MATCH : CATERHAM SEVEN 275 / RENAULT MEGANE RS TROPHY-R
ANTINOMIE
Avant de vous laisser crier au loup, précisons d'entrée que ceci n’est pas un comparatif à proprement parler. Cela ne pourrait de toute façon pas l’être tant la Renault Megane RS 275 Trophy-R et la Caterham Seven 275 sont différentes. Mais ces deux modèles étant situés dans la même zone de prix, cela nous a inspirés un comparatif d’un autre genre où s’affrontent deux strictes deux places aux concepts à la fois proches et radicalement opposées…
Texte : Sébastien DUPUIS - Photos : Thomas POSLUSZNY
Comme un symbole, l'appellation "275" qui définit nos deux protagonistes cache déjà une réalité bien différente. Pour la Megane, il s'agit de la puissance officielle du moteur (il donnerait plus que ça sur banc mais c'est un autre débat...). Pour l'anglaise, aussi appelée Seven 270 dans son pays d'origine, c'est nettement plus flou puisque le nombre de "chevaux à la tonne" qui sert de référence à la nomenclature Caterham lui aurait logiquement vallu de s'appeler Seven 250...
Un volant, deux places, trois pédales et quatre roues dont deux motrices, c'est en fait à peu près les seuls véritables points communs que l'on pourra trouver à ces deux sportives. Néanmoins, en dépit d'un mariage râté pour la renaissance d'Alpine, Renault Sport et Caterham sont animés par une même passion vicérale des voitures plaisir, abordables et particulièrement efficaces. Une philosophie plus proche qu'il n'y paraît même si les solutions mises en oeuvres ici semblent diamétralement opposées.
Alors si tout les oppose sur le papier, à quoi bon les comparer ? Et bien justement parce que nous défendons depuis toujours à L'Automobile Sportive, l'idée que le plaisir automobile ne revêt pas une seule et même forme mais bien une multitude d'approches, chacune avec ses qualités, ses défauts, ses adeptes et ses réfractaires...
PRESENTATION
Même avec un budget confortable de 40 à 45.000 €, s'offrir une voiture de sport ou une voiture plaisir peut être un véritable casse-tête car l'offre est abondante et les tentations multiples. Qu’est-ce qui fait que l’on s’orientera vers l’un ou l’autre de ces deux engins hors du commun ? La réponse est souvent personnelle et pas toujours rationnelle...
D’abord, il est difficile de les départager sur l’argument de l’exclusivité et de la décote. Les deux sont bien placées et sont d'authentiques "collectors" en puissance malgré leur mode de production diamétralement opposé. La Caterham Seven est un assemblage manuel de composants qui répond à des principes initiés il y a plus de 50 ans quand la Megane 3 RS est le résultat d'un travail ultra moderne à grande échelle. Le débat pourrait donc se résumer au charme de l'artisanat face à la rigueur industrielle mais cette version Trophy R de la Megane a bénéficié d'attentions particulières et d'une prodution très limitée qui lui confèrent un statut réeelement moins impersonnel que celui des autres versions.
Le choix est tout aussi cornélien concernant la carrosserie. Non pas pour opposer l'aluminium à l'acier, mais nous avons là l'opposition franche entre la conduite cheveux au vent d'un roadster pur et dur qui décuple les sensations face à la rigidité fermée d'un coupé, forcément plus aseptisé par nature.
Avec ses chromes et sa ligne d'un autre temps, la Seven suscite immédiatement la sympathie tout autour d'elle. Son charme rétro opère toujours aussi bien quand en face, le design beaucoup plus sujet à "obsolecence programmée" de la Megane et ses peintures de guerre vous feront plus facilement passer pour le "kéké" du coin auprès d'un public non averti que pour un connaisseur passionné... Le plaisir d'avoir un objet vraiment hors du commun pèse indiscutablement dans le choix de la Caterham. Mais la Megane Trophy R saura aussi séduire ceux qui n'aiment pas se fondre dans la masse et assument pleinement le fait de rouler dans une voiture de sport qui ne cache pas son jeu.
Alors qu'on se laisse tomber à quelques centimètres du sol dans le baquet de la Seven, où chaque centimètre est compté, en reprenant le volant de la Megane, on se croirait à bord d’un monospace. Minimaliste est un euphémisme quand on détaille l'intérieur de la Caterham et la finition globale fait passer notre française pour une compacte premium. Mais là n'est pas le sujet quand on en est rendu à devoir cocher une case option pour avoir de l'air chaud sur les jambes...
SUR LA ROUTE
Là encore, beaucoup d'oppositions dans les choix techniques. Le petit 1600 atmo de la Seven fait figure de moustique enragé face au "gros" 2.0 turbo de la Megane. Et pas seulement sur le plan sonore. Même la ligne Akrapovic de la française peut difficilement lutter avec le tube en inox situé à côté du passager de la Cat'. L'étagement ultra court de la boîte 5 Mazda de l'anglaise aide à faire "gueuler" la mécanique et ne lui permet pas de dépasser les 200 km/h en pointe, avant même que la Megane n'ait eu le temps de passer son 6ème rapport.
Avec pas loin d'une seconde d'écart sur le 0 à 100 km/h, les 540 kg de la Caterham font passer tous les efforts d'allègement de la Trophy R pour une vaste rigolade. Mais celle-ci rappelle vite à son aînée que soigner son aérodynamique c'est aussi utile pour aller vite et que le couple, c'est bon pour la santé. Avec pas loin du double de newton-mètres sous le pied droit, les relances de la hot hatch sont à peine moins énergiques que celle du low flyer et sur petite route sinueuse les deux se tiennent dans un mouchoir de poche.
Voyager vite c'est bien, voyager loin c'est mieux. Au moment de faire le plein, le match se ressere de façon inattendue. Non pas que la Caterham engloutisse jusqu'à 30L/100 km comme la Megane en conduite extrême, mais son réservoir de 30L ne lui permet pas d'envisager une autonomie aussi importante que la française, même avec une sobriété record pour ce niveau de performances. Si vous ajoutez le temps d'arnachement nécessaire, vous perdrez vite votre avance lors des ravitaillements sur un long trajet...
Vues de loin, ces deux voitures sont jugées inconfortables. Dans la réalité, c’est loin d’être vrai. Sur ce plan, la Trophy-R n’a plus rien à voir avec la feu la R26.R, grâce à ses fantastiques baquets Recaro Pole Position et les amortisseurs réglables Öhlins. Les trajets sur autoroutes et routes en mauvais état se font sans qu’un quelconque manque de confort ne se fasse ressentir. Plus pratiques, les ceintures de sécurité classiques sont fournies d’office, même en souscrivant aux harnais Sabelt. Tout aussi paradoxalement, lorsque vous affirmez qu’une Caterham est confortable, on vous regarde avec de gros yeux. Pourtant, passée l’étape de l’installation à bord (qui n’est pas si ardue avec un peu d’habitude et sans la capote...), on est bien et on termine sa balade sans avoir mal nulle part.
Et la sportivité, dans tout ça ? Si nos deux protagonistes ne s'en remettent qu'à deux roues motrices, on penche naturellement vers la propulsion. Pour autant, quand la traction en question ne sous-vire absolument pas, a un arrière joueur, et est en mesure de rendre le moins virage enthousiasmant, cela atténue quelque peu le handicap supposé. En revanche, en dépit d’une direction assistée excellente, l’absence d’assistance sur la Seven 275 est, forcément, d’un tout autre niveau.
Les sensations ? Là, il faut bien admettre qu’il est compliqué d’obtenir plus de sensations que dans une baignoire à quatre roues, le cul sur la route, les chevaux au vent et la tête dans les étoiles. On touche au nirvana. Mais c’est aussi son défaut. Ce que la Trophy-R perd sur ce terrain, elle le gagne en étant utilisable au quotidien et par tous temps. Bien sûr, mieux vaut ne pas rouler en hiver avec les Michelin Pilot Sport Cup 2, à moins d’être joueur… La Trophy-R, c’est la radicalité sans les contraintes. Aller travailler tous les jours avec elle revient au même que de se rendre au travail en Megane RS lambda, pour peu que vous ayez pris le pack Confort gratuit.
BUDGET
D’un côté, la Renault Sport, vendue 45.000 € (+2.200 € de malus), avec pour seules options - en dehors de la peinture - les accessoires du pack Record. Face à elle, une indémodable anglaise qui affiche 250 chevaux de la tonne, facturée près de 41.000 € (+ 900 € de malus), mais dotée d’un catalogue d’options plutôt bien garni. LA grosse différence de budget se fera malgré tout à l'usage, autant sur la consommation que sur l'usure des consommables, très clairement à l'avantage de la petite anglaise.
EN CHIFFRES
CATERHAM SEVEN 275 S PRIX NEUF (2015) : 40.975 € 8 CV FISCAUX 1596 cm3 135 ch à 6700 tr/mn 160 Nm à 4250 tr/mn Freins Av-Ar : Disques pleins Pneus (série) : 195/45 R15 540 kg Rapport poids/puissance (kg/ch) : 4 0 à 100 km/h : 5"0 1000m DA : NC |
RENAULT Megane III RS Trophy-R PRIX NEUF (2014) : 45.000 € 17 CV FISCAUX 1998 cm3 275 ch à 5500 tr/mn 360 Nm de 3000 à 5000 tr/mn Freins Av-Ar : Disques ventilés rainurés (340mm), étriers fixes 4 pistons - Disques ventilés (290mm), étriers flottants 1 piston Pneus (série) : 235/35 R19 91Y 1297 kg Rapport poids/puissance (kg/ch) : 4,7 0 à 100 km/h : 5"8 1000m DA : 25"1 |
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Essai détaillé de la Caterham Seven 275 S | Essai détaillé de la Megane RS Trophy-R |
LES NOTES
MODELE | PRESENTATION | MOTEUR | CHASSIS | PERFS. | BUDGET |
Caterham Seven 275 S | |||||
Megane RS 275 Trophy-R |
CONCLUSION
A l'issue de ce match amical France-Angleterre, il n’y a pas de bonne réponse à la question du meilleur choix ! Tout dépendra de l’utilisation que l’on aura de sa voiture plaisir, mais dans les deux cas celui-ci sera au rendez-vous. L’avantage de la Megane Trophy-R est qu’elle pourra plus facilement faire office de véhicule unique (tant que l’on n’a pas d’enfants, évidemment) tandis que la Caterham Seven est vraiment à considérer comme une seconde voiture, à moins d'avoir un petit penchant sado-masochiste... Finalement, le mieux est sans doute d’avoir les deux dans son garage !