16 SOUPAPES !
Peut être de nos jours LA voiture symbole du troisième âge, la Citroën BX avance dans le temps et l'histoire avec cet énorme boulet solidement attaché a ses roues. Pourtant, cette réputation prévalait déjà durant sa carrière commerciale, ce qui permis peut être paradoxalement à l'apparition de quelques versions sportives, totalement oubliées et surannées désormais...
Texte :
Jérôme MATTEUDI
Photos : BERENGUIER/CHASSAING/CUVELIER/LEGROS/B. ASSET.
On se souvient encore du loupé que fût la Citroën BX 4TC, une auto de rallye construite de "bric et de broc" qui ne réussit qu'à de rares occasions à montrer son postérieur aux voitures adverses. Quant aux versions de routes, le temps nous a fait oublier à tous que la BX savais fonctionner avec un autre bloc que le sempiternel 1.7d et que la gamme compta entre la GT, la Sport, la GTI, et bien sûr cette fameuse "16 Soupapes" qui nous réunit ici mes bien chers frères, pas moins de 4 tentatives d'incursion dans le monde de la berline sportive ! Plus de 20 ans après l'apparition de cette dernière variante, et alors qu'on cherche encore désespérément une trace de sportivité dans la gamme familiale de Citroën, il est temps à nouveau d'attendre quelques secondes pour que la suspension arrive à son assiette normale et de reprendre la route avec cette berline qui cachait bien son jeu. En 1986, Citroën pris alors le parti de récupérer le mythique 1.9 de la 205 GTI, dégonflé à 125 ch, et de l'adopter dans la berline renommée GTI elle aussi pour l'occasion. Comme la Sport, la BX GTI reçoit un certain succès (moindre il est vrai), mais le soufflet retombe rapidement. En 1987, la décision est donc prise de jouer une dernière carte avec l'adoption du tout nouveau bloc 16 Soupapes de PSA fort de 160cv, que l'on connaîtra sur la 406 MI16 ou encore la 309 GTI 16. "16S", un logo qui fait alors rêver en 1987, symbole de puissance, de technicité et garant de sportivité. Sur une BX, l'affaire a de quoi attirer l'attention...
DESIGN
De l'extérieur, une BX 16S ressemble... à une BX, et en soit à rien d'autre ! La ligne anguleuse très largement démodée aujourd'hui est directement dérivée du projet Tundra signé Bertone en 1979 pour Volvo. En héritage, elle possède tous les codes stylistiques de la fin des années 70 , avec ses petits antibrouillards, la face avant tirée au cordeau, les petites roues de 14 pouces et l'aileron indispensable de l'époque !
A BORD DE LA 16 SOUPAPES
En entrant à l'intérieur, on plonge immédiatement dans le génome Citroën, car aussi raillée soit-elle, la BX est une vraie Citroën et s'exprime à tous nos sens comme une Citroën. A commencer par son odeur qui a rendu malade tant de gamins que nous étions, cette odeur que l'on a rencontré jusqu'à l'ère des Xantia et qui les yeux bandés ne pouvait tromper sur la marque de l'auto dans laquelle nous étions. Ensuite on s'assoit dans les sièges 100% pure "french touch", à savoir délicieusement moelleux et confortables, souvent soulignés d'un grincement bien de chez nous, et à l'usage ce satané velours qui prenait la poussière et venait absorber à l'excès la transpiration émise lors des grandes épopées de l'été venu. La planche de bord ensuite, avec un bel effort de "moussage" mais qui ne fait pas oublier bon nombre d'imperfections d'ergonomie et de finition : un volant extrêmement incliné vers l'avant, d'un diamètre énorme (mais attention hein, la 16 Soupapes avait droit au volant 3 branches !) des commandes éparpillées de partout, une instrumentation complète (tout y était, température d'eau, d'huile, pression d'huile, tout !) mais parfois illisible, l'ultra célèbre tirette pour faire varier la hauteur de suspension, une qualité de plastiques et d'ajustements très douteuse par endroits ou encore l'indication des portes mal fermées juste au niveau du levier de viteses qui fera se pâmer l'amoureux de K2000. Bref "16S" peut être, mais Citroën (des années 80) avant tout. Et encore, nous sommes toujours à l'arrêt !
MOTEUR
Le moteur 16 soupapes signé Peugeot, et donc morceau de choix de la voiture, marque une belle époque pour PSA en temps que motoriste car ce bloc, le XU9J4, était alors l'un des tous meilleurs de sa génération. On dit de lui, par simplification, qu'il est né de l'union d'un bloc de 205 GTI 1.9 et d'une culasse de 205 T16. C'est en bonne partie vrai, mais pas aussi simple que cela. Ce moteur là, inauguré par la BX comme premier "16 soupapes" installé sur une voiture française de série, se distingue aussi par l'adoption de la gestion électronique Bosch Motronic qui commandait à la fois l'alimentation et l'allumage, la conception d'embase du filtre à huile recevant du liquide de refroidissement afin de se dispenser de radiateur d'huile, des poussoirs hydrauliques, un couvre culasse en magnésium... ; Une culasse justement sophistiquée dotée de soupapes dites "en toit", d'un diamètre d'admission de 33,6mm et d'échappement de 28,5mm, et un conduit unique pour chaque soupapes jusqu'à la sortie de la culasse. Quant au bas moteur, il reçoit une pompe à huile au tarage augmenté de 30% destinée en plus à arroser les pistons par le bas pour les refroidir. L'embiellage est entièrement revu par rapport au 1900 8S, et les pistons reçoivent des nervures de rigification. Pour les amateurs de détails, sachez que ce bloc était construit à Trémery en Lorraine ! Au banc, ce sont 160 ch DIN qui répondent présents, à 6500 tr/mn pour un couple de 18,4 Mkg à 5000 tr/mn. Au niveau de sa puissance spécifique (84 ch/L), le 1.9 16s PSA devançait donc la star VW Golf II GTI 16s et même la coûteuse Mercedes 190E 2.3-16. En fait, seule la BMW M3 e30 faisait un peu mieux qu'elle avec ses 84,6 ch/L. Excusez du peu, mais rivaliser avec un motoriste comme BMW, ça n'était pas rien !
CHASSIS
Pour accoucher de cette version, Citroën n'a pas cherché a révolutionner son modèle mais plutôt a le faire gentiment évoluer pour accepter le surcroît de performances. Le postulat de départ était d'adapter tel quel le bloc et la boite de vitesse de la 405 MI16, et d'adapter au mieux la sacro sainte suspension oléopneumatique à un usage sportif. Cela avait été fait pour la Sport notamment, mais la recherche était désormais d'y apporter une plus grande rigueur et stabilité, et pour cela Citroën utilisa la solution somme toute facile de diminuer la pression dans les sphères de suspension, passant de 55 à 45 bars à l'avant (+18% de raideur )et de 40 a 30bars à l'arrière (+25% de raideur), ce qui concrètement permet à la fois d'abaisser la voiture et d'augmenter la raideur de suspension, plutôt que d'avoir à réellement la repenser. Seulement un peu à la manière d'un amortisseur classique devant opérer sur une voiture surbaissée, les gaz deviennent parfois insuffisant pour amortir pleinement la caisse, mais nous verrons cet aspect plus tard. Pour le reste les recettes restent connues, la direction très directe est reprise de la GTI et permet d'aller de butée en butée en seulement 3 tours, quant aux freins on les retrouve sur la 405 pour les avant (qui rappelons-le accueillent aussi le frein a main !!) avec du sympathique 247 mm et des étriers simples pistons, et à l'arrière de plus originaux 224 mm pincés par des étriers doubles pistons, le tout assisté par un ABS Teves, à priori le même que celui que l'on peut rencontrer et donc un peu critiqué sur les Renault R21 Turbo par exemple.
SUR LA ROUTE
Les résultats de cette belle technique accouplés au poids réduit de la BX qui dépasse à peine la tonne (1070 kg à vide) donnent des chiffres flatteurs, puisque les 160 ch emmènent cette berline sous la barre des 29s aux 1000 mètres et les 400m sont abattus en 15s7. Pour faire court, certains jeunes bellâtres en 205 Gti aujourd'hui quadragénaires doivent porter en eux les stigmates d'un dépassement en bonne et due forme par une "voiture de vieux"... Rageur à souhait, le 1905 cm3 se paye en plus le luxe d'être un des premier à éviter l'écueil commun de nombre de mécaniques multisoupapes d'alors, à savoir une difficulté à évoluer bas dans les tours et mal reprendre à moyen régime. S'il conserve la part belle aux hauts régimes et ce jusqu'à 7200 tours, le bloc PSA sait se faire vaillant aux régimes intermédiaire, gage d'efficacité, et vu qu'il est associé à une boite relativement courte (la 3ème ne tire que 137km/h, la 4eme 181 et la vitesse maxi théorique est à 232.9 km/h) l'agrément d'utilisation est assez loin de l'image pépère de l'engin, et vu que l'ensemble est léger et pas forcément très insonorisé ou isolé, les sensations sont rapidement là. Sur le plan routier cette voiture souffle le froid comme le chaud. Routière talentueuse et équilibrée, elle doit faire avec les spécificés de sa suspension face aux amortissements classiques très élaborés de la concurrence des 405 Mi16 ou R21 Turbo. En effet la pression diminuée des sphères de suspension hydro-pneumatique entraîne malgrè la sècheresse la suspension, un cognement en butée des amortisseurs sur les appuis et ce faisant, la caisse n'est plus amortie. De plus au volant le ressenti est quasi nul si bien que l'on perd lorsque les conditions se dégradent d'un coup les informations sur la voiture. Assez gênant, ce phénomène rentre ensuite en ordre et permet de découvrir ensuite les belles capacités routières de la bête, qui sans arriver au niveau de sa cousine 405 fait preuve d'un bel équilibre et surtout arrive à se départir de la tendance avouée des BX à se vautrer dans un souvirage excessif quand le virage se fait trop fermé. Excellente freineuse, la BX peut adopter des rythmes de croisière élevés et tirer le plein parti de sa mécanique. Il sera toutefois nécessaire de garder à l'esprit que la voiture que vous menez à la cravache est une Citroën, exit par conséquent les freins à main, et d'ailleurs les freins demandent un toucher très particulier avec une attaque extrêmement franche et un focntionenment ON/OFF qui demandera de l'habitude.
EVOLUTION
Au millésime 1990, la BX s'offre un profond lifting, visant à rafraichir son look encore très teinté années 80. A cette occasion, la 16s abandonne les lettres GTI. La "BX 16 soupapes" restylée est commercialisée en série limitée (300 exemplaires), puis en septembre 89, le modèle est intégré au catalogue de la gamme BX. Outre quelques aménagements esthétiques très tendance tuning (boucliers plus enveloppants, feux arrière noir et rouge, jantes peintes, nouvel aileron de coffre et aérateurs de custodes carénés), la 16 Soupapes de Citroën adopte de nouvelles suspensions, plus confortales, avec des articulations de triangles inférieurs modifiées (montage sur roulement abandonné au profit de silent-blocs), une barre anti-roulis arrière plus épaisse (21 mm contre 19) et le pneumatique Michelin MXV2 en remplacement du MXV. Rien de "révolutionnaire" puisque la mécanique reste rigoureusement la même, mais le comportement se montre moins sous-vireur, avec un arrière plus mobile en conduite sportive. La passage à la catalysation en 1992 fait tomber la puissance à 150 ch (et même moins d'après certaines mesures au banc) tandis que les ventes s'effondrent définitivement.
ACHETER UNE CITROEN BX GTI 16 Soupapes
N'ayant pas connu un succès phénoménal sur le plan commercial, la BX 16 soupapes reste pourtant assez présente dans les annonces en occasion en France car bien évidemment les 15440 exemplaires vendus l'ont principalement été par chez nous. Et si la plupart des 405 Mi16 ont été usées jusqu'à la corde et qu'il devient une gageure d'en dégoter un exemplaire sain, les BX GTI 16 soupapes ont été nettement plus soignées par leurs propriétaires et l'on peut encore trouver de beaux exemplaires pas encore trop kilométrés. Fiable et solide sur la partie mécanique, l'achat d'une BX devra faire l'objet d'une attention toute particulière à la suspension, avec une auto qui devra se lever rapidement au démarrage et qui en roulant ne devra pas être tantôt exagérément ferme, tantôt adopter un comportement de bateau, signe de sphères usées. Attention aussi à la partie habitacle, il serait étonnant que toutes les fonctions soient en état de marche. Heureusement une BX reste une auto assez simple à faire réparer ! Les cours restent étonnement élevés puisque là où les 405 se donnent parfois, un très bel exemplaire de BX 16 Soupapes se monnaiera facilement 3000€ tandis qu'un exemplaire moins frais vous coûtera 1500€. Sur ces derniers, vérifiez bien l'origine du moteur et assurez vous qu'elle n'a pas servi de donneuse d'organe, pour une 205 GTI par exemple !
PRODUCTION BX GTI 16 Soupapes
1987 : 2724 exemplaires
1988 : 4703 exemplaires
1989 : 4469 exemplaires
1990 : 1914 exemplaires
1991 : 1231 exemplaires
1992 : 380 exemplaires
1993 : 15 exemplaires
1994 : 4 exemplaires
TOTAL BX "GTi 16 soupapes" (phase 1) : 7427 exemplaires
TOTAL BX "16 soupapes" (phase 2) : 8013 exemplaires (dont 3544 catalysées)
:: CONCLUSION
Cachant bien son jeu, cette BX réserve bien des surprises. A commencer par son cocktail purement Citröen qui comme sa ligne fera que l'on peut autant adorer que détester. Elle garde aujourd'hui le mérite d'être différente et d'appartenir a cette époque où le double chevron demandait un certain mode d'emploi, une de ces autos qui a fédéré la caste des Citroenistes autour de leur modèle. Et les plus pressés de ces Citroënistes ont eu une machine a même de les transporter loin et vite. Elle n'aura jamais atteint le niveau routier de sa cousine 405 dans le très sinueux, mais celui qui ne souhaite pas forcément avaler de l'épingle a tout va et qui désire rouler dans une ancienne un peu différente et étonner le badaud qui découvrira qu'une BX peut filer bien plus vite que sa 307 HDI. Drôle de caisse a papy décidément...
L'Automobile Sportive tient à remercier très chaleureusement Anne-Marie MICHEL de Citroën Communication et ses collaborateurs pour la précieuse recherche documentaire qui nous a permis d'illustrer ce dossier. |