MCLAREN MP4-12C (2012 - )
LA PROMENADE DES ANGLAIS
McLaren revient dans le monde des voitures de série. L’épisode de la F1 fut si confidentiel qu’on serait tenté de dire qu’il s’agit de la naissance d’un nouveau constructeur. La MP4-12C est la première pierre de cet édifice, récemment consolidé par les Spider et P1. En 20 ans, l’objectif de Ron Dennis n’a pas changé : proposer la meilleure sportive de sa catégorie…
Texte :
Maxime JOLY
Photos : D.R.
Malgré 50 ans d’existence, McLaren est un jeune constructeur d’automobiles à grande diffusion. Oubliez l’artisanat des McLaren F1 et Mercedes SLR. Avec la MP4-12C, McLaren franchit un cap majeur. Pour cela, Ron Dennis n’a pas hésité à faire construire une nouvelle usine, à la propreté digne d’une salle d’opérations. Aussitôt demandée, aussitôt faite. Neuf mois plus tard, le Production Center sortait des terres. Il allait donner vie à un enfant très turbulent…
PRESENTATION
Nous avions assisté à la présentation presse de la MP4-12C en octobre 2011. 18 mois, c’est le temps qu’il aura fallu pour essayer le nouveau joujou concocté par Ron Dennis et son équipe de frapadingues surdoués. Compte tenu d’un programme alléchant dans l’arrière-pays niçois et de l’essai en simultané du Spider, la patience a payé. Fin 2011, nous avions pu rencontrer Frank Stephenson, le designer de la 12C. L’américain a à son actif plusieurs succès majeurs dont la Mini de BMW, la Maserati GranSport ou encore la Ferrari F430. Si sur photo le coupé 12C peut sembler fade, le résultat en vrai est tout autre. Equipée de portes en élytre, l’anglaise est superbe et bien plus raffinée qu’ostentatoire. Pas suffisamment pour passer inaperçu dans Monaco, c'est dire son pouvoir d'attraction… Le nom reprend, comme pour les modèles de course, le patronyme MP4 (initialement Marlboro Project avant de changer pour McLaren Project) suivi de 12C pour l’indice de performance de la voiture, indice obtenu selon une formule mathématique aussi secrète qu'obscure. Sans doute le fameux sens de l'humour anglais, mais il est difficile de ne pas penser à une évocation du 12 cylindres, motorisation de la mythique F1… Quoi qu’il en soit, depuis cette année, la McLaren MP4-12C a été renommée plus simplement 12C. Et si vous vous demandez s’il y a des différences esthétiques entre une MP4-12C produite avant fin 2012 et une 12C MY2013, la réponse est oui. Certains clients n’appréciaient pas le système d’ouverture des portières qui se faisait en les effleurant de la main. C’est ce qui explique la présence d’un petit bouton, quasi-invisible à l’œil nu. Facturée 209.750 €, le coupé 12C a calé ses tarifs sur sa concurrente de Maranello (458 Italia), jusque dans la politique des options. Le coloris de notre modèle d’essai à 2.100 €, le plenum et les arches de roues recouverts de fibre de carbone à 2.630 € et le diffuseur en carbone à 3.680 € en sont quelques exemples. En ce qui concerne le réseau de distribution, les deux points français sont situés à Paris et à Monaco mais la concession de Genève peut également servir de point de vente francophone.
HABITACLE
L’habitacle de la berlinette McLaren est une invitation à rouler. La qualité d’assemblage et de fabrication y est remarquable. Le mélange de cuir, d’alcantara et de carbone vendu 3.750 € donne un cachet à la fois luxueux et sportif. Dans la 12C, les commandes sont épurées et les boutons peu nombreux, à l’inverse de Porsche et de sa philosophie « un bouton, une fonction ». Revers de la médaille, il faut beaucoup de temps pour naviguer dans les fonctions de personnalisation de la voiture et le mode de fonctionnement s'avère peu intuitif, dirons-nous. Chaque occupant de la 12C peut régler sa climatisation grâce aux manettes prévues à cet effet et montées sur contre-portes. La proximité des deux sièges empêche la présence de rangements centraux. Ils sont placés derrière la console centrale et se révèlent, de ce fait, peu pratiques. Pour une visibilité optimale, le compte-tours est central et la zone rouge débute à 8.500 tr/min. La vitesse est affichée de façon digitale et le rappel du rapport enclenché apparaît à côté. L’écran de droite affiche en temps réel l’état de santé de la mécanique et le carburant restant tandis que celui de gauche varie selon la navigation opérée dans les menus.
EDITIONS LIMITEES
En l’espace d’un an et demi, la MP4-12C a déjà connu plusieurs éditions limitées. La première fut la High Sport, limitée à cinq exemplaires. Elle se distingue par son look hérité de la version GT3 dont elle récupère la lame avant, les ailes ajourées, le pare-choc arrière, le Rear Deck et le Bodyside Rear peints d’une autre couleur. Contrairement à la légende, le moteur n’a pas été boosté à 675 ch et aucun exemplaire n’a été réservé à Ron Dennis. Cette version est le souhait d’un millionnaire et de quatre de ses amis. Vint ensuite la Cam-Edition, présentée au concours d’élégance de Peeble Beach. Elle symbolisait l’arrivée en compétition de la 12C aux Etats-Unis. Enfin, il y eut la déroutante X-1 réalisée par MSO (McLaren Special Operations).
MOTEUR
McLaren fit quelques déçus en annonçant que son retour ne se ferait pas avec une supercar, voire hypercar, mais par l’intermédiaire d’une berlinette V8. Pourtant, avec 600 chevaux, difficile de se plaindre. Il faut dire qu’avec la course à la puissance entamée depuis deux décennies, la MP4-12C se retrouve à se battre avec les Ferrari 458 et Porsche GT2 RS quand une Ferrari 348 faisait presque moitié moins de puissance ! Mais Ron Dennis n’oubliait pas qu’on l’attendait encore plus haut et la P1 en fut la démonstration… Du fait de son indépendance, McLaren est confronté à un gros problème : celui des émissions de CO2. Là où Maserati, Ferrari, Porsche et Lamborghini peuvent « diluer » leurs émissions dans un grand groupe proposant de nombreux petits moteurs, McLaren n'a pas cette chance. Par conséquent, les ingénieurs ont dû se résoudre à l’utilisation de la suralimentation. Mais pas à n’importe quel prix car les anglais voulaient conserver un caractère moteur typé atmosphérique. God bless 'em !
Exit les V8 AMG et Motorsport, pas assez caractériels dans leurs courbes. Alors, Neil Hannemann est allé frapper à la porte de Ricardo pour collaborer à la conception d’un moteur inédit. Le résultat a pour nom M838T, conçu sur la base du VRH35 de Nissan, moteur qui a couru les 24H du Mans en 1998. Hyper compact, le V8 3.8L est lubrifié par un carter sec et pèse au total 199 kg. Son système de fixation a permis de le rapprocher de la cloison pare-feu et de gagner trois centimètres sur l’empattement. Il dispose de la levée variable des soupapes en continu sur l’admission et l’échappement et ses surfaces sont traitées au Nikasil. Un gros travail a été fait pour limiter les masses suspendues avec l’utilisation de pistons forgés. L’espace disponible au centre du V a été pris par l’échangeur huile/eau et le filtre à huile. Pour rechercher le haut du compte-tours, il reçoit un vilebrequin à plat, à l’instar de ce que propose Ferrari sur ses V8. La première monture du moteur de la MP4-12C délivrait 600 ch de 7.000 à 8.500 tr/min. Une mise à jour lancée en juin 2012 permit de changer la cartographie pour gagner 25 ch, reculant ainsi la puissance maximale à 7.500 tr/min ! Le caractère moteur y gagne grandement. Hyper souple et coupleux à bas régime, il est même incroyablement civilisé. Ce n’est qu’à partir de 4.000 tr/min que la bête se réveille, Dr Jekyll se transformant en Mr Hyde. Féroce, agressif, rageur, infatigable sont tant d'adjectifs pour décrire ce V8 bi-turbo au tempérament belliqueux. Il n’y a guère que le bruit de la wastegate qui trahit la présence de la suralimentation car, à la conduite, on se croirait au volant d’un V8 de 6 litres de cylindrée pimenté par un VTEC…
Le son du 8 cylindres est un régal pour les oreilles et même l’habituel clac-clac de l’injection directe est imperceptible. Les collecteurs d’échappement en inox sont reliés à une paire de catalyseurs qui débouchent dans un silencieux muni de deux sorties. Critiquée à sa sortie, la sonorité a été retravaillée pour le millésime 2013 par l’intermédiaire d’un échappement sport - optionnel - et aussi par la présence d’une membrane placée dans l’habitacle, à la manière de la Ferrari 599 GTO. McLaren n’a pas oublié d’offrir ces améliorations aux premiers clients, en guise de remerciement. De vrais gentlemen ces anglais. Avec cette évolution mécanique, le constructeur peut se targuer du plus faible taux de rejet de CO2 par rapport à la puissance. Jusqu’alors, ce trophée était la propriété de la Porsche GT2 RS. De quoi permettre à Antony Sheriff, numéro 2 de McLaren, de dire que le V12 appartenait au passé. Ce n’est toutefois visiblement pas l’avis de tous les constructeurs et clients actuels…
TRANSMISSION SSG
Une fois le moteur trouvé, il ne manquait plus que la boîte pour aller avec. C’est en Italie et plus précisément chez Graziano Transmissioni que McLaren trouva son bonheur. Spécialement pour la MP4-12C, les italiens ont confectionné la boîte à double embrayage Seamless Shift Gearbox. Dans le même souci d’abaissement du centre de gravité, cette transmission à 7 rapports a été voulue le plus compacte possible. Trois modes sont disponibles pour le conducteur : Normal, Sport et Track. Chacun des trois agit sur la rapidité de la boîte, la réactivité de l’accélérateur et le volume sonore. Ce dernier peut même être configuré à la carte via l’ordinateur de bord. Par défaut initialisé en mode tout automatique, il est possible de basculer en semi-manuel avec les changements de rapports qui s’opèrent à 4.500 tr/min ou en total manuel pour être le seul maître à bord. Visiblement, aucun acheteur ne s’est plaint des palettes à la fois petites et fixées au volant, sans quoi elles auraient sans doute été remplacées. Quant à ceux qui voudraient passer les rapports au levier de vitesse, comme sur les supercars italiennes, il devront faire sans car il n'y en a pas ! La SSG fait partie du package des éléments reparamétrés en décembre dernier. Les changements de rapport sont instantanés mais, une fois n’est pas coutume sur ce type de boîte, la conduite y perd en agressivité. Un comble au vu de la hargne du moteur. Dommage que McLaren n’ait pas laissé le choix à ses clients sur la transmission, surtout quand on sait que Graziano est le fournisseur de la – très violente – boîte de la Lamborghini Aventador…
SUR LA ROUTE
Les ingénieurs de McLaren sont partis d’une feuille blanche pour concevoir la MP4-12C, en étudiant un à un les éléments autour du pilote. Il leur était impossible de reprendre la configuration trois places de la F1. Ils ont toutefois repris le principe de position centrale des deux occupants dans la nouvelle McLaren. C’est pourquoi les deux sièges sont si proches l’un de l’autre. Le système de ventilation fabriqué sur mesure a permis d’implanter la colonne de direction et les sièges en parfaite harmonie avec le pédalier. C’est Claudio Santoni qui a eu la responsabilité de la supervision du châssis carbone, alliant poids limité et rigidité optimale. McLaren utilise cette technologie en Formule 1 depuis 1981 et l’a repris sur la F1 de série en 1992. La cellule carbone principale de la 12C, appelée MonoCell, ne pèse que 75 kg et est complétée par une structure auxiliaire déformable à l’avant. Le poids à sec de la voiture ne dépasse les 1336 kg, soit 1434 kg en ordre de marche. Bien que cela semble inutile, il est même possible de perdre 35 kg en renonçant à plusieurs éléments de confort tels que la climatisation.
Dans l’optique de séduire la clientèle Porsche, le maître mot de Ron Dennis durant la conception de la MP4-12C a été la polyvalence. C’est ce qui l’a amené à revoir rapidement sa copie en greffant de série le Lift System pour le millésime 2013 de la 12C. L’installation à bord est aisée et les sièges à la fois enveloppants et confortables. Pour s’extraire de Monaco, le mode de conduite tout indiqué est le Normal. Rapidement, j’opte pourtant pour le mode Sport. Le temps de réponse de l’accélérateur est réduit, la direction plus directe et les suspensions raffermies. C’est l’électronique qui contrôle le roulis et le tangage via des capteurs centralisés dans des sphères. Ainsi, les amortisseurs de la 12C communiquent par une liaison hydraulique longitudinale et latérale, un procédé qui n’est pas sans rappeler la technologie Citroën et qui permet de se priver de barre anti-roulis avec, à la clé, un gain de poids et de confort. Ce système censé annihiler tout roulis avant même qu’il n’arrive a été développé par Teneco et se prénomme Proactive Chassis Control. Sur les petites routes niçoises, le résultat est bluffant d’efficacité. Avec sa direction précise et son moteur à l’arrière, on retrouve quelques sensations aperçues chez Lotus et plus précisément dans l’Elise S que nous avons essayée dernièrement. Décuplées par la puissance, forcément, mais les habitués de la baignoire anglaise ne seront pas dépaysés. Le sous-virage est lui aussi restreint au strict minimum. Le plaisir de conduite est intense et la sensationnelle allonge moteur permet d’escalader les cols en restant en troisième, sans avoir à rétrograder.
Les immenses freins sont surpuissants et tiennent la cadence. Contrairement à l’adoption systématique de céramique chez la concurrence, McLaren a opté pour des cloches en aluminium forgé et des disques en fonte ventilés et perforés, plus légers de 8 kg que les freins conventionnels. Pour les inconditionnels, les freins céramique ont leur place dans le catalogue d’options de la 12C. A 12.000 €, c'est un peu cher pour les 3,7 kg épargnés. D’autant que le freinage standard est épaulé à partir de 90 km/h par l’aérofrein (Airbrake) qui s’enclenche sur freinage appuyé. On le voit dans les rétroviseurs et il faut avouer que cela produit son petit effet. Bruyant, le déclenchement donne l’impression que le coffre s’ouvre. L’empattement allongé offre une appréciable stabilité en courbe. L’auto met rapidement le conducteur en confiance, peut-être même un peu trop. Plusieurs essais ont montré un décrochage violent en cas de recherche des limites de la voiture. Tel un animal sauvage, le coupé McLaren 12C conserve son instinct de voiture indomptable. Un comportement dû à la répartition du poids à 57,5% sur l'arrière, qui serait assez similaire à celui de la Porsche 991 en raison des aménagements faits sur le positionnement du moteur. Le tout électronique se poursuit sur le choix d’un différentiel éponyme. Présent en masse dans les catégories des citadines et compactes où nous ne l’apprécions déjà guère, cette béquille n’a pas sa place dans une supercar. Et ce n’est pas l’argument des 20 kg économisés par rapport à un mécanisme mécanique standard qui va m’attendrir. Le Brake Steer fonctionne de concert avec l’ESP, à la manière de ce qui se fait chez les constructeurs généralistes. Il applique une force de freinage à la roue arrière intérieure. Du fait de son action combinée au correcteur de trajectoire, la désactivation totale de ce dernier est impossible, y compris en mode Track où il est simplement retardé au maximum. Une technique existe pour tout déconnecter mais, en plus d’être complexe, elle supprime l’autobloquant. On a vu plus sportif…
CHRONOLOGIE McLAREN MP4-12C
2010 : le 5 octobre, présentation presse de la McLaren MP4-12C.
2011 : commercialisation de la MP4-12C en octobre.
2012 : en janvier, sortie de l’édition limitée High Sport. En août, concept Cam-Edition et X-1, modèle unique sur base MP4-12C. En juin la puissance passe à 625 ch et la MP4-12C devient 12C. Commercialisation de la 12C Spider en décembre.
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
MCLAREN MP4-12C
MOTEURType : 8 cylindres en V à 90°, 32 soupapes
Position : central AR
Alimentation : injection directe, double calage variable + 2 turbos avec échangeur air/air
Cylindrée (cm3) : 3799
Alésage x course (mm) : 93 x 69.9
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 625 de 7500 à 8500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 600 de 3000 à 7000
TRANSMISSION
AR + DGL électronique
Boîte de vitesses (rapports) : double embrayage SSG (7)
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques ventilés (370-350) + ESP permanent
Pneus Av-Ar : 235/35 R19 - 305/30 R20 (Pirelli P Zero)
POIDS
Données constructeur DIN (kg) : 1434
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 2,3
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 333
400 m DA : 10"6
0 à 100 km/h : 3"1
0 à 200 km/h : 8"8
0 à 300 km/h : 26"5
CONSOMMATION
Moyenne normalisée (L/100 Km) : 11,7
CO2 (g/Km) : 279
PRIX NEUF (05/2013) : 209.750 €
PUISSANCE FISCALE : 53 CV
CONCLUSION
:-) Design Finition V8 d’exception Sonorité retravaillée Polyvalence Châssis Direction précise Freinage Blason McLaren |
:-( Différentiel électronique Electronique omniprésente Palettes petites et fixées au volant Paramétrage de l’auto complexe Boîte SSG imposée Réseau de distribution |
McLaren était attendu au tournant. Malgré quelques cafouillages de début de carrière facilement compréhensibles pour un jeune constructeur, la 12C modèle 2013 a remis les pendules à l’heure et propose un niveau de performances et de savoir-faire rarement atteints. Contrairement à une Nissan GT-R, le plaisir de conduite n’a pas été mis en retrait de la maîtrise technologique. Cependant, les pilotes aguerris regretteront le parti pris du tout électronique, en espérant qu’une version radicale leur laisse plus de latitude. Pour les autres, la 12C est l’outil parfait pour se déplacer rapidement et dans un confort absolu, tout en se démarquant des "classiques" Ferrari et Porsche…