ALPINE A110 S 300 ch (2022 - )
Alpine lâche la bride...
Sortie voilà déjà 5 ans, l'Alpine A110 connaît la seconde évolution notable de sa carrière. Avec une reprog' moteur, un look débridé à la sauce tuning et de nouveaux gommards, l'A110 S se veut plus affûtée que jamais pour retourner guerroyer - commercialement - sur des terres à domination germanique...
Texte & photos : Sébastien DUPUIS
La nouvelle Alpine A110 S se place au sommet de la gamme et met l’accent sur la performance. Son châssis Sport entend valoriser pleinement le nouveau potentiel du moteur qui accroche désormais la barre symbolique des 300 chevaux. Plus sportive dans l’âme que l'A110 de base (ex-Pure) que nous vous avons présentée il y a quelques semaines, elle propose même en option des pneus semi-slick et un kit aérodynamique inédit pour partir à l'assaut des circuits. Simple coup marketing ou réelle évolution ? C'est ce que nous avons voulu savoir avec ce nouvel essai de la petite sportive française...
PRESENTATION
L’ouverture des commandes de la "nouvelle gamme Alpine A110" a débuté le 24 novembre 2021. Avec ce millésime 2022, le constructeur Dieppois restructure le catalogue autour de trois versions à la philosophie différente : A110, A110 GT et A110 S. Si esthétiquement rien ne distingue vraiment la nouvelle "A110 2022", hormis un monogramme de version ajouté sur le bouclier arrière, les changements sont plus visibles sur l'A110 S qui propose un inédit "kit aéro" optionnel pour accompagner une hausse de puissance.
Moyennant un rajout de 5400 € sur la facture, on dispose d'une lame avant et d'un aileron arrière fixe en carbone apparent. Si l'esthétique de l'ensemble très typée tuning est discutable, c'est parce que cet appendice rapporté d'un magasin d'accessoires auto se pose en contradiction avec les principes de conception du dessin d'origine. En effet, la sobriété des lignes était justement obtenue grâce à un véritable diffuseur apportant le même appui qu'un aileron. Est-ce que la vitesse de pointe bridée posait problème ou bien les codes du marché ont-ils eu raison des designers ? Le kit est toutefois supposé apporter respectivement 81 et 60 kg d'appui supplémentaire à l'arrière et à l'avant... à 275 km/h. Oui, le kit aéro permet de gagner 15 km/h en pointe puisque l'option décale la bride électronique de vitesse. A allure plus "écoresponsable", difficile cependant d'évaluer l'apport réel d'une option qui pourra sembler superflue hors d'Allemagne...
Notre exemplaire d'essai arbore également une toute nouvelle teinte du catalogue : le "Orange Feu", option à 1850 €, qui s'accorde parfaitement avec les étriers de freins peints en orange de la version S. Mais il est possible de choisir une autre couleur, pour les étriers (400 €) comme pour la carrosserie. Le nuancier est même particulièrement riche depuis l'ajout des couleurs "Héritage". Le choix est plus limité pour les jantes : GT Race 18", noires de série ou diamantées en option (740 €) ou Fuchs 18" forgées couleur alu (1030 €) ou gris titane (1390 €). Enfin, le toit en carbone est lui aussi optionnel (2450 €) mais précisons au passage que l'A110 S est la seule variante qui peut profiter d'une peinture bi-ton avec toit noir (2000 €). La combinaison de ces deux options, visible ici, est possible sous forme de pack (3400 €).
HABITACLE
Comme nous avons eu l'occasion de le dire sur l'essai de la nouvelle A110 252 ch, la seule nouveauté à bord du millésime 2022 est un système multimédia mis à jour. Malheureusement, même s'il adopte enfin la compatibilité Apple/Androïd, ce pavé tactile de dimensions modestes nous rappelle surtout que l'A110 a déjà de la bouteille et que la concurrence premium propose beaucoup mieux aujourd'hui. Même constat concernant les graphismes désuets de l'instrumentation numérique.
Néanmoins, lorsqu'on s'installe au volant, de surcroît calé dans les baquets Sabelt (ici avec l'habillage en microfibre optionnel à 720 € ), on se sent réellement à bord d'une voiture pensée tout d'abord pour l'amateur de conduite et non celui de gadgets high-tech. Ces excellents sièges n'offrent cependant aucun réglage direct en hauteur ou en inclinaison. En gros, mieux vaut "fitter" d'emblée pour se sentir à l'aise sinon vous pourrez chercher un moment le réglage parfait... L'absence de vide-poche et boîte à gant est un autre témoin gênant des compromis du cahier des charges de cette A110. Pas vraiment gadget en revanche, compte tenu de la faible visibilité amputée par l'aileron, l'aide au parking arrière est de série. Dommage qu'Alpine réclame 1230 € de plus pour ajouter le radar avant et la caméra de recul, des équipements qui ne coûtent que 150 € de plus sur une Clio milieu de gamme. Le système Alpine Telemetrics est quant à lui de série sur l'A110 S, de même que la sono Focal. Drôle de sens des priorités...
Bien que le puriste regrettera éternellement l'absence d'un vrai levier de vitesses et d'une troisième pédale dans cette voiture, il faut au moins admettre que ces palettes imposées sont plutôt agréables à manipuler. Le pédalier sport et le repose-pied passager en aluminium sont spécifiques et de série sur la version S. En revanche, la finition, même agrémentée de l'option "Pack microfibre" à 1660 € (volant, ciel de toit, console centrale et planche de bord en microfibre noir) souffre toujours d'un manque d'homogénéité à cause de la présence de certains composants issus de modèles bas de gamme Renault (commandes de rétros, clim et radio) tout comme de plastiques durs toujours visibles sur les contre-portes. Si vous en doutiez, on n'est pas chez Porsche et, compte tenu de l'inflation qui touche cette version S, c'est de plus en plus dur à accepter.
MOTEUR
300 ch tout rond, c'est la puissance désormais affichée par le petit 1.8 Turbo de l'A110 S, à égalité avec la Megane 4 RS Trophy, ultime survivante de l'ère Renault Sport dont elle partage les entrailles mécaniques. Par rapport à la version 252 ch d'origine qui constitue toujours l'entrée de gamme, les 40 équidés supplémentaires de la précédente A110 S nous avaient déjà laissés un peu dubitatifs. La faute à une valeur de couple stagnante car bridée par la boîte EDC. Avec seulement 8 ch de plus cette fois, nous n'attendions donc pas de différence significative. D'ailleurs, il ne nous est jamais venu à l'idée de dire que l'Alpine A110 manquait de puissance, même avec 252 ch. Mais la version S a au moins eu le mérite d'apporter à ce moteur le sursaut de caractère à haut régime qui lui faisait défaut. Selon nos sources, il semble que la demande provenait surtout du réseau commercial export. "Horsepower sells" comme disaient les américains...
Cette nouvelle mouture confirme tout de même les progrès en agrément moteur car dans le même temps, Getrag, fournisseur de la boîte 7 rapports, a même pu gratter encore un peu de couple de cette transmission à double embrayage sans devoir rentrer dans les gros frais. Résultat, de 320 Nm maxi on passe à 340 et cela se traduit par des relance un poil plus vives à bas et mi-régime. Dans le même temps, le Launch Control peut se montrer plus agressif. Mais qui s'en sert vraiment ? Les chronos ne montrent en tout cas un léger gain en performances : 4,2 s de 0 à 100 km/h contre 4,4 pour l'A110 S de 292 ch. Une plus-value relativement "négligeable" dans la vraie vie.
Le 1.8 TCe prodigue en revanche toujours la même sonorité rauque, à défaut de mélodieuse, qui tend à évoquer la berlinette historique par l'amplification du bruit d'admission dans l'habitacle. Elle est ponctuée à chaque ralentissement des pétarades autorisées par l'échappement actif sur les modes Sport et Race. Assez vite lassants, ces effets devenus incontournables pour stimuler les sens sur les sportives modernes manquent toujours de naturel. Mais à l'heure où les automobiles commencent à diffuser des sons de vaisseaux spatiaux via des haut-parleurs, c'est un moindre mal...
La petite évolution moteur s'accompagne également d'un recalibrage de la gestion de la boîte double embrayage et disons-le clairement, elle n'a plus rien à voir avec la première EDC qui équipait la Clio 4 RS ! Dans l'A110 S, elle dévoile même un caractère brutal en mode Race rapidement addictif avec ses changements de rapports marqués d'un coup sec par une rupture de charge digne des meilleures boîtes séquentielles. A l'inverse, le mode automatique permet de rouler l'A110 dans le trafic urbain avec la même douceur qu'un Scénic des familles, tout en ayant une réactivité satisfaisante en cas de besoin urgent de "patate". Entre les deux, le mode Sport se montre plutôt convaincant en conduite rapide mais pêche toujours par un passage du rapport supérieur contraint à l'approche du rupteur. Une chose dont seul le mode Race dispense en laissant intégralement la main au pilote, y compris en coupant l'ESP. A noter enfin, une vmax atteinte sur le 7ème rapport qui n'est donc plus là que pour abaisser le CO2.
SUR LA ROUTE
Le meilleur moyen de découvrir la véritable étendue des talents de cette A110 S "kit aéro" est de se rendre sur un circuit, c'est d'ailleurs sa vocation première. Faute de date disponible, nous avons opté pour de petites routes pas trop fréquentées mais suffisamment sinueuses pour se faire une idée des capacités dynamiques de l'engin. L'A110 S y dévoile rapidement un châssis dont la rigueur n'a plus rien en commun avec le côté "joueur" de la version de base, loué par les critiques dithyrambiques de certains medias au lancement. Pour notre part, loin d'avoir été convaincus, nous avions surtout constaté sur la "Première Edition", un amortissement beaucoup trop souple sur piste. L'endurance ne semblant pas être non plus le point fort de ces amortisseurs, il est possible que nous ayons eu un exemplaire quelque peu "rincé" mais les fondamentaux restent les mêmes (cf. essai de l'A110 252 ch 2022).
Les retrouvailles avec l'A110 S nous offrent fort heureusement une toute autre physionomie où la sportivité se conjugue à l'efficacité, n'en déplaise aux amateurs de glisse en mode drift. En conservant les mêmes réglages châssis que la précédente A110 S - à savoir : ressorts et barres antiroulis recalibrés, géométrie de trains spécifique, ressorts hélicoïdaux 50 % plus raides, amortisseurs réglés en conséquence, barres antiroulis creuses pour minimiser le poids et plus fermes de 100 %, hauteur de caisse réduite de 4 mm, butées hydrauliques différentes - l'ajout de pneus Michelin Pilot Sport Cup 2 au catalogue des options (740 €) semble pouvoir être salué plus directement que celui du kit aéro. Disposant de l'ensemble, notre A110 S se hisse dans un registre qui ne consiste plus seulement à faire "mumuse" en tortillant de la croupe. Destinée à taper du chrono et à faire mal à la concurrence, l'A110 S est effectivement plus redoutable que jamais. Facile à placer, douée d'un train avant plus accrocheur et donc moins sujet au sous-virage que précédemment et d'un arrière qui passe sans problème tout le couple au sol (au moins sur sol sec), ce jouet ne demande qu'à enchaîner les courbes avec une dose supplémentaire de g latéraux en procurant un plaisir fugace mais certain.
Même si on finit par vouloir le beurre et l'argent du beurre avec la généralisation des amortissements pilotés, au moins dans cette configuration l'A110 contient bien ses mouvements de caisse. Certes, il faut accepter une certaine fermeté en toutes circonstances et tout particulièrement en ville sur les ralentisseurs qui polluent nos rues, mais selon nous le châssis sport demeure plus convaincant que le châssis standard. Le châssis sport a aussi pour avantage de rendre la conduite de l'A110 moins "feutrée", notamment car sa direction pêche toujours par une trop grande neutralité. Même en se raffermissant agréablement à partir du mode Sport, on est loin du feeling d'une Élise pour ne citer qu'elle.
Un dernier mot sur les freins, composés de disques ventilés bi-matière de 320 mm à l'avant comme à l'arrière et d'étriers fixes Brembo à 4 pistons devant. S'il peut éventuellement manquer de mordant au premier abord, le freinage de l'A110 S permet en réalité d'appliquer un dosage fin sur la pédale tout en se montrant très convaincant sur les distances et l'endurance.
ACHETER UNE ALPINE A110 S 300 CH
Affichée à partir de 72500 € en cette fin d'année 2022, le tarif de l'Alpine A110 S a connu une sérieuse inflation : 1000 € de plus depuis l'ouverture des commandes mais surtout, 5000 € supplémentaires par rapport à la version 292 ch essayée en 2020 ! Par ailleurs, vous aurez noté au fil de cet essai que la politique des options chère aux premiums Allemands a fait des émules chez le Français. Il en ressort que notre modèle d'essai tout équipé frôle les 85 000 €. Les esprits chauvins pourront rétorquer qu'une Porsche 718 S aux performances proches (0 à 100 en 4"6) reste plus chère à l'achat (74116 €) tout comme à l'immatriculation, subissant un malus quasiment dissuasif avec ses 224 g de co2/km. Et c'est vrai, l'atout principal de notre berlinette tricolore est là encore son faible poids qui lui permet d'écoper d'une surtaxe de "seulement" 1276 € dans le meilleur des cas contre près de 40000 pour la petite Porsche qui en pratique ne bénéficie quasiment pas du plafonnement à 50% du montant TTC de la facture une fois ajouté quelques options...
L'autre raison pour laquelle Alpine aurait tort de ne pas profiter de sa situation unique, c'est que la concurrence est devenue quasiment inexistante sur son segment direct depuis la disparition de la Lotus Elise/Exige l'an dernier et le l'Alfa Romeo 4C en 2019. Pour s'offrir un petit coupé biplace sportif aux performances similaires dans cette gamme de prix, il ne reste donc plus que la Toyota GR Supra (52400 € + malus 2370 €) et sa cousine la BMW Z4. Autre alternative "envisageable" parmi les coupés, avec deux places supplémentaires, la Ford Mustang GT V8... affichée seulement 58400 € mais écopant d'un très gros malus ou encore l'Audi TT S (66830 €) avec un malus plus raisonnable mais dans un registre bien différent là encore.
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
ALPINE A110 S 300 ch
MOTEUR
Type : 4 cylindres en ligne, 16 soupapes à levée variable
Position : central AR
Alimentation : Injection directe + turbocompresseur monoscroll avec échangeur
Cylindrée (cm3) : 1798
Alésage x course (mm) : 79,7 x 90,1
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 300 à 6300
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 340 de 2400 à 6000
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports) : double embrayage EDC (7)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés sur bol (320), étriers fixes 4 pistons/1 piston
Pneus Av-Ar : 215/40 - 245/40 R18 (Michelin Pilot Sport 4 ou Pilot Sport Cup 2)
POIDS
A vide en ordre de marche (kg) : 1109-1140
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 3,7
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 260 (275 avec kit Aéro)
1000 m DA : 22"4
0 - 100 km/h : 4"2
CONSOMMATION
Moyenne WLTP (L/100 km) : 6.8-7.0
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 10.4
CO2 (g/km) : 153-160
PRIX NEUF (09/2022) : 72.500 €
PUISSANCE FISCALE : 18 CV
CONCLUSION
Arrivée à mi-carrière, nous aurions aimé voir plus d'évolutions sur cette "nouvelle" Alpine A110 S que simplement 8 ch supplémentaires, de nouveaux pneus et un kit carrosserie. Visant surtout à se repositionner sur les marchés où la puissance reste un critère d'achat important et à faire passer un tarif de plus en plus élitiste, la nouvelle mouture ne fait pas vraiment d'ombre à la précédente. Néanmoins, la recette se bonifie par petites touches et personne ne s'en plaindra car l'A110 est devenue une sportive redoutablement efficace dans cette configuration. La proposition d'Alpine reste suffisament différente et pertinente pour trouver son public, surtout lorsqu'on annonce une remplaçante électrique…
L'un des derniers petits coupés à moteur thermique...
Performances
Châssis Sport redoutable
Boîte EDC encore améliorée
Malus "amical"...
…mais tarif en hausse...
... et beaucoup d'options
Finition pas assez "premium"
Manque de feeling de la direction
Trop peu de rangements à bord