© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (26/05/2012)
POUR LA GLOIRE
En 1985, Michèle Mouton remporta la course de montagne américaine de Pikes-Peak. Les quelques 23 victoires en seulement 5 ans firent de l'Audi quattro la plus performante voiture de rallye jamais produite depuis les débuts de la coupe du monde. Par la même occasion, la version civile de ce monstre sacré des rallyes devenait un objet de culte absolu...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
L'Audi quattro a dominé le championnat du monde 1982, mais elle
avait quelques problèmes. Les pilotes n'aimaient pas son maniement,
et la fiabilité mécanique était perfectible.
Quand Lancia remporte le championnat des constructeurs de 1983,
Audi se trouve blessé dans son orgueil : la transmission
intégrale seule, n'est plus la clé de la victoire. Soucieux
de persévérer avec succès dans une discipline
qui lui apporte les retombées médiatiques et commerciales
souhaitées, Audi construit donc une nouvelle auto : la Sport
quattro.
PRESENTATION
Après concertation avec les pilotes, le cahier des
charges est défini par la direction Audi. Mais en dépit
des critiques de certains pilotes qui reprochent à l'auto
son caractère trop sous-vireur, à Ingolstadt on s'attache
à conserver pour les voitures de compétition une
architecture proche de celle des modèles de série,
cela afin que les clients assimilent au maximum leurs voitures à celles qui gagnent en rallye. Donc, tandis que les autres constructeurs
adoptent en masse le moteur central arrière - Peugeot 205 T16, Lancia 037, Ford RS200, Metro 6R4 notamment - Audi persiste avec son coupé
à moteur en porte-à-faux avant mais entend bien s'adapter
au mieux au règlement du Groupe B. Un prototype à moteur central sera pourtant réalisé, puis abandonné et détruit. Afin d'augmenter l'agilité de la voiture et de
réduire son poids, la carrosserie de la nouvelle Sport quattro est en grande partie réalisée
en Kevlar. Elle repose sur un châssis de ur-quattro dont l'empattement a été
réduit de 32 cm. Le coupé Audi Sport quattro de série est évidemment loin du poids
minimum autorisé en compétition avec ses 1300 kg, mais les performances de
cette véritable voiture de course en tenue bourgeoise ont de quoi faire fantasmer le public de l'époque.
Presque deux ans après sa sortie, l'Audi Sport Quattro est officiellement présentée à la presse. Raison d'une pareille discrétion de la part d'Audi : construits à la hâte pour les besoins de l'homologation de la version Gr.B engagée en championnat du monde des rallyes, les 200 modèles destinés aux clients manquaient de finition et de fiabilité. Après ce retour à l'usine, on découvre donc une voiture réellement aussi luxueuse que performante dont Herbert Von Karajan fut le premier client livré, en avril 85. Il put ainsi admirer pour commencer les superbes baquets Recaro chauffants en cuir et tissu, matière qui recouvre également la pseudo banquette arrière et les montants de portières. La couche supérieure du tableau de bord, d'un style modernisé, est en polyuréthane souple et le volant en cuir est pourvu d'une zone anti-choc en mousse. L'instrumentation comprend un tachymètre, un compte-tours, un indicateur de pression de suralimentation, un voltmètre et un indicateur de niveau de carburant ainsi qu'une montre digitale à affichage à cristaux liquides. Il est complété par l'indicateur de température du liquide de refroidissement, l'indicateur de température d'huile et l'indicateur de pression d'huile montés sur la console centrale. L'équipement de série embarque également un radiocassette stéréo de qualité avec 4 haut-parleurs Hi-fi, preuve que la clientèle visée par cette série 200 d'exception est relativement aux antipodes de la vocation première de la voiture ! L'Audi Sport quattro est également équipée d'un système ABS. Ce module électronique de seconde génération a été conçu tout spécialement pour le système à 4 roues motrices. Si on utilise les dispositifs de blocage des différentiels, l'ABS est mis automatiquement hors fonction. Si on le désire, on peut aussi mettre le système antiblocage hors fonction en actionnant un commutateur, ce qui est indiqué par un témoin au tableau de bord. L'Audi Sport quattro est aussi équipée en série d'une direction assistée. Disponible en 5 coloris uniquement,
le Sport quattro fut majoritairement vendu en rouge Tornado. On trouve
aussi quelques modèles en blanc Alpin, en bleu Copenhague,
en vert Greenwood ainsi que deux Sport quattro
en livrée noire métallisée (Darkschwartz), offerts à
Ferdinand Piech et à Walter Rhörl.
MOTEUR
Parmi ses contraintes,
le coefficient "turbo" fixé à 1,4 conduit Audi à ramener
la cylindrée à 2133 cm3 pour rester dans la catégorie
des 3 litres et bénéficier d'un poids minimum de 960 kg, comme la
205 T16, contre 1100 kg précédemment. Doté d'un nouveau bloc en alliage
d'aluminium chemisés, le 5 cylindres Audi de la Sport quattro est coiffé d'une
nouvelle culasse "crossflow" à 2 arbres à cames (DOHC) et 4 soupapes par cylindre (20V).
La culasse est de forme particulièrement étroite, l'angle des soupapes n'étant que de 25°. Les deux arbres étant très proches, la came d'admission peut être entraînée, par l'intermédiaire de deux pignons à denture oblique, par la came d'échappement, elle-même entraînée par une courroie crantée. La bougie se trouve exactement au centre, entre les quatre soupapes et c'est la première fois que les soupapes sont disposées de façon asymétrique sur une culasse à quatre soupapes par cylindre. L'ensemble de l'allumage et de l'alimentation est géré par la nouvelle injection électronique Bosch LH Jetronic. Le taux de compression est de 8:1. Avec son gros turbo KKK K27 soufflant à 1,05 bars, le coupé
Audi Sport quattro délivre une puissance de 306 chevaux et
un couple de 350 Nm dans sa version route. Le turbo possède son propre circuit d'huile et et des paliers refroidis par eau. Grâce à un rapport poids/puissance avantageux de 4,4
Kg/ch qui compense un piètre Cx de 0,48, la Sport quattro fusille le 0 à 100 km/h en 4"9 seulement. Pour stopper une telle cavalerie, les nouveaux étriers de freins à 4 pistons n'étaient pas de trop ! Un petit étrier flottant supplémentaire sur l'essieu arrière sert de frein à main. Au demeurant, la Sport Quattro vous rappelle qu'elle possède désormais un empattement réduit en n'appréciant guère les freinages en grandes courbes où son train arrière a parfois une légère tendance à déboîter.
ACHETER UNE AUDI SPORT QUATTRO
Cette véritable pièce de collection ne sera
produite qu'à 214 exemplaires, soit un peu plus que
le minimum de 200 exemplaires requis pour l'homologation Groupe
B. Toutes ne quitteront pas l'usine, certaines étant utilisées
pour divers tests et réservées à Audi Sport. Concernant le coupé Sport Quattro, les choses se gâtent
car on entre ici dans le domaine du Collector... Au bout du compte,
ce sont 175 Sport quattro qui seront effectivement cédées à des
clients particuliers et... fortunés. En effet, côté prix, le coupé
Quattro Sport bat évidemment des records. Rien d'étonnant
à cela vu le patrimoine sportif et historique du modèle
et sa grande rareté. Une telle débauche de technologie mise
en oeuvre pour une série limitée a forcément un prix conséquent.
Commercialisée à 750.000 francs en 1985, elle se négocie aujourd'hui autour de 150.000 euros. Un prix qui a été multiplié par 3 en moins de 10 ans...
COMPETITION
Audi débute brillamment sa saison sportive 1984. Ces victoires donneront le titre pilote à Stig BLOMQVIST et le titre constructeur à AUDI. Pour donner la réplique à une Peugeot 205 turbo 16 de plus en plus menaçante , Audi sort en Corse son arme absolue, la Sport Quattro. Homologuée le 1er avril 1984, à la même date que le 205, elle est confiée à Walter RÖHRL. Le nouveau moteur qui l'équipe est l'oeuvre du Dr Fritz INDRA. Il ne développe alors "que" 420 ch mais son potentiel est énorme ! A compter de ce Tour de Corse 1984, le monde des rallyes bascule dans la démesure. Apparaissent sur les pistes des monstres mécaniques qui feront la renommée planétaire de l'épreuve mais précipiteront aussi sa fin. Avec sa taille réduite de 32 cm par rapport au coupé quattro, la Sport Quattro évolue en 1985 pour rester compétitive face à la Peugeot. De nombreuses évolutions ont été essayées tout au long de la saison, concernant la répartition du poids avec le transfert des radiateurs d'eau et d'huile dans le coffre, une boîte à 6 rapports à double embrayage à commande pneumatique, le refroidissement des freins par eau, etc. La spectaculaire version "Evolution" (Sport Quattro S1) est introduite au Rallye d'Argentine. Forte de 476 ch officiellement, plus de 500 en pratique, elle n'obtient pourtant qu'une seule victoire, avec Walter RÖHRL au Rallye Sanremo. En 1986, Audi fait subir les dernières évolutions à une voiture en fin de carrière.
Au Monte-Carlo, Mikkola et Röhrl se classent respectivement aux 3ème et 4ème places. Ce sont les seuls points de l'année et Audi décide de se retirer après le terrible accident mortel de Henri Toivonen et Sergio Cresto au Tour de Corse. Ce retrait précède de peu l'arrêt officiel du groupe B. Mais un dernier triomphe attend la S1 : animée par un moteur de 600 ch et pilotée par Walter Röhrl, elle remporte en 1987 la course de côte de Pike's Peak, la « Race to the Clouds », dans le Colorado aux USA, faisant suite aux victoires de Michèle Mouton et Bobby Unser. Bardée de gigantesques ailerons, la Quattro S1 ne fit qu`une bouchée de la montée sableuse et caillouteuse. Sur les 20 km du parcours, Röhrl parvint à atteindre 196 km/h !
:: CONCLUSION
L'Audi Sport Quattro est avant tout une voiture qui a marqué
l'esprit de nombreux passionnés d'automobile en révolutionnant
le paysage automobile mondial. A ce titre, compte tenu de sa rareté et de ses performances exceptionnelles, elle constitue un collector très prisé. |