MAIN DE FER, GANT DE VELOURS
A
Stuttgart, le coupé dérivé de la classe S a été
initié très tôt. Si tôt que Mercedes vient de commercialiser
cette année la cinquième génération si on ne remonte
qu'aux coupés SE des années 60-70. Après quelques vives critiques
sur la génération W140, trop imposant et lourd, le CL W215 avait
étonné avec son aspect presque gracile et sportif. Coup de frein
sur le rajeunissement de la gamme avec la dernière-née des coupés
très haut de gamme de Mercedes puisque le dernier CL 500 W216 revient à
un designer plus massif et élégant que réellement sportif.
Mais Mercedes nous a réservé une surprise...
Texte : Gabriel LESSARD
Photos : D.R.
Pour les ados des années
80, et même les plus vieux, une voiture étonnait alors son monde
: la Mercedes 560 SEC. Bien qu'imposante et classique,
ce coupé du au talent de l'équipe de Bruno Sacco arrivait à
effacer son gabarit par une ligne racée et élégante, sans
pour autant tomber dans le mauvais goût. Et sous son capot, Mercedes avait
glissé un gros V8 5,6 litres de 300 ch qui faisait sensation à l'époque.
Les années 80 battaient leur plein, et Mercedes gagnait en endurance et
sur les circuits de tourisme de France et de Navarre avec les Dany Snobeck et
autres Malcher (avec les 190 2.3-16s production Serpistar).
La publicité phare de l'époque du constructeur à l'étoile
montrait une grille de Formule 1 quasi pleine (dont la plupart des autos étaient
des 560 SEC) en expliquant que les pilotes de Formule 1 roulaient en Mercedes
le week-end. Une sacrée pub sans avoir à payer un seul pilote. Chapeau
! Puis, avec la génération suivante basée sur la berline
W140, Mercedes a voulu aller trop loin dans l'opulence. Massive, peu élégante,
le coupé SEC puis CL W140 ne rencontra pas le succès escompté.
Pour laver cet affront, Mercedes réagit vivement avec la génération
d'après, le CL W215. Aucun point commun avec le "
tank " W140 ! Une ligne racée et sportive, des mécaniques parfois
délirantes comme le CL65 AMG biturbo de 612 ch,
et un comportement routier beaucoup plus dynamique caractérisaient cette
génération. Mais Mercedes a du tirer les enseignements d'avoir élargi
son spectre de prospection pour son concept. Trop sport (dans l'aspect), c'est
pas Mercedes, et trop cossu et massif cela devient de mauvais goût. Le juste
milieu, c'est justement ce que proposait la 560 SEC. Alors pour son nouveau CL
W216 issu de la plateforme de la nouvelle Classe S W221, Mercedes a visé
juste. Avec le CL 500, voilà le vrai remplaçant de ce mythe des
années 80 qu'était le 560 SEC, ou plutôt dites " cinqsoixante
sec " comme l'appellent ses aficionados
DESIGN
C'est
sûr que les amoureux de l'ancien CL pourront être décontenancés
face au nouveau modèle. Exit la gracile apparence qui gommait le gabarit
extérieur pourtant conséquent. Le nouveau CL500 avec ses 5,05 mètres
de long en impose (moins en vrai qu'en photo) et est, à titre de comparaison,
plus long d'une dizaine de centimètres qu'une Jaguar XJ série 3
des années 80 ! Tout de même
A coté, le CLS qui est un coupé 4 portes semble tout petit. Mais l'avantage d'une voiture
longue permet au moins au designer de réaliser une ligne élégante.
Mais sans tomber dans la mièvrerie puisque quelques détails intéressant
son chargés de donner du dynamisme à la ligne : arches de roues
très prononcées, une proue qui semble plus large que le reste de
l'auto, les grosses jantes de 18 pouces, l'arche des vitres latérales inspirée
de celle du CLK, la poupe mélange de nouvelle
Classe S et de Maybach. La large calandre sépare les blocs optiques avant
qui ne sont plus ronds, mais désormais étirés en amande.
L'étoile est bien enchâssée dans la calandre mais semble plus
terne que d'habitude. Et pour cause, elle cache derrière elle le radar
qui sert au système très évolué Distronic Plus. Indéniablement,
les teintes foncées soient mieux à ce noble coupé que les
teintes claires, même si désormais, le blanc serait en passe de devenir
très tendance selon les constructeurs.
INTERIEUR
L'acheteur
d'une Classe S neuve ne sera pas dépaysé à bord du CL500.
C'est pas compliqué, il faut avoir les deux autos cote à cote pour
déceler le jeux des sept erreurs. Il est dommage que Mercedes n'ait pas
souhaité donner une identité intérieure différente
entre sa berline et son coupé. Au moins l'avantage est de retrouver le
même niveau de finition et de présentation de la Classe S : excellent
tout simplement. Les quelques reproches des générations précédentes
semblent appartenir au passé. La position de conduite optimale peut être
trouvée grâce aux multiples réglages des sièges et
de la colonne de direction, et une mémorisation est possible évitant
ainsi au conducteur d'avoir à re-régler sa position après
avoir cédé son volant à quelqu'un d'autre. Le levier de vitesse
de la boîte automatique a migré comme sur le reste de la gamme Mercedes
(Classe S, Classe M, GL
) sur la colonne de direction et récupère
des touches derrière le volant pour gérer la boîte en séquentielle.
L'un des points forts du coupé CL est sa planche de bord qui a limité
drastiquement le nombre de boutons apparents. Pour parvenir à un tel résultat,
Mercedes a eut recours à une molette située sur la console centrale
qui permet de naviguer sur l'écran central pour aller opérer des
réglages de confort et d'équipement. Heureusement, les fonctions
" vitales " et les plus usitées sont restées sous forme
de boutons. Mais force est de reconnaître que la molette Mercedes est plus
instinctive que l'I-Drive de BMW pourtant en progrès.
On notera quelques incongruités comme cette petite montre analogique (l'effet Maserati ?) ou cet autoradio avec son écran
à bandeau type " TSF " de la résistance (heureusement
pas de grésillements ici !). Pour ceux qui auraient retenu l'option vision
de nuit, le tachymètre totalement en image numérique disparaît
pour laisser place à l'écran de vision de nuit. Impressionnant d'efficacité
comme système ! A noter des places arrière confortables mais dont
l'accessibilité est moyenne.
MOTEUR
Sous le capot, ce V8
est désormais connu puisqu'il équipe déjà la Classe
S 500, mais aussi le ML 500 et le SL 500. Si vous aviez
connu l'ancien V8 oubliez tout vos souvenirs tant le nouveau lui est très
largement supérieur à tout niveau. Rien que les 80 ch supplémentaires
se font tout de suite sentir. Contrairement à son appellation commerciale
(500), ce V8 à 90° n'est pas un 5 litres mais un 5,5 litres. Il est
coiffé par une culasse à 32 soupapes agitées par deux rangées
de doubles arbres à cames en tête. Le calage est variable tant à
l'admission qu'à l'échappement. Plus que la puissance de 388 ch
à 6000 tr/mn, c'est surtout son couple de 530 Nm de 2800 à 4800
tr/mn qui permet des relances très musclées de ce (lourd !) coupé.
Les accélérations s'en ressentent également avec un très
impressionnant 25 secondes au kilomètre DA et moins de 6 secondes sur le
0 à 100 km/h. C'est certes moins flatteur que les chiffres d'une BMW
650i ou d'une Jaguar XKR, ses rivales directes
et plus proches dans la philosophie, mais dans l'absolue ce sont des performances
exceptionnelles et largement suffisantes. Et l'ancien CL500 se prend tout de même
une veste de près de 1,5 secondes sur le mille mètre ! Et le son
de ce V8 est beaucoup plus présent et flatteur à l'oreille que sur
l'ancien CL500. La boîte de vitesse automatique est imposée, mais
le client du CL500 a le droit à la dernière évolution de
la 7G-Tronic. Sept rapports qui s'égrainent avec douceur et rapidité.
Au pire en étant tatillon on pourra parfois déceler un léger
temps de réponse, la boîte semblant hésiter entre plusieurs
rapports. Des touches (et pourquoi pas les palettes du CL63 AMG !) derrière
le volant permettent de piloter les rapports, mais dans 99% des cas on restera
en mode automatique total.
CHASSIS
Posté devant le CL500
garé, on s'imagine à la vue de ce gabarit imposant (et avec les
2 tonnes à l'esprit lus sur la fiche technique) déjà vautrés
dans chaque virage avec des pneus martyrisés. C'était sans compter
sur le travail réalisé par les techniciens allemands. Leur arme
secrète s'appelle ABC, leur suspension hydraulique active. Le résultat
est tout simplement étonnant, car si l'ancien CL en était déjà
équipé, ici les améliorations sont sensibles. Le CL ne se
cabre pas à l'accélération ni au freinage, et vire à
plat comme une voiture sportive. La direction à assistance paramétrique
en fonction de la vitesse permet d'avoir un placement précis des roues
avant et donne un ressenti convenable de la route. Les larges pneus de 255/45
contribuent aussi à l'effort d'adhérence et d'efficacité
du confort. Mais le vrai plus c'est tout de même la suspension ABC qui se
permet même le luxe de préserver le confort des occupants, même
à un rythme élevé. Etonnant CL500 qui est finalement bien
plus dynamique qu'il ne le laissait présager. Evidemment, il faut pas en
attendre non plus la vivacité d'une petite GTI,
mais tout de même la surprise est réelle et bonne. Les freins suffisamment
dimensionnés sont puissants et restent endurants. Couplés avec la
fonction Pré-Safe, ils freinent jusqu'à 40% à votre place
si vous n faites rien juste avant l'impact que les capteurs ont détecté.
Surprenant, mais cela n'intervient qu'à peine plus de deux secondes avant
l'impact
Nous en avons profité pour tester le Distronic Plus, ce
fameux régulateur de vitesse qui est couplé avec un radar de distance
(caché dans l'étoile comme mentionné plus haut). Lorsqu'il
est activé et que vous avez réglé la distance minimale devant
vous séparer de l'auto qui vous précède vous n'avez plus
rien à faire, le système fonctionne à votre place. Tellement
bien que lorsque vous arrivez à un feu tricolore par exemple et qu'une
auto est à l'arrêt, le CL500 va s'arrêter seul puis redémarrer
seul sans que vous ne touchiez ni au frein, ni à l'accélérateur.
C'est K2000 ! Mais le conducteur dans tout ça il fait quoi ?
::
CONCLUSION
On pouvait craindre que Mercedes nous concocte juste une
vitrine roulante de son savoir faire sur l'opulence et la technologie embarquée
comme pourrait dans un premier temps le présager le gabarit et style du
nouveau CL. Mais c'était sans compter sur un V8 de 5,5 litres de 388 ch
particulièrement présent et performant et surtout un châssis
particulièrement bien né, sublimé par la suspension active
ABC permettant une conduite dynamique et plaisante malgré les deux tonnes
affichées sur la bascule par le CL500. Reste un écueil à
franchir pour ceux qui sont déduits, trouver les quelques 120 000 euros
nécessaires pour pouvoir avoir dans sa poche la clé d'un tel bijou...
CE
QU'ILS EN ONT PENSE :
"Imposant, extrêmement luxueux et particulièrement
sûr, ce grand coupé se destine à une clientèle évidemment
fortunée, mais aussi assagie et plus âgée que la moyenne.
Il ne faudrait toutefois pas dire qu'il s'agit d'une " voiture de vieux ".
Car lorsqu'il est question de parcourir de longues distances, cette Mercedes se
révèle une redoutable grande routière, particulièrement
confortable, mais aussi agréable à conduire quand on le lui demande,
tout en vous laissant frai comme un gardon après avoir avalé mille
kilomètre d'une traite. Peu de ses rivales sont capable d'en faire autant.
"
Le Moniteur Automobile - 12 décembre 2006 - Mercedes-Benz
CL 500 (W216). |