PORSCHE 911 (992) Carrera 4S (2019 - )
Une quinqua très en formes
Depuis 1963 elle fait rêver les enfants, petits et grands, aux quatre coins de la planète. Elle c'est la 911, celle que beaucoup considérent encore comme LA Porsche, symbole de sportivité, de vitesse et de luxe. Une question se pose pourtant à l'heure où l'automobile change de paradygme : ce mythe créé au siècle dernier a-t-il encore sa place dans le monde moderne ?
Texte & Photos : Sébastien DUPUIS
"Plus puissante, plus rapide, plus moderne", c'est la promesse faite par chaque nouvelle Porsche 911. On peut dire qu'on connaît le refrain et cette 8ème génération de la Porsche 911 ne déroge pas à la règle : comme la précédente, elle ressemble à la précédente et perpétue un coup de crayon vieux de bientôt 60 ans. Un véritable cas d'école dans une industrie où le besoin de nouveauté est généralement la règle. Après plus d'un million d'exemplaires produits, n'est-il pas possible qu'on finisse par se lasser de la Porsche 911 ou même qu'elle soit devenue has been ? Réponse...
PRESENTATION
Les chiffres tendent pour le moment à prouver le contraire. Malgré un passage imposé à l'admission forcée, auquel seule la GT3 a résisté, la génération 991 est à ce jour la plus vendue de l'histoire avec 217 930 exemplaires produits entre 2011 et 2018. Ne remettant pas en cause son précieux héritage, à commencer par la plateforme de 991 dont elle dérive, la 992 devra confirmer l'engouement indéfectible des clients pour le mythe 911 avec la pléthore habituelle de variantes et séries limitées à venir... Pour le lancement, il faut se contenter de quatre modèles : les Carrera, Carrera S, Carrera 4 et Carrera 4S ici présente.
L'exercice consistant à réinventer sans cesse le même dessin n'est sans doute pas le plus évident pour un designer. Car bien évidemment, la 911 doit rester parfaitement identifiable au premier coup d'oeil, tout en laissant suffisamment de place à l'imagination pour réussir à renouveler, une fois de plus, l'ensemble des pièces de carrosserie ! Composée d'ailleurs à 63 % d’acier sur le modèle précédent, elle n’en utilise plus que 30 %, soit les capots avant et arrière. Malgré ce énième coup de bistouri, notre quinquagénaire ne cherche pas à cacher ses rondeurs, bien au contraire. Elle assume ses formes et tout a été fait pour les mettre en valeur... mais mieux vaut ne pas garer à côté de "notre" 992 une bonne vieille type G car le contraste est... saisissant !
Les mensurations de la 911 ont en effet encore pris quelques centimètres, en longueur (+20 mm) mais aussi en largeur puisque même la version de base adopte des voies élargies. Aux rétros, la 911 dépasse désormais les 2 mètres et son gabarit commence à s'apparenter à celui d'une supercar. Ses anches, particulièrement galbées, sont mises en valeur par la présence de jantes de 21 pouces (contre 20 à l'avant). Le nouveau bandeau lumineux entre les feux, calqué sur le reste de la gamme Porsche, accentue encore l'impression de largeur. Les boucliers avant et arrière jouent eux aussi sur l'horizontalité avec un dessin simplifié qui manque peut-être un peu de finesse. Les entrées d’air latérales à l'avant ont été élargies et intègrent toujours les volets aérodynamiques actifs introduits sur la 991. Ils restent complètement fermées entre 70 à 150 km/h sauf sur les modes Sport et Sport Plus qui les maintiennent ouverts en permanence. En dehors du logo arrière, les versions S sont reconnaissables à leurs deux doubles sorties d'échappement rondes tandis que les Carrera adoptent une canule de forme rectangulaire. L'échappement sport optionnel (2628 €) dont dispose l'exemplaire "jaune Racing" de notre essai est pour sa part doté de deux sorties de forme ovale.
Pour les détails, on remarquera aussi les nouvelles poignées de portes rétractables et les rétroviseurs repensés. Notre coup de coeur va quant à lui au nouveau dessin de la grille de capot moteur dont les lamelles (chromées sur les 4 roues motrices) est accueillent le troisième feu stop. Comme ce petit bijou de design est masqué par le becquet une fois déployé, un autre feu stop central a été ajouté à ce dernier. Nettement plus grand et plus large, le nouveau becquet arrière adaptatif présente une surface de pénétration dans l’air augmentée de 45 %, il garantit un meilleur équilibre entre la résistance à l’air et la réduction de la poussée. Celui-ci n'est plus simplement "rentré" ou "sorti" (au-dessus de 90 km/h, ou 60 km/h en cas de température trop élevée) mais peut être placé dans une inédite position intermédiaire "Eco" qui réduit la résistance aérodynamique.
HABITACLE
Le nouvel habitacle marque une évolution incontestablement plus profonde de la 911. En revenant à une disposition plus horizontale qui caractérisait les anciennes 911, la planche de bord de la 992 tire également un trait sur un autre principe de l'ergonomie Porsche, le "un bouton = une fonction". Il faut dire qu'avec la prolifération des options et des fonctionnalités, la console centrale était devenue relativement complexe à lire. Au milieu de la planche de bord qui gagne ainsi en clarté, un panneau de commande avec cinq interrupteurs, positionné au-dessus des buses de ventilation, fait office de dernier vestige de ces vieux préceptes. Le traditionnel levier de vitesses laisse également sa place à un switch de taille réduite permettant de commander la boîte PDK du bout des doigts.
Ce grand ménage a été rendu possible par l'introduction massive du digital à bord de la génération 992. L'invasion du numérique se propage jusque sur le célèbre alignement de cadrans dont le compte-tour est le dernier à faire s'agiter une véritable aiguille. Ajoutons qu'un autre écran de 10,9 pouces, destiné à l'infotainment et tactile, vient s'aligner sous la casquette à droite des compteurs. On aimera, ou pas, cette petite révolution mais il était sans doute difficile de ne pas céder à la mode du tout numérique d'un point de vue marketing. Sur l'aspect purement pratique on peut reprocher une mauvaise lisibilité des informations aux extrémités, cachées en partie par la jante du volant.
Autre entorse à la "tradition 911", vous n'aurez plus à insérer la clé de contact à gauche du volant pour démarrer. En effet, il n'y a tout simplement plus besoin de clé dans la 992 ! Equipée, de série s'il vous plaît, de la technologie Keyless Go, c'est un commutateur qui remplace la clé pour actionner le démarrage. Les sièges ont également été retravaillés en profondeur. Plus légers de 3 kilos et abaissés de 5 mm, leur dessin offre aussi un meilleur maintien latéral au niveau des épaules. Point fort de la 911 face aux GT biplaces, la banquette arrière a également été améliorée et offre un dossier plus haut ainsi qu’une assise plus large.
Il nous faut terminer ce paragraphe par une note plus critique et elle concerne la qualité des matériaux qui, par endroits, se montre moins flatteuse qu'à bord de la 991 et ce malgré la coûteuse option "tout cuir" (4000 €) qui habille cet exemplaire. On trouve en effet plus de plastique dur à bord de la 992, dans le bas de la planche de bord, de la console centrale et même les branches du volant qui ont en plus la fâcheuse tendance à grincer quand on les tripote. A presque 170 000 € le morceau, options comprises, c'est tout de même difficile à accepter...
MOTEUR
La génération 991 restera marquée par le passage controversé à la suralimentation des versions Carrera lors du restylage. Affichant une puissance de 450 ch identique à la précédente GTS, la nouvelle Carrera S n'a pas remis en cause ce dowsizing mais le flat 6 3.0 bi-turbo a reçu plusieurs adaptations pour passer les dernières normes. L'adoption d'un filtre à particules Otto (OPF) s'accompagne de nouveaux turbos plus grands (turbine de 48 mm et compresseur de 55 mm) et à construction symétrique avec des soupapes wastegate à commande électrique plus réactives, un système de refroidissement d’air de suralimentation entièrement repensé, l’augmentation du taux de compression, ou encore l’utilisation inédite de soupapes d’injection piézo-électriques plus rapides. Les deux refroidisseurs d’air de suralimentation ont échangé leur position avec le filtre à air par pour venir se loger au centre sous la grille arrière. Enfin, pour la première fois, le VarioCam Plus dirige l’échange de gaz avec des arbres à cames d’admission asymétriques pour une petite levée de soupapes. Les deux soupapes voisines d’un même cylindre se soulèvent ainsi dans cette position de charge partielle à des levées différentes.
Même si le couple est en léger retrait par rapport à la 991 GTS, dans les faits, le flat 6 semble n'avoir rien perdu de sa vigueur, poussant la chansonnette avec bonheur jusqu'à 7500 tr/mn. Le plaisir de conduire une 911 tient d'ailleurs depuis toujours à la sonorité caractéristique de son moteur et il faut bien dire que la précédente mouture nous avait quelque peu déçus par sa sonorité très étoufée, même avec l'échappement sport. Toujours à l'écoute des clients, Porsche a demandé aux acousticiens de se pencher sur le "problème" et ils sont retravaillé l'échappement de la 992 avec de nouveaux clapets pilotés. Et il faut reconnaître que ce travail a fait du bien au flat 6 qui s'exprime plus clairement, notamment à pleine charge. Même s'il semble impossible de revenir à la mélodie du flat atmosphérique, notamment en raison de normes sonores plus strictes, c'est un progrès presque inattendu.
Avec les 911 Carrera S et 911 Carrera 4S de type 992, Porsche a également pris en compte les attentes de ses clients pour décider d'imposer la boîte PDK. Appréciée d'une majorité d'acheteurs, elle s'inscrit en effet pour la première fois sur la liste des équipements de série quand la boîte manuelle, qui n'était pas proposée au lancement, vient de rejoindre celle des options ! Difficile pour autant de critiquer ce choix car la PDK colle plus que jamais à l'esprit de la Carrera 4S qui se veut plus que toute autre, la 911 de ceux qui l'utilisent au quotidien. La nouvelle PDK 8 rapports offre d'ailleurs une multitude d’améliorations par rapport à la boîte 7 rapports du modèle précédent et son efficacité est tout simplement incontestable. Profitant d'un étagement plus court sur le premier rapport pour mieux catapulter la 911, elle se montre à l'inverse plus économique sur les deux derniers rapports. Non seulement la huitième est plus longue mais le rapport de pont a aussi été allongé.
PACK SPORT CHRONO
Pour augmenter les performances sans modifier la puissance moteur, Porsche propose toujours en option le pack Sport Chrono (2346 €). Reconnaissable au chronomètre perché sur le haut de la planche de bord, il s'accompagne d'un nouveau sélecteur de mode avec le bouton Sport Response (optimisation de la réactivité moteur et de la PDK pendant 20 secondes), un mode PSM Sport, des supports moteur dynamiques et de l'application "Porsche Track Precision" pour smartphone.
SUR LA ROUTE
Depuis plus de 50 ans, le châssis de la Porsche 911 divise les critiques par son équilibre, ou plutôt déséquilibre, si particulier dû au moteur placé en porte-à-faux arrière. Depuis l'introduction de la première Carrera 4 (964), Porsche a fait en sorte de rendre sa sportive plus facile à contrôler, notamment sur route glissante. Mais en réduisant un peu plus cette caractéristique à chaque nouvelle génération pour faire rentrer la 911 dans le rang, les sensations de conduite sont devenues moins atypiques. Le revers de la médaille. C'est encore un peu plus vrai au volant de la 992, d'autant plus avec cette version 4S dont l'efficacité est juste ahurissante. Nous voilà désormais au niveau d'une turbo de la génération 996 ou 997, tout en profitant d'une consommation qui peut descendre en dessous des 9 L/100 km sur long trajet.
Les nouvelles roues mixtes, 20" sur l'avant et 21" sur l'arrière ont permis d’obtenir un meilleur guidage latéral et une conduite encore plus neutre. Ce n'est peut-être pas pour plaire aux puristes de la première heure mais l'évolution de la clientèle Porsche l'imposait. Au prix de coûteuses options il est vrai, système Porsche Dynamic Chassis Control (3240 €) et roues arrière directrices (2268 €), le roulis et la tendance au sous-virage des anciennes 4S sont quasiment éradiqués. On dispose ainsi de marges de sécurité augmentées pour se faire plaisir... mais il faut attendre de trouver le terrain de jeu favorable - comprenez un bel enchainement de virages sans chicanes mobiles ! - pour retrouver la nature sportive et agile de la 911. Et par la même occasion, lui redonner toute sa raison d'exister : le plaisir de conduire !
Par rapport à la précédente génération, l'amortissement piloté (PASM) a aussi progressé positivement, offrant ici une très belle harmonie entre sportivité et confort, même avec l'option châssis sport PASM (948 €) qui abaisse la caisse de 10 mm. Le travail effectué, y compris de rigidification, a également apporté une précision encore plus redoutable au train avant tandis que la direction a aussi gagné en agrément. Même si la direction reste typée "électrique" et manque encore de retour, elle présente une fermeté agréable sur route ou, à l'inverse, une très grande souplesse en ville avec l'option direction assistée Plus.
Profitant de l'espace libéré par les grandes roues arrière, le diamètre des disques de frein arrière a été augmenté de 330 à 350 mm. L'installation est complétée par le remplacement du servofrein pneumatique par un dispositif électrique. La pédale de frein réagit plus spontanément et plus naturellement, et pourtant on pensait qu'il était difficile de faire encore mieux concernant le freinage de la 911 ! Ce constat est valable pour notre modèle d'essai équipé des freins carbone-céramique optionnels (9012 €).
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
PORSCHE 911 (992) Carrera 4S (PDK)
MOTEUR
Type : 6 cylindres à plat, 24 soupapes + VarioCam Plus
Position : longitudinal en porte-à-faux AR
Alimentation : Injection directe + 2 turbos (1,2 bars) + échangeur air/air
Cylindrée (cm3) : 2981
Alésage x course (mm) : 82,5 x 92,8
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 450 à 6500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 530 de 2300 à 5000
TRANSMISSION
4x4 + Torque Vectoring (PTV)
Boîte de vitesses (rapports) : double embrayage PDK (8)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés perforés (350), étriers fixes 6 pistons - disques ventilés perforés (350), étriers fixes 4 pistons
Pneus Av-Ar : 245/35 ZR 20 - 305/30 ZR 21
POIDS
Donnée constructeur (kg) : 1515
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 3.4
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 306
1000 m DA :
0 - 100 km/h : 3"6
0 - 200 km/h : 12"4
CONSOMMATION
Moyenne cycle mixte NEDC Corrélée (L/100 km) : 9
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 12
CO2 (g/km) : 207
PRIX NEUF (12/2019) : 130 175 €
PUISSANCE FISCALE : 34 CV
CONCLUSION
Avec le temps, on pourrait reprocher à la Porsche 911 d'être devenue trop consensuelle, ou même banale, sur un segment très disputé. Et c'est vrai qu'à ce niveau de prix, on pourra trouver bien plus original qu'une Carrera 4S à s'offrir. Mais Porsche propose plus qu'un symbole de réussite. La 911 est une vraie sportive, moderne, utilisable au quotidien et toujours capable d'offrir un grand plaisir de conduire avec un niveau de sécurité hors du commun. Ce ne sera donc pas complètement un hasard si elle reste une référence...
La 911 pour tous les jours
Performances
Homogénéïté
Confort en progrès
Plaisir de conduire
La dernière génération en thermique ?
4 places...
... mais pas de vrai coffre
Conduite moins typique
Poids et gabarit en hausse
Finition en retrait
Inflation tarifaire...
... et malus de 20 000 € !