TOYOTA YARIS (3) GRMN (2018)
Basic Instinct
La GT86 aura marqué le retour de Toyota dans le sport festif. En attendant la future Supra conçue en partenariat avec BMW, le sport reprend ses droits chez le constructeur japonais et c'est à la Yaris, désormais plus célèbre pour sa finition hybride, que cela profite. Gaz(oo) !
Texte :
Maxime JOLY
Photos : D.R.
Malheureux perdant, en 2016, des 24 Heures du Mans dans le dernier tour, Toyota renoue depuis plusieurs années avec le sport et la compétition. La Yaris GRMN fait le lien entre ces deux univers et doit son abréviation à Gazoo Racing Master of Nürburgring. Et si la Yaris avait déjà eu droit à deux déclinaisons sportives "TS", aucune d'entre elles n'était allée si loin…
TOYOTA GAZOO RACING
GR est aujourd'hui une marque à part entière. L'envie de reprendre la compétition est née en 2007 au Nürburgring. Depuis, Toyota Motorsport s'est lancée dans l'aventure des 24 Heures du Nürburgring puis, il y a eu la première saison en WRC lancée l'année passée. Le constructeur a fini troisième tandis que le premier pilote, Jari-Matti Latvala est arrivé quatrième. La nouvelle saison reprend la semaine prochaine au Monte-Carlo !
Il y a quelques mois fut annoncé le lancement de deux finitions GR au sein de la gamme Toyota (voir nos actualités), pour le moment uniquement au Japon. La GR Series est purement cosmétique, contrairement à la GR Sport qui bénéficie d'améliorations châssis. Plus récemment, c'est le décoiffant GR Super Sport Concept qui a été présent au salon de Tokyo. Un prototype qui ne devrait pas rester bien longtemps à ce stade, en attendant Genève en mars où sera dévoilée la nouvelle Supra. Enfin !
PRESENTATION
L'équipe Toyota Gazoo Racing est donc en charge de la Yaris WRC. La Yaris civile s'en éloigne tout de même sensiblement en préférant arpenter la Nordschleife que les spéciales de rallye. Un choix compréhensible compte tenu du marketing de plus en plus axé autour du Nürburgring. Cela dit, les Japonais se gardent bien d'annoncer un quelconque chrono sur le célèbre tracé allemand…
La Yaris GRNM est uniquement disponible en teinte "Blanc Pur" associée à des éléments noirs afin de créer un contraste fort (toit, rétroviseurs, entourage d'antibrouillard, gros spoiler arrière et diffuseur). Les couleurs rouge et noir de Toyota Gazoo Racing sont tatoués sur sa carrosserie avec des stickers qui jouent davantage dans le registre de la provocation que du discret père de famille roulant en hybride de la marque. Les jantes BBS noires de 17" et la sortie d'échappement centrale installée dans le diffuseur parachèvent le travail. Mais pourquoi pas, après tout ? Si l'on tient compte des deux dernières Honda Civic Type R, on peut au moins compter sur les créateurs des mangas pour sortir du lot. Le tout est d'assumer…
Le tarif de 30.700 € demandé pour cette Yaris GRMN est intrinsèquement élevé mais, en y regardant de plus près, peut se comprendre. D'abord, il s'agit d'un véritable collector et non d'une pseudo série limitée comme ont pu l'être les Peugeot 208 GTI 30th ou Renault Clio RS 220 Trophy mais, en plus, les équipements sportifs sont bel et bien présents comme nous le détaillerons plus loin dans cet essai. Le souci concerne davantage le malus écologique causé par les émissions de CO2 à 170g/km. Si l'on considère que les 350 exemplaires proposés sur internet ont été réservés en 72 heures, on imagine qu'il s'agit d'un faux problème. Quand, en revanche, on creuse et remarque la Belgique (pourtant fortement taxée !) a vendu plus de cette Yaris que la France, on comprend que la situation des sportives va devenir catastrophique lorsque le nouveau cycle WLTP sera en vigueur…
MADE IN FRANCE
La genèse du projet GRMN et la production sont détaillés dans notre interview réalisée durant les essais. En synthèse, le quota de 600 exemplaires se répartit en 400 pour l'Europe (dont le châssis #1 vendu aux enchères pour une œuvre caritative) et 200 pour le Japon sous l'appellation Vitz. Tous sortent de l'usine de Valenciennes. Cocorico ! 20 exemplaires sont spécialement dédiés à la presse et ne sont pas numérotés.
HABITACLE
Difficile de transformer une citadine en fin de carrière en machine de course. De l'aluminium a été implanté (pédalier et pommeau du levier de vitesse) et le volant à repère central rouge est spécifique à la GRNM. Les logos sont aussi présents dans les compteurs, sur le bouton Start et les beaux baquets. A coup sûr, ces baquets signés Boshoku sont ce qui différencie le plus la GTI japonaise de ses frangines hybrides et autres. Concernant l'équipement, toutes les options disponibles dans la gamme Yaris sont fournies en série, nous sommes donc loin de l'esprit d'une sportive radicale et dépouillée.
CARACTERISTIQUES
TOYOTA YARIS (3) GRMN
MOTEUR
Type : 4 cylindres en ligne, 16 soupapes + double distribution variable Dual VVT-i
Position : transversal AV
Alimentation : Injection directe + compresseur Magnusson Eaton avec échangeur
Cylindrée (cm3) : 1798
Alésage x course (mm) : 80.5 x 88,3
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 212 à 6800
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 250 à 4800
TRANSMISSION
AV + autobloquant
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle (6)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés (275) - disques pleins (278) + ABS
Pneus Av-Ar : 205/45 R 17 (Bridgestone Potenza RE050)
POIDS
Donnée constructeur (kg) : 1135
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 6,0
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 230
400 m DA : 14"2
1000 m DA : 26"5
0 - 100 km/h : 6"4
0 - 200 km/h :
CONSOMMATION
Moyenne cycle mixte (L/100 km) : 7.5
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 11
CO2 (g/km) : 170
PRIX NEUF (01/2018) : 30.700 €
PUISSANCE FISCALE : 13 CV
MOTEUR
Il a fallu se creuser les méninges pour installer le 2ZR-FE sous le capot de la Yaris. Le 1.8 litre et son compresseur Eaton prennent de la place, sans compter le refroidissement nécessaire. Puis, se posa le problème de la ligne d'échappement. Le choix s'est orienté vers un seul, mais gros, catalyseur. Produit par Toyota pour Lotus, ce moteur que nous avions essayé sur l'Elise S3 a été largement remanié pour combiner une installation à l'avant du véhicule, tout en garantissant le passage à Euro 6(b). Toujours alimenté par une injection indirecte, la présence d'un compresseur est donc la seconde peine à ce moteur, souple mais pas trop malgré sa cylindrée, font qu'il n'est pas copain avec le cycle NEDC.
Bien qu'amené à disparaître, c'est par rapport à lui qu'il faut passer à la caisse pour notre absurde grille de malus prétendûment écologique. Ne parlons pas d'écologie d'ailleurs puisque sur pareil essai, à rythme soutenu, la consommation moyenne s'établit à 11 L/100 km. Ses concurrentes tournant autour de 130g, théoriques, ne font toutefois pas mieux, voire plutôt moins bien en usage intensif. Sans oublier que si la future norme WLTP sera plus contraignante pour les moteurs turbo, elle ne le sera sans doute pas moins pour les autres. C'est donc du perdant-perdant...
Changeons de sujet pour nous concentrer sur l'agrément de 1798 cm3. Comme déjà dit, il n'est pas particulièrement souple. On pourrait pourtant imaginer l'inverse. Sur un véhicule encore plutôt léger, ça ne pose guère de souci. Du point de vue du caractère, le compresseur mécanique permet de se rapprocher d'un bloc atmosphérique. Presque creux sous 3.000 tr/min, le moulin s'active crescendo jusqu'à 6.800 tr/min. Le maximum du couple (250 Nm) est atteint à 4.800 tr/min. Si vous en avez marre des moteurs turbo qui se ressemblent tous et que vous voulez vous replonger quelques années en arrière, le bloc Toyota est donc fait pour vous ! La sonorité, sans être fantastique, est intéressante et contribue à l'atmosphère GTI.
L'autre bonne nouvelle – et mauvaise pour les rejets de CO2 – est l'étagement de la boîte. Les quatre premiers rapports, les plus utilisés sur une telle voiture, sont rapprochés. Les reprises sont excellentes et les performances, très intéressantes, comme en témoigne le 0 à 100 km/h catapulté en 6,4 secondes. Dommage que le guidage de la boîte (de la famille EC60) mériterait plus de précision.
SUR LA ROUTE
Première étape : la route, avant de rejoindre la piste de Castelloli. La première impression n'est pas très bonne car on comprend assez vite qu'il n'est pas possible de trouver une position de conduite idéale. C'est globalement souvent la même rengaine sur les citadines sauf que ça prend ici une tournure plus prononcée pour les grands gabarits à cause du volant qui tape dans les genoux. Les baquets étant plus hauts que les sièges classiques, sans que la hauteur maximale du volant n'ait évolué, ça complique forcément. Pour autant, on garde le sourire parce qu'on sent immédiatement qu'il peut se passer quelque chose. Le son émis au démarrage donne vie à cet instant. Les baquets sont très enveloppants, un peu trop presque, histoire de rappeler qu'un régime ne serait pas superflu. Sympa !
Les Japonais aiment les longues courses d'embrayage, et cela se vérifie encore. C'est ferme donc c'est sportif, dirons-nous. Et il n'y a pas que la pédale de gauche qui parait ferme, l'amortissement signé Sachs, aussi. Pourtant, on s'y fait rapidement et sur route, même bosselée, on ne souffre pas. A condition de ne pas passer un dos d'âne. La séquence d'autoroute permet de se rendre compte que le niveau sonore, certes plus élevé que la moyenne, demeure quand même correct. On est dans une GTI de toute façon, mince ! La sixième démultipliée a le mérite de reposer les tympans. Le ressenti à la direction est également bon. Ce n'est pas flou, on ressent tout de la route et ce n'est pas assisté à outrance. Nous validons !
Place enfin aux lacets à l'extérieur de Barcelone. Sur le papier, son gabarit est idéal pour s'y faire plaisir. Avec, en prime, un autobloquant Torsen pour épauler le train avant dans sa quête de suivre le tracé de la route, comment être déçu ? Et bien c'est simple, on ne l'est pas ! Le châssis a été rigidifié et la barre antiroulis à l'avant est de plus grand diamètre. En résumé, cela donne un train avant incisif, une direction aux petits oignons dispensée de remontées de couple (merci le compresseur) et des suspensions qui ne se tordent pas au premier virage en appui. Même le freinage (étriers quatre pistons et disques ventilés à l'avant) semble royal. A confirmer…
SUR LA PISTE
Le circuit est beau et long avec ses 4,1 km. Virages serrés, lignes droites et longues courbes en font un panel excitant pour tester tous les registres. Avec ses 212 chevaux, la Yaris est suffisamment bien dotée pour que l'on ne s'ennuie pas trop sur la ligne droite.
Le train avant est impossible à prendre en défaut : tout sous-virage est inexistant. Le train avant est depuis longtemps un axe de travail chez Toyota, comme l'en atteste la Celica GT-Four ST205 (un autre hommage au rallye) qui disposait déjà de pivots découplés, élément d'autant plus incroyable que c'est une quatre roues motrices.
L'intervention de l'ESP peut être retardée ou totalement coupée par la pression trois secondes du bouton. Le châssis rabaissé de 24 mm et les amortisseurs Performance limitent grandement la prise de roulis. La position de conduite est toujours délicate mais on finit par s'y faire. Le petit volant rappelle grandement celui la Peugeot 208 même si, en lisant à travers les lignes, les concepteurs de la GRMN se sont davantage inspirés de la philosophie de la Ford Fiesta ST 182 (bientôt remplacée) que de la Peugeot 208 GTI ou de la DS 3 Performance. Dans les faits, c'est plus discutable sur les petites routes où la Yaris reste sage de l'arrière. L'ESP est sans doute réglé pour cela car il est vrai que l'empattement court rend l'arrière bien plus léger sur circuit après que tout a été désactivé. Gare au levier de pied inadapté... Et encore, TGR avait décidé de nous mettre des pneus semi-slicks sur piste, à la place des Bridgestone Potenza servant à l'homologation de la voiture. Un essai circuit neutre serait intéressant, et même probablement un essai sur le mouillé car ça doit être plus rock 'n roll… Une bombe à ne pas mettre entre les mains de n'importe quel « rocketman » mais ça fait partie du plaisir !
CONCLUSION
:-) Futur collector Performances Etagement de boîte Châssis + Torsen de série Baquets enveloppants Direction Freinage Confort relativement préservé |
:-( Toutes vendues ! Position de conduite Guidage de boîte Design à assumer |
Fondamentalement sportive, mais pas inutilisable, la Toyota Yaris GRMN est une GTI comme on les aime, débordant de passion. Son moteur atypique en fait une offre unique sur le marché. Dommage que sa production si limitée fasse qu'il n'y en aura pas pour tout le monde…