à la distribution
à quatre soupapes. Affichant une puissance de 265 kW (360
ch) pour un couple de 510 Nm, le nouveau modèle atteint sa
vitesse maximale à 300 km/h. Pour la première fois,
un véhicule réussit à marier un tempérament
très athlétique à la convivialité typiquement
Mercedes, tellement appréciable au quotidien. En Amérique,
les admirateurs du nouveau bolide AMG le surnomme affectueusement
" The Hammer ".
1987 : Naissance des modèles Mercedes-Benz 300 E AMG
et 190 E AMG équipés d'un moteur six cylindres de
3,2 litres de cylindrées développant une puissance
de 180 kW (245 ch).
1988 : Naissance de la Mercedes 300 E 6.0 AMG animée
par un huit cylindres. Cet organe de 6 litres de cylindrée
d'une puissance de 283 kW (385 ch) pour un couple de 566 Nm recourt
à la distribution à quatre soupapes.
1990 : L'histoire d'AMG est marquée par la signature
en 1990 d'un accord de coopération avec Daimler-Benz AG.
:: CONCLUSION
La plupart des heureux mortels se contentent déjà
des versions les plus explosives de série. Mais pour certains,
amateurs exigeants et éclairés, et un poil fortuné
tout de même (!), des sorciers se chargent de faire encore
mieux pour eux ! AMG est de ceux-là, et avec sa version "
the Hammer " et son gros six litres de 385 ch, la perfection
semble à portée de main. Puissante, sportive, luxueuse
et intimidante, " the Hammer " a assommé à
l'époque toute la concurrence. Son souffle inépuisable
lui donné son surnom. Une sorte de chef d'uvre juste
avant la prise de contrôle progressif par Mercedes-Benz en
1990. Attention, véritable collector à posséder
dans son garage pour connaisseur éclairé
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Le supplément de poids du V8 remplaçant le 6
cylindres a procuré une modification de l'équilibre
des masses, passé de 52/48 à 54/46 % en faveur du
train avant. Aucune sensation de lourdeur excessive dans les virages
pourtant, où le Hammer se comporte avec une bienveillante
neutralité. Si on force l'allure, évidemment, un sous-virage
apparaît, mais il est facilement neutralisé au moyen
de la pédale des gaz. Freiner en courbe, en revanche, peut
provoquer un survirage si la chaussée est inégale,
mais en général, le comportement en cap est marqué
par une rassurante stabilité, et la conduite à grande
vitesse sur autoroute n'exige pas une concentration excessive."
Sport Auto - décembre 1988 - Mercedes-Benz AMG 6.0 The
Hammer (W124) - José Rosinski. |