FERRARI 599 GTO (2011 - )
PUR SANG
Quand Ferrari dévoile son modèle de route le plus puissant jamais produit, la Terre s’arrête de tourner. Si, en plus, le bolide reçoit les trois lettres magiques GTO, on frise l’hystérie collective. Pour l’occasion, la 599 GTB Fiorano est délestée de 130 kg. Son nouveau moteur est dérivé du V12 de la 599XX, tout comme ses lignes d’échappement qui respirent la sportivité. La cerise sur le vilebrequin est sa boîte F1 largement optimisée. Reste la question fondamentale : est-ce une vraie GTO ?
Texte :
Maxime JOLY
Photos : Julien DEMAIN
Gran Turismo Omologata. Trois mots italiens à la signification universelle. C’est officiellement la troisième fois que le titre GTO est utilisé chez Ferrari. Dans les faits, on pourrait y voir plutôt la quatrième voire la cinquième. Explications. La 250 GTO connut deux séries. La première équipée du V12 3 litres et une seconde, motorisée par un 4 litres. Les avis divergent sur cette dernière, certains l’appelant 330 GTO. Pour la 288 GTO, c’est quelque peu différent. Outre la version routière, la 288 GTO Evoluzione (compétition) ne fut produite qu’à cinq exemplaires et servit principalement de base à la F40.
PRESENTATION
Beaucoup reprochent à la Ferrari 599 GTO d’être basée sur un modèle de série, à savoir la 599 GTB Fiorano. En recevant comme patronyme la piste privée du cheval cabré, elle faisait déjà référence à l’univers de la course. Mieux, depuis 2009, elle recevait en option le pack HGTE qui comprend des améliorations châssis, boîte et esthétiques, assez similaires à ce que l’on pouvait trouver dans la 575 GTC. Reste que l’absence de la 599 en compétition est tenace. Alors, pour la balayer d’un revers de main, Ferrari prétend que la GTO est une la version route de la pistarde 599XX. Argument qui ne suffit pas à convaincre tous les détracteurs, pointant du doigt son manque de palmarès. Sauf que la 288 GTO n’en connut pas davantage…
Bref, on ne va pas passer la journée sur ça. Au premier coup d’œil, la 599 GTO est d’abord reconnaissable de la GTB grâce à ses nouvelles jantes de 20 pouces à écrou central en titane, à l’avant et à l’arrière. A elles seules, elles revendiquent un gain de 22 kg ! Le nouveau capot est lui aussi allégé et présente deux larges écopes de refroidissement pour le moteur. La grille centrale du bouclier avant en nid d’abeilles, les ouies latérales de refroidissement pour les freins, le spoiler avant revu, la malle arrière allégée, le nouvel extracteur d’air et les rétroviseurs en carbone sont autant d'autres signes distinctifs. Si vous cherchez le nom 599 sur la carrosserie, arrêtez vos investigations, vous ne trouverez rien. Ferrari vous l’a expliqué : c’est une GTO, pas une 599…
HABITACLE
Avec un ticket d’entrée à 320.000 €, la Ferrari 599 GTO fait payer au prix fort son exclusivité. Toutefois, ce prix est à relativiser puisqu’une HGTE un peu équipée atteint déjà les 300.000 €. Le surcoût n’est donc pas si conséquent pour avoir le droit de s’offrir un futur collector et les quelques heureux acquéreurs l'ont bien compris. Bien dans l’esprit Ferrari, la liste des options n’a que pour seule limite celle du compte en banque du client. Afin d’éviter toute spéculation, les modèles ne sont pas numérotés. Chaque exemplaire reçoit le "1 of 599" sur une petite plaque incrustée dans la console centrale. Il était cependant possible de connaître le numéro "officiel" de son exemplaire au moment de la commande. La finition ne souffre pas de critique particulière et, bien que l’habitacle se veuille dépouillé, on est encore bien loin d’une voiture de course. A moins d’opter pour les excellents harnais. L’intérieur en carbone et les sièges sport en tissu ont économisé plus de 30 kg.
MOTEUR
Il y a d’un côté les poèmes en alexandrins, dits à 12 pieds, et, de l’autre, les Ferrari à 12 pattes. Ces deux références ne sont pas si éloignées l’une de l’autre tant la symphonie des moteurs Ferrari tient de la poésie. La première GTO était sortie à l’époque où les Ferrari se devaient d’être à moteur V12 monté à l’avant. Tout l’inverse de la 288 GTO, qui bouleversa les codes avec son V8 bi-turbo en position centrale arrière. Depuis la 550 Maranello, les V12 des GT sont retournés à l’avant et se caractérisent par un angle d’ouverture à 65°. La dernière en date, la 599 GTB, ne déroge pas à cette règle. Pourtant, elle emprunte sa mécanique aux Ferrari Enzo et Maserati MC12. Dans le cœur de la 599 GTO, on pourrait croire que c’est toujours le même 6 litres qui s’époumone. En réalité, pas tout à fait. Et pour cause, ce bloc fut retravaillé pour la 599XX. C’est de là que sont partis les motoristes pour offrir à la GTO ce qui se fait de mieux actuellement en matière de 12 cylindres. Si bien qu’elle peut se targuer de faire mieux que l’Enzo dans son comportement sportif, avec en point d’orgue son 670ème cavallo qui n’arrive qu’à 8.250 tours, au terme d'une ascension épique. En résumé, c’est 50 chevaux et 12 Nm de plus que la Fiorano, et 10 équidés de plus que l’Enzo. Finalement, le seul domaine où l’Enzo conserve sa suprématie est sa valeur de couple… mais moins haut perché ! Il n’y a pas de mystère, le haut du compte-tours est le nerf de la guerre de cette nouvelle GTO. C’est pourquoi elle conserve 90% des éléments de la XX dont son vilebrequin, son collecteur d’admission, ses pistons et sa segmentation. La réduction des frictions interne bénéficie par la même occasion à ce travail de fond.
En dépit des chiffres stratosphériques énumérés, cette voiture n’en reste pas moins facilement utilisable au quotidien grâce à un couple confortable de 400 Nm disponible dès le régime de ralenti, et à 100 Nm de plus à 2.000 tr/min. La boîte F1 de la 599 HGTE reprend du service, dans une variante allégée et aux six rapports raccourcis. Elle vous triture à chaque changement de vitesse, expédié en 60 ms en mode Race. Le même exercice réclamait 85 ms sur la HGTE et 100 sur la GTB classique. En dehors de Steve Austin, aucun être vivant n’est en mesure de se rendre compte du gain de temps réalisé mais on s’en fiche. La prouesse technique est à saluer. Et puis, 60 ms, c’est exactement le même temps que sur les F430 Scuderia et Spider 16M. Mais ce n’est pas tout. Comme sur ces deux supersportives, le volant est équipé de LEDs indiquant le régime moteur. Les rétrogradages à la volée sont également de la partie. Pour cela, rien de plus simple. Il suffit de rester appuyé sur les larges gâchettes, fixées à la colonne de direction. Chaque rétrogradage est alors prétexte à un coup de canon grâce à une astuce consistant à avoir placé une boîte à air dans l’habitacle. Mode Race enclenché, la caisse vibre de partout et les éléments se déchainent. Le rythme cardiaque se calque sur les coups d'accélérateur. A l'approche de la zone rouge, on frise l'embolie.
Oubliez les premières boîtes F1 des F355 et 360 Modena, très décevantes. Aujourd’hui, il s’agit tout simplement de la meilleure boîte de vitesses au monde ! Après une séance sadomasochiste dans l’une de ces voitures, vous ne pourrez jamais plus vous habituer à autre chose. Pas même à la F1-Trac de la 458 Italia, malheureusement aussi rapide que linéaire. Si vous aspirez à plus de calme, le mode Normal – appelé Sport – permet d’alléger les souffrances du copilote. Le volume sonore descend aussi, les clapets se refermant ici sous 3.000 tr/min. Puisqu’il est question de l’échappement justement, le staff de Ferrari ne s’est pas compliqué la vie. Ils ont repris tel quel le collecteur 6 en 1 de la XX auquel ils ont simplement ajouté deux catalyseurs. Le résultat est sans équivoque : la 599 GTO chante comme une véritable voiture de course… Que les claustrophobes se rassurent, ce moteur est disponible sur la 599 GTO découvrable, renommée SA Aperta et limitée à 80 exemplaires.
SUR LA ROUTE
Ils sont pieux en Italie, mais quand même de là à croire aux miracles… A partir du moment où la base à une évolution ultra sportive est lourde, tous les efforts seront vains pour descendre jusqu’à un poids décent. Maserati a récemment été confronté à cette problématique avec la GranTurismo MC Stradale et Ferrari n’échappe pas à la même problématique avec la 599. En voilà un beau bébé. La cure de minceur consentie sur la GTO n’a pas permis de passer sous les 1605 kg, tous pleins faits (pour 1495 annoncés "à sec"). Pilule dure à avaler pour une stricte deux places, supposée être invivable au quotidien. Invivable, c’est vite dit. On ne va pas s’en plaindre, remarquez. Les sièges sport en tissu permettent une assise impeccable et tous les éléments de confort sont là pour vous donner envie de prendre la route. La nouvelle suspension magnétique SCM2 fait des prouesses. Je n’ose pas parler de miracle. C’est qu’on a vu plusieurs « GTI » modernes bien plus tape-cul que notre Ferrari du jour…
Quoi de mieux pour se prendre pour un pilote que de pouvoir tout régler à sa guise ? Tout se fait à l’aide du manettino positionné sur le volant. Il propose cinq modes, allant de la conduite sur chaussée humide à toutes les assistances déconnectées… C’est là que tout se complique. Il faudra une main de fer pour canaliser les 670 canassons prêts à en découdre avec les seules roues arrière. C’est pourquoi l’électronique - omniprésente - veille au grain. De quoi rendre la voiture facile à conduire ? Oui, si c’est votre conception de la facilité et de la conduite sportive. Les puristes apprécieront… Le long train avant demande une adaptation aux habitués des Ferrari à moteur arrière. Non pas qu’il rechigne à suivre les instructions du conducteur - domaine dans lequel il excelle grâce en outre à une direction recalibrée - mais les passages en courbe s’anticipent de manière différente. Malgré le V12 monté sur l’essieu, pas de sentiment de lourdeur. D’abord parce que le moteur est reculé au maximum, puis grâce à une répartition des masses repoussée vers l’arrière (47/53). La prise de roulis, souvent reprochée aux Ferrari par les porschistes qu’ils aiment traiter de hautes sur pattes, a été considérablement réduite par de nouvelles barres anti-roulis à la rigidité accrue.
La GTO récupère un nouveau dispositif de freinage. C’est au système Brembo CCM2 que reviennent les éloges. Ses disques plus petits et plus légers de 3 kg, se montrent aussi plus endurants. L’usure des freins céramique était un reproche émis à l’encontre de la première génération, en particulier à 15.000 € la paire… La recette de la 599 GTO est simple. Une hausse de puissance et de couple, une boîte F1 ultra-rapide et un comportement routier considérablement revu ont abouti à un temps sur le circuit de Fiorano bouclé en 84 secondes, soit le même temps que la F430 Scuderia. A partir de là, deux constats s’imposent. La Scuderia est loin d’être dépassée et on comprend le refus de Ferrari d’autoriser la commercialisation de la nouvelle Stratos mais, surtout, une GTO de ce poids et de ce gabarit reste objectivement un non-sens total…
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
FERRARI 599 GTO
MOTEURType : 12 cylindres en V à 65°, 60 soupapes
Position : longitudinal AV
Alimentation : Gestion électronique + calage variable
Cylindrée (cm3) : 5999
Alésage x course (mm) : 92 x 75.2
Puissance maxi (ch à tr/mn) : 670 à 8250
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 620 à 6500
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports) : séquentielle F1 (6)
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques ventilés carbone-céramique (398/360) + ABS + CST (avec F1-Trac)
Pneus Av-Ar : 285/30 - 315/35 ZR 20
POIDS
Données constructeur (kg) : 1605
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 5,71
CONCLUSION
:-) V12 de course Echappements de la 599XX Boîte F1 d’anthologie Importante baisse de poids Freinage Direction revue Confort préservé |
:-( Toutes vendues ! Plus GT que GTO… Poids encore trop élevé Trop d’électronique |
La Ferrari 599 GTO n’est pas à voir comme la remplaçante de l’Enzo. Elle est davantage un moyen pour Ferrari de faire patienter ses clients jusqu’à l’arrivée de sa prochaine hypercar. Avec un V12 tout droit sorti de la 599XX, des hurlements de voiture de course et la meilleure boîte du monde, aucun compromis n’est fait sur le plaisir de conduite. En fin de compte, son seul défaut est d’être une GTO de 1600 kg à l’électronique trop présente...