TESLA MODEL-S P90D (2015 - )
DÉTOUR VERS LE FUTUR
La Tesla Model S est la première - et encore la seule à ce jour - berline sportive électrique du monde disponible à la vente. Et pour tous ceux qui émettent des doutes sur l'aspect légitime de sa présence ici, croyez bien qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent jamais d'avis...
Texte & photos : Sébastien DUPUIS
L'histoire est souvent injuste avec les pionniers. Ainsi, Tesla n'a pas été le premier constructeur à commercialiser une voiture électrique, ni même une sportive électrique. En effet, avant cela, il y eut la Venturi Fetish. Présentée en 2002 sous forme de concept-car avec un 2.0L de Renault Clio RS, elle avait finalement été remaniée pour devenir en 2004 la première voiture de sport électrique du monde. C'est bien connu, en France on n'a pas de pétrole, mais on a des idées. A défaut de pétrole, Venturi aurait sans doute aimé trouver des clients. Malheureusement, proposée à un tarif délirant de 350.000 € lors de sa commercialisation en 2006 , la Fetish demeura ultra confidentielle.
Les américains, eux, ont toujours eu du pétrole et des idées, avec en bonus les dollars pour les exploiter. C'est alors qu'entre en jeu Tesla. Fondée en 2003 par un groupe d'ingénieurs de la Silicon Valley, Martin Eberhard, Marc Tarpenning, Ian Wright, Elon Musk et JB Straubel, l'entreprise Tesla a l'intention de prouver que les véhicules électriques peuvent être plus performants que les voitures à essence. Le nom de l'entreprise rend d'ailleurs directement hommage au scientifique Nikola Tesla, célèbre ingénieur à qui l'on doit le moteur électrique asynchrone (ou moteur à induction), breveté en 1888. Et oui, ça ne date pas d'hier...
Lancée en 2008, la Tesla Roadster va permettre à la marque de se faire rapidement un nom et une image, en devenant, sans mauvais jeu de mot, la voiture "branchée" pour les stars californiennes tendance écolo comme Georges Clooney ou Leonardo DiCaprio. Rendre la voiture électrique glamour et fashion tout en n'en faisant pas une punition pour les amateurs de conduite restera probablement le meilleur coup marketing Tesla. Développée et dessinée avec Lotus Cars, qui a fourni le châssis de l'Elise et l'habillait d'une carrosserie en fibre de carbone (confectionnée en Bretagne !) pour maintenir son poids à 1358 kg. Equipée d'une batterie lithium-ion par Tesla, la Roadster offrait une autonomie de 340 km et un 0-100 km/h en 3,9 secondes. Mais son ultime atout, face à une Venturi totalement déconnectée et sous-financée, était son prix beaucoup plus raisonnable de 109.000 $ (environ 84.000 €). Avec le Roadster, Tesla sortait aussi des chemins classiques du modèle automobile en adoptant la vente "on-line" via son site internet, comme pour un banal matériel informatique. Précisément à la croisée des chemins entre automobile et informatique, ce n'est sans doute pas exagéré de dire que Tesla a réellement ouvert la voie de l'automobile du 21ème siècle, bien plus que Venturi ou n'importe quel autre constructeur avant lui...
ELON MUSK, UN PATRON PAS COMME LES AUTRES...
Né en 1971 à Pretoria, en Afrique du Sud, Elon Musk est l'incarnation du rêve américain. Passionné d'informatique dès son plus jeune âge, il quitte sa famille pour étudier au Canada à tout juste 18 ans puis en devient citoyen. En 1994, il migre aux USA pour poursuivre des études de physique appliquée et crée parallèlement avec son frère la société ZIP2, éditeur de solutions web. Revendue à Compaq en 1999, ce premier succès dans la nouvelle économie numérique lui permet d'investir immédiatement dans une société de services financiers en ligne : X.com. En 2000, celle-ci fusionne avec Confinity avant de devenir Paypal en 2001... En 2002, Musk devient citoyen américain et embarque dans un tout autre domaine, le vol spatial ! SpaceX, dont il est toujours dirigeant, devance de peu son arrivée à Tesla Motors. Il en devient patron et principal actionnaire en 2008 avant d'ouvrir le capital à de nouveaux investisseurs pour sauver la boîte de la faillite. Aujourd'hui, Tesla Motors ne gagne certes toujours pas d'argent mais a pu investir lourdement dans de nombreux projets destinés à péréniser son activité (Giga-factory, Model X, Model 3, Power-wall...). En juin 2014, Elon Musk a rendu les brevets de Tesla accessibles à tous sur la conviction que « Si une entreprise dépend de ses brevets, c'est qu'elle n'innove pas ou alors qu'elle n'innove pas assez rapidement. »
PRESENTATION
La berline électrique de Tesla a été annoncée dès 2008, soit à peu près au moment de la commercialisation du Roadster. Désigné en interne sous le nom de « Whitestar », le premier prototype a été présenté en 2009 mais beaucoup de détracteurs étaient dubitatifs sur l'aboutissement du projet. En 2012, la production démarrait pourtant à Fremont en Californie dans une usine flambant neuve et les premières livraisons débutaient aux États-Unis. Un an plus tard, elle faisait son arrivée en Europe lors du Salon de Genève 2013, avec un volume de production limité à 1000 exemplaires. Avec un nouveau centre d'assemblage aux Pays-Bas, en 2015, rien qu'en France, ce nombre de ventes a été dépassé et ce sont 21.552 exemplaires de Model S qui ont été vendus à travers le monde l'an dernier. Pour autant, la France reste un tout petit marché, bien loin des volumes atteints aux USA (58% des ventes) ou même de la Norvège (second marché mondial à 9,4% des ventes) et de la CHine (5,2%). Au total, le cap des 100,000 Tesla S était franchi en décembre dernier. La croissance de Tesla est donc exponentielle et le nombre de stations de recharge et de points de vente accompagne ce développement rapide. La France compte 29 "Superchargeurs" (soit 142 bornes) permettant de retrouver la moitié de l’autonomie en 20 minutes environ. Côté distribution, il y a désormais 4 succursales (les points de vente et service appartiennent intégralement à Tesla) à Paris Chambourcy, Bordeaux Mérignac, Lyon centre et Aix-en-Provence.
C'est Franz von Holzhausen qui a signé le dessin de cette grande berline 5 portes et vous ne serez sans doute pas surpris d'apprendre qu'il travailla chez Mazda avant de rejoindre Tesla. Sans chercher à y voir l'inspiration d'un modèle Mazda précis, le dessin de la Model S se distingue par une ligne fluide et des formes sans agressivité inutile. Pour la touche sportive, la P90D se contente d'un petit becquet de coffre en fibre de carbone et d'étriers de freins rouges, avouez qu'on a vu plus ostentatoire ! Longue de 4m97 et large d'1m96, cette routière possède une élégance certaine et le paradoxe de la Model S est certainement d'opposer le classicisme de sa ligne à la modernité de ses dessous. Mais pour séduire sur un marché largement dominé par les standards allemands, il était sans doute préférable de ne pas choquer la clientèle avec un design "hors norme", approche choisie par Toyota pour promouvoir l'hybride (Prius) et l'hydrogène (Mirai).
Il n'y a d'ailleurs rien de hasardeux, ni d'amateur dans la stratégie de Tesla contrairement à ce qu'on pourrait craindre d'un constructeur aussi jeune à l'échelle du temps automobile. C'est d'ailleurs ce qui impressionne le plus, la rapidité avec laquelle une marque partie de rien a su se hisser au niveau des meilleures références du marché. La meilleure preuve de ce développement rigoureux est le Cx remarquable de 0,24 affiché par la S. Les suspensions pneumatiques intelligentes rabaissent la voiture lorsqu'elle roule sur l'autoroute afin de réduire la friction à l'avant. Des clapets de refroidissement sont contrôlés par capteurs et restent fermés tant que leur activation n’est pas nécessaire. Le pare-choc avant dirige l'air en continu sous la plaque de protection de la batterie jusqu'au diffuseur arrière. Même les poignées de porte se replient automatiquement en roulant pour créer une surface plane et ainsi réduire la friction. Une chose est sûre, même avec son design assez convenu "notre" Model S n'a pas manqué d'attirer les curieux lors de l'arrêt ravitaillement au superchargeur du Mans. Une ville où on a pourtant plus l'habitude d'admirer des supercars que des berlines à papa...
HABITACLE
En montant à bord de la Model S, on découvre un habitacle très "design" au dessin simple et épuré, bien loin des intérieurs futuristes qu'on nous présente dans les concept-cars qui ne voient jamais le jour. Ici les codes du haut de gamme sont respectés, à commencer par l'utilisation de matériaux nobles à profusion : bois vernis, aluminium poli, cuir Nappa, alcantara. Les rares éléments plastiques sont les commodos (d'origine Mercedes) et quelques garnitures utilisées dans des endroits plus reclus. Globalement il n'y a rien à redire sur la qualité de fabrication, les ajustements sont soignés et les assemblages semblent rigoureux. Tout au plus pourra-t-on percevoir quelques légers grincements provenant de l'immense écran central mais il faut préciser que le niveau sonore dans l'habitacle est tellement faible que ce petit bruit parasite serait certainement passé inaperçu dans une berline classique à moteur thermique !
La vraie originalité de cet habitacle est d'ailleurs sans nul doute cet écran tactile de 17 pouces en orientation portrait, le plus grand installé dans un modèle de série, placé au coeur du système. Véritable paradis pour geek en mal de nouveautés, les différents menus peuvent occuper leur monde pendant des heures en faisant "mumuse" avec la multitude de menus et sous-menus permettant de configurer la Model S comme son téléphone fétiche. De l’ouverture du toit panoramique vitré, aux préférences liées à la climatisation automatique ou au choix de la station radio en passant par les fonctions de navigation et téléphonie, jamais le terme "d'ordinateur de bord" ne nous a semblé aussi approprié ! Même la connexion internet est d'ailleurs incluse et offerte par Tesla. Légèrement incliné vers le conducteur, ce mega-LCD peut basculer du mode jour au mode nuit pour une meilleure visibilité. A cet écran principal s'ajoute un second écran, faisant office d'instrumentation de bord cette fois et situé face au conducteur, principe dont s'est largement inspiré Audi pour le i-cockpit du TT et d'autres nouveaux modèles.
Mais comme la Model S reste aussi une automobile malgré tout, on appréciera le confort des sièges avant et la position de conduite excellente. En revanche, les passagers arrière sont moins bien lotis puisqu'une simple banquette, un peu raide, les accueille sans fioriture. Dans ces conditions, pas sûr que les chauffeurs de maîtres gardent le volant bien longtemps !
CARACTERISTIQUES
TESLA MODEL-S P90D
MOTEUR
Type : Moteur à induction asynchrone triphasé
Position : essieu AV + essieu AR
Alimentation : batterie Li-Ion 90 kWh
Cylindrée (cm3) :
Alésage x course (mm) :
Puissance maxi (ch DIN) : 469 (539 en mode Ludicrous)
Couple maxi (Nm) : 967
TRANSMISSION
4x4 permanente
Boîte de vitesses : Rapport fixe à vitesse unique
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés (355) - disques ventilés (365) + ABS
Pneus Av-Ar : 245/55 R19 102Y
POIDS
Donnée constructeur (kg) : 2262
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 6,0
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 249
400 m DA :
1000 m DA :
0 - 100 km/h : 3"
CONSOMMATION
Autonomie cycle mixte NEDC : 505
Moyenne de l'essai (kWh / 100 km) : 28
CO2 (g/km) : 0
PRIX NEUF (01/2016) : 115.100 €
PUISSANCE FISCALE : 1 CV
MOTEUR(S)
Avant d'aller plus loin, faisons un petit décryptage de la terminologie Tesla. Tout d'abord, chaque Model S est historiquement identifiée par un nombre (40, 60, 70, 85 et 90) faisant référence à la capacité de la batterie en kWh, ou quantité d'énergie restituable. A cela, Tesla ajouta un P pour désigner les modèles "Performance" équipés de moteurs plus puissants. La première fut la P85, dotée d'un moteur de 350 KW contre 315 pour la 85 standard, remplacée définitivement depuis janvier 2016 par la P90 sortie en août 2015. Enfin, la lettre finale de notre P90D signifie Dual motor, en référence au second moteur électrique ajouté sur l'essieu avant. Ainsi dotée, la P85D inaugurait en 2014 la transmission intégrale sur la Model S.
Par rapport à la P85D, notre P90D bénéficie donc à la fois de la plus grosse batterie (90 kWh) et des moteurs les plus puissants avec respectivement 510 ch à l'arrière et 262 ch à l'avant. Mais n'allez pas penser dès maintenant qu'on dispose de 772 ch, ce n'est pas aussi simple (cf. encadré ci-dessous)... En réalité, Tesla annonce 469 ch DIN utilisables et jusqu'à 539 ch avec l'overboost maison baptisé "Ludicrous" et réservé à la P90. Un overboost électrique qui réclame cependant une grande patience puisqu'il faut compter 5 bonnes minutes avant de pouvoir exploiter cette "puissance maximale". Mais le plus impressionnant et le plus parlant c'est certainement la valeur de couple, estimée à 967 Nm et disponible dès le "ralenti" - si l'on peut dire - grâce à la magie du moteur électrique !
La Model S Dual Motor représente une amélioration majeure vis-à-vis des systèmes classiques de transmission intégrale. Grâce à ses deux moteurs, situés chacun sur un essieu, la Model S se passe en effet non seulement de boîte de vitesse, mais aussi d'arbre de transmission et de différentiel. Le couple est transmis directement aux roues avant et arrière de manière indépendante via le système embarqué. Ainsi, la Model S P90D annonce un impressionnant 0 à 100 km/h en 3 secondes seulement...
Kilowatts et Chevaux...
En septembre 2015, des propriétaires américains de Tesla Model S P85D s'unissaient pour dénoncer que la puissance annoncée de 700 ch était clairement surévaluée. La cause du malentendu provenait en partie du différentiel qui existe entre la puissance maximale du moteur et celle réellement exploitable pour la batterie. En effet, diverses situations (faible état de charge, les températures froides, etc.) peuvent réduire le flux d'électrons et dans d'autres cas, le flux potentiel de l'électricité peut dépasser la capacité du moteur électrique (batterie chaude, courtes accélérations, etc.). Afin de satisfaire tout le monde, Tesla a donc revu (à la baisse) en novembre 2015 les puissances "officielles" de ses modèles. La P95D passait ainsi de 700 à 469 ch, tout en maintenant ses chiffres de performances.
Avant de clore ce chapitre, ajoutons un petit mot sur la consommation. Évidemment, celle de carburant fossile est inexistante mais nous avons aussi pu juger des chiffres d'autonomie annoncés par Tesla. Même s'il faudrait user d'un sang froid sans borne (de recharge...) pour parvenir aux 505 km annoncés dans le cycle NEDC, la réalité se situe certainement entre cette valeur et celle de notre essai réalisé dans des conditions pas très "éco-conduite" évidemment... Nous avons ainsi relevé une consommation moyenne de 28 kWh/100 km en comptant les étapes de liaison sur route ou autoroute entre Paris et Le Mans, avec des pointes à 350 WH/km sur une partie d'essai plus intensive, soit assez loin des 183Wh/km officiels en mixte. Afin de donner un ordre d'idée comparatif avec le budget carburant d'un modèle thermique équivalent, Tesla annonce sur la base de 25,000 km parcourus par an un coût d'électricité de 392 € environ, en considérant des recharges effectuées à 40% à domicile (à 0,16 € par kWh, sachant que le tarif descend si vous profitez des heures creuses), 30% au travail et 30 % à l'aide du réseau gratuit de Superchargeurs (cf. encadré). En "équivalent essence", la Tesla Model S serait donc autour des 2 L/100 km...
SUPERCHARGEUR TESLA
Les Superchargeurs sont des chargeurs gratuits comptant plusieurs bornes pour les clients Tesla, stratégiquement placés afin de limiter le nombre d'arrêts lors des longs trajets (> Voir la carte). Un Superchargeur est composé de plusieurs chargeurs qui fournissent chacun jusqu'à 120 kW de courant continu (DC) directement à la batterie. Un Superchargeur à pleine puissance peut recharger environ la moitié de la batterie en 20-30 minutes.
SUR LA ROUTE
Si pour vous les Nissan Leaf, Renault Zoé et autres BMW i3 sont l'incarnation à quatre roues du vaccin contre le plaisir de conduire, Tesla fait plus qu'ouvrir la porte pour laisser entrevoir une lueur d'espoir. La Tesla S, Maxime avait déjà eu la chance de l'apprécier voilà 18 mois, durant une centaine de kilomètres en passager à bord de l'exemplaire de Christian von Koenigsegg (cf. road trip scandinave en Megane RS). Mais avant d'en prendre le volant, il était difficile de se rendre compte de son véritable potentiel dynamique.
Pour cet essai nous avons donc choisi de nous retrouver au Mans, non pas pour mettre à l'épreuve nos électrons sur la mythique piste des 24 Heures, mais plus modestement, pour être sûr de ne pas nous retrouver au bout de 100 km avec des batteries à plat... Oui, avouons-le, notre première angoisse concernait l'autonomie et non les performances. La voiture électrique conserve cette impression pesante d'avoir un fil à la patte entravant une réelle liberté de déplacement. Une épée de Damoclès qui sanctionne impitoyablement vos faits et gestes sortant du cadre d'une conduite à l'économie. Le choix d'une station Superchargeur comme point de départ de notre petit roadbook constituait donc un bon moyen de rouler l'esprit libre, ou presque. En effet, avec de telles performances à portée d'orteil, la peur du radar reste inévitable...
Commençons par un chiffre justement : 2262 kg, c'est la masse à laquelle notre P90D a été homologuée, sans option. Inutile de dire que notre modèle généreusement équipé, y compris d'un immense toit vitré, doit flirter allègrement avec les 2T3 sur la bascule, soit grosso modo, le poids d'une Bentley Continental GT. Pas vraiment un modèle de dynamisme donc... Et pourtant. Les batteries de la Tesla pèsent lourd au milieu d'un châssis en aluminium, mais leur implantation tout en bas favorise un centre de gravité extrêmement avantageux. Par ailleurs, la répartition des masses est toute aussi idéale avec 48 % sur l'avant et 52 % sur l'arrière.
Et là, ceux qui ricanaient à l'évocation d'une berline sportive animée par la fée électricité auront du mal à retenir leurs émotions lors du catapultage des 2,3 tonnes de la Model S ! Même si nous n'avons pas vraiment cherché à vérifier l'exploit du 0 à 100 km/h, la monte pneus hiver (M+S) dont était pourvu notre modèle d'essai n'étant pas la plus adaptée pour fracasser du chrono, en l'état les accélérations sont littéralement foudroyantes (cf. vidéo en fin d'article) ! On a beau avoir l'habitude d'essayer des sportives, un tel niveau de performances demeure tout à fait exceptionnel. Certains pourront même en juger sur la vidéo réalisée par nos confrères de Sport Auto ou la Model S met une véritable raclée à la Radical RXC turbo sur les premiers mètres d'un drag race. Le tout s'effectue dans la plus totale simplicité grâce à une motricité parfaite, il suffit d'écraser l'accélérateur de façon très primitive et de choisir sa trajectoire, l'électronique se charge de transmettre directement le couple des moteurs à la route sans aucune perte. Il a beau manquer le rugissement d'un moteur, les ruptures de charges et le crépitement des échappements, la brutalité de l'accélération sur les premiers mètres se suffit à elle-même pour coller une indescriptible banane sur nos mines d'enfants béats. De l'extérieur, le seul bruit vraiment audible est le déchirement des pneus sur l'asphalte. A l'intérieur on se contente du léger sifflement des moteurs pour mieux apprécier son choix de bande son. Aucun crissement de pneu, aucune embardée sauvage, l'antipatinage gère le couple idéal à appliquer pour que chaque watt soit utile à l'expérience gravitationnelle. Une expérience tout bonnement unique en son genre puisqu'on atteint 1,4 g en accélération longitudinale. Une Bugatti Veyron passant de 0 à 100 km/h en 2,4 s atteint pour comparaison 1,5 g...
Derrière le volant, une fois que l'on a dépassé le stade des "départs arrêtés" et que l'on a pris soin de passer la direction en mode Sport - faute de quoi elle a autant de consistance qu'un scenario de film X - on découvre une grande berline au comportement étonnamment équilibré et sain, apte à procurer du plaisir en conduite dynamique. Disponible en option, la suspension pneumatique active Smart Air a pourtant fort à faire. Aussi bien pour lutter contre le cabrage et la plongée lors des accélérations en vitesse lumière et des freinages que pour juguler le roulis dans les courbes et lors des changements d'appuis. A haute vitesse, la garde au sol diminue automatiquement afin d’améliorer l'effet de sol. Il est aussi possible de contrôler cette hauteur manuellement via l'ordinateur de bord (4 positions), par exemple pour emprunter un chemin ou passer un gros ralentisseur. Si tout se passe bien tant que la route est lisse, l'amortissement piloté avoue cependant ses limites pour contenir la masse en mouvement sur route bosselée. Rien de dangereux, mais n'essayez pas de vous prendre pour Loeb en spéciale de rallye avec une limousine de ce poids (ce que nous avons fait). L'autre point faible qui apparaît dans ces conditions est un freinage un peu juste en mordant et en efficacité globale. Peut-être qu'en fouillant dans le paramétrage de la récupération d'énergie il y a moyen d'améliorer les choses mais, en l'état, on est loin d'une Porsche Panamera. Cela dit, le comportement de la Model S est une vraie bonne surprise dans l'ensemble et nous permet de dire que ses prétentions sportives ne sont pas usurpées. D'ailleurs, les amateurs de confort seront peut-être rebutés par cette définition. Quelque soit le mode choisi, la Tesla affiche une certaine fermeté et l'option jantes 21" qui équipe notre exemplaire (19 en série) n'arrange sans doute rien. Si bien qu'on aurait aimé disposer d'un vrai mode "confort" offrant un moelleux à la Citroën, pour les moments de détente. Comme par exemple quand on a juste envie de regarder un petit film en laissant travailler les puces de l'Autopilot...
TESLA AUTOPILOT
La fonction Pilotage automatique de Tesla est une première au niveau mondial par l'étendue de son fonctionnement. La version 7.0 actuelle ajoute les fonctionnalités d'assistance au stationnement automatique. Actionnable très facilement via le levier du régulateur de vitesse, elle permet à la Model S de suivre automatiquement sa voie et d'adapter sa vitesse au trafic. Inutile de vous dire que lors d'une première expérience, on a du mal à laisser faire l'électronique ! Il est d'ailleurs interdit par le code de la route français de lâcher le volant, ce qui en attendant une évolution de notre législation, rend cette fonctionnalité tout simplement inutile... Dommage. Ajoutons que depuis janvier la version 7.1 du firmware, la fonction Summon (Beta) se charge de sortir ou garer votre Model S toute seule à votre domicile. Pour des raisons de sécurité, la manoeuvre devra toutefois être désormais suivie avec votre smartphone ou votre smartwatch...
ACHETER UNE TESLA MODEL S P90D
La voiture électrique de Tesla est une réalité technique permettant de sortir du pétrole sans avoir l'impression de sacrifier toute notion de plaisir, aujourd'hui, maintenant et pas dans un futur plus ou moins proche. Et comme le résume si bien Laurent Masson de moteurnature.com "la Tesla Model S P90D plait aussi à ceux qui n'aiment pas les voitures électriques. Voilà qui change tout". Mais ce privilège unique a un prix, élevé, trop élevé sans doute, si bien qu'avant de parler "rentabilité" après avoir investi pas loin de 150.000 € dans une voiture à piles, certains pourraient avoir envie de rigoler puis d'aller commander une BMW M5. Tesla ne manque cependant pas d'arguments pour vous convaincre de laisser libre cour à vos pulsions écologistes. Des 6300 € de bonus écologique à l'exonération de taxe CO2 annuelle en passant par la gratuité de la carte grise (dans certaines régions) et l'exonération totale de la taxe sur les véhicules de société (TVS), les allergiques au matraquage fiscal peuvent avoir l'impression qu'on leur parle enfin. Ajoutons-y la gratuité du "plein" dans les stations Tesla et certains centres commerciaux et un coût du plein à domicile presque dérisoire.
Presque, car l'installation d'une prise de recharge spécifique est vivement conseillée, sinon indispensable. En effet, sur la banale prise standard 16 A du lave-linge, comptez 14 km d'autonomie par heure de recharge... C'est déjà mieux avec du 32 A (36 km/h) mais on est encore loin d'un Superchargeur qui nous a offert (le mot est parfaitement juste) 370 km d'autonomie en une heure ! Si vous prévoyez d'installer une prise dans votre garage, Tesla recommande une prise de service triphasée 16 A (400 V), offrant 55 km/h de charge ou a minima, une prise 3 broches bleues monophasée 32 A (230 V). Tesla annonce aussi pour le printemps 2016 un "chargeur double" (connecteur mural à grande puissance) installé sur un circuit de 230 V ou 400 V. Vous devrez sans doute prévoir aussi d'adapter votre contrat d'électricité en fonction.
Enfin, contrairement aux véhicules à moteur thermique, la Model S ne nécessite ni vidange, ni remplacement de filtres, de bougies d'allumage, d'embrayage ou d'échappement. Il est même rare qu'il soit nécessaire de changer les plaquettes de freins, car la majeure partie de l'énergie générée au freinage est récupérée par le moteur et renvoyée vers la batterie. Cela étant, Tesla recommande (ce n'est pas obligatoire pour la garantie) une révision/inspection chaque année (ou tous les 20 000 km). un forfait à 475 € incluant la mise à jour du logiciel. Ajoutons que la batterie est garantie 8 ans, kilométrage illimité et le reste de la voiture 4 ans ou 80.000 km.
CONCLUSION
:-) Design sobre et élégant Finition, matériaux (à quelques détail près) 2 coffres Comportement dynamique et sûr Direction précise en mode sport Niveau sonore très reposant Le plein à tarif imbattable ! Superchargers performants Motricité infaillible Accélérations phénoménales... |
:-( ... mais inconstantes Poids Freinage un peu faible Amortissement sur route bosselée Manque un vrai mode confort Direction très artificielle Places arrière peu accueillantes Recharge à domicile lente Superchargers peu nombreux Prix encore élitiste |
Rouler en Tesla Model S, c'est un peu mettre la science fiction dans son quotidien. Mais la Model S n'est pas qu'une voiture de geek comme on pouvait le penser. Dans un silence quasi religieux, cette version P90D est aussi capable de réveiller nos vils instincts avec des performances hors norme. Là, on découvre alors une grande berline dont les prestations dynamiques sont tout à fait convaincantes. De cette expérience d'un futur qui concilie écologie, performances et plaisir de conduire, il est difficile de sortir indemne...
Pour plus d'infos sur Tesla signalons l'exsitence du Club et magazine français : www.tesla-mag.com