© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (07/02/2011)
LA GORDINI OUBLIÉE
Avec ses coupés R15 et R17, la régie Renault se lance un très audacieux pari : celui de combler un vide dans sa gamme en produisant deux coupés d'un coup ! Ayant disparues de la circulation de nos jours, les Renault 15 et 17 ont pourtant connues une carrière commerciale très honnête et ouvert la voie du succès à la Fuego en profitant du boom des coupés populaires pendant les années 70. Retour sur l’histoire de ce coupé Renault qui ne manque pas d'attirer de nouveau les regards…
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Outre leur ligne originale et leurs tarifs accessibles, les coupés Renault 17 vont également tenter de braconner sur le terrain des performances bon marché pratiqué au début des années 70 par les Porsche 914, Alfetta GTV, Fiat 124 coupé, Lancia Fulvia, Matra Bagheera et surtout Ford Capri RS. Cette mission sera assignée à la R17 TS. Mais après avoir été très à la mode, les coupés Renault 15 et 17 ont rapidement sombré dans les bas fonds du marché de l'occasion, ravagés au mieux par une corrosion endémique ou au pire, par les débuts balbutiants du custom puis des kits de personnalisation en tout genre. Autant dire que l'image de voiture de "beauf" lui colla longtemps aux pneus. Cette dure période de l'adolescence au physique ravagé plutôt que ravageur ne dura qu'un temps et progressivement, le coupé R17 semble sortir de l'ombre pour atteindre une vraie maturité de collector. Car les beaux exemplaires encore roulants sont devenus forts rares en raison d'une épuration rigoureuse au gré des propriétaires négligents et des diverses périodes de primes à la casse. Pas vraiment "Youngtimer" ni totalement "Rétro", la R17 a pourtant de vrais atouts en collection, notamment dans ses rares versions sportives TS et Gordini.
DESIGN
Outre la Caravelle en 1959, la « culture du coupé » n'était pas vraiment dans les gènes du constructeur de Billancourt qui a préféré pour ça investir dans la marque Alpine. Le losange en deviendra actionnaire majoritaire le 1er janvier 1973. Il faudra donc de solides arguments pour arriver sur ce marché exigeant et s'y faire une place. La conception des Renault 15 et 17 démarre justement suite à l'abandon d'un projet Alpine, baptisé "R.A.G" pour RENAULT-ALPINE-GORDINI. Il devait donner naissance à un petit coupé deux places, équivalent des Matra Jet et Matra 530, mais le marché fût jugé trop peu rentable. On lui préféra un coupé plus orienté GT pour remplacer la berlinette A110 : l'A310. Le bureau d'étude de la Régie Renault, toujours en quête d'un véhicule pouvant dynamiser son image met alors en marche les programmes 130, 131 et 132 dérivés du projet 117 (la R12). Il s'agit toujours de produire un petit coupé sportif mais en touchant une clientèle la plus large possible. Pour cela, le cahier des charges prévoit non pas un mais trois coupés, dont un coach et un convertible ! En outre, la contrainte technique est d'utiliser un maximum d'éléments mécaniques existants sur les Renault 12 et 16 afin de réduire les coûts de production. La voie choisie par celle du chef styliste Gaston Juchet et de la Régie est celle de l’innovation et de la modernité.
En 1967, les premières maquettes sont présentées à la direction et à la mi-décembre, l'étude de style à l'échelle 1 est achevée. Grâce à une étude aérodynamique approfondie réalisée dans son laboratoire de Saint-Cyr l'Ecole, dès la phase de recherche de la forme de la carrosserie, Renault parvient à associer des vitesses maximum de niveau supérieur et des consommations réduites. Le travail des stylistes consiste alors à peaufiner les détails qui vont distinguer les deux modèles R15 et R17. Sortie du même moule, la Renault 17 se reconnaît à sa vitre de custode beaucoup plus petite et ses ailettes sur le montant latéral du hayon évoquant des extracteurs d'air comme sur une GT à moteur central, sans oublier des portières sans encadrement ni pilier central et une calandre à 4 phares ronds à iode (un vrai luxe dans la production française de l'époque !) en lieu et place des phares rectangulaires issus de la R12. Spécifique à la version TS, le bossage sur le capot ajoute du muscle à l'ensemble.
La gestation des Renault 15 et 17 se termine fin 1969 et le 15 mars 1971 débute la production, partagée entre le site d'assemblage de Renault à Sandouville et la sous-traitance chez la carrosserie Chausson qui réalise les coques nues, au rythme de 250 voitures par jour. Les Renault 15 et 17 sont la grande
nouveauté du stand Renault au Salon
de Paris d’octobre 1971. La version
haut de gamme est
constituée par la Renault 17 TS coupé
(type R 1313). Sur la gauche du hayon figure les monogrammes en chrome "RENAULT 17" à gauche et sur la droite "TS". Le tout est répété sur l'aile avant droite. La Renault 17 TS est fournie de série avec des jantes en tôle de 13" qui peuvent être remplacée en accessoire par des jantes Dunlop Sport en alliage léger.
A BORD DE LA RENAULT 17
En octobre 1968, le style de la carrosserie est presque figé et l'habillage intérieur va retenir dans les mois suivants une originale planche de bord avec une visière sur chacun des 4 cadrans principaux et des sièges, certes très moelleux, mais dont le dessin offre autant de maintien qu'un canapé. Il manque toutefois sur ce tableau de bord un indicateur de température et de pression d'huile. Les appuie-tête ne font également pas partie du décor en série, ni les vitres teintées, ce qui ne manque pas de choquer de nos jours.
CHANGEMENT D'IDENTITE
Lancée en Amérique du Nord
sous l’appellation Renault 17 Gordini (moteur type 807-13 de 104 ch), elle fait partie du nouveau plan de conquête du marché US qui passe également par une prise de participation de la firme au losange dans American Motors Corporation (AMC). L'année 1971 est également marquée par un changement d'identité visuelle pour "La Régie".
Un nouveau logo confié à l'artiste hongrois Victor Vasarely et qui aboutira en 1972 conduit à quelques bizarreries sur les premiers modèles produits. Ainsi, les premières photos de presse et des catalogues Renault 17, certainement issus de la pré-série, laissent apercevoir l'ancien losange, dit Pampuzac et datant de 1959 même si un emplacement (très visible) sur la calandre est prévu pour le recevoir. Au final, la voiture est commercialisée avec un losange placé sur le capot, qui n'est ni le Vasarely, ni le Pampuzac ! Seules les premières Renault 15/17 et RENAULT 5 auront ce logo éphémère qui fait donc d'elles d'ultimes collectors !
MOTEUR
Si leur style est proche, côté mécanique la Renaut 17 prend l'ascendant sur la R15. Le modèle TS est en effet le seul à recevoir le moteur 1.6 type 807/20 apparu dans la Renault 16 TS et modifié pour la R12 Gordini. Converti à l’injection Bosch D Jetronic et doté d'un arbre à cames différent pour réduire sa consommation, principal défaut de la R12 "Gorde", il perd toutefois quelques chevaux au passage avec un total de 108 ch DIN à 6000 tr/mn. La valeur de couple est en revanche toujours aussi favorable avec ses 135 Nm. Le 1,6 du "sorcier" conserve sa culasse hémisphérique
qui permet un excellent
remplissage, gage d'un bon rendement et d'une belle aisance à haut régime. Elle se paye au sonomètre et... à la pompe. Bruyant et gourmand par nature, le moteur Gordini ne se montre relativement sobre qu'en négligeant ses aptitudes sportives. Par ailleurs, la boîte 5 rapports n'est pas un modèle de précision et sa synchronisation peut parfois se montrer récalcitrante, jusqu'à rester bloquée au point mort si on ne décompose pas parfaitement la descente des rapports un par un.
La puissance du quatre cylindres en ligne tout alu à simple arbre à cames latéral est confortable et permet à la R17 TS d'afficher des performances du niveau de celles de la R12 Gordini à la faveur d'un physique plus aérodynamique et d'un poids encore raisonnable de 1055 kg (+20 kg pour la découvrable). Avec son 0 à 100 km/ en moins de 10" et une vitesse de pointe de 185 km/h, la R17 TS n'est pas juste un joli et gentil coupé tendance, elle sait aussi parler aux amateurs de sportives jusqu'alors habitués à faire leurs achats chez les allemands ou les italiens. Rappelons qu'à sa sortie en 1971, on pouvait encore rouler à de telles vitesses sans l'ombre d'un début de remords ou d'inquiétude pour son permis, ni même pour son portefeuille...
CHASSIS
L'architecture de la Renault 17 n'a pas changé par rapport à la R12 dont elle dérive. Construite sur une caisse de type autoporteuse, on retrouve le moteur en porte-à-faux en avant des roues motrices et une suspension avant à parallélogrammes déformables transversaux. Une barre anti-roulis est ajoutée ainsi que sur l'essieu arrière rigide à bras tirés. L'amortissement est confié à des ressort hélicoïdaux et des amortisseurs téléscopiques hydrauliques sur les quatre roues. La direction à crémaillère n'est pas assistée (option apparue sur la R17 TS de 98 ch) et donc plutôt ferme, mais sa démultiplication de 2,75 tours de volant se montre assez directe. La faible largeur des pneumatiques (165 HR 13) permet de ne pas trop sentir le poids majoritairement sur l'avant (60/40%) mais ils sont rapidement dépassés par les évènements. Pour la conduite, la tenue de route peut être qualifiée de sûre dans la plupart des cas. Mais, en matière de pilotage, nombreux furent ceux à être déconcertés par un sous-virage très prononcé. L'adhérence médiocre des roues motrices, surtout par temps de pluie et les remontées de couple dans le volant sont assez pénalisantes. En conduite normale, le freinage est satisfaisant sans trop d'effort à la pédale, tandis qu'à rythme soutenu la tenue à chaud se révèle insuffisante malgré les quatre disques, ventilés à l'avant. Le point de blocage est également assez difficile à cerner, notamment sur le mouillé. Garantissant un confort de roulage certain, la Renault 17 TS cherchait le compromis entre efficacité et confort, ne permettant donc pas d'exploiter au mieux la bonne santé du moteur Gordini. Typée "Grand Tourisme" à sa manière, la Renault 17 TS s'est vue coiffée au poteau lors de nombreux comparatifs chiffrés, lui ôtant tout espoir de percer auprès de la clientèle la plus sportive.
EVOLUTIONS
En septembre 1972 (millésime 1973) est introduite la version découvrable au catalogue de la Renault 17 (type
R 1323). Le système se compose d'un toit-ouvrant en toile électrique avec un hardtop amovible en fibre de verre. Toutes les versions reçoivent le nouveau logo Vasarely au centre de la calandre et quelques autres modifications mineures dans l'habitacle. En fin d'année 1972, Chausson prend en charge l'intégralité du processus de fabrication des R15 et R17.
En septembre 1973, les modifications apportées à la Renault 17 TS sont plus importantes qu'il n'y paraît. En effet, le moteur à injection des R17 TS passe de 1565 cm3 à 1605 cm3 sans changement de puissance (types R1317 pour le coupé, R1327 pour la découvrable), ce qui s'accompagne de la suppression du monogramme sur l'aile avant droite et le remplacement du monogramme de coffre par un ensemble noir et chrome où figure le nouveau logo et l'inscription "Renault 17 TS Injection". A l'intérieur, la planche de bord est mieux présentée et remaniée pour offrir une boîte à gants de plus grand volume. D'autres petits aménagements marquent ce nouveau millésime, comme l'ensemble compteur/compte-tours plus lisible.
LA RENAULT 17 GORDINI
Un an après les premières évolutions apportées à la R17 TS, la gamme Renault 17 est marquée par l'arrivée de la version Gordini en France, la "17G" pour les intimes, consécutivement à l'arrêt de la R12 Gordini. Equipée en série d'un parebrise feuilleté et de vitres teintées, la R17 Gordini n'est pourtant qu'une R17 TS rebaptisée. Sa légitimité n'en demeure pas moins réelle compte-tenu de l'origine de son moteur mais les performances ne progressent pas. Simultanément,
pour les USA, la R17 Gordini "export" reçoit
le moteur de 1647 cm3 type 843-13 de la R16 TX développant 95
ch (types R 1316 et 1326). Quatre années de commercialisation ont permis à la Régie de tirer le bilan des ventes de ses petits coupés. Malmenée par deux chocs pétroliers successifs et les premières limitations de vitesse, la R17 se vend de plus en plus mal et la plus modeste R15 ne cesse de prendre l'ascendant (de 35% en 1971 à 74% en 1975).
R17 PHASE 2
Le second changement majeur pour la Renault 17 intervient donc en septembre 1975 avec l'arrivée de la phase 2. A l'extérieur, la carrosserie se montre plus sage et la calandre est totalement nouvelle. Elle ne conserve son chrome que dans la partie basse, la partie haute étant peinte de la couleur générale et se trouve séparée en 3 partie distinctes faisant apparaître une grille de radiateur et des blocs phares double optiques. Le hayon est maintenant affleurant et un bandeau réfléchissant rouge relie les feux arrières.
A l'intérieur, on trouve une planche de bord inspirée de la R30, plus conventionnelle et lisible avec un bloc compteurs qui perd ses casquettes individuelles au profit d'une casquette globale ainsi que de nouveaux sièges baquets de type "pétales" plus originaux et confortables par leur dessin que réellement efficaces en maintien. Pour la R17 TS ce millésime 76 se présente mal, avec une puissance moteur revue à la baisse (98 ch, type R1318 et R 1328) malgré une cylindrée portée à 1647 cm3. Son moteur n'est plus le Gordini à injection mais le 1.6 à carburateur issu de la R16 TX équipé de sa boîte à 5 rapports. De son côté, la R17 Gordini est maintenue au catalogue en coupé (type R1317) et découvrable (type R1327) sans modification technique.
Mais les ventes ne font qu'un timide sursaut, tant et si bien qu'avec seulement quelques centaines d'exemplaires vendus en phase 2, la Renault 17 Gordini est supprimé au début de l'année 1978. En juin 1979, l'ultime coupé R17 sort des chaînes de Maubeuge.
LA RENAULT 17 EN COMPETITION
La participation des Renault 17 en compétition est indissociable du travail de mise au point de l’ingénieur Hubert Melot qui ne cessera d’ajuster la répartition des masses et l’épure de train avant afin de passer la puissance qui sera en constante augmentation. En groupe 5, en plus d’une direction assistée et d’un pont autobloquant ZF, la voiture était équipée d’une nouvelle évolution moteur : le type 807-Ga, 1774 cm3 (82 x 84 mm), fournissant 170 ch DIN à 7400 tr/min. Le point culminant de la carrière de la Renault 17 Gordini en compétition restera le rallye américain de 1974, comptant pour le Championnat du Monde et dont le résultat peut avoir un fort impact commercial pour Renault. Sur les trois Renault 17 Gordini engagées, la victoire reviendra à Thérier et Delferrié qui disposaient, seuls, d’une toute nouvelle motorisation : le moteur type 807-G4 de 1774 cm3 qui, coiffé d’une culasse à 4 soupapes par cylindre, commandées par deux arbres à cames en tête, était donné pour 200 ch DIN à 7750 tr/min.
ACHETER UNE RENAULT R17 TS / Gordini
Avec plus de 300.000 exemplaires vendus durant leur carrière, de 1971 à 1979, les Renault 15 et 17 ont constitué un succès certain pour Renault. Mise à une retraite méritée par la Fuego, la R17 dans ses versions TS et Gordini n'est pourtant pas de celles que l'on croise facilement. Selon Renault, environ 3000 Gordini auraient été produites dont une minorité en phase 2. A cette rareté avérée on peut trouver plusieurs raisons contextuelles correspondant à l'arrivée des premières limitations de vitesse et l'envolée du prix du pétrole pendant les années 70. Ces petits coupés sportifs ont vu arriver sur le marché au milieu des années 70 les VW Scirroco et Porsche 924, offrant des performances plus convaincantes avant d'être définitivement dépassés par la déferlante Golf GTI et toutes ses rivales offrant les performances des coupés et les aspects pratiques d'une petite berline. Plus légères, plus sobres et moins chères aussi, elles ont sonné l'extinction de l'espèce. Oubliés pendant les années 80, les coupés Renault R17 ont sombré un à un vers le statut d'épave, dans les casses ou les fonds de champ, attendant pour les exemplaires miraculés, des jours meilleurs conditionnés par l'intérêt de quelques collectionneurs. La R17 Gordini, du fait de son prestigieux patronyme, est évidemment la plus recherchée aujourd'hui, même si les R17 TS phase 1 n'ont rien à lui envier sur le plan technique. Comptez environ 5000€ de budget pour vous offrir une TS en bon état et parfois pas loin du double pour une Gordini phase 2, modèle considéré comme le plus collector car quasiment introuvable. Et attention, la cote des R17 Gordini continue de monter tranquillement, mais sûrement, dans le sillage des R8 et R12 du même nom ! La vraie difficulté étant donc de trouver une simple TS à vendre qui ne soit pas une épave mal reconditionnée ou simplement une fausse TS... Comme toutes les Renault de cette époque, la corrosion est le premier problème pour ces voitures dont les plus anciennes ont maintenant 40 ans. La mécanique est en revanche relativement robuste. La principale précaution d'achat sera donc de trouver un vendeur capable de livrer un historique précis et les détails d'une remise en état éventuelle. Dans le cas contraire, la seule solution sera de remonter de A à Z une épave...
PRODUCTION RENAULT 17 TS /GORDINI
R17 TS / R1313 = 7884 exemplaires
R17 TS découvrable / R1323= 2190 exemplaires
R17 Gordini (R 1317 + R 1327) = 3028 exemplaires
Export : Renault 17 Gordini (R 1316 et R 1326) : 4247 exemplaires
:: CONCLUSION
Boudée par les amateurs de sportives à l'époque en raison de son image de coupé pour "minet", la Renault 17 TS n'est certainement pas non plus la sportive qui fait rêver les jeunes d'aujourd'hui. Mais si vous rêviez d'être David Starsky, il se peut que posséder une Renault 17 Gordini ressemble pour vous à une sorte de quête mystique. Car la licorne du losange se fait rare désormais. Malgré des caractéristiques techniques largement dépassées, le charme inimitable de son look si "vintage" et de sa conduite datée mérite certainement mieux que les quelques railleries des néophytes qui ne jurent que par les sportives de luxe, non ?
Tous nos remerciements au site www.r15r17.com pour sa mine d'informations sur les Renault 15 et 17 ainsi qu'au personnel de la photothèque Renault pour ses images d'archives et sa grande réactivité. |