RETOUR
AUX RACINES
Bien que le grand public associe souvent Maserati avec
" sport " et que Ferrari semblerait le rival tout désigné,
il faut en réalité conserver à l'esprit que Maserati pendant
les années 60 et 70 sous l'impulsion de Giulio Alfieri avait visé
le vrai Grand Tourisme : des performances, avec l'art et la manière dans
un subtil compromis qui aujourd'hui encore fait école. La dernière
Granturismo s'éloigne ainsi de la sportivité exacerbée de
ses cousines de Maranello pour renouer avec le Grand Tourisme d'antan...
Texte :
Gabriel LESSARD
Photos : D.R. Lors des premiers essais presse,
les responsables de la communication de Maserati avaient
clairement affiché la couleur : "la GranSport,
quoique plus vieille reste plus sportive que la nouvelle GranTurismo.
Cette dernière annonce un nouveau virage pour la marque au Trident avec
une volonté de concilier sport au quotidien." Un "nouveau
virage" ? C'est oublier quelque peu l'histoire mouvementé de la marque
fondée par les frères Maserati qui iront ensuite créer Osca
une fois qu'ils durent se séparer de leur première aventure. Lors
des années 60, un ingénieur de talent, Giulio Alfieri conjugue avec
talent innovation et conservatisme. L'innovation est alors réservée
à la compétition avec notamment la Maserati " Birdcage ",
tandis que la série n'a l'autorisation qu'à recevoir du classique
: essieu de Dion notamment sur la Ghibli. Ainsi, avec une technique maîtrisée
et classique, Alfieri est alors à même d'offrir aux Maserati de route
une facilité de conduite déconcertante à une époque
ou les Ferrari et Lamborghini
doivent être domptées même à faible allure. Bien que
sportives, les Maserati sous l'ère Alfieri sont ainsi les plus belles représentantes
d'un genre Grand Tourisme avec un Giugiaro particulièrement inspiré
aux crayons. Alors que Maserati nous parle aujourd'hui de nouvelles orientations
pour sa dernière GranTurismo, nous parlerons nous de retour aux sources
DESIGN
Si
dans les années 60 Giorgetto Giugiaro avait présidé au dessin
de moult Maserati de route, la GranTurismo est désormais l'uvre de
Pininfarina. Passé la première surprise, surtout après la
saga des 3200 GT, Coupé et GranSport, on apprécie le travail du maître italien. Basé
sur une plate-forme plus longue, Pininfarina arrive à créer une
ligne sportive en ménageant un habitacle 2+2. Long capot avec un bossage
central à la manière d'une Jaguar XK8
mk1, l'habitacle s'étire ensuite avec une découpe
des vitres étirées et élégantes. Le montant de custode
reprend un dessin déjà vu sur les dernières Maserati avec
le Trident apposé dessus. Puis il vient mourir sur une petite malle arrière.
Les ailes sont galbéesà souhait tant à l'avant qu'à
l'arrière pour étaler une certaine puissance suggérée.
La poupe reçoit des feux au dessin inédit pour une Maserati, quoique
proche de ceux des dernières Mondeo, mais l'ensemble fait impression avec
deux doubles sorties d'échappement. La proue a repris le principe de la
calandre concave bardée du Trident. Une évocation des Maserati A6GCS
de 1953, pour lesquelles Pininfarina avait déjà uvré
avec talent. Les blocs optiques étirés semble donner un regard plissé
à la GranTurismo et contribuent à imposer son physique dans votre
rétroviseur. Histoire de masquer ses nouvelles proportions, si les jantes
de 19 pouces sont de série, on peut opter pour du 20 pouces en option !
Cette Maserati ne laisse personne indifférent et la voir évoluer
la range plus dans les sculptures roulantes que dans les dessins. Les jeux de
lumières sont étonnants et mettent ses formes en valeur.
A BORD DE LA GRANTURISMO
L'habitacle
est de la même veine avec une sellerie du plus bel effet en cuir Poltrona
Frau. La finition générale a fait d'énormes progrès
même si on constate encore quelques détails à revoir. L'équipement
de série est généreux, même si on reconnaît quelques
appareils et commodos issus de voitures plus roturières. L'habitabilité
est sans rapport avec celui de la GranSport, même si les grands gabarits
seront à l'étroit aux places arrière dont l'assise est par
ailleurs un peu courte. Il faut voir là plus des places d'appoints ou pour
des enfants, à condition qu'ils supportent de ne pas avoir de véritable
champ de vision latéral vers l'extérieur. Derrière le volant
multifonctions, on retrouve les palettes qui peuvent piloter la boîte auto
puis le combiné d'instruments avec un tachymètre gradué jusqu'à
320 km/h et un compte-tours dont la zone rouge démarre à 7 500 tr/mn.
A dernier détail d'importance, la petite horloge classique est toujours
là, presque un anachronisme incontournable sur une Maserati, aussi moderne
soit-elle
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MOTEUR
Le V8 qui est
caché sous ce long capot est déjà une connaissance, puisqu'il
est repris de la berline Quattroporte. Ce V8
à 90° de 4,2 litres est placé en arrière des roues avant,
en position centrale avant donc. Véritable pièce d'orfèvrerie
mécanique, ce V8 a pourtant été " programmé "
pour privilégier le couple et la souplesse à la performance pure.
Avec un rupteur à 7 200 tr/mn, les 46,9 mkg de couple en complément
de la boîte auto à 6 rapports (reprise de la Maserati Quattroporte)
arrivent avec douceur et volupté. Pour ceux qui appréciaient la
rage de la GranSport que l'on pouvait dompter du poigné droit, il faudra
repasser, on est clairement dans l'esprit Grand Tourisme. D'ailleurs les concurrentes
avouées de la GranTurismo s'appellent Bentley Continental GT, Mercedes
CL500 et BMW série 6. N'allez cependant pas croire que cette GT n'avance
pas, car ses 405 ch lui autorisent une vitesse maximale de 288 km/h, un 0 à
100 km/h en moins de 6 secondes et un kilomètre départ arrêté
en 25,2 secondes. Entre sa boîte automatique imposée et sa douceur
de fonctionnement, malgré un mode sport (20% de réponse à
l'accélérateur plus rapide et gestion de boîte plus "
sports) disponible sur simple pression sur un bouton, la GranTurismo est véritablement
fidèle à son appellation. Les américains vont l'adorer (c'est
d'ailleurs déjà fait !) et leur engouement pour Maserati a dicté
la philosophie de cette nouvelle venue. D'ailleurs, 75% des Quattroporte sont
équipées de la boîte auto depuis qu'elle est disponible, preuve
de la demande sans cesse croissante des clients pour ce type de transmission.
Ce n'est plus la Cambiocorsa inspirée de la boîte F1 de Ferrari mais
bien une boîte automatique avec convertisseur de couple. Bien pour le confort,
moins pour le sport.
CHASSIS
Bien
que se prétendant coupé, c'est sur la plateforme raccourcie de la
berline Quattroporte que la GranTurismo est basée. Entre le dont de sa
boîte, son V8 et de son châssis, la Quattroporte fait plus qu'inspirer
la dernière née de Maserati. Entièrement en alu, elle marie
rigidité et légèreté. Un poids qui pourtant sur la
bascule est mis à mal avec près de 1,9 tonne. Bon, à comparer
aux plus de de 2 tonnes d'une Bentley Continental GT Speed, la Maserati passerait
presque pour un poids plûme. Impression d'ailleurs confirmée au volant
par la grâce d'une suspension active Skyhook (en option) qui permet de ménager
un confort réel aux allures réglementaires et urbaines. Cela malgré
les pneus de série en taille basse et large en 245/40 R19 à l'avant
et 285/40 R19 à l'arrière. Ainsi dotée, la Maserati offre
un comportement très équilibré, un train avant assez mordant
et précis et un essieu arrière très rigoureux. Les amateurs
de la fougue des "antiques" biturbo ou plus récemment
des GranSport devront se tourner ailleurs. Lorsque l'on décide d'appuyer
le bouton "sport", la suspension se durcit pour garantir une tenue de
cap sans faille et un roulis maitrisé. L'enchainement de longues courbes
ne fait que mettre en avant l'équilibre de la belle. N'attendez pas d'elle
en revanche de faire des étincelles sur la piste "club" d'un
circuit, la punition infligée à cette noble GT risque d'être
cuisante et insupportable. Un peu comme lorsque BMW présenta à la
presse en son temps la 850i sur circuit. Désormais, qu'on se le dise, une
GT est une sportive au long cours et non plus une sportive de la race des champion.
Alors que la Maserati A6GCS de 1953
dont se réclame la GranTurismo possédait le patronime de "GT"
pour signifier une sportive pure et dure qui permettait autant de faire une course
en gentlemen puis ensuite d'aller se garer au casino, la nouvelle production de
Maserati se permettra le caprice de n'aller qu'au casino, ou vous offrant un nouvel
art de vivre le ruban bleu. Calme, luxe et volupté ? Presque, mais les
rugissements du V8 aux abords de la zone rouge et les puissantes décélérations
autorisées par les quatre freins à disques percés et ventilés
pincés par des étriers à 4 pistons sont là pour faire
honneur à la réputation "sport" de la marque au trident.
Un "sport" qui est désormais maîtrisé comme en témoigne
son système MSP non déconnectable entièrement (l'ESP façon
Maserati). Une autre philosophie du sport...
::
CONCLUSION
Vous êtes intégriste et fan des envôlées
lyriques d'une berlinette ou d'un coupé sport. Vous souhaitez vous battre
un peu avec le cerceau et êtes prêts à quelques concessions
pour plus de sport ? Passez alors votre chemin car la Maserati GranTurismo s'adresse
avant tout aux esthètes des longs trajets conjuguant art et manière.
Les performances sont là, et le style aussi, mais tout est maîtrisé
et efficace. Une nouvelle orientation pour Maserati qui finalement revient à
un concept qui fit sa force dans les années 60 et 70. Désormais,
c'est certain, vous n'aurez plus à choisir en crève coeur entre
une Maserati et une Ferrari. Cela sera la GranTurismo pour tous les jours, et
la F430 Scurderia pour le week end en circuit...
CE QU'ILS EN ONT PENSE : "Le
moteur tourne, donc, et il est temps de passer sur " D " comme "
drive ". En ville, ce coupé (4,88 m) ne se faufile pas particulièrement
bien, même si la direction légère facilite les manuvres.
En revanche, le confort des suspensions surprend agréablement dès
les basses vitesses, du moins dans les versions équipées de suspensions
pilotées (option à 2512 euros). Hors milieu urbain, les choses sérieuses
commencent. La boîte de vitesses est douce et rapide, et les 405 ch font
grimper le tachymètre rapidement." L'Auto-Journal - Hors Série
Haut de gamme 2007 - Maserati GranTurismo - Cyril Biotteau. "La
GranTurismo ne possède peut être pas le dynamisme d'une supersportive,
mais cette Maserati possède un Mojo prodigieux, un surplus d'âme
qui lui permet de nager parmi les requins de la catégorie. Belle à
se damner, l'italienne a réussi le pari de devenir une réelle alternative
aux références germaniques ou britanniques de luxe." Motorsport
- août/septembre 2007 - Maserati GranTurismo - Romain Bernard. |