BMW X5 4.8is (2004 - 2006)
Evolution contre nature
Croisement génétique issu de l'union improbable entre un tout-terrain et une voiture de sport, le SUV sportif est devenu incontournable en moins d'une décennie. Quand les 4x4 décident de s'aventurer sur circuit, cela donne le BMW X5 4.8is...
Texte & Photos : Sébastien DUPUIS
Au milieu des années 90, Mercedes-Benz qui cherche à remplacer son mythique tout-terrain Classe G élargit finalement son catalogue d'une offre complémentaire avec le ML. Pour ce concurrent du mythique Range Rover, le succès est sans précédent et il va ouvrir les portes d'un nouveau marché bien au-delà des clients traditionnels du bon vieux 4x4. Porté par le marché américain, le SUV va même devenir en l'espace de 20 ans la nouvelel coqueluche des automobilistes du monde entier, et une véritable poule aux oeufs d'or pour les constructeurs. Tant et si bien qu'aujourd'hui, de Porsche à Dacia en passant par Maserati ou Lamborghini, rares sont les marques à faire l'impasse sur cette nouvelle mode de transport...
BMW X5 LE MANS
Aucun SUV n'est encore allé aussi loin dans la démesure que le BMW X5 Le Mans. Ce prototype unique construit par BMW à la fin de l'année 1999 célébrait la victoire de la marque aux 24 Heures du Mans quelques mois auparavant. Le constructeur allemand avait alors installé dans le X5 le puissant V12 S70 de la barquette LMR développant quelques 700 chevaux ! Le coup de pub sera complété quelques semaines plus tard par un chrono respectable de 7 minutes et 49 secondes sur la boucle nord du Nürburgring...
PRESENTATION
Chez BMW, le SUV - ou plutôt SAV, la marque à l'hélice préfèrant le mot Activity à Utility...) - est incarné depuis toujours par le X5. Véritable révolution dans le catalogue munichois, il s'agit en effet du premier tout-terrain badgé de l'hélice. Du Range Rover au BMW X5, la transition est toute trouvée puisque suite au rachat de MG Rover Group en 1994, BMW se retrouve également propriétaire de MINI et Land Rover. Présenté en 1994, le Range Rover P38 est le concurrent direct du Mercedes ML mais la réplique bavaroise va rapidement se mettre en place. Profitant du savoir-faire de la marque anglaise, mais aussi de sa propre technologie quatre roues motrices, BMW lance son modèle X5 (E53) seulement 3 ans après le ML. Conçu sur une plateforme modifiée de série 5 E39, le X5 est construit sur le sol américain, dans l'usine de Spartanburg qui a vu naître le Z3, au plus près de sa principale clientèle.
Les choses auraient pu s'arrêter là et nous n'aurions jamais parlé de SUV si AMG n'était venu mettre le ver dans le fruit. En créant le ML 55 AMG, Mercedes jette un énorme pavé dans la mare en 1999. Du luxe, les SUV mettent aussi désormais un pied sur le terrain du sport et de la performance. La riposte de BMW arrive en 2001 avec une nouvelle version 4.6iS disposant d'un puissant V8 de 347 ch. Si la marque se refuse (à juste titre, cf. chapitre MOTEUR) à poser le blason BMW M sur son gros 4x4 de luxe, l'idée est bien de tenir tête à AMG...
Produit à partir de septembre 2003, le X5 4.8is lui succède. Esthétiquement, il s'en distingue principalement par le fait qu'il profite du restylage du X5 (Life Cycle Impulse selon la terminologie BMW) et non la "phase 1". Ce restylage reste assez discret et concerne surtout les feux avant et arrière. Comme pour la série 3 E46, ils s'alignent sur le nouveau style de la série 7 E65. Plus effilés, les phares avant reçoivent un cerclage lumineux pour les feux de position. La fonction Adaptive Headlights (avec les xenon HID) vient s'y ajouter également. Pour accompagner ces nouveaux phares, la grille de calandre est aussi sensiblement agrandie et dotée de lamelles en relief. Sur le nouveau "is" les appendices spécifiques (élargisseurs d'ailes, marche-pieds et boucliers) restent de mise, ainsi que les impressionnantes jantes de 20 pouces (chaussées en 315/35 à l'arrière !) et les deux larges sorties d'échappement oblongues. En option, les teintes bleu Le Mans et rouge Imola sont exclusives au 4.8is tandis que la finition Shadowline (chromes noirs) est de série.
HABITACLE
A l'intérieur, le BMW X5 4.8is offre également de nouveaux atouts : les sièges sport de série ou les sièges confort en option pouvaient être choisis en couleur noire ou Beige exclusive. Egalement disponible uniquement pour le modèle 8 cylindres haute performance, une sellerie en deux couleurs Alcantara et Cuir Nappa pour les sièges sport était au choix des options. Les compteurs à fond gris sont spécifiques, semblables à ceux de la M5 E39 à la différence qu'ils ne portent évidemment pas le logo M, l'économètre étant remplacé par la température d'huile.. Un large éventail d'autres équipements disponibles, notamment un grand toit vitré panoramique, une fonction de fermeture souple pour la section supérieure du coffre (série) ou des phares adaptatifs permettaient de transformer ce salon roulant surélevé en véritable routière de luxe.
Globalement, l'ergonomie du E53 reste celle de la série 5 E39 et on n'est nullement dépaysé, si ce n'est le changement de point de vue sur la route. En revanche, la finition accuse un peu plus les économies d'échelle, probablement car ce critère était moins prédominant sur le marché américain. Cela dit, même si les plastiques durs sont plus nombreux, l'ensemble veillit bien et on reste surpris par le nombre d'options de raffinement qui pouvaient venir égayer le quotidien à bord de ce X5 très spécial...
MOTEUR
Bien sûr, après la présentation du concept-car X5 Le Mans en 1999, beaucoup attendaient déjà un X5M... qui n'arrivera que beaucoup plus tard. Si le X5 4.6iS ne portait pas le blason M, c'est donc bien parce que son moteur ne devait rien au département sportif de la marque. En effet, il ne partage avec le S62 de la M5 E39 (et du Z8) que le bloc du V8 M62. Pour le reste, le V8 M62TUB46 du X5 était principalement l'oeuvre d'Alpina pour sa B10 V8.
Alors qu'on a souvent pu lire dans la presse que le 4.8L était simplement dérivé du 4.6L, il convient de dire qu'il s'agit pourtant d'un tout autre V8. Conçu cette fois intégralement par BMW, le N62 a été introduit dans la 750i. Et il ne doit rien non plus au département M. Par rapport au précédent moteur, il se démarque par son admission très sophistiquée, ajoutant au calage variable continu des arbres à cames (Double VANOS) déjà présent, la levée variable des soupapes (Valvetronic).
Le bénéfice en matière de puissance et de couple peut paraître modeste, le X5 ne gagnant que 13 ch et 20 Nm. Mais le V8 N62 consomme moins, ce qui n'est pas un mal, et se montre encore plus souple et élastique à l'usage. Avec un pic de couple à mi-régime, sa plage de prédilection se situe entre 2000 et 4500 où les relances se montre surprenantes vu la masse à déplacer.
Ce que les chiffres ne traduisent pas non plus, c'est la sonorité vraiment très plaisante de ce V8. Sonnant gras comme un gros cube made in USA, il est aussi capable de faire rugir ses 32 soupapes à près de 7000 tr/mn. Certes, ce n'est pas le V8 de la M5, mais il est aussi beaucoup plus raisonnable en matière d'entretien...
A l'image du moteur, la boîte de vitesses automatique se montre également très plaisante. Même si le mode séquentiel permet de faire gronder la mécanique à l'envie, elle s'apprécie surtout en mdoe automatique avec une gestion plutôt intelligente et qui s'adapte à la conduite. Le mode Sport ajoute une pointe d'agressivité sur les temps de passage et l'exploitation des hauts régimes.
La consommation évidemment, c'est le principal problème lorsqu'on dispose d'un moteur génreux dans une voiture lourde. Alors évidemment pas de miracle de ce côté là, mais une moyenne de 13-14 L/100 km est envisageable en n'ayant pas le pied trop lourd...
SUR LA ROUTE
Le poids, voilà l'ennemi commun de la consommation et du comportement routier. Surtout lorsqu'on a un centre de gravité surelélevé, à l'encontre de tous les principes fondamentaux de performance. C'est donc un sacré défi que les ingénieurs de BMW ont dû résoudre et les solutions retenues sont radicales. Rabaissser le châssis du X5 de 15 mm n'était certainement pas suffisant et il fallut trouver d'autres solutions techniques. La première a été de raidir la suspension, laquelle devient tout de même réellement ferme. Mais concilier le confort attendu d'un 4x4 au dynamisme d'une voiture de sport, c'est un peu demander le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la cremière. En matière de confort, le X5 4.8is se rapproche donc beaucoup plus d'une M3 que d'une 540i !
La tenue de route en revanche, pour un véhicule de ce gabarit, est assez bluffante. Avec un contrôle d'assiette géré par un système pneumatique supervisé par électronique et de grosses barres anti-roulis, la crainte de se retourner au premier virage disparaît très vite. Ajoutant que grâce à ce correcteur d'assiette, le X5 peut aussi baisser sa hauteur de caisse de 20 mm sur route ou bien la surélever de 40 mm en cas de franchissement.
Même, bonne surprise au freinage où on constate qu'en sautant debout sur les freins, le X5 ne se démonte pas. Malgré les plus de deux tonnes en marche, il ne plonge que très peu et affiche des distances d'arrêt dignes d'une authentique sportive. Ventousé au sol par ses enveloppes monumentales, la motricité est également difficile à prendre en défaut, même sur un sol un peu humide. Certes, on est loin de l'agilité d'une GTI mais face à des berlines sportives, de plus en plus lourdes elles aussi, ce gros 4x4 ne démérite pas franchement !
L'ESP (DSC 8Plus) veille de toute façon au grain dans le cas où la transmission intégrale viendrait à être débordée. Sur le X5 restylé, BMW a en effet profondément revu son système quatre roues motrices. Premier modèle à disposer du xDrive, le X5 E53 restylé conserve par défaut une répartition du couple majoritairement sur l'arrière (60%). Mais contrairement à l'ancien système mécanique, le xDrive peut aussi varier la puissance aux essieux avant ou arrière jusqu'à 100% en quelques en millisecondes par le biais d'un différentiel multidisques intégré à la boîte de transfert et piloté électroniquement. Dans le cas où le xDrive ne peut plus à lui seul maintenir le cap du véhicule, le DSC intervient de façon ciblée en réduisant la puissance du moteur ou en freinant les roues de façon ciblée. Le xDrive a aussi pour effet de minimiser la tendance au sous virage ou au survirage grâce à une répartition optimale de la force motrice entre l'essieu arrière et l'essieu avant, rendant la conduite dynamique aussi sûre qu'efficace. Certes, tout ceci est contre nature et contraire aux loi de la physique, mais ça marche et on prend même du plaisir au volant !
ACHETER UNE BMW X5 4.8is
Produit durant un peu moins de 4 ans, de juillet 2003 à mars 2007, le X5 4.8is est une BMW relativement rare sur nos routes, le gros des ventes ayant été fait aux USA bien évidemment, ou en Allemagne et aux Pays-Bas pour le marché européen. C'est donc à l'étranger que se trouve le principal gisement à disposition, avec des véhicules souvent bardés d'options et un choix de couleur qui s'écarte un peu du noir ou du gris. Comptez environ 20.000 € pour un bel exemplaire affichant un peu plus de 100.000 km. Mais si le volant à droite ne vous dérange pas, sachez que le marché anglais offre de belles opportunités sur ces gros SUV V8 à des tarifs souvent bradés ! Mais la revente sera des plus difficiles...
Comme pour tout haut de gamme, l'entretien de ce mastodonte a généralement été suivi rigoureusement par le premier acheteur dans le réseau. Le deuxième arrivant souvent après la garantie, on perd ensuite rapidement le fil des historiques à mesure que le nombre de propriétaires et de pannes s'accumule. Car en dépit d'une réputation de robustesse assez largement partagée, le X5 reste une voiture plus coûteuse en entretien qu'une série 5 équivalente. En dehors des consommables, ce sont surtout les éventuelles pannes annexes qui pourront assommer un acheteur qui n'a pas de bonnes réserves de budget. Le V8 N62B48 est fiable en lui-même mais ses périphériques comme les catalyseurs peuvent arriver en fin de vie après 10 ans de service. Bien que BMW ne préconise pas de vidange de la boîte automatique (huile à vie !), il est très largement recommandé de le faire malgré tout vers 100.000 km avec le pont. La suspension pneumatique et son correcteur d'assiette est aussi sujette à des avaries sur tous les X5 E53 qui en sont équipés. C'est un problème connu, non spécifique au 4.8is, qui peut vous coûter plus de 2000 €...
BMW X5 4.6is "CARBONE"
Parmi les prototypes secrets sur lesquels BMW a récemment levé le voile, l'un des modèles les plus étonnants se cache sous l'allure singulière d'un X5 première génération. Mais en y regardant de plus près, on découvre que sa structure est réalisée massivement en fibre de carbone (CFRP), matériau 50% plus léger que l'acier. De même, plusieurs panneaux de carrosserie sont à base de CFRP. Testé sur plus de 40.000 km, ce prototype n'avait pourtant jamais été démasqué par la presse. Officiellement, le poids était réduit de quelques 200 kg, mais le surcoût engendré n'était sans doute pas réaliste pour une production en grande série...
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
BMW X5 4.8is
MOTEURType : 8 cylindres en V à 90°, 32 soupapes
Position : longitudinal AV
Alimentation : Gestion Bosch Motronic ME 9.2.1, Injection indirecte, calage variable continu des arbres à cames (double Vanos) + levée variable des soupapes (Valvetronic)
Cylindrée (cm3) : 4799
Alésage x course (mm) : 93 x 88,3
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 360 à 6200
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 500 à 3500
TRANSMISSION
4x4 + ESP
Boîte de vitesses (rapports) : automatique (6)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés (356) - disques ventilés (324) + ABS
Pneus Av-Ar : 275/40 - 315/35 R 20
POIDS
Donnée constructeur (kg) : 2200
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 6,0
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 246
1000 m DA : 27"6
0 - 100 km/h : 6"1
CONSOMMATION
Moyenne cycle mixte (L/100 km) : 13.5
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 16
Co2 (g/km) : 324
PRIX NEUF (2005) : 87.250 €
COTE (2017) : 20.000 €
PUISSANCE FISCALE : 28 CV
CONCLUSION
:-) American way of life V8 réussi Sonorité Equipement souvent très fourni Comportement surprenant ! |
:-( Consommation Poids Suspension assez ferme Capacités de franchissement limitées par les pneus... |
Drôle d'engin que ce X5 4.8is. A première vue, rien ne plaide en faveur de cette ode à l'inefficacité énergétique. Une ligne de parpaing, un poids d'enclume, on aurait pu craindre que son seul attrait se limite aux vocalises du V8. Mais cette première étape au SUV sportif de BMW, avant son adoption par le département M, surprend malgré tout par son homogénéité et ses performances. Taillé à la démesure américaine, il affiche un charisme auquel les amateurs de familiales pas comme les autres pourront succomber...