MERCEDES-BENZ GLE 63 S AMG Coupé (2015 - )
Mutation génétique
Conçus à l'origine pour les USA, les SUV ont contaminé progressivement la planète au point de devenir indispensables pour tous les constructeurs. Evoluant dans les plus hautes sphères de cette nouvelle espèce dominante, le Mercedes GLE 63 S AMG Coupé est là pour rappeler qui est l'initiateur du SUV sportif...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : Mathieu BERGER
Si pour vous une automobile sportive doit nécessairement être très basse et très légère, inutile d'aller plus loin dans cette lecture. Si en revanche vous pensez que l'automobile sportive, au sens où nous l'entendons sur ce site, doit d'abord être une source de plaisir avec une ligne qui ne laisse pas indifférent, un moteur qui ne laisse pas indifférent et un châssis qui ne laisse pas indifférent, alors vous allez peut-être élargir votre spectre avec cet essai en taille XXL. Après les diesels sportifs, l'hybride sportive et l'électrique sportive, voici donc venu le temps de prendre de la hauteur avec le SUV sportif !
Pour comprendre comment nous en sommes arrivés là, à savoir essayer un tout-terrain aussi puissant qu'une supercar, il faut remonter près de 30 ans en arrière. Au début des années 90, Mercedes-Benz prépare le remplacement du mythique Classe G, commercialisé depuis 1979. Après un premier projet commun avec Mitsubishi avorté, Mercedes poursuit seul le développement du futur W163. Le dessin est figé en 1994 et les premiers prototypes prennent la route en 1995. Principalement destiné au marché américain, très friand de 4x4, ce nouveau modèle sera aussi la première Mercedes-Benz construite directement sur place. Le tout premier exemplaire de la nouvelle Classe M, baptisé ML, sort des chaînes début 1997, quelques mois après avoir été starisé par Hollywood dans le spectaculaire Jurassic Park de Spielberg.
Alors que Jeff Goldblum assure la promotion du modèle au volant d'un ML 320 offert par l'usine, moins d'un an plus tard, le ML débarque en Europe où il conforte immédiatement son succès. Le phénomène "Sport Utility Vehicle" est né et va bouleverser durablement le marché automobile mondial. Mais Mercedes va aller encore plus loin en créant une nouvelle niche sur ce segment avec le ML 55 AMG. Dopé par un V8 5.4L de 347 ch, le ML introduit la notion de sportivité dans un format que rien ne prédispose à la performance. Trop haut, trop lourd, le ML 55 s'affranchit pourtant des lois de la physique pour séduire une clientèle à la recherche de nouveauté. Et ça marche ! Considéré comme le tout premier SUV hautes performances - bien que le réel précurseur du genre soit l'iconoclaste Lamborghini LM002 - le ML 55 va rapidement susciter des jalousies chez les concurrents premium allemands. BMW, Porsche et Audi n'avaient plus qu'à suivre le mouvement...
PRESENTATION
Une décennie passa et à mesure que le "style SUV" se démocratisait, les ténors du haut de gamme se devaient d'innover. Parce que les SUV, même sportifs, avaient encore trop une allure d'utilitaire, BMW chipa à Mercedes l'idée du coupé 4 portes introduite par le CLS pour l'appliquer à son X5. Ainsi était né le X6 en 2008 et sa violente version M de 555 ch un an plus tard. Mais les gens d'Affalterbach n'allaient certainement pas se faire doubler sans réagir ! En 2009 la marque à l'étoile installe son plus gros moteur, le V8 6.2L de 510 ch, sous le capot du ML 63 W164 qui remplace feu le ML 55. Mais il fallut pourtant attendre 2015 et le renouvellement du ML (W166) pour avoir une vraie nouveauté. Suite au remaniement de la gamme, l'illustre ML 63 AMG s'appelle désormais Mercedes-AMG GLE 63 4MATIC. Et avec ce nouveau GLE lancé en 2015, Mercedes ne propose plus un mais deux modèles en ajoutant enfn une variante "coupé" à son offre.
Des lignes massives, des jantes hors-norme de 22'' (contre 20" au GLE 63) avec des pneus qui ne le sont pas moins sur cette version 63 S, notre GLE Coupé fait forte impression sur son passage. Et ce, même sans faire gronder le V8. AMG s'est chargé de viriliser une ligne déjà pas franchement fluète, quitte à en faire un chouia trop à notre goût (les fausses ouïes dans le bouclier arrière). Avec le pack Sport Black optionnel (jantes, coques de rétros et autres détails de finition sont peints en noir) constrastant sur le blanc "diamant métallisé designo" (supplément à 900 €) qui recouvre l'imposante carrosserie, on n'évite pas le cliché de la voiture de footballer. Mais le nouveau GLE Coupé 63 AMG assume parfaitement ce côté "bling-bling", sans doute en réponse à la demande de la clientèle visée. Orné de la fameuse bordure centrale inférieure du pare-chocs avant qui caractérise les modèles AMG, de la grille de calandre à double lamelle chromée argentée, le GLE 63 S Coupé est aussi identifiable à ses étriers de frein peints en rouge. En cas de doute sur ses prétentions, les logos "V8 Biturbo" collés sur les ailes avant sont là pour rappeler qu'on ne parle pas franchement d'un petit crossover mazout pour midinette...
LE POINT « G » DE MERCEDES
Mercedes-Benz a restructuré en 2015 l'étiquetage de sa gamme. En hommage à la célèbre Classe G, tous les modèles du programme SUV arborent désormais un « G » suivi d'un « L » derrière lequel s'insère une troisième lettre qui crée un lien avec la gamme des berlines correspondantes. Ainsi, GLA désigne les SUV du segment Classe A, GLC (ancien GLK) du segment Classe C, GLE (ancienne Classe M) du segment Classe E et enfin, GLS (ancien GL) désigne les SUV du segment Classe S. Le mythique Classe G, lui, reste inchangé.
HABITACLE
Il suffit de jeter un œil à l'intérieur du nouveau GLE 63 4MATIC pour retrouver l'atmosphère typique des modèles AMG. C'est propre, net et sans bavure. A l'image du blason de la maison, pressé dans les appuie-tête, tout est pensé et réalisé avec soin. Mais comme il serait trop facile de se complaire dans l'apologie du "premium allemand", on peut tout de même regretter une finition par endroits inégale avec des plastiques durs qui peuvent apparaître trop nombreux sur un véhicule affiché plus de 140.000 €. Hormis cela, l'ambiance à bord de notre modèle d'essai n'est pas franchement chaleureuse. Entre le noir des habillages et le gris du ciel, bonjour tristesse... On pourra préférer le cuir blanc "Porcelaine" ou brun "Expresso" pour réchauffer l'habitacle et profiter du toit ouvrant panoramique à 2150 € pour le rendre plus lumineux.
Quelle que soit la couleur choisie, les sièges sport en cuir Nappa perforé et chauffants, de série sur le GLE 63 S, sont heureusement bien enveloppants, avec en prime des supports lombaires réglables électriquement. Sur cette version ultime, la zone de préhension du volant Performance est aussi habillée en microfibre. L'équipement est typiquement celui d'un très haut de gamme, avec entre autres la climatisation automatique 3 zones, des mémoires pour les sièges avant, colonne de direction et rétroviseurs, le KEYLESS-GO, la hi-fi Harman Kardon à 14 haut-parleurs et double tuner radio, lecteur CD/DVD audio/vidéo, le détecteur d'angle mort, le pavé tactile TOUCHPAD avec système multimédia couleur 8", streaming audio et navigateur internet, la navigation GPS 3D, l'assistant de signalisation routière, sans oublier les interfaces USB et SDHC, la fonction appel d'urgence et autant de bips et messages d'alerte horripilants et pourtant chers aux américains... Malgré cela, la liste d'équipements optionnels est encore longue et permettra de combler n'importe quel caprice de l'acheteur. C'est ça aussi d'être un vrai constructeur premium.
MOTEUR
Si vous avez l'impression que les appellations chez Mercedes-Benz ressemblent désormais à un épais brouillard, rassurez-vous, vous n'êtes pas seul. Avec des désignations qui cachent leur cylindrée réelle, c'est devenu un vrai domaine d'expert. Ainsi, le V8 Biturbo du GLE 63 AMG cube 5,5 L comme son nom ne l'indique pas. Il ne faut donc pas confondre ce V8 code M157 avec l'autre V8 "63" (M178), équipant notamment l'AMG GT et la C 63 AMG et cubant seulement 4.0 L. Tous les deux sont frappés de leur plaque d'assemblage signée, selon la tradition « Un homme, un moteur ». Encore que depuis la nouvelle C 450 - ou C 43 - AMG c'est une autre règle qui disparaît...
Toujours est-il qu'on dispose ici du gros moteur et qui plus est dans sa version ultime frappée d'un "S", comme Supplément (de pression de turbo), dont la puissance passe de 557 à 585 et le couple de 700 à 760 Nm ! En contrepartie on perd un petit peu sur la plage de disponibilité mais honnêtement, à ce niveau il devient difficile de sentir réellement la différence... Quoiqu'il en soit concernant les aspects marketing de la chose, ce V8 déménage furieusement ! La moindre pichenette du pied droit sur la pédale fait souffler les turbos en stéréo et bondir le mastodonte en avant. Tel un éléphant dans un magasin de porcelaine, réussir un créneau sans défoncer une voiture de chaque côté devient un sport de maîtrise corporelle. C'est là qu'on comprend que ce SUV made in USA n'a franchement pas été conçu pour les centre-villes historiques comme celui de L'Aigle...
Et pourtant, la boîte de vitesses associée à ce copieux organe fait montre d'un réel brio. Contre toute attente, il ne s'agit pas de la nouvelle boîte auto à 9 rapports, disponible sur les motorisations diesel, mais de l'ancienne 7G-Tronic. Sensiblement revue, elle convainc par ses changements de rapports rapides et sa gestion plutôt intelligente permettant de varier entre des passages souples ou au contraire musclés selon le mode de conduite choisi. En mode manuel, on peut même prendre complètement la main et faire mumuse avec les palettes tout en profitant du double-débrayage géré automatiquement et des crépitement généreux de l'échappement (surtout si vous avez coché l'option échappement Performance !). Mais très franchement, nous avons préféré rester concentrés sur les trajectoires et l'encombrement du bébé sur des chaussées qui paraissent étrangement avoir rétréci...
Car quelle que soit la variante choisie, le GLE 63 Coupé affiche des chronos à faire pâlir bon nombre de sportives patentées. De 0 à 100 km/h en 4,2 s pour le 63 S, voilà qui pourrait en vexer plus d'un en sortie de péage... Brutale comme un coup de massue dès le régime de ralenti, la poussée ne faiblit pas avant la zone rouge, laquelle pourra paraître arriver un peu trop tôt (6500 tr/mn). Mais lorsqu'on regarde attentivement les vitesses correspondantes, on succombe vite à la fameuse peur du gendarme... Evidemment, les valeurs de consommation sont à l'avenant, c'est à dire effrayantes. Bien loin des 12 L/100 km revendiqués, notre essai s'est achevé sur un bon 20 litres de moyenne. Heureusement que le prix du baril a chuté cette année.
SUR LA ROUTE
Alors vous nous direz à juste titre que les runs en ligne droite c'est rigolo cinq minutes, mais où est le sport dans tout ça ? A la lecture du poids officiel du GLE 63 AMG Coupé, on peut en effet prendre la fuite. 2,3 tonnes, c'est un peu plus qu'une Tesla Model S P90D mais avec un centre de gravité autrement plus haut. Nous restons pourtant loin du record officiel de l'AS, toujours détenu par le 4x4 Lamborghini précédemment cité qui affichait fièrement 2 tonnes et 700 kilos à vide ! Malgré cela, notre GLE peut se targuer d'un rapport poids/puissance de seulement 4.0 kg/ch qui impose une certaine forme de respect immédiat. Il convient encore de préciser que notre terrain de jeu du jour était particulièrement humide, des conditions "idéales" pour essayer un "tout-terrain"...
Sauf que, contrairement au prototype Lamborghini, les prestations dynamiques n'ont ici absolument rien d'une mauvaise blague. Par la magie d'une électronique omniprésente et d'une transmission 4MATIC omnipotente, on peut même se permettre l'affront d'appuyer sur le champignon comme un gros benêt sans craindre de se retrouver à l'équerre ou dans le fossé au premier virage. Pire encore, avec la régulation antiroulis dynamique qui joue sur les barres stabilisatrices actives de chaque essieu, la répartition du couple en faveur de l'arrière (60%) et la direction paramétrique à démultiplication variable, on pourrait - presque - se croire au volant d'une très grosse GTI, les grondements rauques et pétarades du V8 AMG en plus ! C'est extrêmement bluffant et le pire, doit-on avouer presque honteusement, c'est qu'on y prend vraiment du plaisir...
Ca, c'est jusqu'au moment où il faut planter les freins pour de vrai et plusieurs fois de suite. La physique rappelle alors ses règles élémentaires, matérialisées par la formule de l'énergie cinétique. Non, les monumentaux disques de 390 mm ne sont pas à mettre en cause, au contraire des pneus qui finissent par saturer sous la pression d'un freinage étonnamment percutant et de la charge à supporter. Pour autant, sur un sol vraiment très gras il faut rappeler, nous n'avons connu aucune grosse frayeur et le niveau de sécurité active est vraiment très élevé. De là à s'imaginer partir sur un track day avec son GLE 63 AMG, il faudrait être "sévèrement burné".
Le dernier bon point vient récompenser la suspension sport AMG avec système AIRMATIC qui comprend la suspension pneumatique, des jambes de suspension spéciales, un correcteur de niveau automatique et un système d'amortissement adaptatif variable en continu ADS Plus. Asservie à la vitesse, elle permet de préserver un confort acceptable en diverses circonstances, à ceci près que compte tenu des pneus à flancs ultra rigides, les compressions rapides sont renvoyées de façon un peu sèche dans les sièges. A vive allure, le GLE 63 AMG s'abaisse de lui-même afin de minimiser la résistance de l'air tout en améliorant la tenue de route.
Finalement, le point le plus discutable, lorsqu'on n'est pas spécialement adepte du genre, reste la hauteur d'assise. Sans même parler de la surconsommation générée, la position "chauffeur d'autobus" amenuise énormément la sensation de vitesse, ce qui est tout de même paradoxal par les temps qui courent. D'autant qu'il n'y a vraiment pas besoin de ça pour être certain de "dominer" la route avec une telle furie sous le capot...
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
MERCEDES-BENZ GLE 63 S AMG Coupé
MOTEURType : 8 cylindres en V à 90°, 32 soupapes
Position : longitudinal AV
Alimentation : Injection directe + 2 turbos (1 bar) + échangeur
Cylindrée (cm3) : 5461
Alésage x course (mm) : 98 x 90.5
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 585 à 5500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 760 de 1750 à 5250
TRANSMISSION
4x4 permanent
Boîte de vitesses (rapports) : automatique 7G-Tronic Speedshift Plus (7)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés perforés (390) - disques pleins (345) + ESP
Pneus Av-Ar : 285/40 - 325/35 R22
POIDS
En ordre de marche (kg) : 2275
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 4,0
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 250
400 m DA :
1000 m DA :
0 - 100 km/h : 4"2
0 - 200 km/h :
CONSOMMATION
Moyenne cycle mixte (L/100 km) : 11,9
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 21
CO2 (g/km) : 278
PRIX NEUF (07/2016) : 142.850 €
PUISSANCE FISCALE : 51 CV
CONCLUSION
:-) Performances de supercar Comportement efficace Boîte rapide Sonorité ravageuse ! |
:-( Non-sens sportif... (Poids et hauteur) Consommation indécente Trop de plastiques durs Tarifs |
Luxe et puissance sont les premiers ingrédients d'une Mercedes-AMG digne de ce nom. Le GLE 63 S 4MATIC ne déroge pas à la règle, à la fois très performant, efficace et sûr, il surprend par son homogénéité et son dynamisme. Sa "sportivité" peut-on même dire, en trahissant le dogme. Alternative crédible aux berlines sportives, il faut en revanche tenir absolument à être perché sur la route pour lui trouver un réel avantage...