TRIUMPH TR6 (1969 - 1976)
INJECTION D'HORMONES
La Triumph TR6 figure parmi les voitures anglaises les plus populaires. Introduite en 1969, elle succède directement aux TR5/250 qui ont laissé un goût de trop peu dans la bouche des essayeurs et des clients. A l'aide d'un restylage miraculeux de karmann, elle va pourtant prolonger le plaisir jusqu'en 1976, année de son remplacement par la TR7.
Texte : Sébastien DUPUIS
Photos : Bahman Cars
Pour faire face à la concurrence et désormais doté d'un train arrière plus évolué, Triumph se décide enfin à augmenter la puissance de la TR4A IRS en 1967. Reconnaissable extérieurement à sa calandre au décor simplifié, la nouvelle Triumph est baptisée TR5. La greffe d'un gros moteur 6 cylindres sous le capot du petit roadster a été largement dictée par le marché d’outre-Atlantique.
Malheureusement, un détail majeur pose problème... ce moteur à injection se montre non conforme au durcissement de la réglementation anti-pollution, notamment en Californie, destination de prédilection des roadsters anglais ! On doit donc se résoudre à alimenter le même moteur par 2 carburateurs pour en réduire la puissance, avec un taux de compression abaissé. Afin de ne pas pénaliser l'image de la TR5 en Europe, Triumph décide de baptiser son modèle "spécial USA" TR250. Cette version ayant bien du mal à faire oublier la TR4 dans la tête des acheteurs, sa production est finalement interrompue en novembre 1968 par la sortie de la TR6 dont l'objectif est de renouer avec le succès...
PRESENTATION
Produite à partir de septembre 1968 dans sa version américaine, puis 2 mois plus tard pour la version européenne, la Triumph TR6 est le dernier roadster de la dynastie des TR. Pendant ce temps, Triumph se trouve une fois de plus dilué dans la restructuration de l'industrie automobile britannique qui aboutit en 1968 à la création de British Leyland Motor Company (BLMC), groupe tentaculaire issu de la fusion de British Motor Holdings (BMH) et Leyland Motor Corporation (LMC). Fidèle aux habitudes de la maison, il ne s'agit encore une fois que d'une évolution du modèle précédent. mais au fil du temps, la parenté avec les antiques TR2 de 1953 a su se faire moins évidente... Leyland n'ayant pas ouvert plus grand les robinet de l'investissement, la Triumph TR6 est donc directement issue des TR5 et TR250. Le styliste italien Michelotti étant très pris, il décline la tâche.
Triumph se tourne alors vers un autre spécialiste du cabriolet, mais en Allemagne cette fois. Il s'agit de Karmann, bien connu pour ses réalisation sur base Volkswagen. Pour son coup d'essai avec Triumph, Karmann va devoir faire un coup de maître pour moderniser un dessin qui est devenu tout aussi démodé que les solutions techniques qu'il dissimule. Tout en conservant la structure, les portes et le pare-brise, le carrossier allemand parvient pourtant à renouveler en profondeur l'aspect du roadster anglais. La mutation s'opère essentiellement au niveau des faces avant et arrière. Avec un capot, une calandre, quatre ailes et le coffre, il métamoprhose totalement la voiture pour la rendre plus élégante et plus moderne.
HABITACLE
En revanche, l'intérieur de la caisse reste identique aux TR5 / TR250 et donc aux TR4 et TR4A ! Le nouveau hard-top d'une seule pièce et largement vitré permet lui aussi de moderniser la TR6 et même de la transformer en petite GT bourgeoise pour concurrencer encore mieux les MGC et Austin Healey 3000. Avec ce nouveau style, la Triumph TR6 sera de loin la TR la plus vendue - entre 1968 et 1975 pour la version européenne, 1968 à 1976 pour la version "US" - soit un total de 94.619 exemplaires !
MOTEUR
Les TR sont dorénavant propulsées par un 6 cylindres en ligne tout à fait différent du 4 cylindres précédent. 74,7 mm d'alésage et 95 mm de course, soit 2498 cm3, et une injection d'essence indirecte Lucas, encore relativement peu courante à l'époque pour une puissance de 150 ch à 5500 tr/mn. Placé dans le châssis de la TR4, l'ensemble reste encore relativement léger et se maintient sous les 1100 kg à vide. Dans les faits, ce moteur transfigure le roadster qui passe dans la catégorie des "200 km/h" tout en gagnant énormément en agrément grâce à l'onctuosité et la sonorité suggestive du 6 en ligne anglais.
Côté transmission, on retrouve la boîte 4 maison avec ses qualités habituelles et la classique overdrive sur les 3 derniers rapports reste en option.
Les accélérations apparaissent proches de celles d’une Porsche 911 E : moins de 17 secondes au 400 mètres départ arrêté et moins de 31 secondes au 1000 m. Les 100 km/h sont atteints en un peu moins de 9 secondes. Les performances générales sont donc nettement améliorées, même si c'est au détriment de la consommation d'essence.
LES CARBUS SAUVEURS...
Le marché nord-américain est essentiel à la bonne marche des affaires de Triumph. La TR250 disparaît en tant que modèle séparé pour devenir simplement la TR6, mais toujours sans l’injection d’essence, en raison des mesures anti-pollution. Comme pour la TR250, la solution bon marché consiste à monter des carburateurs Stromberg 175CDSE sur le 6 cylindres. Ainsi il ne donne plus que 104 ch, soit la même puissance que le bon vieux 4 cylindres de la TR4A. Le châssis et les suspensions sont les mêmes que sur la TR6 européenne, avec les roues arrières indépendantes. Extérieurement, quelques changements spécifiques à la version US sont apparus à partir de 1973, avec tout d'abord l'ajout d'horribles butoirs de pare-chocs à absorption en 1973 puis une mutation plus profonde de l'avant pour les deux derniers millésimes obligeant à déplacer les clignotants sous le pare-chocs, lui-même réhaussé.
SUR LA ROUTE
Le châssis de la Triumph TR6 est identique à celui des TR4A à quelques détails près et repose toujours sur une base qui date des années 50. Tout d'abord, on note une petite modification de la structure pour recevoir le moteur plus long et une barre anti-roulis de série à l'avant. Le pont arrière est renforcé pour accepter la plus grande puissance. Les roues sont plus larges, à 5,5" et chaussées en 165 HR 15 au départ, puis en 185 HR 15. et un nouveau hard-top en une pièce. Pour les nostalgiques, les roues à 72 rayons et serrage central octogonal restent proposées en option (jusqu'en 1973). Certains leur préféreront sans doute les roues Rostyle des TR250, plus modernes et typiques de l'époque Leyland, remplacées en 1970 par les jantes en tôle à voile ajouré qui équipent le modèle présenté ici.
Sur la route, si la TR6 convainc facilement par son moteur mélodieux et réactif, la tenue de route apparaît de plus en plus dépassée par la concurence. En 1976, dernière année de production de la Triumph TR6, Volkswagen lâche une bombe qui va précipiter la fin des petits roadsters britanniques et bouleverser le petit monde des amateurs de voitures de sport populaires : la Golf 1 GTI.
EVOLUTION
A partir de 1970 l'entourage du pare-brise est peint en noir comme la face arrière sur toutes les TR6. Le dessin des jantes est modifié et un nouvel échappement est adopté en 1971. Développant 150 ch jusqu'au dernier trimestre 1972, le 6 cylindres de la Triumph TR6 européenne tombe à 125 ch (DIN et non SAE) en 1973. Triumph s'adapte ainsi comme il peut à la flambée du prix du pétrole qui bouleverse ce début des années 70. La version américaine gagne quant à elle 2 ch... mais perd en couple. Officiellement, le montage du nouvel arbre à cames, le volant moteur renforcé et le réglage d'injection revu sont pour améliorer sa douceur de fonctionnement. Accessoirement, cette baisse de puissance permet aussi de rendre la conduite sportive un peu plus sereine. L'étagement de la boîte de vitesses et l'overdrive sont également modifiés. La surmultiplication ne concerne plus que les 2 derniers rapports. Un spoiler fait son apparition sous le pare-choc avant. A l'intérieur, l'instrumentation des Triumph Dolomite et 2000 est désormais utilisée et des appuie-tête sont proposés en option (obligatoires aux USA). La production de la Triumph TR6 Pi est arrêtée en février 1975 tandis que la version US perdure jusqu'en juillet 1976. Sur le total de plus de 90.000 exemplaires produits, plus de 90% auront quitté le Royaume-uni.
ACHETER UNE TRIUMPH TR6
Acheter une Triumph TR6 est en soin une chose accessible au commun des mortels, et tant mieux. Pour 15 à 20.000 € on pourra ainsi goûter aux joies de la propulsion sur un cabriolet sympathique et motorisé par un agréable 6 cylindres. Tout a déjà été dit à propos de la robustesse des moteurs Triumph autant que leur simplicité de conception. Plus noble que le 4 cylindres des TR2/3/4, le 6 en ligne en conserve la rusticité et la facilité d'entretien : vidange tous les 5.000 km (en 15W50 semi-synthèse), contrôle des niveaux tous les 15.000 km. On ne s'inquiétera pas des diverses fuites d'huile, propres à toute anglaise qui se respecte dirons les mauvaises langues. La distribution par chaîne est un gage de fiabilité mais n'est toutefois pas immortelle. En cas de bruit anormal, il conviendra d'en vérifier la tension et au cas où, de la faire remplacer. Ayant causé bien des soucis sur la TR5, l'injection Lucas n'est pas non plus infaillible, loin s'en faut. Un contrôle des papillons est recommandé une fois tous les ans ou tous les 10.000 km. Et les spécialistes de cette technologie obsolète ne sont pas légion.
La plupart des TR6 ont en théorie reçu de nombreux soins depuis leur sortie d'usine et en conséquence, il n'est pas rare qu'elles aient été refaites presque à neuf jusqu'au bout des silent-blocs. Ces derniers conditionnent la qualité de la tenue de route, déjà critiquable en soi, mais relativement bonne pour l'époque. Le principal point de surveillance sera comme toujours la corrosion qui peut faire des ravages à tous les niveaux. Pas d'inquiétude à avoir en revanche côté pièces, comme pour pratiquement toutes les sportives anglaises, les refabrications et vendeurs spécialisés foisonnent un peu partout ! Attention toutefois à la qualité médiocre de certaines refabrications...
PRODUCTION
Triumph TR6 (1969-1976) : 91.850 exemplaires
dont US Specs : 76.410 exemplaires
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
TRIUMPH TR6
MOTEURType : 6 cylindres en ligne, 12 soupapes
Position : transversal AV
Alimentation : injection mécanique Lucas
Cylindrée (cm3) : 2498
Alésage x course (mm) : 74,7 x 95
Puissance maxi (ch SAE à tr/mn) : 150 à 5500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 222 à 3500
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle (4)
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques - tambours
Pneus Av-Ar : 185 SR 15
POIDS
Données constructeur DIN à vide (kg) : 1092
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 7,3
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 197
1 000 m DA : ND
0 à 100 km/h : 8"8
CONSOMMATION
Moyenne (L/100 Km) : 12,5
PRIX NEUF (1972) : 20.000 FF
COTE (2012) : 17.000 €
PUISSANCE FISCALE : 14 CV
CONCLUSION
Avec son style modernisé et son puissant 6 cylindres, la TR6 est l'aboutissement d'une longue lignée de roadster et marque la fin d'une époque. Remplacée par une TR7 totalement différente, elle conservera encore longtemps son statut de chouchoute auprès des fans, nombreux à travers la planète !
Carrure virile
Moteur sonore !
Performances intéressantes
Comportement amélioré
Cote encore raisonnable
Prix et disponibilité des pièces
Injection parfois capricieuse
Corrosion
Consommation
Conduite sportive plus délicate
Version à carbus peu performante
Merci à Alexandre pour les photos de la TR6 présentée ici et aux membres du Triumph Club de France pour leur aide.