© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (12/05/2012)
LA SPORTIVE DES QUADRAS
La Renault 21 Turbo est sans doute la Renault à
moteur turbocompressé la plus aboutie des années 80 et 90. Aboutie car elle associe à la fiabilité
de sa mécanique, des performances, une tenue de route et un agrément général de
haut niveau. Disponible plus tard en version à 4 roues motrices, cette authentique
berline sportive à la française conserve tout son intérêt, année après année...
Texte : Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Pour autant qu'elle disposait d'une version puissante avec la R18 Turbo, la régie ne pouvait prétendre rivaliser avec les meilleures berlines rapides qui fleurissaient un peu partout chez les constructeurs. La Renault 21 remplace la 18 en mars 1986 sur le segment M2 (gamme moyenne-haute) du marché européen et dès la genèse du projet, une version hautes performances est mise à l'étude pour séduire les pères de famille qui ont dû quitter la R5 Alpine turbo de leur jeunesse ainsi que les cadres supérieurs à la recherche d'un modèle plus valorisant que la R18. Concurencer
les références allemandes de l'époque que sont la Mercedes
190 E 2.3-16 ou la BMW M3 e30, tel est le défi lancé par les reponsables de Renault pour la version la plus performante de la Renault 21 ! On se souvient à ce titre d'une publicité visant clairement nos voisins d'outre-Rhin mettant en action une 21 turbo qui narguait l'hélicoptère de la Polizei sur l'autobahn ! Une autre époque assurément...
PRESENTATION
Juin 1987 marque la présentation officielle du modèle-phare de la gamme : la Renault 21 2 litres Turbo. Elle devient d'emblée la familiale sportive française la plus
performante et jouit d'un très bon accueil en France,
comme à l'étranger. Le look, assez fade, de la berline de base à été revu afin de coller à la personnalité plus agressive de la version suralimentée. La R21 turbo phase 1, commercialisée de 1987 à 1989 est reconnaissable à son arrière avec aileron englobant les bords de la malle, sa planche de bord, ses écopes de frein de taille réduite, le sigle « Turbo » près des custodes arrières, et ses 5 couleurs vernies: Rouge, Blanc, Noir, Gris tungstène et Gris clair. Les kits carrosserie ont encore le vent en poupe et rien n'est oublié sur la 21 : spoiler avant et arrière, face avant spécifique, jupes latérales, aileron de coffre, jantes alliage de 15 pouces en série. A noter que la version 2 litres Turbo
est la seule qui ne sera pas proposée en break ni en 5 portes.
RECORD DE VITESSE SUR GLACE
Sous l'impulsion du pilote Jean Pierre Malcher, une équipe et 2 autos sont envoyés en 1988 sur un lac gelé Suedois, le lac Hornavan près du petit village de Arjeplog, pour établir un nouveau record de vitesse sur glace. Cette R21 Turbo spécialement préparée pour l'occasion, en partenariat avec Michelin, n'a pas subie que des modifications aérodynamiques (absence de rétroviseur droit et des écopes de frein, assiette rabaissée, font plat, etc...) puisque la pression de turbo augmentée permet de passer la puissance du moteur à 250 ch. L'objectif de rester au plus proche d'un véhicule de série pour renforcer l'impact médiatique est atteint. Le 4 fevrier 1988, l'une des deux R21 2.0 Litres turbo préparées établit un nouveau record de vitesse sur glace à 246,926 km/h avec des pneus neige "contact" et 250,610 km/h avec des pneus cloutés.
A BORD DE LA R21 2.0 TURBO
A l'intérieur, les sièges baquets en velours maintiennent bien le corps et offrent un confort douillet.
La position de conduite, sans être parfaite, est assez agréable et
l'équipement de cette version est plutôt complet. Malheureusement, la finition n'est pas vraiment au niveau de ses rivales allemandes et malgré une fiabilité de bon niveau dès le lancement, Renault opère un restylage dès juin 1989.
MOTEUR
Pour détrôner la référence française du moment, la Peugeot 405 MI16, Renault exploite
une nouvelle fois sa maîtrise du moteur Turbo. Mais faute de moyens suffisants, les ingénieurs Renault ont été contraints à développer deux architectures sur la 21 : l'une à moteur transversal pour les petites versions (moteurs type F), l'autre à moteur longitudinal, pour les moteurs de type J, dont fait partie la version turbo. Pour surclasser le brio du multisoupapes
sochalien à haut régime et surtout son manque de coffre à bas régime, les ingénieurs
de Renault sont en effet partis du 2 litres de la famille J, bien connu dans la maison. Au menu, par rapport à la R21 TXE, de nouvelles bielles et pistons, des coussinets renforcés, un
carter d'huile cloisonné et une pompe à huile à débit majoré avec une autre poulie et on a prévu un graissage des fonds de pistons. Les
chambres hémisphériques sont conservées mais les soupapes d'échappement sont refroidies au sodium et
le turbo, isolé par un écran thermique comme le collecteur d'échappement, a un palier refroidi par eau.
Les motoristes auraient sans doute
pu tirer d'avantage de ce bloc J7R dopé par la turbine Garrett T3, mais pour des raisons stratégiques (face à la R25 V6 turbo), de souplesse et de fiabilité,
la valeur retenue est de 175 ch à 5200 tr/mn. Le couple copieux (27 Mkg à 3000 tr/mn) déboule
avec une vivacité certaine, faisant du 2 litres français un moteur turbo résolument vigoureux. Cette disponibilité n'oblige pas
à trop utiliser la boîte de vitesse, dure de maniement (le billage est plus dur sur la 3 et la 4 pour des verouillages plus francs) mais précise.
Pour la conso, selon le type de conduite adopté, la mécanique peut se montrer
très diversement gourmande. En usage courant comptez un raisonnable 9 L/100 km.
En allumant plus sérieusement, on se rapproche facilement du double... Particulièrement silencieux,
le fougueux moteur 2 litres contribue directement à l'excellent agrément général.
La suspension, raffermie pour la bonne cause, n'en est pas pour autant
"tape-cul" et fait preuve d'un excellent compromis entre sport et confort.
Tailler la route à bord de cette automobile reste un réel plaisir.
SUR
LA ROUTE
Sa
suspension, abaissée de 32 mm et raffermie, autant que son moteur disponible octroient
à la 21 2L turbo un niveau de sécurité très élevé. Ce n'est donc pas complètement par hasard si pendant longtemps, la gendarmerie française l'utilisa comme véhicule d'interception rapide sur autoroute. Familiale spacieuse et confortable, elle
sait soigner le confort de ses occupants autant que ses performances. Autant dire tout de suite que grâce à sa mécanique coupleuse,
la R21 Turbo possède une belle santé qui met toutefois à mal la motricité. Il suffit de la solliciter un peu
énergiquement pour faire parler la poudre ! Pour la moitié du prix de ses rivales germaniques, la 21 turbo vous offre un 0 à 100 km/h en moins
de 8 secondes et le 1000 m D.A. en 28". Des chiffres qui aujourd'hui encore ne
sont pas complètement dépassés. De mêmes, les
reprises efficaces permettent des dépassements et des relances sans souci. Voilà
donc de quoi réjouir le père de famille avide de sensations ! Le bon vieux 2 litres
vous procure un "coup de pied au cul" typique des anciennes générations de moteurs
Turbo, c'est si agréable et tellement rare de nos jours ! Le chassis encaisse plutôt bien la puissance
et le freinage est à la hauteur malgré un ABS peu progressif en série depuis
le lancement. Son comportement sûr et équilibré reste celui d'une traction, avec
une tendance au sous-virage. La motricité est en revanche limitée et même fortement
problématique sur sol humide. Sur les premiers rapports, même avec la limitation du couple en première, on patine assez facilement.
EVOLUTION
Au milieu de l'année 1989, la R21 turbo "phase 2" fait son apparition. Restylée
intérieurement - casquette de compteurs en plastique dur abandonnée et commandes de chauffage à tirettes remplacées par des potentiomètres - et extérieurement - nouvelles
jantes à 5 branches, écopes de frein sur la face avant élargies, aileron plus détaché du coffre, feux arrières légèrement arrondis et joints par un bandeau rouge - la
Renault 21 turbo a globalement plus fière allure que ses rivales directes que
sont les Peugeot 405 MI16 phase 1 et
Citroën BX GTI. Le Bleu Sport fait son apaprition au nuancier. Mais plus encore que le restylage, c'est le lancement de la version 2 litres turbo Quadra qui va marquer la vie de la phase 2. Au millésime
1993, règlementation oblige, la R21 turbo reçoit un échappement catalytique qui
l'ampute de 13 ch et d'un peu de son sale caractère.
R21 TURBO QUADRA
La version Quadra présentée en 1989 est la réponse de Renault à l'émergence rapide des sportives 4 saisons. Sur le plan de la motricité, la 21 turbo Quadra
apporte un avantage indéniable, particulièrement
sur les mauvais revêtements, en reprenant à son compte la transmission intégrale apparue en 1988 sur la Nevada 4x4. En revanche, elle est plus lourde (de 130 Kg) et donc moins vive en comportement.
Elle regresse fort logiquement en reprises tout en consommant plus. Pénalisée par son excédant de poids, la 21 Turbo Quadra signe pourtant des accélérations très proches de la version 2 roues motrices (0 à 100 km/h
en 8", 1000m DA en 28"5). Ces versions Quadra, reconnaissables à leur sortie d’échappement ovale, sont pourtant
tout aussi recommandables que les Turbo "normales". Contrairement aux Peugeot
405 Mi16 x4, l'adaptation de la transmission intégrale sur la Renault 21 est plutôt
réussie. Le système comprend un différentiel central épicycloïdal et un viscocoupleur
arrière. La répartition du couple est de 65% sur l'avant et 35% sur le
train arrière. Ajoutons que Renault avait conçu pour la Quadra un arbre de transmission en fibre de verre dans le but de limiter le surpoids. Un succès technique mais avouant une certaine fragilité. Moins vive et précise que la Peugeot, sujette à un léger roulis,
la R21 Turbo Quadra n'en reste pas moins étonnante d'éfficacité. Les
4 roues motrices Quadra seront proposées d'octobre
1990 à avril 1992 sur la 21 turbo 175 ch (phase 1 et phase 2) puis jusqu'en 1993 sur la phase 2 catalysée (162 ch).
LA RENAULT 21 TURBO EN COMPETITION
R21 SUPERPRODUCTION
Pour assurer sa promotion, Renault inscrit son nouveau modèle en championnat de Superproduction, que Jean Ragnotti remporte dès 1988 avec six victoires sur dix courses disputées. Certaines versions de cette Renault 21 2 Litres Turbo 4x4 (arbre de transmission en fibre de carbone) dépasseront les 400 ch à 8000 tr/min. En Europa Cup, la 21 Turbo va succéder à l'Alpine V6 turbo.
ACHETER
UNE RENAULT 21 2L TURBO
Produite à 13.781 exemplaires entre 1987 et 1994, la Renault 21 Turbo s'est déclinée en plusieurs versions. Les plus rares, et probablemnt les plus recherchées par les collectionneurs dans le futur, sont sans aucun doute les Quadra non catalysées. Mais les premières phases 1, du fait de leur ancienneté supérieure, sont également de plus en plus difficiles à dénicher en bon état. Si tous ces modèles
sont aujourd'hui encore très abordables en occasion, ils sont souvent fortement kilométrés.
Ce n'est pas un handicap en soit car la mécanique de la Renault 21 Turbo se révèle
fiable, à condition de respecter l'entretien prévu. Excepté quelques
problèmes de surchauffe ou d'électricité blagueuse, rien n'est alarmant. De plus, les pièces
courantes de Renault 21 sont bon marché et se trouvent encore facilement dans les casses. Attention en revanche à certaines pièces spécifiques à la 2L Turbo qui ne sont plus fournies par le constructeur, leur prix risque de s'envoler dans les prochaines années. Bien vérifier également la corrosion au niveau des soubassements, point faible de la R21. Les Renault 21 turbo phases 2
non catalysées (avant 1993) sont les plus côtées, elles sont aussi plus recherchées en occasion car leur présentation,
leur équipement et leur finition sont plus séduisants. Alors, si comme nous, vous êtes resté nostalgiques de cette
familiale Renault pimentée, soyez patient et prudent ! Un bon achat est un achat réfléchi
!
::
CONCLUSION
Ce qui caractérise le mieux la Renault 21 Turbo c'est sa
polyvalence. En plus d'être une vraie sportive douée d'un caractère bien trempé,
elle n'a pas oublié de rester une authentique berline, spacieuse, confortable
et bien équipée. La mécanique est étonnament fiable pour un moteur Turbo et toutes
les versions sont agréables. Vous préférerez toutefois la version restylée, non catalysée de préférence, dont la qualité de fabrication a fait des progrès certains. |