PORSCHE 911 (992) GT3 Touring (2021 - )
Sportive en smoking
Trop voyante la 911 GT3 ? Porsche a la solution en proposant un Pack Touring presque passe-partout. En conservant ses fondamentaux de moteur-boîte, ne sommes-nous pas en présence de la 992 la plus désirable ?
Texte : Maxime JOLY
Photos : D.R.
Porsche France nous a concoctés un événement exceptionnel à l'occasion du 60ème anniversaire de la 911 en proposant de prendre le volant de l’intégralité de la gamme actuelle, à savoir le type 992 ! Voici donc le premier de trois nouveaux essais à venir qui suivent nos précédents consacrés aux 992 Carrera et Carrera 4S...
PRESENTATION
La nouvelle génération de GT3 est dévoilée le 16 février 2021. Elle se distingue du reste de la gamme 992 de par son immense aileron (plus si immense que ça finalement, après la GT3 RS), ses pare-chocs et capot avant percés ou encore un diffuseur sur toute la largeur. Si l’habitacle est trop sage à votre goût, il est possible de craquer pour les baquets allégés voire même le – gratuit – pack Clubsport (arceau et harnais 6 points).
Dès 1973, Porsche a pensé à une version moins spartiate de sa Carrera RS 2.7 Sport. Elle prend le nom de Touring (M472) et dispose d'un équipement intérieur très proche de celui alors disponible sur la 2.4 S, tout en abandonnant certains allègements proposés sur la 2.7 Sport. Le 29 février 2016, Porsche dévoile la 911 R, en hommage aux 60 ans de son ancêtre. Dans les grandes lignes, il s’agissait d’une 991 GT3 plus discrète, du fait de la suppression de certains éléments aérodynamiques. Prisée par les spéculateurs, elle a fâché le constructeur de Zuffenhausen qui a dégainé, le 12 septembre 2017, un Pack Touring non limité pour la GT3...
Ce pack, gratuit, a été lancé le 16 juin 2021. La recette est la même avec la suppression de l’aileron et une aérodynamique revue à l’avant, en compensation. Le contour des vitres latérales et les sorties d’échappement Sport sont en finition Argent brillant, éléments peuvent aussi être en Noir grâce au Pack Touring Noir proposé sans surcoût ! Avec cette option, les optiques de phares à l’avant sont également teintés. Pour le reste, le bouclier avant est également dans la même teinte que la carrosserie et la grille du capot moteur est ornée du monogramme « GT3 Touring ». Les touches de carbone proposées en option sur la GT3 le sont également sur la Touring. Le plus coûteux est le toit carbone, à 3 588 €. 5 jeux de jantes sont au catalogue, allant de 1 200 à 1 800 €.
HABITACLE
L’intérieur est habillé par quelques éléments exclusifs à la Touring. L'avant de la planche de bord et la partie supérieure des panneaux de porte sont ornés d’une finition en relief. La couronne du volant, le levier de vitesses (ou le sélecteur de la boîte PDK), le capot du compartiment de rangement de la console centrale, les accoudoirs et les poignées de porte sont habillés de cuir Noir. La sellerie partiellement en cuir est ornée de coutures noires. La bande centrale des sièges est habillée de tissu noir. Le pavillon est également en tissu noir. Les appuie-têtes sont agrémentés de l’écusson Porsche embossé. Les baguettes de seuil de porte et les inserts décoratifs sur la planche de bord et la console centrale sont en aluminium brossé noir de série ou en carbone, en option.
Si le Pack Clubsport n’est pas proposé, il reste tout de même les excellents baquets intégraux à 5 400 €. Si ces baquets sont trop extrêmes pour vous et que vous privilégiez le confort, les sièges Sport peuvent intégrer 18 fonctions de réglages contre 2 472 €. Ne sacrifiant décidément rien à la polyvalence, la Touring a même droit aux sièges chauffants et aux fixations Isofix à l'arrière !
MOTEUR
Un récapitulatif historique des mécaniques passées de la 911 GT3 s’impose peut-être avant d'aller plus loin. Après un passage délicat de 3.6L à 3.8 litres sur la première génération de 997 GT3, la très limitée 997 GT3 RS 4.0 offrit l'ultime évolution du fameux bloc Mezger né en 1999 pour la première 911 (996) GT3. Outre la course augmentée de 76,4 à 80,4 mm, le vilebrequin forgé et les bielles en titane du moteur de série étaient issues du modèle de course, la 911 RSR lancée en 2009. La puissance du flat 6 atmo atteignait pour la première fois la barre des 500 chevaux. En 2013, quand la GT3 revient avec la génération 991, un tout nouveau bloc 3.8 L à injection directe (MA1/75) fait son apparition. Il hérite toutefois d’améliorations tirées de l'ancien 4.0 (bielles en titane et pistons forgés, notamment). Plus que les 475 chevaux, c'est la barre symbolique des 9 000 tr/min pour le régime maximal et la boîte PDK imposée qui feront parler... ainsi que ses problèmes de jeunesse qui se solderont par un rappel de la maison mère. Porsche attendra ensuite deux années pour dégainer la 991 GT3 RS, avec un nouveau 4 litres cette fois, également à injection directe. Ses cotes internes sont de 102 x 81,5 mm. Revendiquant de nouveau 500 chevaux, son régime maximal est de 8 800 tr/min. A l’instar de la GT3, le bon vieux levier de vitesses est également mis au placard. En 2017, sur la 991.2, la GT3 récupère à son tour le 4 litres de 500 chevaux, mais aussi... la pédale d’embrayage ! Quant à la GT3 RS de l’année suivante, elle grappille 20 chevaux supplémentaires et n’est vendue qu’en PDK. Puis, n’oublions pas la très limitée Speedster…
Après avoir redouté que la 991 soit la dernière génération à profiter des envolées du flat six atmo, Porsche assomme le monde en annonçant le maintien du 3 996 cm3 sur la 992. La puissance est annoncée cette fois pour 510 chevaux à 8 400 tours (avec un régime toujours limité à 9 000), quand le couple progresse à 470 Nm à 6 100 tr/min. Parmi les détails techniques, chacun des six cylindres présente à l'extrémité du système d'aspiration variable à résonance un papillon unique. Il est particulièrement proche des soupapes d'entrée et améliore ainsi l'alimentation en air ainsi que le dosage. Le papillon central reste une solution de sauvegarde et reste ouvert en permanence en fonctionnement normal. La commande de soupape à vitesse de rotation fixe s'effectue comme dans le sport automobile par l'intermédiaire de culbuteurs fixes qui fonctionnent sans compensation hydraulique du jeu. Le jeu de soupapes correct est réglé en usine par Porsche par des plaquettes échangeables. Le calage variable des arbres à cames adapté exactement au régime et à l'état de charge est assuré par le VarioCam. Un vilebrequin avec de grands diamètres de roulement, de larges paliers de bielles et des surfaces de glissement de cylindres recouvertes de plasma réduisent les pertes par frottement et l'usure.
A peine notre journée d’essais entamée, j’ai hâte de découvrir les joies des hautes altitudes. N’ayant pas la condition physique pour grimper l’Himalaya, je me contente de viser le 9 du compte-tours. Mais allons-y progressivement, le temps que les 6 gamelles puissent chauffer comme il faut. Pour être honnête, la première impression donnée par cette mécanique d’exception n’est pas à la hauteur des attentes. Certes, la souplesse est incroyable mais le timbre de voix du « 6 à plat » déçoit. La filiation avec le reste des blocs se trahit. Il est probable que l’adjonction de filtres à particules (il y en a deux !) soit un facteur aggravant. Porsche communique d’ailleurs sur le fait qu’en dépit de ces deux appendices, la ligne d’échappement est plus légère de 10 kg que sur la précédente GT3.
La poussée est franche, mais linéaire. C’est tellement plein à bas régime qu’il manque cet "effet VTEC" ou un franc déphasage que l’on peut encore trouver chez McLaren. Vient quand même un premier déclic aux alentours des 6 000 tours où la sonorité se métamorphose. Ça y est, j’esquisse un sourire. Un sourire qui va devenir une banane passée le cap des 8 000 tr/min du fait d’une sonorité absolument dantesque, jusqu’à la limite tolérée par les ingénieurs. Le revers de la médaille est que cette schizophrénie sensorielle tardive a vite fait de rendre tout humain normalement constitué totalement accroc, et pousse à rouler dans cette partie du compte-tours. Or, cela est fortement incompatible avec le code de la route vu l’étagement de la boîte.
A propos de la transmission, justement, l’intérêt des GT3 est de maintenir en vie la BVM ; celle à double embrayage étant une option gratuite. Le guidage de cette boîte 6 manuelle est absolument parfait. Toutefois, du fait de l’étagement ainsi que de l’allonge moteur, elle n’a finalement pas autant d'ntérêt qu'espéré sur route ouverte. En dehors du côté affectif d’associer moteur atmosphéérique et boîte manuelle, évidemment…
Même si elle ne vise plus spécialement le circuit, la Touring manuelle annonce de jolis chronos : 3,9 secondes sur le 0 à 100 km/h et 320 km/h de vitesse maximale. La PDK permet de gagner 5 dixièmes et attend les 200 km/h en 10,8 secondes.
SUR LA ROUTE
Après avoir roulé en Targa 4 GTS (qui ne se distingue pas beaucoup de la 4S déjà essayée), passer à la GT3 Touring constitue une révolution. On n’est tout simplement pas à bord du même engin. Il y a d’abord le délestage de deux roues motrices. Je n’ai jamais été à l’aise avec la perte de train avant induit par la transmission intégrale ajoutée à l’effet sac à dos.
Puis, pour la première fois en série, cette génération de GT3 récupère la double triangulation à l’avant, héritée de la compétition (utilisée en 2005 sur le prototype LMP2 RS Spyder, avant d’être reprise en 2017 sur la 911 RSR, première de sa catégorie au Mans). Porsche affirme que ce nouvel essieu avant offre une meilleure résistance au renversement et appuie plus régulièrement la roue à l'extérieur du virage. Il permet ainsi de récupérer sur la totalité du débattement des ressorts un potentiel de force latérale plus élevé. Simultanément, la structure à double bras transversal contrecarre, par ses axes longitudinaux conçus à l'origine avec des angles différents, les mouvements de tangage dus au freinage. Les jambes de suspension, inclinées vers l'arrière, ont le même objectif. La roue peut ainsi éviter les efforts qui agissent vers l'arrière plutôt que seulement vers le haut. En outre, cette architecture soulage les amortisseurs des forces transversales gênantes dans les virages. Dès le démarrage, on apprécie la direction, à la fois parfaitement assistée et ultra directe. Combinée à un châssis vif et à un train avant d’une précision démoniaque, mieux vaut bien tenir la bête. Pas mal de kilomètres sont nécessaires pour prendre ses marques. Par ailleurs, cette radicalité qui transpire dans la vivacité de ses réactions rend cette Touring quelque peu perturbante. L’ambiance à bord – et encore, on a les baquets ! – ne va pas avec ce que nos bras ressentent. Le cerveau a du mal avec cette distorsion. Contrairement à ce que j’imaginais et même à ce que je souhaitais pour l’Alpine A110 R, à châssis radical il faut un ensemble radical…
L’essieu arrière à cinq bras baptisé LSA (léger, stable et agile) est pourvu de joints à rotule supplémentaires au niveau des bras transversaux inférieurs. Ils offrent une liaison directe avec la route. Le renversement et la rigidité du stabilisateur se règlent individuellement comme sur l'essieu avant. Les ressorts de conception plus rigide sont soutenus, comme sur l'essieu avant, par des ressorts auxiliaires. Comme sur les voitures de course, ils allongent le débattement des ressorts et assurent que le véhicule, malgré la forte raideur des ressorts, ne perd pas le contact avec le sol en passant un dos d'âne par exemple. Des amortisseurs spéciaux complètent le châssis. La suspension pilotée (abaissée de 20 mm par rapport à une Carrera et de 10 mm par rapport à une GTS) permet de maintenir un certain niveau de confort. Il faut préciser que les routes étaient en excellent état. En réalité, le plus contraignant dans notre configuration essayée est la sortie du baquet qui demande une certaine gymnastique. Pour parfaire son étonnante polyvalence, le système de levage semble indispensable. Et quelques 3 156 € à rajouter sur la note !
Malgré un léger embonpoint (1418 kg DIN annoncés pour la GT3 Touring "manuelle"), la 911 conserve une agilité hors pair avec les 4 roues directrices, fournies en série. Le principe est toujours le même : simuler un rallongement ou un raccourcissement de l’empattement selon les conditions. Jusqu'à 50 km/h, les roues arrière se braquent de 2 degrés au maximum dans le sens opposé aux roues avant. Au-delà de 80 km/h, elles s'orientent jusqu'à 2 degrés dans le même sens que le même sens. Le freinage n’est évidemment pas en reste. Deux flux d'air spéciaux optimisent le refroidissement des freins avant. Le flux supérieur alimente le refroidissement interne du frein, le flux inférieur sert à l'écoulement d'air vers le bas de caisse et refroidit l'anneau de friction. Les disques de freins ventilés en fonte grise sont de série. A l’avant, ils disposent d’un diamètre de 408 mm au lieu de 380 mm, diamètre conservé à l’arrière. Il est toutefois possible d’opter pour les freins en céramique Porsche Ceramic Composite Brake (PCCB à 9 264 €) reconnaissables aux étriers jaunes. Malgré leurs dimensions (410 mm à l’avant et 390 mm à l'arrière), ils pèsent deux fois moins que les composants en fonte.
Eprouvante, la Porsche 911 GT3 Touring devient gratifiante à chaque fois que l’on franchit un cap en progressant à son volant. Enfin, du fait d’une meilleure sensation de vitesse, on se surprend même à ne pas forcément rouler plus vite que dans la GTS...
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
PORSCHE 911 (992) GT3 Touring
MOTEURType : 6 cylindres à plat, 24 soupapes à calage variable continu (VarioCam)
Position : longitudinal en porte-à-faux AR
Alimentation : Injection directe
Cylindrée (cm3) : 3996
Alésage x course (mm) : 102 x 81,5
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 510 à 8400
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 470 à 6100
TRANSMISSION
AR + Différentiel à blocage asymétrique et vectorisation de couple (PTV)
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle (6)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques acier composites (408) + étriers fixes 6 pistons, disques acier composites (380) + étriers fixes 4 pistons
Pneus Av-Ar : 255/35 ZR 20 - 315/30 ZR 21
POIDS
Donnée constructeur (kg) : 1418
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 2.8
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 320
0-100 km/h : 3"9
0-200 km/h : 11"9
80-120 km/h (5ème) : 5"9
CONSOMMATION
Moyenne WLTP (L/100 km) : 13.3
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 14
CO2 (g/km) : 292
PRIX NEUF (09/2023) : 222 720 €
PUISSANCE FISCALE : 41 CV
CONCLUSION
Dotée d’un GMP et d’un châssis absolument parfaits, cette nouvelle génération de Porsche 911 GT3 repousse une fois encore les limites de la sportivité, tout en offrant une polyvalence presque perturbante sur ce Pack Touring. Quitte à acheter une GT3, autant se lâcher !
9 000 tr/min !
Boîte manuelle
Direction
Châssis pointu
Baquets exceptionnels (mais optionnels...)
Confortable et utilisable
Freinage
Sonorité à très hauts régimes…
…mais décevante sous 6000 tr/min
Etagement long
Tarifs délirants + options !
Attention au permis...
Pack Touring réellement pertinent ?