KOENIGSEGG AGERA One:1 (2014 - )
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MEGACAR
A peine sortie, la triplette Porsche 918 Spyder, McLaren P1 et Ferrari LaFerrari semble déjà en retard d’un wagon. En Suède, un constructeur artisanal continue de narguer les ténors de la catégorie. Après avoir été l’un des leaders dans le monde des supercars puis des hypercars, il est aujourd’hui passé à l’étape suivante, celle de la megacar. Ainsi est née la One :1 au rapport poids-puissance incroyable de 1 !
Texte :
Maxime JOLY
Photos : Étienne ROVILLÉ
C’est un distributeur asiatique de Koenigsegg qui a formulé à la maison-mère la demande de quatre clients d’obtenir une Agera encore plus extrême. Son vœu fut exhaucé. Koenigsegg demanda quand même l’autorisation de produire deux exemplaires supplémentaires pour des clients au Royaume-Uni et en Allemagne, en plus du prototype qui sera revendu plus tard à un client de Monaco. Voici la première Megacar de l’histoire même si Hennessey revendique également ce titre…
PRESENTATION
Par rapport à l’Agera R qui est vendue à 1,6 millions de dollars, la One:1 coûte 1,2 millions de dollars de plus. Cela se justifie principalement par le temps supplémentaire passé à la production sur chaque exemplaire, beaucoup plus important que pour une Agera. D’autre part, avec seulement sept exemplaires produits, il s’agit d’un pur collector. Koenigsegg a reçu 15 demandes d'achat pour cette "super Agera".
A la question que signifie « One:1 », la réponse est sans équivoque : un cheval par kilo ! Mais, esthétiquement, la différence entre une Agera et une One:1 réside dans l’aérodynamique active. Nouvelles lames à l’avant, nouveau capot et extracteurs d’air retravaillés à l’arrière. Tout cela fait que la One:1 n’est pas forcément très photogénique alors, qu’en réalité, c’est tout l’inverse. Chaque élément rajouté à la carrosserie à son importance et la suédoise est réellement impressionnante à voir. Même l’immense aileron est parfaitement incorporé à la voiture. Bestiale ! Jusqu’ici, toutes les Koenigsegg étaient des modèles à targa. La coque carbone permettait de proposer cette solution sans avoir le problème de rigidité qui a pu se poser autrefois. La One:1 est leur premier modèle à avoir un toit fixe. L’héritage des portes dihedral synchrohelix (je n’ai pas trouvé d’équivalent français !) est fort heureusement préservé. Cette solution extraordinaire présente un double avantage : pas d’encombrement quand la porte est ouverte et une certaine légèreté. Chaque porte ne pèse que 9,8 kg.
HABITACLE
Un autre aspect de la marque de fabrique de Koenigsegg est l’absence totale de plastique. Cela se traduit par la console centrale baptisée « solution Ghost Light ». Tout y est géré. Le tableau de bord est entièrement digital et gradué jusqu’à 450 km/h. Les différents compteurs sont gérables pour le conducteur pour qu’il ait les informations qu’il souhaite (température d’huile moteur,…). La One:1 dispose de nouveaux sièges encore plus légers, à mémoire, et réglables dans tous les sens. Ils utilisent un matériau utilisé par la Nasa. Le siège complet avec le harnais de sécurité pèse 9,8 kg. A noter qu’il n’y a pas de rétroviseur intérieur tout simplement car on ne voit rien de l’arrière de la voiture derrière les sièges. Le fantôme, symbole de l’usine actuelle, est largement visible à l’endroit habituel de la lunette arrière. Les voyageurs et voyageuses seront contents d’apprendre que l’on retrouve une des spécificités de l’Agera, à savoir son grand coffre situé à l’avant de la voiture.
MOTEUR
Difficile d’imaginer qu’un constructeur produisant en moyenne 15 voitures par an puisse avoir son propre moteur. Dans pareils cas, Donkervoort utilise des moteurs Audi et Pagani des moteurs Mercedes-AMG. Mais Koenigsegg n’est décidément pas un constructeur comme les autres. Pas question pour les suédois d’utiliser un moteur extérieur qui utilisent un V8 maison depuis la CCX. Leur motoriste est parti de ce huit cylindres à carter sec pour augmenter l’alésage et la course et ainsi obtenir une cylindrée de 5 litres.
Avant d’être utilisé sur l’Agera et donc la One:1, ce 5 litres fut à la base conçu pour la compétition. Un retour en arrière en 2007 s’impose. Koenigsegg souhaite s’engager en championnat GT1. Pour respecter les critères de puissance, le V8 perd sa suralimentation mais voit sa cylindrée augmenter à 5 litres. C’est de ce moteur, certes grandement modifié, que l’équipe de Koenigsegg est partie pour motoriser l’Agera. Alors que l’Agera S revendique 1.065 ch tandis que l’Agera R développe 1.155 chevaux en E85. La One:1 va plus loin en atteignant le cap fatidique du MW (oui, un mégaWatt !) soit l’équivalent 1.376 chevaux. Rien que ça ! Si l’on appliquait le même rapport de poids-puissance à la Bugatti Veyron, cela donnerait une Veyron d’environ 1900 chevaux… La puissance maximale est atteinte à 7.500 tr/min tandis que la zone rouge est reculée à 8.250 tr/min. Pas mal pour un moteur bi-turbo. On imagine alors un moteur plutôt creux à bas régime. Et pas du tout ! Aucun temps de réponse (ou turbo lag) ne se fait ressentir. Quelle solution a été utilisée pour cela ? Des turbos à double étage ? Même pas. Les deux turbocompresseurs twinscroll fournis par la société américaine Precision se déclenchent simultanément. La pression de suralimentation de 1,8 bar est atteinte à 2.800 tr/min.
L’utilisation massive de carbone (notamment sur les collecteurs d’échappement et d’admission) dans le bloc permet au V8 longue course hyper compact de ne pas dépasser les 197 kg. Comme toujours chez Koenigsegg, le moteur est signé par le motoriste. Une autre caractéristique intéressante est l’absence d’injection directe. A la place, une injection multipoint MPI qui n’empêche pas de passer les normes Euro6. Les autres constructeurs feraient bien d’en prendre exemple… Pas question pour les motoristes d’Ängelholm d’entendre le clac-clac caractéristique de l’injection directe. Et il faut dire que question sonorité, la One:1 envoie du bois. Elle aboie et montre les crocs, au ralenti, tel un doberman et hurle à la mort tel un loup à chaque coup d’accélérateur. Une sonorité que l’équipe rapproche du V8 4.7 Maserati. On peut difficilement trouver meilleure comparaison…
Et le couple dans tout ça ? Titanesque tout simplement avec 1.371 Nm dont 1.000 entre 3.000 et 7.500 tr/min ! Même si cela est presque anecdotique, il ne s’agit que du second moteur turbo après celui de la McLaren 12C à afficher plus de chevaux que de newton-mètres. Précisons que ces valeurs sont atteintes avec le carburant flexfuel E85 et qu’avec un sans plomb classique, la puissance baisse d’environ 70 chevaux. Et si vous vous demandiez quelle est la vitesse maximale de l’engin, sachez qu’elle est annoncée à 440 km/h bien qu’elle n’ait pas encore été vérifiée. Cela ne saurait tarder…
TRANSMISSION
Je ne peux pas passer sous silence l’incroyable boîte de vitesse disponible depuis 2013. Je me souviens encore de ma réaction en lisant le dossier presse de Genève qui stipulait la mention « boîte à double embrayage ». Quelle déception que même ce constructeur que j’adore tombe si bas. La réalité est légèrement différente et cela a d’ailleurs fait l’objet d’un beau fou rire lors de la visite de l’usine lorsqu’Etienne et moi leur avons dit ce que nous pensions de ces boîtes sans sensation. Il se trouve qu’ils partagent notre opinion et que, justement, pour donner ce coup de pied à chaque rangement de rapport, ils ont adopté une solution inédite. Là où une DSG ou n’importe quel équivalent a deux conduits avec un embrayage pour le côté pair et un autre pour le côté impair, leur boîte à sept rapports faite en partenariat avec les italiens de Cima comporte un seul tunnel. Dans ce conduit, se trouvent un embrayage sec et un autre, humide. Un autre bienfait de cette astuce est un encombrement minimal et un poids de 81 kg. Cela est plus ou moins la valeur de la boîte Alfa Romeo TCT de la 4C (entre autres), à embrayage sec et limité à 350 Nm. Chez Koenigsegg, la boîte peut encaisser jusqu’à 1.500 Nm !
Comme cela est de plus en plus le cas, le différentiel est électronique. L’E-diff est incorporé dans la boîte. Hyper efficace certes, nous aurions tout de même préféré un autobloquant mécanique à l’ancienne…
SUR LA ROUTE
La One:1 est basée sur l’Agera. Cependant, elle dispose d’un châssis largement allégé permettant de gagner 20 kg sur la monocoque carbone. De plus, comme déjà mentionné, elle récupère un arsenal impressionnant d’aérodynamique active. Comme sur la McLaren P1, l’appui à 260 km/h est de 610 kg. Il y a en plus le châssis actif, lui aussi assez semblable à ce que l’on peut trouver sur la P1. Par exemple, le système de « levage » (lift system) connu sur de nombreuses supercars, est quasiment instantané sur la One:1. Ce réglage améliore en outre le comportement routier sur piste où une faible garde au sol est suffisante. Tous les différents modes de roulage se règlent dans l’ordinateur de bord et nécessite un peu de temps pour tout maîtriser. Un point sur la Triplex Suspension, reprise de l’Agera R MY2013. Cette merveille technologique se caractérise par deux amortisseurs Öhlins « classiques », reliés entre eux par une barre horizontale. Le roulis semble totalement jugulé et la motricité est exceptionnelle malgré l’abondance de chevaux sur les seules roues arrière.
Koenigsegg a également collaboré avec Michelin pour doter sa megacar du meilleur des pneumatiques. Ils n’ont pas souhaité garder l’exclusivité des Michelin Cup, si bien qu’ils sont bien disponibles à la vente pour tout le monde. Les jantes en carbone permettent de rouler à très haute vitesse en toute sérénité, sans risque de casse. De plus, le gain de poids réalisé équivaut à une puissance de 100 chevaux ! Mais si la voiture accélère très fort, elle freine tout autant. Le freinage est inépuisable avec les disques céramique de 397 mm à l’avant (six pistons) et de 380 mm à l’arrière (quatre pistons).
Pour une répartition des masses optimale et un abaissement du centre de gravité, les réservoirs sont montés dans la cellule carbone. La répartition est annoncée à 44/56 entre les essieux, pour 1.360 kg en ordre de marche. Autrement dit, avec le conducteur, le plein des fluides et le carburant rempli à 50%. A peine croyable quand on pense que c’est le poids annoncé, à sec, sur des modèles tels que la Ferrari 458 Italia et McLaren 12C. Par rapport à l’Agera, le poids est en baisse de 80 kg alors que 110 kg ont été épargnés. Le rajout vient des pièces aérodynamiques mais aussi de la technologie embarquée. Christian von Koenigsegg a souhaité une voiture connectée. Elle dispose de sa propre carte SIM et une application gère les circuits du monde entier. On en viendrait à rêver d’une version encore plus radicale… Car malgré son orientation piste, la One:1 reste une Koenigsegg utilisable au quotidien. Un client allemand d’Agera utilise la sienne 15.000 km par an, preuve que c’est faisable.
INTERVIEW CHRISTIAN VON KOENIGSEGG
Un rêve est devenu réalité. Nous avons eu la chance de passer une journée complète chez Koenigsegg, à Ängelholm. Cerise sur le gâteau, nous sommes restés deux heures avec Christian von Koenigsegg. L’occasion de lui poser plusieurs questions, ainsi qu’au responsable de la communication et au motoriste maison…
> Lire notre interview avec Koenigsegg
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
KOENIGSEGG AGERA One:1
MOTEURType : V8, 32 soupapes
Position : longitudinal central AR
Alimentation : Injection indirecte multipoint + 2 turbos (1,8 bars) + échangeur air/air
Cylindrée (cm3) : 5000
Alésage x course (mm) : 92 x 95,5
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 1360 à 7500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 1371 à 6000
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports) : double embrayage (7)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques céramiques ventilés (397) étriers fixes 6 pistons - disques céramiques ventilés (380) étriers fixes 4 pistons + ABS
Pneus Av-Ar : 265/35 YR 19 - 345/30 YR 20
POIDS
Donnée constructeur (kg) : 1360
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 1
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 440
400 m DA :
1000 m DA :
0 - 100 km/h : 2"8
0 - 400 km/h : 20"
CONSOMMATION
Moyenne cycle mixte (L/100 km) : 13,7
CO2 (g/km) : 310
PRIX NEUF (10/2014) : 2.850.000 $
PUISSANCE FISCALE : NC CV
CONCLUSION
:-) Design Pas de plastique ! Grand coffre V8 maison exceptionnel Sonorité Boîte extrêmement rapide RPP phénoménal ! Comportement routier Freinage Poids Rigidité Utilisable au quotidien |
:-( Seulement 7 exemplaires Pas de targa Trop de technologies ? Prix ! |
Au-delà des performances pures et de la puissance astronomique déployée, la Koenigsegg One:1 est avant tout une vitrine technologique pour montrer tout le savoir-faire de la marque. En plus d’être probablement la voiture homologuée la plus rapide du monde, elle a également été pensée pour être au maximum utilisable au quotidien. Une prouesse quand on pense qu’elle maintient un poids raisonnable tout en utilisant nombre de technologies actuelles. Une sportive qui fera date malgré un important bagage électronique…
Tous nos remerciements à Christian, à Jens et à toute l’équipe de Koenigsegg pour leur disponibilité, leur gentillesse et leur simplicité !